Analyse des méthodes d’enseignement en géographie : Comment construire le concept d’espace urbain ?

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🎓 Auteur·trice·s
Armand Emmanuel Bohoussou
Armand Emmanuel Bohoussou

La méthodologie d’enseignement géographique révèle les tensions entre les directives officielles et les pratiques pédagogiques en Côte d’Ivoire. Découvrez comment cette analyse approfondie du concept d’espace urbain peut transformer votre approche de l’enseignement et enrichir la compréhension des élèves.


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Année universitaire : 2022-2023

Université de Côte d’Ivoire

Faculté des Lettres et Sciences Humaines

Master 2 Didactique de l’Histoire et de la Géographie

Présentation de mémoire

La Place des Concepts dans la Géographie Scolaire Ivoirienne : Analyse des Pratiques Enseignantes dans la Construction du Concept d’Espace Urbain en Classe de Première

Méthodologie d'enseignement géographique en Côte d'Ivoire

Armand Emmanuel Bohoussou

Supervisé par : Prof. Pascal Clerc

Année académique : 2022-2023

Selon la Banque Mondiale1, le taux d’urbanisation de la Côte d’Ivoire est passée de 17,7 % en 1960 à plus de 52 % en 2023. Et la capitale Abidjan abrite plus de 6 321 017 habitants sur 28 millions que compte le pays. L’urbanisation est un phénomène global et ce processus n’est pas prêt à s’estomper.

La question urbaine est un sujet d’actualité tant ce phénomène est devenu général et touche tous les espaces géographiques. À Agboville, ville située à moins de 60 km de la capitale économique ivoirienne, les changements de tous ordres liés à l’urbanisation de la ville d’Abidjan sont perceptibles sur le quotidien de la population de la ville et des élèves en particulier (augmentation des loyers, étalement urbain, développement du transport…).

Enseignant d’histoire-géographie dans cette ville depuis plus de sept ans, cette réalité m’interpelle, car comprendre la ville permettrait de « comprendre la société dans toutes ses dimensions, y compris affective et idéologique. »(Louiset, 2011, p. 9). En effet, Pour Racine

« le phénomène urbain est l’un des traits les plus frappants de notre civilisation contemporaine, dont la ville est le creuset. Son importance est telle qu’il devrait être au premier plan des préoccupations de la géographie humaine » (2005, p. 247). À cet égard, j’ai décidé de mener une réflexion sur le sujet suivant : « la place des concepts dans la géographie scolaire ivoirienne : analyse des pratiques enseignantes dans la construction du concept d’espace urbain ».

Le concept d’espace urbain apparait au début des années 1970. Pour Nédélec (2018), le passage de l’étude de la ville à l’urbain s’explique par les difficultés des géographes à appréhender et à donner une définition de la ville dont les critères varient dans le temps et l’espace du fait de l’augmentation rapide de la population urbaine et de la généralisation de l’urbanisation à l’échelle mondiale.

La ville est un terme courant et générique alors que l’urbain traduit une généralisation des modes d’habiter urbain sur les sociétés (Nédélec, 2018). La ville est définie par « une association du couple densité (de population et de bâti)/diversité (de population et de fonction) sur une portion restreinte de l’espace (Nédélec, 2018, p.

23). Stébé souscrit à la définition de Nédélec et soutient que ces critères quantitatifs de population varient dans le temps et selon les pays. Il ajoute qu’à l’échelle mondiale parler d’une définition de la ville relève d’une gageure puisqu’en plus de seuils quantitatifs de populations, des pays

1 https://www.banquemondiale.org/fr/country/cotedivoire/publication/cote-divoire-economic-outlook- understanding-the-challenges-of-urbanization-in-height-charts

intègrent d’autres critères d’ordre historique, administratif, honorifique…(Stébé, 2022). Ces définitions de la ville centrées sur les formes spatiales et la densité de la population sont restrictives et n’intègrent pas les modes d’habiter urbain aujourd’hui essentiel dans la géographie contemporaine pour appréhender la complexité du monde (Lussault, 2017a).

