Cette étude révèle comment l’antibiorésistance entérobactéries Sétif, notamment via les β-lactamases à spectre étendu, menace la santé publique. Découvrez les gènes dominants identifiés par PCR-Multiplex et les implications cruciales pour le traitement des infections.
CHAPITRE 2
MATERIEL ET METHODES
Matériel et méthodes
Cette étude portant sur l’évaluation de la résistance aux antibiotiques des entérobactéries est divisée en deux étapes :
- La première étape se propose de faire une étude rétrospective des données, de l’isolement des entérobactéries provenant de malades externes ou hospitalisés dans les différents services du CHU SAADNA Mohamed Abdennour de Sétif, durant la période de Janvier 2013 à Avril 2017. Le logiciel de sauvegarde «Whonet 5.6 » utilisé au laboratoire a été notre source d’information.
- Dans un deuxième temps, les entérobactéries BLSE positifs isolées durant l’année 2017, sont caractérisées du point de vue moléculaire par l’extraction de plasmides et la détermination des gènes de résistance codant pour ces β-lactamases en utilisant une PCR- Multiplex.
Prélèvement et identification
Les prélèvements issus des malades des différents services hospitaliers ou ceux du milieu extra hospitalier sont recueillis et guidés selon la nature du prélèvement à la paillasse approprié comme suit :
- Paillasse Divers(1) : Pus, PB, Crachat.
- Paillasse Divers(2) : PV, KT, Sonde.
- Paillasse ECBU : Urine.
- Paillasse Hémoculture : Sang.
- Paillasse Coproculture : Selles, PR.
- Paillasse Ponction : LCR, LP, Liquide Sinovial…
Après isolement et purification des entérobactéries sur milieu sélectif BCP ou Hektoen. Leur caractérisation est déterminée par une identification biochimiques en utilisant différentes méthodes, la galerie classique, la galerie Api 20E (la plus pratique) ou l’automate SIEMENS MicroScan WalkAway.
1. La mini galerie (galerie classique)
La mini galerie repose sur plusieurs tests biochimiques
- L’urée-indole : permettant la recherche de l’uréase et de l’indole
- La gélose TSI (Triple Sugar Iron) :l’utilisation des sucres (glucose, lactose et saccharose) est détectée par le virage de l’indicateur de pH, et la production H2S est révélée la présence d’un précipité noir.
- La gélose Mannitol-Mobilité : l’utilisation du mannitol (changement de couleur du rouge au jaune) et de la mobilité du germe.
- La gélose citrate de Simmons : utilisé pour étudier la capacité de la bactérie à croître en présence du citrate de sodium comme seule source de carbone.
- Le milieu Clarck & Lubs : la mise en évidence des voies fermentaires, voie du butan- 2,3-diol (VP+) ou voie des acides mixtes (RM+).
- Les acides aminés (ADH-ODC-LDC) : permettant de voir le métabolisme protéique pour différencier chaque espèce d’une autre.
Les milieux ensemencés sont incubés à 37°C/24h et la lecture se fait selon le test.
2. La galerie Api 20E
L’identification par la galerie rapide API 20E (Analytical profil index) est un système pour l’identification des entérobactéries utilisant 20 tests biochimiques standardisés et miniaturisés, ainsi qu’une base de données.
La galerie est ensemencée, à l’aide d’une pipette Pasteur, par une suspension bactérienne dont l’opacité est équivalente à 0,5 McFarland. Les tubes et les cupules de la galerie sont remplis selon les recommandations du fournisseur. L’incubation se fait à 37 C° ± 1C° pendant 18-24h.
La lecture des galeries se fait selon les indications du fournisseur. Après codification des réactions en un profil numérique, on se réfère à un catalogue analytique où l’identification est donnée avec un pourcentage et une appréciation.
3. Le systeme MicroScan WalkAways SIEMENS
Le système WalkAways est un automate-incubateur relié à un ordinateur comportant le logiciel d’identification des bactéries, il ressemble à la galerie Api 20E mais de manière plus sophistiquée. Ce système utilise des plaques de 96 puits avec des réactifs lyophilisés et chaque microorganisme à sa plaque spécifique comme suit :
- Combo 54 : bacille Gram négatif non fermentant (Lactose -).
