Le renforcement des institutions de l’UA est crucial pour surmonter l’immobilisme actuel. En révélant des lacunes institutionnelles surprenantes, cette étude propose des réformes audacieuses qui pourraient transformer l’intégration régionale en Afrique, avec des implications significatives pour l’avenir du continent.
Paragraphe 2 : La Commission, cheville ouvrière institutionnelle à renforcer
Au cœur de l’immobilisme reproché à l’UA se trouve une tension entre le bras
politique de l’organisation (les dirigeants qui se réunissent et votent les décisions
prises lors de sommets biennaux) et son bras technique (la CUA), selon les experts du
Centre d’études stratégiques de l’Afrique41. C’est pourquoi, en vue de relancer la
machine, il conviendrait que la Commission soit renforcée dans ses pouvoirs et qu’il y ait une délégation de pouvoir en faveur d’un commissaire, chargé de porter la voix de l’Union ainsi qu’il est observé au sein de l’Union européenne.
A- Commission aux pouvoirs plus étendus
Le moins qu’on puisse dire est que le processus d’intégration africaine est
ralenti par des rivalités institutionnelles de l’organisation continentale. Ces rivalités
sont dues à une absence de clarté quant aux mandats et aux rôles respectifs. Peu de débat ont lieu sur la question de savoir qui (c’est-à-dire la CUA, les CER ou les États
membres) est mieux placé pour agir à chaque niveau de ce processus africain
d’intégration, sur la base du principe de subsidiarité.
Si une vision commune a bien été formulée quant à la destination finale de
l’intégration africaine (la création envisagée des États-Unis d’Afrique), d’importantes divergences d’opinions persistent quant à la voie à suivre pour y parvenir et le rythme auquel l’unité doit progresser. Un certain nombre d’États africains ne sont clairement pas partisans d’un transfert de mandats, de compétences et de pouvoirs à un organe supranational panafricain.
D’autres au contraire souhaitent avancer plus vite dans cette voie. La relation entre l’UA et les CER a été beaucoup trop longtemps une relation de concurrence plutôt que de coopération. Les CER ont désormais des agents de liaison à Addis-Abeba au siège de la CUA. A l‘origine, ces agents étaient chargés des questions de paix et de sécurité, mais on fait de plus en plus souvent appel à eux pour des tâches de liaison plus générales.
41 Centre d’Études Stratégiques de l’Afrique, « Entre réformer ou poursuivre sur la même lancée, l’Union africaine hésite », Infographic, 1 mai 2019, https://africacenter.org/fr/spotlight/entre-reformer-ou-poursuivre-sur-la-meme-lancee-lunion-africaine-hesite/ page consultée le 30 octobre 2020
De même, des questions cruciales, telles que l’ordre et le rythme selon lesquels le continent africain devrait avancer vers l’intégration dans divers domaines, restent
encore sans réponse. De la même manière, les interconnections entre ces différents
domaine et la manière dont les avancées dans un domaine dépendent parfois des
résultats obtenus dans un autre, ne sont pas toujours correctement identifiées. C’était
également l’un des points faibles du Programme de transformation institutionnelle
(PTI) de la Commission de l’Union africaine et cela explique en partie pourquoi ce
programme n’a pas eu les effets escomptés. La planification de processus aussi
complexes de changement est par définition une entreprise particulièrement ardue, qui requiert par conséquent un suivi attentif, ainsi que des mises à jour régulières et des ajustements en cours de route.
Pour réussir, tout projet d’intégration a besoin d’institutions centrales
autonomes et crédibles, pouvant jouer un rôle de moteur. Une CUA forte gagnerait en crédibilité si elle disposait du droit d’initiative et des pouvoirs nécessaires pour mettre
en œuvre les décisions prises et veiller à l’application des traités. En l’absence de
pouvoirs supranationaux, la CUA ne peut pas jouer de manière efficace son rôle de
moteur ou de coordinateur de l’intégration africaine. Dans la situation actuelle, le
président de la Commission ne dispose d’aucun pouvoir spécifique de coercition
puisque tous les organes de l’UE ont le même statut.
En parallèle, afin de mériter de telles compétences et d’acquérir l’autorité et la crédibilité nécessaires, la CUA doit aussi se mettre au travail au niveau interne. Cela
implique notamment une bonne dose d’innovation institutionnelle et de vastes
réformes internes :
- développement de compétences sectorielles et thématiques (par exemple en matière de commerce) ;
- renforcement de la communication horizontale (« un collège, une voix ») pour battre en brèche l’idée qu’il n’y a pas de réel esprit « d’équipe » au sein de la Commission, même si cette idée n’est pas tout à fait fondée ;
- mise en place d’une solide planification et budgétisation ;
- mise en place de politiques de recrutement et de gestion des ressources humaines efficaces et basées sur les compétences ;
- adoption de politiques de communication et d’information permettant d’atteindre les États membres et le grand public.
