La méthodologie de certification des prospectus révèle des enjeux cruciaux pour les commissaires aux comptes en Tunisie. En confrontant les normes internationales, cette étude met en lumière des risques souvent négligés, offrant des solutions innovantes pour renforcer la fiabilité des informations financières.
Universite 7 Novembre de Carthage
Institut des Hautes Etudes Commerciales
COMMISSION D’EXPERTISE COMPTABLE DE L’IHEC
MEMOIRE PRESENTE EN VUE DE L’OBTENTION DU DILPOME D’EXPERTISE COMPTABLE
La Certification des Prospectus
d’Information : Diligences, mise en œuvre et Responsabilite du commissaire aux Comptes
par :
Mohamed AMOUS
Dirigé par :
Prof. Ezzeddine ABOUB
JUIN 2003
INTRODUCTION GENERALE
Les émissions de valeurs mobilières (actions, obligations et autres titres hybrides) se sont fortement multipliées au cours des dernières années. L’observation de la situation actuelle du Marché Financier Tunisien permet de constater des introductions en bourse suivies de baisses substantielles du cours de l’action, parfois au-dessous du prix d’émission, et une évolution des cours, souvent déconnectée des données véhiculées que ce soit par les prospectus d’information publiés dans le cadre des émissions et admissions de valeurs mobilières ou par les autres supports de communication financière périodique.
Etant donné que la préservation de la confiance des investisseurs vis à vis du marché et de ses opérateurs demeure le premier souci des autorités compétentes, notamment le Conseil du Marché Financier (C.M.F.), les exigences en matière de qualité de l’information financière publiée à ces investisseurs sont de plus en plus pressantes.
Dans ce contexte économique et financier et dans le cadre des opérations d’introduction en bourse et d’émission de valeurs mobilières où l’enjeu financier est important pour l’entreprise, le commissaire aux comptes est de plus en plus engagé dans une extension de sa mission générale au contrôle des informations contenues dans les documents d’information adressés au public.
L’ensemble des caractéristiques de ce type de mission spéciale du commissaire aux comptes (des informations à vérifier de différentes natures, un budget temps contraignant, des intervenants très multiples, des enjeux importants et un public utilisateur des rapports très large) rendent son déroulement particulièrement délicat.
Ajoutons à cela l’insuffisance manifeste des normes internationales d’audit en vigueur en Tunisie en matière de vérification des prospectus et le constat d’une responsabilité de plus en plus étendue du commissaire aux comptes engagé dans un processus de placement financier.
Nous essayons, dans le cadre de ce travail de positionner les diligences du commissaire aux comptes en matière de contrôle des prospectus par rapport aux normes d’audit supranationales de quelques pays étrangers comme la France, le Canada et les Etats-Unis. On se propose de répondre aux interrogations suivantes:
Quels sont les risques liés à la mission ? Quels-facteurs pourraient éclairer le vérificateur du prospectus sur de tels risques ? Et quelles sont les diligences de travail et de rapport à mettre en œuvre, par un commissaire aux comptes appelé à vérifier un prospectus, pour faire face à ces risques et réduire ainsi sa responsabilité ?
En vue de proposer des éléments de réponse à ces questions, nous avons effectué une synthèse des normes professionnelles applicables en matière de contrôle des prospectus et nous avons procédé à une enquête auprès des commissaires aux comptes qui ont, au moins pour une fois, audité un prospectus à l’occasion d’une émission de valeurs mobilières.
Le présent travail est organisé en deux parties :
Nous proposons dans une première partie intitulée « les émissions de valeurs mobilières et les obligations d’informations », à travers une analyse critique et comparative du contenu informationnel des prospectus publiés sur la place financière de Tunis, et une comparaison avec les normes de publicité internationales et européennes, de répondre aux interrogations suivantes :
Quelles sont les informations fournies par les prospectus actuellement publiés ? Quelles sont la nature et la qualité des informations dont les investisseurs ont besoin pour prendre leur décision d’investissement ? Faut-il des informations plus nombreuses que celles diffusées à l’heure actuelle par les sociétés ?
Dans la deuxième partie du mémoire intitulée « le contrôle des prospectus : approche et procédures de vérification », nous proposons des procédures de travail et des diligences de rapport, à mettre en œuvre dans le cadre du contrôle des prospectus, s’intégrant avec l’approche globale d’audit par les risques.