- Combo 53 : bacille Gram négatif fermentant (Lactose +).
- Combo 28 : cocci Gram positif (Staphylocoques).
- Combo PC1A : cocci Gram positif (Streptocoques).
La plaque ensemencée sera incubée dans l’automate pendent 24h/37°C, puis elle sera lu grâce au logiciel et le résultat est imprimé.
Antibiogramme
Une fois la souche isolée et purifiée, sa sensibilité aux antibiotiques est testée par l’antibiogramme standard réalisé par la méthode de diffusion des disques(CA-SFM/EUCAST, 2014) qui permet la détermination du phénotype sensible (S) de l’espèce et les différentes résistances acquises (I ou R) avec des termes de diminution significative de sensibilité (synergie, antagonisme).Une suspension bactérienne préparée à partir d’une culture pure de 18-24 h est ajustée au standard 0,5 McFarland.
A partir de cette suspension bactérienne diluée au 1/10 dans l’eau physiologique (0,9 % NaCl) des géloses de Mueller–Hinton sont ensemencées par écouvillonnage. Après séchage des boîtes, des disques de papier buvard imprégnés d’antibiotiques sont déposés à la surface du milieu manuellement ou à l’aide d’un distributeur automatique. L’incubation se fait 37 °C pendant 18 à 24h.
La mesure du diamètre des zones d’inhibition autour de chaque disque et comparée aux standards du CA-SFM et permet de déterminer les phénotypes sensibles (S), intermédiaires (I) et résistants (R).
Par l’automate, l’antibiogramme est effectué grâce aux antibiotiques lyophilisés dans la plaque. L’automate peut tester la sensibilité d’une souche envers un antibiotique. Dans ce cas, l’inoculum préparé est valable à la fois pour l’identification et l’antibiogramme. La plaque contient les réactifs pour identifier et pour tester la sensibilité en même temps, d’où l’avantage de l’automate, identification et antibiogramme en 24h.
Tableau 4. Antibiotiques testés. | |||||
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Antibiotiques | Abréviations | Charge (μg) | Antibiotiques | Abréviations | CH (μg/UI) |
Ampicille | AMP | 10 | Ertapeneme | ETP | 10 |
Amoxicilline | AMX | 25 | Meropeneme | MEP | 10 |
Ticarcilline | TIC | Imipeneme | IPM | 10 | |
Amoxicilline/ Acide Clavulanique | AMC | 25 / 10 | Acide Nalidixique | AN | 30 |
Piperacilline/ Tazobactam | PTZ | 75 / 10 | Gentamycine | GM | 10 |
Aztreonam | AZM | 30 | Amikacine | AMK | 30 |
Cefazoline | CZO | 30 | Tobramycine | TOB | 10 |
Cefuroxime | CXM | 30 | Tigecilline | TGY | 30 |
Cephalothine | CEP | 30 | Minocycline | MIC | 30 |
Cefoxitine | FOX | 30 | Ciprofloxacin | CIP | 5 |
Cefepime | FEP | 30 | Levofloxacin | LVX | 5 |
Cefotaxime | CTX | 30 | Fosfomycine | FOS | 50 |
Ceftazidime | CAZ | 30 | Sulfaméthoxa zole- triméthoprim | SXT | 1.25 / 23.75 |
Détection phénotypique des EBLSE
Dans le cas de l’automate, la détection des EBLSE est automatique par la technique des CMI. Par contre, sur l’antibiogramme standard la réduction de la sensibilité aux céphalosporines de troisième génération nécessite la mise en évidence de l’existence d’une BLSE par la recherche d’une synergie entre l’acide clavulanique et les céphalosporines de troisième génération selon les techniques suivantes :
1. Test de synergie
La détection de β-lactamases à spectre élargi peut être mise en évidence par la méthode des disques consistant à rechercher une image de synergie entre un disque d’antibiotique contenant un inhibiteur de β-lactamase et les disques de céphalosporines de troisième génération (cefotaxime, ceftazidime et cefopérazone) et l’aztréonam. Cette synergie se traduitpar l’élargissement de la zone d’inhibition en regard du disque de C3G sous forme d’un « bouchon de champagne » (Jarlier et al. 1988).