Un premier constat qui a motivé le choix de ce sujet s’explique par ma pratique professionnelle. Enseignant d’histoire-géographie, le curriculum est un élément essentiel de la préparation des cours. Pourtant, une lecture du programme de géographie montre qu’il ne permet pas de saisir en profondeur les questions liées à la ville pourtant essentielles aujourd’hui.

Ce sujet est également motivé par un second constat après mon inscription en Master qui m’a permis d’avoir un regard renouvelé sur mes pratiques et de l’intérêt pour les pratiques innovantes. Un regard porté sur le curriculum de géographie montre que les approches pédagogiques présentées dans le curriculum mettent en avant le développement des compétences des élèves en géographie :

« Comprendre un document. Manipuler des données statistiques.

S’orienter dans l’espace et dans le temps.

Relever des informations dans des textes et des cartes.

Représenter sur un axe chronologique, des faits et des évènements. Construire des cartes et des graphiques.

Expliquer des textes, des représentations graphiques, des faits cartographiques. Critiquer des opinions relatives à des faits historiques et/ou géographiques »2

Le curriculum prescrit est, cependant, peu explicite sur la manière dont les enseignants doivent faire acquérir ces compétences aux élèves. Les habilités (manipuler, définir, comprendre…) sont des compétences transversales donc non spécifiques à la discipline scolaire en géographie. En outre, les premiers travaux menés en didactique de la géographie en Côte d’Ivoire par Doba(2021) et Oussou(2022) sur les pratiques enseignantes ont montré qu’il existe des tensions entre les instructions officielles et les pratiques ordinaires des enseignants.

Alors que les instructions officielles prônent une pédagogie active, les pratiques sont, quant à elle, tournées vers un modèle transmissif des savoirs pour plusieurs raisons : manque de matériels didactiques, insuffisance de la formation continue, effectifs pléthoriques dans les salles de classe… Dans ce contexte, les pratiques enseignantes en géographie sont dominées par les descriptions, des

2 Programmes éducatifs et guide d’exécution histoire géographie 2012, p. 6.

nomenclatures, les connaissances factuelles qui ne font pas sens auprès des élèves. Les connaissances factuelles sont celles qui « conduisent à devoir mémoriser de longues listes de notions plus ou moins abstraites et dont le sens ou l’intérêt ne sont pas toujours évidents » (Hertig, 2012, p. 6). Ces travaux ont peu abordé la question de la conceptualisation en géographie et particulièrement le modèle que je présente dans cette recherche.

Or, selon Jean Jacques Bavoux (2016, p. 387), « la géographie est devenue de plus en plus abstraite parce que l’abstraction est indispensable pour la compréhension de la complexité du monde ». Selon le dictionnaire Larousse3, l’abstraction est une opération intellectuelle qui consiste à isoler par la pensée l’un des caractères de quelque chose et à le considérer indépendamment des autres caractères de l’objet.

L’objet ici s’entend par le concept, c’est donc une opération mentale qui consiste à distinguer les attributs essentiels d’un concept des attributs secondaires. Dans son dictionnaire de pédagogie, Buisson(2017) affirme que le rôle pédagogique de l’abstraction est controversé. Dans l’ancienne pédagogie, l’abstraction partait d’une démarche déductive, c’est- à-dire de règle générale, d’idées abstraites.

Cet enseignement était commun à toutes les disciplines (grammaire, arithmétiques, géographie …). Concernant la géographie, il fait le constat suivant :

« La géographie elle-même débute par une suite de notions préliminaires qui bien que s’appliquant à des objets matériels, se déroulent aussi sous forme abstraite, en une série de définitions et de généralités, d’autant plus difficiles à faire entrer dans l’esprit de l’enfant qu’il est ici impossible d’en appeler à son expérience, il n’a pas le secours des sens pour s’assurer de la rotondité de la terre, pour entendre la définition de l’axe, de l’équateur, de la révolution ou de la rotation » (Buisson et al., 2017, p. 129)

Cela consistait pour les enseignants à transmettre des connaissances factuelles. Cette tendance primitive de la pédagogie s’inscrit dans la logique du maître contrairement à celle de l’élève qui s’appuie sur une démarche inductive, la nouvelle méthode. Car même si les enseignants enseignent, l’apprentissage est dévolu à l’élève. Piaget reconnait à l’enfant des capacités cognitives internes d’organisation du monde.