Pour la réforme institutionnelle en cours, il semble nécessaire de faire preuve d’une bonne dose de réalisme, en mettant notamment à profit les enseignements tirés des expériences couronnées de succès. Cette réforme institutionnelle doit également être accompagnée d’une vision politique claire de ce que l’on cherche à atteindre en matière d’intégration africaine.
Ainsi, la décision prise en 2009 par les chefs d’État et de Gouvernement
africains de créer une Autorité de l’Union africaine (AUA) – devant devenir l’organe central panafricain chargé de faire avancer le processus d’intégration africain – a été
vue comme une nouvelle étape décisive vers une forme d’intégration plus
panafricaine, mais n’a pas été favorablement accueillie par la majorité des Etats membres.
En tous points de vue, l’Union africaine gagnerait à renforcer les pouvoirs de la Commission en imitant le modèle de la Commission de l’Union Européenne.
B- Un Commissaire, porte-parole de l’Union
C’est l’article 18 du traité sur l’UE qui consacre le rôle et les fonctions du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui est à la fois membre du Conseil de l’UE, dont il préside le Conseil des affaires étrangères, et de la Commission européenne, dont il est le vice-président chargé des
affaires étrangères. Nommé par le Conseil européen, il est assisté par un Service
européen pour l’action extérieure (SEAE), fondé en 2011 par la fusion des services chargés de la politique étrangère de la Commission européenne et la participation des
diplomates détachés des services diplomatiques nationaux. Cette institution se
justifie dans la mesure où depuis sa création, l’UE n’a cessé de développer sa
politique extérieure. L’adoption d’une démarche commune en matière de politique étrangère et de sécurité traduit clairement la volonté des Etats membres de l’UE de
sauvegarder des valeurs communes, des intérêts fondamentaux, la sécurité,
l’indépendance et l’intégrité de l’Union.
Pour mieux exprimer, d’une seule voix, ses points de vue et prises de position sur les grandes questions en débat dans le monde, l’Union africaine a besoin de se doter d’une institution analogue, afin de décharger le Chef de l’Etat, président de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement.
Mais, à l’étape actuelle de l’intégration africaine, disposer d’une politique
étrangère commune est une gageure pour les pays membres de l’UA.
Le droit de l’Union africaine est dépourvu de tout texte ou de toute référence sur
la politique étrangère ainsi que de postes de représentants des Affaires étrangères
comme dans l’Union européenne. Il semble que les Etats membres ont refusé de
transférer le pouvoir de la Commission africaine à l’autorité de l’Union et la
jouissance des pleins pouvoirs sur le plan de la politique interne et externe. Ce qui
signifie que nous ne remarquons pas aujourd’hui un rapprochement de la politique
africaine avec les questions étrangères ; les raisons en sont claires : la plus importante
étant la dépendance des pays du continent africain de la politique étrangère ; en
deuxième lieu, l’absence d’un véritable système de gouvernance démocratique
fonctionnant au bénéfice de l’Etat et en faveur de l’Union. Donc, les intérêts sont
dispersés entre les parties vis-à-vis de leurs positions politiques différentes.
Ce qui, visiblement pourrait être envisageable, c’est la désignation d’un
Commissaire qui sera chargé de collaborer avec la Présidence de la Conférence, en qualité de Haut-Commissaire, porte-parole de l’UA, sous la subordination du président en exercice de l’Union. Un poste à l’image de celui de ministre des affaires étrangères de l’UA
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41 Centre d’Études Stratégiques de l’Afrique, « Entre réformer ou poursuivre sur la même lancée, l’Union africaine hésite », Infographic, 1 mai 2019, https://africacenter.org/fr/spotlight/entre-reformer-ou-poursuivre-sur-la-meme-lancee-lunion-africaine-hesite/ page consultée le 30 octobre 2020 ↑
Questions Fréquemment Posées
Comment la Commission de l’Union africaine peut-elle être renforcée?
Il conviendrait que la Commission soit renforcée dans ses pouvoirs et qu’il y ait une délégation de pouvoir en faveur d’un commissaire, chargé de porter la voix de l’Union.
Pourquoi le processus d’intégration africaine est-il ralenti?
Le processus d’intégration africaine est ralenti par des rivalités institutionnelles dues à une absence de clarté quant aux mandats et aux rôles respectifs.
Quels sont les défis de l’intégration régionale en Afrique?
Des questions cruciales, telles que l’ordre et le rythme selon lesquels le continent africain devrait avancer vers l’intégration, restent encore sans réponse.