Les disques d’amoxicilline + acide clavulanique (AMC 20/10) et les disques de C3G (CTX 30μg, FEP 30μg et CAZ 30μg) et l’aztréonam (ATM 30μg) sont déposés à la surface du milieu MH à une distance de 20 à 30 mm entre les disques. Après incubation à 37°C/18hle test est considéré positif quand le diamètre d’inhibition du disque de céphalosporine de troisième génération appliqué après pré-diffusion du disque de l’AMC est supérieur ou égale de 4 à 5 mm par rapport au diamètre d’inhibition du disque C3G.
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ATM
CAZ
AMC
FEP
CTX
Figure 7. Disposition des disques d’antibiotique pour le test de synergie.
2. Test du double disque
Le test espagnol comme il est appelé, consiste à rechercher une augmentation de la zone d’inhibition d’un disque de C3G, précédé par l’application d’un disque contenant l’AMC, comparé à un autre disque portant la même céphalosporine et placé côte à côte sur la gélose de MH (Rahal et al. 2005).On procède de la même manière que la technique d’antibiogramme dans la préparation de l’inoculum et l’ensemencement, puis on place deux antibiotiques : un disque d’AMC et un disque de CTX (C3G) à une distance de 25 mm selon la figure. On laisse diffuser à température ambiante pendant une heure et on remplace le disque d’AMC par un disque de CTX (C3G).On incube pendant 18 h à 37°C. Le test du double disque est considéré positif quand le diamètre d’inhibition du disque de céphalosporine de troisième génération appliqué après pré-diffusion du disque de l’AMC est supérieur ou égale de 4 à 5 mm par rapport au diamètre d’inhibition du disque C3G.
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Après
CTX
CTX
AMC
CTX
1 heure
Figure 8. Schéma de détection de BLSE par le test du double disque (Rahal et al. 2005).
3. Test à la cloxacilline
Le test à la cloxacilline est effectué pour identifier une BLSE associée à une céphalosporinase déréprimée. La cloxacilline ajoutée au milieu MH (0,25 mg/ml) inhibe très fortement toutes les céphalosporinases hyper-produites (Drieux et al. 2008 ; Philippon et Arlet. 2006). Si un tel mécanisme de résistance existe, les boites de Pétri contenant le milieu MH additionné de cloxacilline présentent une restauration de l’activité de β-lactamases et apparition de l’image de synergie en bouchon de champagne recherchée.
Détection génotypique des EBLSE
4- 1- Extraction d’ADN
L’extraction est réalisée par deux méthodes selon la nature plasmidique ou chromosomique de l’ADN.
1. Extraction d’ADN plasmidique par la lyse alcaline
La méthode de la lyse alcaline est une technique rapide permettant l’extraction des plasmides (ADN extra-chromosomiques) de différentes tailles, de petite et de grande taille (>100kb).Elle met à profit les propriétés structurales de l’ADN plasmidique, qui est libérée après la lyse des bactéries sous des conditions dénaturant l’ADN chromosomique (Kado et Liu. 1981).
L’extraction est réalisée selon le protocole suivant :
– Des cultures bactériennes sur milieu LB sont réalisées la veille.1ml de la culture est centrifugé dans une tube Eppendorf (13000 rpm/1 min). Le culot ainsi obtenu est resuspendu dans 300 μl du tampon P1 et agité.300 μl du tampon P2 sont ajoutés (tampon de lyse) et les tubes sont agités par inversion environ 6 fois.300 μl du tampon P3 est additionné et le tube est agité par inversion (formation d’un précipité).Le précipité est centrifugé à 13000 rpm/10 mn et le surnageant est transféré dans un nouveau tube Eppendorf auquel sont ajoutés 630μl d’isopropanol refroidie à -20°C pour précipiter l’ADN. Après centrifugationà13000 rpm/15 mn le surnageant est éliminé et le culot est lavé de ses sels avec 700μl d’éthanol à 70%. L’alcool éliminé, le culot est, ensuite, séché à l’air libre ou à l’étuve puis il est resuspendu dans 50μl de TE (Tris/HCl-EDTA) et conservé à -20°C.
