Le cadre théorique de l’intégration révèle des différences surprenantes entre l’Union africaine et l’Union européenne. Alors que l’UA prône une adhésion universelle, l’UE impose des critères stricts, soulevant des questions cruciales sur l’avenir de l’intégration régionale en Afrique.
Section 2 :
Les organes techniques et consultatifs
Ce sont les organes de contrôle et autres institutions importants pour
l’intégration des peuples.
Paragraphe 1 : Les organes de contrôle
Tout ordre ne peut subsister que si ses règles sont contrôlées par une autorité
indépendante. Dans un regroupement d’États souverains, les règles communes
risqueraient, si elles étaient surveillées par des juridictions nationales, d’être
interprétées et appliquées différemment selon les pays. Le droit de l’Union pourrait
donc ne pas être appliqué uniformément. C’est la raison qui justifie la création
d’organe juridictionnel commun et des instruments de suivi et d’application, dans le cadre d’une organisation d’intégration. C’est le cas de la Cour de Justice de l’UE et de la Cour de Justice et Cour africaine des droits de l’homme, dont la fusion pour une
seule Cour de Justice et des Droits de l’homme est envisagée ainsi que divers
mécanismes de suivi au sein de l’UA.
A- La Cour de Justice et de droits de l’homme de l’UA à opérationnaliser
Dans l’institutionnel de l’UA, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CAfDHP) a été créée en vertu de l’article 1er du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, portant création d’une Cour africaine
des droits de l’homme et des peuples qui a été adopté en juin 1998 par les États
membres de l’OUA à Ouagadougou au Burkina Faso. Le Protocole est entré en
vigueur le 25 janvier 2004.
La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples débuta son activité en juin 2006 et fixa son siège à Arusha, en Tanzanie.
Onze juges y siègent, élus par le Conseil exécutif et nommés par la Conférence
de l’UA à partir d’une liste de juristes africains désignés par les États parties au
Protocole.
Etablie pour élargir et renforcer la Commission africaine des droits de l’homme
dans son travail, la Cour a compétence pour prendre des décisions définitives et
obligatoires sur des violations des droits humains commises dans les différents Etats de l’UA.
Sa juridiction comprend l’interprétation et l’application de la Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples, du protocole de la Charte d’établissement de la Cour africaine des droits humains et des peuples, et de tout autre instrument des droits humains ratifié par les Etats parties d’une affaire.
Afin de répondre au grief lié à l’indépendance et à la faiblesse du pouvoir de la
Cour, le Protocole limite, en son article 15, le mandat des juges qui n’est renouvelable qu’une seule fois et donne une force exécutoire aux décisions de la Cour africaine.
Installée en Tanzanie en 2007, cette instance est fonctionnelle, mais provisoire, puisqu’une décision de fusion de la Cour de justice de l’UA et de celle des droits de l’homme a été prise dès juillet 2004 (Confer Décision Assembly/AU/Dec.45(III).
Cette nouvelle instance ne remplace pas la Commission africaine, mais tend à
compléter et renforcer sa mission selon le Protocole de Ouagadougou de 1998 qui
aborde la question de la complémentarité entre ces deux organes. Elles exercent les mêmes fonctions à l’exception du contentieux. Ainsi, en cas de violations des droits de
l’homme, l’un ou l’autre organe sont compétents. Néanmoins, si les États peuvent
saisir directement la Cour africaine, les individus et les ONG ne peuvent saisir la Cour africaine que si l’État en cause a reconnu la compétence de la Cour africaine par une déclaration ultérieure auprès de l’UA (Article 34-6 du Protocole portant création de la Cour) ; dans le cas contraire, ils doivent saisir la Commission africaine. A ce propos, il
faut signaler que seuls neuf (09) États sur les 30 qui ont ratifié son Protocole, ont
reconnu le droit à leurs citoyens de saisir la Cour africaine. Ces pays sont le Benin, le
Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, le Malawi, le Mali, la Tanzanie et la Tunisie42.
Le système africain des droits de l’homme institue une relation
d’interdépendance entre ces deux mécanismes, mais vu son accessibilité, la
Commission africaine reste l’organe principal de protection des droits de l’homme en Afrique.
Ce qui explique que la Cour africaine n’a reçu que très peu de plaintes par
rapport à son potentiel. Les statistiques de juin 2019 montrent que depuis sa création la
Cour n’a reçu que 202 dossiers, dont 187 affaires déposées par des individus, 12
déposées par des ONG et 03 par la Commission. Sur les 202 affaires reçues, 52 sont finalisées, 04 sont transférées à la Commission et 146 sont encore pendantes.
42 Sur les neuf, deux viennent de retirer cette compétence vis-à-vis de leurs citoyens : le Bénin et la Côte d’Ivoire.
En janvier 2016, la Conférence de l’UA, dans le cadre d’une décision de
rationalisation des méthodes de travail de l’UA, a décidé de donner aux individus,
dans certaines circonstances, le droit de soumettre directement une pétition à la Cour
sur l’application ou autre des décisions de l’organe politique de l’UA
(Assembly/AU/Dec.597(XXVI)).43
Mais, la Cour africaine n’est pas compétente pour connaître des litiges qui
pourraient naître entre organes de l’UA sur l’interprétation ou l’application de ses textes.
Pour combler ce vide, l’Acte constitutif de l’UA a préconisé la mise en place
d’une Cour africaine de Justice comme l’un des principaux organes de l’UA. Le
Protocole relatif à la Cour africaine de justice, adopté en juillet 2003, est entré en
vigueur en février 2009. Au mois de septembre 2018, 44 États membres avaient signé le Protocole et 18 l’avaient ratifié.