Piaget s’appuie, dans sa théorie, sur les travaux de Kant, précisément sur son ouvrage, la critique de la raison pure. En effet, pour Kant, la raison pure ou la connaissance a priori stipule que notre esprit ou entendement contient des concepts a priori qui précède notre expérience avec le monde. C’est en adaptant notre expérience des objets que l’esprit intériorise les connaissances (Kant et al., 2012).

Cette logique de l’élève dans la construction de ses connaissances nécessite, selon Vygotski la médiation d’un tiers. Pour

3 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/abstraction/298

Britt-Mari Barth, le rôle de l’enseignant est d’aider les élèves à passer des concepts spontanés aux concepts scientifiques. En effet, pour cette dernière, « pour comprendre un domaine disciplinaire, les élèves ont besoin d’élaborer les concepts qui la fondent »4. Elle définit les concepts comme des outils de pensée. À ce propos, Hertig a proposé les concepts intégrateurs comme outils opératoires de la pensée en géographie.

Cette recherche s’inscrit dans la même veine que les travaux de didactiques de la géographie, mettant l’accent sur des outils innovants pouvant permettre aux enseignants d’amener les élèves à donner du sens à leur savoir. Elle s’appuie sur le socioconstructivisme développé par Vygotski. Et plus particulièrement sur le modèle opératoire du concept de Britt-Mari Barth.

De ces constats, surgi la question suivante : quelle est la place des concepts dans la géographie scolaire ivoirienne ?

De cette question principale découlent les questions secondaires suivantes :

  • Dans quelle mesure le curriculum prescrit prend-il en compte les concepts géographiques ?
  • Que représente les concepts pour les enseignants en géographie ?
  • Quelle place occupe les concepts dans les pratiques enseignantes ?

Pour répondre à ces questions, j’analyserai le curriculum prescrit à l’aide du logiciel iramuteq pour y dégager les occurrences des concepts géographiques, puis je mènerai une observation structurée ou systématique des pratiques ordinaires de quatre enseignants de géographie.

Cette recherche qualitative vise à analyser la place des concepts dans la géographie scolaire puis à proposer un modèle innovant pour la conceptualisation en géographie.

À cet effet, je présenterai mon travail de recherche en quatre chapitres. Dans le premier chapitre, je m’intéresserai aux fondements épistémologiques du fait urbain, dans le second chapitre, je présenterai les cadres théoriques qui soutiennent cette recherche et la méthodologie de recherche. Quant au troisième chapitre, il portera sur les résultats de cette recherche. Finalement, le chapitre quatre sera consacré à la proposition de séance de cours selon le modèle opératoire du concept.

4 http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/06/19062014Article635387595496180425.aspx

________________________

1 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001.

2 Programmes éducatifs et guide d’exécution histoire géographie 2012, p. 6.

3 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/abstraction/298

4 http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/06/19062014Article635387595496180425.aspx


Questions Fréquemment Posées

Quelle est l’importance de la construction du concept d’espace urbain en géographie scolaire ivoirienne ?

Comprendre la ville permettrait de « comprendre la société dans toutes ses dimensions, y compris affective et idéologique. »

Quels sont les défis de l’enseignement de la géographie en Côte d’Ivoire ?

L’article souligne les tensions entre les instructions officielles et les pratiques pédagogiques des enseignants, souvent centrées sur un modèle transmissif.

Comment l’urbanisation affecte-t-elle les pratiques pédagogiques en géographie ?

Les changements liés à l’urbanisation de la ville d’Abidjan sont perceptibles sur le quotidien de la population et des élèves, influençant ainsi l’enseignement de la géographie.

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