Une attention particulière est accordée également à la mise en évidence de situations confirmant l’étendue de la responsabilité du commissaire aux comptes en Tunisie et à la présentation de solutions à cette question.
PREMIERE PARTIE :
LES EMISSIONS DE VALEURS MOBILIERES ET LES OBLIGATIONS D’INFORMATIONS
Introduction
Comme dans tout travail de recherche, nous avons commencé notre étude par une définition des concepts de base et des termes clés qui nous accompagneront dans toutes les étapes. Les valeurs mobilières, le marché financier et les opérations de placements (émission et admission de titres) constituent les trois axes majeurs traités dans le chapitre premier.
Dans cette partie du mémoire, il est fait mention également des résultats de l’analyse critique du contenu informationnel des prospectus publiés sur la place financière de Tunis (Troisième Chapitre). Cette analyse est faite sur la base d’un examen détaillé d’un échantillon de trente (30) prospectus publiés dans le cadre d’opérations financières de différents types, sur la période 1990 – 2002.
L’étude menée vise notamment les objectifs suivants :
- retracer l’évolution dans le temps du contenu informationnel du prospectus,
- évaluer ce contenu par rapport aux informations publiées dans d’autres pays, ayant déjà fait l’objet de développement dans le deuxième chapitre,
- et apprécier l’écart qui existe entre l’offre et la demande d’informations.
Chapitre Premier :
Les emissions de Valeurs Mobilieres sur le Marche Financier Tunisien
Toute réflexion sur le cadre de la publicité financière en Tunisie implique un examen préalable du cadre d’émission des titres dans le public et une définition de la notion de « valeur mobilière » (section 1), un examen d’autant plus justifié que les formes de placement demeurent inégalement sollicitées.
Par ailleurs, et compte tenu de l’importance de l’enjeu financier dans les opérations de placement en valeurs mobilières, nous avons jugé pertinente l’étude des risques économiques et financiers inhérents à ces opérations (section 2), notamment pour servir plus tard dans l’évaluation du risque d’audit.
Section 1 : Les valeurs mobilières – Définition et cadre d’émission
Définition des valeurs mobilières
Les titres financiers émis par une entreprise pour se financer se répartissent fondamentalement entre titres représentatifs des dettes (comme les obligations) et titres représentatifs des capitaux propres (comme les actions).
Au-delà de ces produits élémentaires que sont l’obligation et l’action, les financiers ont développé des produits plus complexes pour permettre aux entreprises de se financer. Ces produits empruntent des caractéristiques tant aux actions qu’aux obligations. On les nomme généralement les titres hybrides. Il s’agit par exemple, des certificats d’investissements, des titres participatifs, des obligations convertibles en actions, etc.
Le législateur Tunisien a défini les valeurs mobilières dans différents textes comme suit : « Sont considérés comme valeurs mobilières, les actions, les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, les certificats d’investissements, les titres participatifs, les obligations, les obligations convertibles en actions, les parts des fonds communs de placement en valeurs mobilières, les droits rattachés aux valeurs mobilières précitées et les autres instruments financiers négociables sur des marchés organisés ».1
Actuellement, parmi les valeurs mobilières traitées sur le marché financier tunisien, nous avons enregistré des actions ordinaires, des actions à dividendes prioritaires, des certificats d’investissements (nominatifs et privilégiés), des obligations et des obligations convertibles en actions. Les fonds communs de placements en valeurs mobilières n’ont pas encore vu le jour sur notre place financière.
Le code des sociétés commerciales, promulgué par la loi n° 2000-93 du 3 novembre 2000, dans le sous-titre cinq relatif aux valeurs mobilières (articles 314 à 386) traite des caractéristiques et des conditions d’émission des titres suivants : actions, obligations, actions à dividende prioritaire sans droit de vote, titres participatifs, certificats d’investissement et certificats de droit de vote.
Les parts des fonds communs de placement en valeurs mobilières2, régies par le code des organismes de placement collectif promulgué par la loi n° 2001-83 du 24 juillet 2001, sont considérées comme valeurs mobilières. Par contre, les actions dans les SICAV et les parts des fonds communs de créance (FCC) ne sont pas qualifiées comme telles.
1 Article premier de la Loi n° 2000-35 du 21 mars 2000, relative à la dématérialisation des titres, publiée dans le journal officiel de la République Tunisienne n° 24 du 24 mars 2000.