Cependant, cette Cour africaine de Justice n’a jamais vu le jour. À sa session de juillet 2008, la Conférence de l’UA a décidé de fusionner la Cour africaine de justice
et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples pour former la Cour
africaine de Justice et des Droits de l’Homme. La Conférence a adopté le Protocole de
2008 portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme pour
fusionner les deux cours (Assembly/AU/Dec.196(XI)).
Le Protocole de 2008 a remplacé le Protocole de 1998 portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ainsi que le Protocole de 2003
instituant la Cour africaine de justice. Néanmoins, le Protocole de 1998 reste
provisoirement en vigueur afin de permettre à la Cour africaine des droits de l’homme
et des peuples qui était opérationnelle avant l’adoption du Protocole de 2008 de
transférer ses prérogatives, ressources, droits et obligations à la Cour africaine de
justice et des droits de l’homme lorsque celle-ci prendra ses fonctions.
43 Assembly/AU/Dec.597(XXVI) fait référence à l’article 36 du Protocole. Dans la réalité, il s’agit de l’article 34, alinéa 6.
L’article 28 des statuts de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme, annexés au Protocole de 2008, stipule que la Cour a compétence pour connaître de
toute affaire ou différend d’ordre juridique relatif notamment à l’interprétation et à
l’application de l’Acte constitutif de l’UA, des traités de l’Union, à tous les
instruments juridiques dérivés, de la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples (Charte africaine des droits de l’homme), de la Charte africaine des droits et
du bien-être de l’enfant (Charte africaine des droits de l’enfant), du Protocole à la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo), de tout autre traité sur les droits de l’homme auquel l’État concerné est partie, et de toute question de droit international.
En juin 2014, la Conférence a adopté un nouveau Protocole portant
amendements au Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de
l’homme (Assembly/AU/Dec.529(XXIII)). Au mois de septembre 2018, 11 États
avaient signé le Protocole de 2014 mais aucun ne l’avait ratifié.
La réflexion sur la réforme institutionnelle de l’UA pourrait concerner la
création de la Cour de justice de l’UA au sein de laquelle il sera institué une chambre des droits de l’homme, ou une Cour de justice et une Cour des droits de l’homme. L’option à choisir dépendra des moyens humains et financiers de l’UA.
Vu le rôle déterminant joué par la Cour de justice de l’UE dans l’enracinement
de l’intégration et le développement de l’ordre juridique européen, l’opérationnalisation de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme est
vivement attendue comme indispensable au renforcement de l’intégration juridique et judiciaire de la région africaine.
B- Des mécanismes de suivi à créer
L’existence de systèmes adéquats de suivi et d’application est d’une importance essentielle non seulement pour garantir de réels progrès et une bonne gestion de ce
processus, mais aussi pour renforcer la légitimité et la crédibilité. De tels systèmes
sont nécessaires à la fois au sein des institutions individuelles et entre elles. Chacune de ces institutions doit disposer de son propre système interne de suivi et de reddition
de comptes. La CUA doit rendre compte à la Conférence des États membres. Le
Parlement panafricain et l’ECOSOCC doivent pouvoir demander des comptes à la fois à la Commission et à la Conférence. La Cour de justice doit être compétente pour juger
des divergences d’opinion entre les institutions. Les règles de participation sur la
manière dont les organes sont liés entre eux seront d’une importance croissante à
l’avenir, au fur et à mesure de la progression de l’intégration continentale.
Un système permettant de veiller au respect des engagements est également nécessaire.
Dans le dispositif actuel, la Conférence et le Conseil exécutif disposent de
pouvoirs limités pour sanctionner les membres en cas, par exemple, de non-paiement des contributions. De plus, la CUA est censée jouer un rôle de « gardienne des traités » mais ne dispose en fait d’aucun instrument pour obliger les Etats à les appliquer. Son action dans ce domaine dépend par conséquent de la bonne volonté des autres acteurs, disposés ou non à jouer leurs rôles de manière appropriée et constructive. Il n’existe
donc pas de moyens de mettre en demeure des États membres, ou le cas échéant
d’autres acteurs de l’intégration africaine, ne respectant pas leurs engagements dans le cadre desdits traités. A terme, la Cour de justice pourrait bien avoir un rôle important à jouer ici, en clarifiant l’interprétation de certains points et en imposant des sanctions légales, mais avant toute chose, les règles doivent être claires.
S’il est vrai qu’en matière de promotion de l’intégration régionale, l’Afrique
s’est grandement inspirée de l’Europe, il existe un aspect où l’Afrique a quelque chose d’ingénieux à apporter à l’Europe en termes de contribution : le Mécanisme africain
d’évaluation par les pairs (MAEP). En effet, le MAEP est un instrument important
pour le suivi des progrès en matière d’administration et de bonne gouvernance ;
seulement il est resté, à l’instar du NEPAD, quelque peu longtemps à côté de l’UA.
L’Architecture africaine de gouvernance bénéficierait d’institutionnalisation plus
renforcée du MAEP et de liens plus étroits de ce dispositif avec les instruments et
institutions de gouvernance sur le continent africain.
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les organes de contrôle de l’Union africaine ?
La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CAfDHP) est un organe de contrôle important pour l’intégration des peuples au sein de l’Union africaine.
Comment la Cour africaine des droits de l’homme fonctionne-t-elle ?
La Cour africaine des droits de l’homme a compétence pour prendre des décisions définitives sur des violations des droits humains et son mandat est limité à un renouvellement unique des juges.
Quels pays ont reconnu le droit de leurs citoyens de saisir la Cour africaine ?
Neuf États, dont le Bénin, le Burkina Faso, et la Côte d’Ivoire, ont reconnu le droit à leurs citoyens de saisir la Cour africaine des droits de l’homme.