Comment l’innovation technologique révolutionne l’intégration régionale en Afrique ?

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🏫 Université d'Abomey-Calavi (UAC) - École Nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM)
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Diplôme du Cycle II - 2018-2020
🎓 Auteur·trice·s
Wilfried Lauréat VODOUNON
Wilfried Lauréat VODOUNON

L’innovation technologique en Afrique révèle des disparités surprenantes dans les processus d’intégration régionale. Alors que l’Union africaine prône une adhésion universelle, l’Union européenne impose des critères stricts, soulevant des questions cruciales sur l’avenir de l’intégration sur le continent.


B- Projet d’intégration africaine étendu à l’ensemble

L’Union africaine est une organisation continentale à laquelle ont adhéré les 55 pays qui composent le continent africain. Elle a été officiellement fondée en juillet 2002 pour prendre le relais de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA, 1963-1999).

En effet, après avoir subi durant des siècles la traite arabo-maure, puis négrière, après avoir été colonisés pendant de longues décennies par les puissances coloniales européennes, et après avoir lutté contre le joug colonial, plusieurs pays africains ont fini par obtenir leur indépendance. C’est ainsi que dans les années 60, l’Afrique a vu naitre de nombreux et nouveaux Etats fraichement indépendants.

Au lendemain de ces indépendances, les dirigeants africains qui ne souhaitaient pas que le continent demeure dans la forme que les colonisateurs lui avaient donnée, décidèrent de s’unir dans le cadre d’une entité continentale, l’OUA qui va durer de 1963 à 1999. L’échec de l’OUA de garantir la paix et la stabilité en Afrique et son incapacité à conduire les peuples africains au développement, malgré les tentatives de Programme d’actions de Lagos du 28 avril 1980 et du Traité d’Abuja du 03 juin 1991, instituant la Communauté économique africaine (CEA), vont sonner le glas de cette organisation.

Des facteurs externes tels que la crise de la dette des années 1980 avec l’imposition des programmes d’ajustement structurel à la plupart des pays africains, la chute du mur de Berlin avec son corolaire la fin du monde bipolaire et la crise de l’aide publique au développement ainsi que la vague de démocratisation du continent amorcée par le Bénin par la conférence nationale des forces vives de la Nation du 19 au 28 février 1990, vont contraindre les dirigeants africains à changer de paradigme et accélérer les réflexions pour réformer en profondeur l’organisation continentale.

Ainsi, à l’issue d’un processus qui a duré trois ans, de 1999 à 2002, l’UA voit le jour. Elle est le résultat de la rencontre entre une initiative lancée par le dirigeant libyen d’alors, Mouammar Kadhafi, le combat pour une renaissance africaine mené par le président sud-africain Thabo Mbeki ainsi que la volonté partagée par tous les pays africains de s’inspirer des succès de l’intégration ailleurs dans le monde, notamment l’Union européenne, mais aussi l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Yves Amaïzo montre que la décision de créer l’Union africaine a mûri en l’espace de trois ans à travers plusieurs rencontres.20

C’est dire donc que contrairement à l’Union européenne, l’intégration régionale en Afrique a suivi un processus totalement opposé.

Après la décolonisation, le continent a été scindé en deux, suivant deux visions différentes de l’unité africaine. D’un côté, on trouvait ceux qui prônaient un fédéralisme Panafricain que l’on nommait “le groupe de Casablanca” et de l’autre côté ceux qui prônaient une “Afrique des Etats” via une approche coopérative que l’on nommait “le groupe de Monrovia”.

Finalement, tel un compromis entre les deux groupes, l’Organisation de l’Unité Africaine a vu le jour en 1963. L’OUA, une institution intergouvernementale qui n’avait ni plan d’intégration ni mise en commun de la souveraineté. Elle soutenait le principe de non-interférence dans les affaires nationales. La coopération et le rapprochement géographique ont été privilégiés au détriment de la mise en œuvre d’une intégration du continent.

D’ailleurs, dans les années 80 avec le Plan d’action de Lagos du 28 avril 1980, des organisations sous régionales, moins cérémonielles, appelées les Communautés Economiques Régionales (CER) ont vu le jour avec comme objectif principal l’amélioration de la coopération entre les membres de l’OUA. Dès leur création, les CER se sont engagées à réaliser une intégration complète du continent sans pour autant fournir des incitations claires, ni les étapes d’une procédure graduelle nécessaires pour la restructuration des économies nationales, comme cela avait été le cas en Europe.

Même l’UEMOA, qui est l’initiative d’intégration monétaire la plus20 Yves Ekoué AMAÏZO, « De l’OUA à l’Union africaine : les chemins de l’interdépendance », Afrique contemporaine, n°197, 1er trimestre 2001, p.97-107

aboutie du continent, n’a pas fait l’objet d’une approche gradualiste comme ce fut le cas pour l’intégration monétaire dans la zone euro. Elle a tout simplement remplacé les accords institutionnels préexistants entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique occidentale.

Après sa création en 2002, le projet continental de l’Union africaine a ramené sur la table des discussions le débat sur la poursuite de l’intégration. Guidé jusqu’en 2011 par l’ancien dirigeant Libyen Mouammar Kadhafi, un groupe d’environ 20 Etats ont soutenu le projet d’une union politique forte. Depuis, et au fil des années, les plans d’intégration économique du continent ont été systématiquement révisés ou reportés.

