Cette étude révèle comment l’antibiorésistance entérobactéries Sétif menace la santé publique, en mettant en lumière la prévalence alarmante des gènes CTX-M. Découvrez les implications cruciales de ces résultats pour la lutte contre les infections nosocomiales.
Epidémiologie mondiale des entérobactéries BLSE
Les BLSE classiques
Depuis plus de 30 ans, la résistance des entérobactéries aux C3G ne cesse de se renforcer notamment par l’acquisition de BLSE. De nombreuses études relatent la progression continue à l’échelle mondiale de ce type de résistance (Belmonte et al. 2010).
L’avènement des BLSE a commencé en Europe de l’Ouest mais a gagné rapidement les Etats- Unis, l’Asie et même l’Afrique. Aujourd’hui leur répartition est mondiale et leur prévalence très variable selon la localisation, l’espèce bactérienne et l’origine des isolats (Bradfor. 2001a). L’épidémiologie des BLSE a été étudiée par de grands programmes de surveillance antimicrobienne notamment le programme SENTRY dans la région Asie-pacifique entre 1998 et 2002 et le programme MYSTIC (Meropenem Yearly Susceptibility Test Information Collection) en Europe et aux Etats-Unis entre 1997 et 2004.
En Europe
La première bêta-lactamase a été isolée en Allemagne. Il s’agissait du SHV-2 décrit chez K. pneumoniae en 1983 (Knothe et al. 1983) puis en 1985 chez K. ozaenae (Kliebe et al. 1985). En France, en 1984, une variante de TEM-2, nommée TEM-3 est détectée également chez K. pneumoniae dans différents hôpitaux. En 1989, presque simultanément en Allemagne en France et en Italie, une nouvelle famille de BLSE a été reconnue et nommée CTX-M. En 1991, à Ankara (Turquie), et plus tard en France, les enzymes de type OXA, ont été découvertes (Canton et al. 2008).
Les données du programme de surveillance MYSTIC en Europe entre 1997 et 2004 ont montré une augmentation de la prévalence et la dispersion des souches productrices de BLSE. Chez les souches de E. coli productrices de BLSE, la prévalence va de 2,1 % en 1997 à 10,8 % en 2004; chez K. pneumoniae elle va de 9,0 % à 13,6 % (Goossens et Grabein. 2005).
En Afrique
Deux études ont permis de faire le point sur la production des BLSE en Afrique. La première relève la diversité de la prévalence des souches productrices de BLSE sur le continent et conclut que la proportion de ces souches est inférieure à 15 % (Tansarli et al. 2014). Dans la partie nord de l’Afrique, on retrouve les gènes CTX-M-3, CTX-M-15 et TEM-1 chez K. pneumoniae et TEM, SHV et CTX-M-1 chez E. cloacae avec une prévalence de 32,1% parmi les entérobactéries en Algérie (Messai et al. 2008; Ahmed et al. 2012; Nedjai et al. 2013).
Au Maroc, la prévalence est de 1.3 % avec les types TEM-1, SHV-5 et CTX-M-15 chez E. coli (Bourjilat et al. 2011). En Ethiopie, la prévalence de Klebsiella spp productrice de BLSE est de 33,3 % (Seid et Asrat. 2005) En Afrique du sud, une étude identifie TEM-1,-26, SHV-2,-5 chez Proteus mirabilis et E. coli (Pitout et al. 1998). En Afrique centrale, il a été rapporté au Cameroun les BLSE de type SHV-12, CTX-M-15, OXA-1, OXA-30, TEM-1 avec un portage fécale de 54,06 % (Lonchel et al. 2013a; Lonchel et al. 2013b).
En Centrafrique, la prévalence est de 4 % chez les entérobactéries avec les types SHV-2A, SHV-12, CTX-M-3, CTX-M-15 et TEM-1 (Frank et al. 2006). En Afrique de l’Ouest, E. coli productrice de CTX-M-15 est retrouvé chez les enfants au Sénégal (Ruppé et al. 2009) et où la prévalence est estimée à 3,8 % (Sire et al. 2007). Au Nigeria, CTX-M-15, SHV, TEM ont été signalés chez K. pneumoniae (Soge et al. 2006) et OXA-10, VEB-1, CMY chez Providencia spp (Aibinu et al. 2011).