Tableau 5. Composition des différents tampons d’extraction. | |
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Tampon P1 |
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Tampon P2 |
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Tampon P3 |
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2. Extraction de l’ADN chromosomique par Boiling
L’ADN des entérobactéries est extrait par la méthode du boiling. 1.5ml de la culture sur milieu LB est centrifugé à 12000 rpm/1mn. Le culot bactérien est resuspendu dans 180 μl de TE et agité. Ce dernier est porté à ébullition à 100 °C/10mn puis refroidi à -20°C/10mn. Après centrifugation à 12000rpm/10 mn, le surnageant est récupéré dans un nouveau tube Eppendorf et conservé à 4°C pendant une nuit pour éventuelle dégradation de l’ARN puis à – 20°C pour une utilisation ultérieure.
3. Amplification par PCR (Polymerase Chain Reaction)
La recherche des gènes de résistance blaCTX-M, blaSHV et blaTEM a été effectué par une PCR-Multiplex.
1. Principe
La technique de réaction de polymérisation en chaîne ou PCR permet d’amplifier en un nombre élevé de copies une séquence particulière d’ADN. La polymérisation se réalise dans un mélange réactionnel contenant de faibles quantités d’ADN possédant la séquence à amplifier, les amorces nucléotidiques complémentaires des séquences qui encadrent la cible à amplifier, l’ADN polymérase et un mélange des quatre dNTP (dATP, dTTP, dCTP et dGTP).
Elle débute par une étape de dénaturation thermique de l’ADN à amplifier. Des séquences oligonucléotidiques complémentaires ou amorces sont alors hybridées aux extrémités 3′ des deux brins du fragment d’ADN matrice. L’allongement des amorces dans le sens 5′–> 3′ est, ensuite, assuré par l’ADN polymérase Taq. Les nouvelles molécules d’ADN ainsi formées sont dénaturées et un nouveau cycle peut commencer, la réaction se répétant ainsi jusqu’à plusieurs dizaines de fois (Bonnet et al. 2000b ; Hennequin et al. 2012).
Tableau 6. Amorces utilisées (Jouini et al. 2007). | |||
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Génes | Amorces | Séquences | Tm°C |
blaCTX-M | For Rev | 5’-CTC CGC TTT GCG ATG TGA AG -3’ 5’-ACC GCG ATA TCG TTG GT -3’ | 59.4 52.8 |
blaSHV | For Rev | 5’-CAC TCA AGG ATG TAT TGT G -3’ 5’-TTA GCG TTG CCA GTG CTC G -3’ | 52.4 58.8 |
blaTEM | For Rev | 5’-ATT CTT GAA GAC GAA AGG GC-3’ 5’-ACG CTC AGT GGA ACG AAA AC-3’ | 55.3 57.3 |
La réaction PCR d’un volume final de 25 μl, est composée de
- dNTP 0,5µl,
- MgCl2+ tampon 4µl,
- Taq-polymérase (solis biodine) 0,3µl,
- ADN de l’échantillon 5µl,
- Amorces spécifiques du gène à amplifier : 0,2µl (de chaque),
- H2O (eau ultra pure stérile) qsp 25µl.
L’amplification de l’ADN se déroule selon les étapes décrites ci –dessous
Tableau 7. Etapes de la PCR-Multiplex. | |
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blaCTX-M/SHV-TEM | |
Dénaturation initial | 94°C / 5 min |
Dénaturation | 94°C / 1 min |
Hybridation | 52°C / 1 min |
Elongation | 72°C / 1 min |
Elongation final | 72°C / 5 min |
Nombre de cycles | 30 |
Pour chaque PCR, il faut toujours un témoin positif et un témoin négatif. L’amplification se déroule dans un thermocycleur TC-4000.
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Figure 9. Photo du thermocycleur TC-4000.
4. Electrophorèse sur gel d’agarose
Les produits d’amplification sont analysés sur gel d’agarose à 1.5% (p/v) contenant 10µl d’une solution de bromure d’éthidium (0,5 mg/l).Par contre, l’analyse des plasmides se fait sur un gel à 0.8%. La migration est réalisé pendant 30mn à 100V et le gel est visualisé sous lumière UV et photographié.
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Figure 10. Photo d’une migration d’ADN par électrophorèse.
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Figure 11. Photo du transilluminateur Fisher-Bioblock UV.