Actuellement, sur la base du traité d’Abuja du 03 juin 1991 entré en vigueur en 1994, il est prévu la création d’une Communauté Economique Africaine qui envisage l’intégration totale du continent en minimum 25 ans et maximum 34 ans avec une période transitoire de 6 ans. Il s’agit d’une intégration en six étapes qui vise une communauté économique continentale à travers la coordination et l’harmonisation des huit (8) communautés économiques régionales (CER) selon le schéma suivant :

  1. les quatre étapes de l’intégration économique et monétaire, à savoir la zone de libre-échange, l’union douanière, le marché commun et l’union monétaire, seront réalisées au niveau de chaque CER

de libre-échange, l’union douanière, le marché commun et l’union monétaire, seront réalisées au niveau de chaque CER

  1. les huit CER vont se fusionner pour former une zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Le traité établissant la ZLECAf a été adopté à Kigali le 12 mars 2018 et entré en vigueur le 30 mai 2019;

enfin, ce sera l’étape de la mise en place du marché commun continental, après l’adoption de politiques et programmes communs.

L’Union africaine repose sur huit CER, à savoir :

  • lʼAutorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) ;
  • la Communauté de lʼAfrique de lʼEst (CAE) ;
  • la Communauté de développement de lʼAfrique australe (SADC) ;
  • la Communauté économique des États de lʼAfrique centrale (CEEAC) ;
  • la Communauté économique des États de lʼAfrique de lʼOuest (CEDEAO) ;
  • la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN–SAD) ;
  • le Marché commun de lʼAfrique orientale
  • lʼUnion du Maghreb arabe (UMA).

Les communautés économiques régionales (CER) sont des regroupements régionaux d’États africains et sont toutes dirigées par rotation par un chef d’État ou de gouvernement. Elles ont évolué individuellement et ont des structures et des rôles différents, mais complémentaires. De manière générale, leur objectif est de faciliter l’intégration économique régionale entre les membres de chacune des régions et au sein de la Communauté économique africaine (CEA), créée dans le cadre du Traité d’Abuja (1991).

Le Plan d’action de Lagos du 28 avril 1980 pour le développement de l’Afrique et le Traité d’Abuja ont préconisé la création de CER comme fondements d’une intégration plus large de l’Afrique, d’abord sur le plan régional, puis éventuellement à l’échelle du continent. Les CER s’impliquent de plus en plus dans la coordination des intérêts des États membres de l’UA dans des domaines aussi variés que la paix et la sécurité, le développement et la gouvernance.

L’Union africaine a, comme la majorité des organisations régionales africaines, adopté une approche universelle de l’adhésion. En effet, les cinquante-cinq pays africains sont tous membre de l’Union africaine.

Ceci réduit les motivations politiques et économiques tout comme les responsabilités liées à l’appartenance à l’Union. Les Etats membres peuvent être suspendus mais seulement en cas d’un changement de pouvoir anticonstitutionnel.

La pluralité des Communautés Economiques Régionales (CER), de même que l’appartenance de nombreux pays membres à plusieurs CER différentes, ajoutent une couche de complexité supplémentaire à l’intégration africaine.

De plus, la plupart passent souvent d’une CER à l’autre sans motifs réels (Cas de la Mauritanie retirée volontairement de la CEDEAO pour l’UMA)

Si l’on convient avec le professeur Frédéric Joël AÏVO que la pluralité des organisations sous-régionales en Afrique n’est pas un problème en soi 21, il faut

21 Frédéric Joël AÏVO, « La Communauté des Etats Sahelo-Sahariens (CEN-SAD) : Acteur complémentaire ou concurrentiel de l’Union africaine? », Annuaire Français de Droit International, 2009, n°55, p.469 où le Professeur F. J. AÏVO note explicitement que « Si ces micro-solidarités démultiplient le « volontarisme

néanmoins reconnaître que le chevauchement des appartenances à ces organisations régionales est de nature à créer des incohérences, particulièrement dans le domaine de la coopération économique.

Il est important, par ailleurs, de noter que tous les pays membres de l’UA sont, pour la plupart, des pays en développement et pays les moins avancés (PMA) contrairement à la situation en Europe où la majorité des Etats membres de l’UE sont des pays développés.

De plus, l’UA est en train d’être bâtie avec des Etats fragiles et défaillants dont la plupart sont en conflit ou en situation de post-conflit avec une mauvaise gouvernance politique, administrative, économique et financière.

L’UA n’a pas les moyens financiers et humains pour soutenir l’intégration du continent.

Enfin, Il faut souligner les rivalités d’hégémonisme entre les plus grands pays africains (Afrique du Sud, Nigeria, Egypte, Kenya, etc) et l’absence de leadership, contrairement à l’UE où le couple franco-allemand constitue la locomotive du processus. En Afrique, la supervision de l’intégration s’est faite de manière plus ambiguë. La plupart des pères fondateurs de l’unité africaine étaient originaires de pays qui n’avaient pas une assez grande capacité économique pour fournir, à l’image de l’alliance franco-Allemande, des biens publics, ni de financer le projet d’unification.

Même les deux plus grandes économies du continent, à savoir, le Nigéria et l’Afrique du Sud (après le départ de l’ancien président Thabo Mbeki) n’ont pas su tenir ce rôle.


Questions Fréquemment Posées

Quelle est la différence entre l’Union africaine et l’Union européenne en matière d’intégration régionale?

L’Union africaine a adopté une adhésion universelle sans conditions, tandis que l’Union européenne a procédé par élargissement progressif avec des critères stricts.

Pourquoi l’Organisation de l’Unité africaine a-t-elle échoué dans ses objectifs?

L’échec de l’OUA à garantir la paix et la stabilité en Afrique et son incapacité à conduire les peuples africains au développement ont sonné le glas de cette organisation.

Quels facteurs ont conduit à la création de l’Union africaine en 2002?

Des facteurs externes comme la crise de la dette des années 1980, la chute du mur de Berlin et la vague de démocratisation ont contraint les dirigeants africains à changer de paradigme et à réformer l’organisation continentale.

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