La deuxième étude conclut que les entérobactéries hospitalières et communautaires productrices de BLSE varient entre les pays et selon les échantillons considérés mais reste communes en Afrique. Ce sont les enzymes de classe A et D (Storberg. 2014). La vraie prédominance des BLSE n’est pas connue, probablement en raison des difficultés de leur détection. Mais il est clair que leur prévalence et leur distribution mondiale augmente de jours en jours.
En Asie
En Asie, des études sur la résistance aux antibiotiques ont montré des niveaux élevés des phénotypes BLSE en Chine, en Corée, au Japon et en Inde. Des travaux à la fin des années 1990 suggèrent que SHV-5 et SHV-12 étaient les plus communs. En Chine, et d’autres pays d’Asie, les types dominants sont CTX-M-14 et CTX-M-3 et CTX-M-2 au Japon.
En Inde la prévalence des phénotypes BLSE chez E. coli et K. pneumoniae est de68 % (Hawkey. 2008). Dans le cadre du programme SENTRY, l’incidence de la production de BLSE chez E. coli varie de 13 % à 35 % et un taux > 20 % chez K. pneumoniae, en Chine, au Japon, en Taïwan, au Singapore (Hirakata et al. 2005).
En Amérique
Aux Etats-Unis, les grandes études de surveillance ont été menées par le CDC et par le programme MYSTIC. L’occurrence de la production de BLSE chez les entérobactéries s’étend de 0 à 25%, selon les établissements, avec une moyenne autour de 3% (CDC National Nosocomial Infections Surveillance http://www.cdc.gov/ncidod/hip/SURVEILL/NNIS.HTM et Bradford, 2001a). Une analyse des données du programme MYSTIC entre 1999-2004 aux Etats-Unis a révélé 5,1 % et 7,2 % de phénotype BLSE chez les souches de E. coli et Klebsiella spp, respectivement en 1999 et une baisse en 2004, notamment 1,4 % pour E. coli et 4,4 % pour Klebsiella spp (Goossens et Grabein. 2005). Peu de CTX-M ont été signalés aux Etats-Unis, contrairement au reste du monde (Bush. 2008). Au Canada, une grande variété de BLSE a été identifiée, avec des membres de la classe TEM, SHV et CTX-M-14.
Au Mexique l’enzyme TLA-1 hébergé par une souche d’E. coli a été rapportée en 1993 (Naas et al. 2008).
En Amérique du Sud le taux de BLSE est parmi les plus élevés du monde. Les types SHV et TEM sont fréquents, CTX-M est endémique et largement dominant. Selon de récentes enquêtes multi-continentales, les Klebsiella isolés de l’Amérique latine ont la prévalence la plus élevée de BLSE (45,4 %). Chez E. coli, elle est de 8,5 % et chez P. mirabilis, 22,4 % (Données programme SENTRY) (Winokur et al. 2001).
En 15 ans, la diffusion mondiale des BLSE de type CTX-M chez les entérobactéries a explosé de façon extrêmement rapide, d’où le terme de «pandémie CTX-M» (Rossolini et al. 2008). Les études épidémiologiques récentes rapportent que la situation est endémique dans la plupart des pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Sud avec de forts taux de prévalence de CTX-M parmi les souches productrices de BLSE : E. coli (de 30 à 90%) et de K. pneumoniae (de 10 à 60 %) (Livermore et al. 2007 ; Rossolini et al. 2008). A noter que quelques CTX-M sont retrouvées spécifiquement dans certains pays (comme CTX-M-9 et CTX-M-14 en Espagne, CTX-M-1 en Italie ou CTX-M-2 en Amérique du Sud, au Japon et en Palestine) tandis que CTX-M-15 est mondialement distribuée et est responsable chez les humains des cas d’infections nosocomiales et communautaires (Rossolini et al. 2008).
Les BLSE de type carbapénèmases
Les carbapénémases de type KPC (Klebsiella pneumoniae carbapénémase) ont tout d’abord été décrites sur la côte Est des États Unis en 1996 (Yigit et al. 2001) avant d’être identifiées dans la plupart des états du pays, avec notamment une très forte prévalence dans l’état de New York. Ces souches ont également été décrites en Grèce et en Palestine où elles semblent à l’heure actuelle endémiques (Nordmann et al. 2009). Plusieurs variants ont été décrits à ce jour (KPC-1 à KPC-11), le gène blaKPC-2 est actuellement le plus répandu sur la planète. Si les niveaux de résistance aux carbapénèmes des souches productrices d’enzymes de type KPC sont très variables, l’ertapénème est la molécule ayant la plus faible activité. Les souches productrices de KPC sont très fréquemment des souches multirésistantes et les options thérapeutiques sont très souvent réduites.