2 En vertu de l’article premier du code des organismes de placement collectif, sont considérés comme organisme de placement collectif : (i) les fonds communs de créances et (ii) les organismes de placement collectif en valeurs mobilières qui comprennent les sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) et les fonds communs de placement en valeurs mobilières (FCP).
Quelle incidence peut avoir cette qualification sur les obligations de publicité et d’information, générées par l’émission de ces titres ?
La réponse à cette question sera fournie dans le § 3.1 du chapitre 2 de cette première partie.
Description du Marché Financier Tunisien
Les marchés financiers ont pour vocation de mettre en relation directe les demandeurs et les pourvoyeurs de fonds présents dans une économie donnée : on parle alors de finance directe et les intermédiaires jouent alors le simple rôle de courtier.
L’essor des marchés financiers est une réalité de tous les jours, elle va de pair avec la croissance et le développement économique. L’économie dans laquelle nous vivons n’est plus une économie d’endettement (où le financement par crédits bancaires prédominait) mais une économie de marchés financiers caractérisée par l’appel direct des entreprises à l’épargne par émission d’actions ou d’obligations.
Source BVMT / Chiffres exprimés en million de dinar tunisien
31.12.2000 | 31.12.2001 | 31.12.2002 | |
Capitalisation boursière | 3 889 | 3 276 | 2 842 |
Part des étrangers dans la capitalisation | 25 % | 21 % | 17 % |
La part des investisseurs étrangers dans la capitalisation totale est constituée par des investissements stratégiques et des investissements de portefeuille. Les chiffres présentés ci-haut montrent l’importance des investissements étrangers sur le marché financier et nous obligent à nous rapprocher davantage des règles et standards internationaux.
Le nombre d’emprunts obligataires admis et introduits depuis 1999 s’arrête au 31 décembre 2002 à 57 emprunts, dont 24 emprunts admis en 2002, avec un encours total en capital à cette même date de 590 millions de DT.
Pour être inscrite à la cote de la Bourse de Tunis, la société doit satisfaire un certain nombre de critères liés en particulier à la diffusion de son capital. Une proportion minimale de 10% du capital de la société doit être en effet diffusée au public.
La Cote de la Bourse est divisée en premier et second marché pour les titres de capital et en marché obligataire pour les titres de créances.
Le premier marché accueille les titres de capital des plus importantes sociétés anonymes tunisiennes satisfaisant des critères bien déterminés de diffusion de capital dans le public, de performance économique, de liquidité et de transparence.
Le second marché admet les titres de capital des sociétés avec des critères plus souples, notamment en ce qui concerne le degré d’ouverture du capital au public. Cependant, les sociétés admises au second marché doivent, dans un délai de trois ans renouvelable une seule fois, satisfaire aux conditions de transfert au premier marché. Dans le cas contraire, elles seront radiées et transférées d’office sur le hors cote.
Le marché obligataire est ouvert aux titres de créances de l’Etat, des collectivités publiques et aux titres de créances des organismes de droit privé. Les emprunts obligataires doivent toutefois satisfaire certaines conditions fixées par le règlement général de la Bourse.
Le marché hors cote :
Les actions des sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne qui ne sont pas admises à la Cote de la Bourse sont négociées sur le marché hors cote qui est en quelque sorte un marché libre.
Nonobstant, les sociétés admises à la cote de la Bourse sont les plus convoitées car elles obéissent à certains critères de diffusion du capital dans le public et de transparence au niveau de l’information, à l’inverse des sociétés du hors cote qui présentent moins de garanties.
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les risques liés à la certification des prospectus d’information financière ?
Les risques liés à la mission incluent des informations à vérifier de différentes natures, un budget temps contraignant, des intervenants très multiples, des enjeux importants et un public utilisateur des rapports très large.
Comment le commissaire aux comptes peut-il réduire sa responsabilité lors de la vérification d’un prospectus ?
Pour réduire sa responsabilité, le commissaire aux comptes doit mettre en œuvre des diligences de travail et de rapport adaptées pour faire face aux risques identifiés.
Quelles sont les obligations d’information lors des émissions de valeurs mobilières en Tunisie ?
Les obligations d’information lors des émissions de valeurs mobilières comprennent la fourniture d’informations de qualité aux investisseurs, en réponse aux exigences croissantes des autorités compétentes.