De ce fait, la mortalité associée aux infections par les bactéries productrices d’enzyme de type KPC est élevée, très souvent supérieure à 50% (Nordmann et al. 2011).
Les enzymes de type VIM (Verona Integron encoded Metallo-bêta-lactamase) et IMP (Imipénémase) qui représentent la majorité des carbapénémases de classe B ont été rejointes en 2008 par une nouvelle enzyme appelée NDM-1 (NewDelhi metallo-bêta-lactamase 1).La première métallo β-lactamase de type IMP a été décrite au Japon en 1991 (Ito et al. 1995) Depuis, ce type d’enzyme a diffusé dans le monde entier et les enzymes de type VIM et IMP sont désormais endémiques dans certains pays tels que la Grèce, l’Italie, l’Espagne, Taiwan et le Japon (Nordmann et al. 2011).
La plupart des souches productrices de métallo-β-lactamases sont des K. pneumoniae multirésistantes acquises dans les établissements de soins. La mortalité associée à ce type de souches varie de 18 à 67% (Nordmann et al. 2011).
La première souche de K. pneumoniae productrice d’OXA-48 a été isolée en Turquie en 2003 (Poirel et al. 2004). Depuis, les bactéries productrices d’oxacillinases, notamment OXA-48, ont très largement émergé dans tous les pays du pourtour méditerranéen et en Afrique (Nordmann et al. 2011). Plus récemment, des souches produisant une oxacillinase similaire, OXA-181, ont été isolées en Inde ou chez des patients d’origine indienne (Castanheira et al. 2011). OXA-48 est principalement retrouvée chez K. pneumoniae et E. coli, même si d’autres espèces d’entérobactéries peuvent produire ce type d’enzyme. Les carbapénémases de classe D hydrolysent plus faiblement les carbapénèmes et les céphalosporines de 3ème génération, ce qui sous-estime probablement leur fréquence de diffusion chez les entérobactéries du monde entier.
Toutefois, le niveau de résistance aux carbapénèmes est plus élevé lorsqu’elles sont associées à une BLSE et à un défaut de perméabilité membranaire (Carrer et al. 2010 ; Cuzon et al. 2011). La mortalité associée à ce type d’infection demeure inconnue à ce jour.
Facteurs de risque d’acquérir une BLSE
Différents facteurs de risque ont été fréquemment associés avec l’acquisition d’une souche productrice de BLSE. Le premier facteur concerne l’utilisation accrue des antibiotiques de type céphalosporines de 3ème génération quelques années avant l’apparition des premières BLSE, et par conséquent, la mise en évidence d’un lien de causalité entre cette utilisation et l’émergence des BLSE (Sirot. 1989). En d’autres termes, les antibiotiques exercent une pression de sélection non-négligeable (Jacobson et al. 1995), et cette pression de sélection est d’autant plus marquée que le nombre de patients traités est important et que la durée de l’antibiothérapie est longue (Asensio et al.2000). De plus, on peut constater que la restriction de l’utilisation des antibiotiques a permis la diminution du nombre de BLSE (Chow et al. 1991 ; Follath et al. 1987).
Le deuxième facteur de risque concerne la dissémination des souches résistantes et englobe d’une part le problème des « réservoirs » et d’autre part la transmission des germes. De plus, différents facteurs en relation avec l’acquisition de bactéries productrices de BLSE concerne des patients gravement malades, suite à une hospitalisation prolongée et après exposition à des dispositifs invasifs (cathéters veineux, sonde urinaire ou tube endotrachéal).
Un séjour de longue durée implique une plus longue exposition au risque d’acquérir une bactérie multi- résistante comme E. coli et Klebsiella (Kassis-Chikhani et al. 2004 ; Wiener et al. 1999), ce qui signifie une augmentation du risque pour le patient d’être colonisé (Goldsteinet al. 1995). D’autres facteurs de risque sont la malnutrition, l’hémodialyse, la nutrition parentérale totale, l’admission en réanimation ou l’hospitalisation préalable (Lautenbach et al. 2001).