La contribution des IDE en Algérie est limitée par un climat des affaires défavorable et un cadre institutionnel inadapté. Cet article propose des recommandations pour renforcer l’attractivité du pays, en s’inspirant de modèles internationaux, notamment asiatiques, afin d’améliorer l’impact des investissements étrangers.
Conclusion Générale
Pour rappel, ce manuscrit avait pour objectif général d’étudier et d’analyser la contribution des flux d’IDE entrants à l’économie algérienne, en d’autres termes, l’analyse des effets potentiels (avérés ou réels) des IDE reçus sur les différents paramètres socio- économiques et de ce fait sur la croissance économique. Nous poursuivons en l’occurrence deux objectifs : le premier était de vérifier l’existence d’impact positif global des IDE sur l’économie algérienne et de déterminer, le cas échéant, les conditions nécessaires qui doivent être réunies à long terme(LT), pour
en tirer davantage profits. Le second objectif était de mesurer les effets de report, directs ou indirects, positifs ou non, des flux des IDE à l’investissement national en termes de transfert technologique et organisationnel, la productivité et la compétitivité des entreprises, voire l’industrialisation de l’Algérie et son intégration positive dans les chaines de valeur internationales(CVI).
Ce faisant, tout au long de cette recherche, nous nous sommes efforcés de montrer que les flux d’IDE à destination de l’Algérie ne s’inscrivent pas dans une logique fortement productive et industrielle, comme le cas des pays émergents d’Asie et les pays développés(PD), mais exclusivement dans celle des ressources naturelles (énergie et mines), et dans une moindre mesure, le secteur des services et du l’immobilier, activités à forte spéculation.
Ainsi, et contrairement, aux théories qui soutiennent que les flux d’IDE sont déterminés par le degré d’ouverture et de libéralisation économiques, de déterminants de localisation et d’autres avantages crées (aussi bien structurels qu’institutionnels), les IDE en Algérie sont déterminés fondamentalement par les ressources naturelles, en particulier, l’énergie. Le deuxième point relevé est que l’effet global de l’IDE sur l’économie nationale est peu perceptible et non significatif, de fait de la prépondérance de secteur des hydrocarbures(pétrole et gaz) dans la structure des projets d’investissement, bloquant totalement
le développement national et empêchant surtout toute éventuelle nouvelle spécialisation industrielle(NSI) de l’Algérie et ce, en dehors de la spécialisation primaire.
Cela contraste grandement à la fois avec le succès des Nouveaux Pays Industrialisés(NPI) et Nouveaux Nouveaux Pays industrialisés(NNPI) d’Asie, où l’IDE aurait largement facilité et contribué au développement industriel et à la remontée de filières dans des segments à forte valeur ajoutée(VA) et créateurs de richesses (dans l’électronique, l’automobile, l’électromécanique, la construction navale etc.)
Dans la première partie de notre travail, nous avons mis en lumière les concepts et les caractéristiques de l’IDE et de la FMN, dans un premier chapitre. Dans un deuxième chapitre, nous avons analysé les différentes explications d’internationalisation des firmes afin de mettre en évidence les facteurs déterminants de localisation des FMN à l’étranger.
Parmi ces explications, les théories traditionnelles (anciennes) de commerce international, liées à la spécialisation internationale, expliquant les avantages comparatifs des pays d’accueil(PA), mais qui ont été rejetées à cause de leur hypothèse de concurrence pure et parfaite et de l’immobilité des facteurs de production. Ensuite, vient la vague des théories dites contemporaines, où la question de l’internationalisation des firmes est traitée selon plusieurs optiques : dynamique, synthétique et stratégique.
Dans une optique dynamique, la firme n’est plus indifférente du date de l’investissement. Dans une optique stratégique, elle ne devient plus indifférente (préoccupante) aux choix et actions de ses concurrentes, tandis que dans une analyse synthétique, la firme considère dans son processus décisionnel de choix de se multi- nationaliser, les déterminants de l’ offre et de la demande relatifsà chaque site et/ou pays.
Enfin, nous avons analysé les différentes stratégies qui peuvent être poursuivies par les FMN en s’implantant à l’étranger relativement à la localisation de leurs activités et leur choix des territoires.
Dans le troisième chapitre, nous avons passé en revue les différentes théories de la croissance économique et les explications données relativement à l’investissement, au capital et au processus de la croissance. Ensuite, nous avons procédé à une analyse dialectique des interactions entre les IDE et les économies d’accueil, et ce, tout en mettant en lumière les conditions qui doivent être réunies dans le pays d’accueil(PA), à l’effet, de bénéficier des différents effets d’entrainement des IDE reçus, à long terme.
Dans la deuxième partie, nous avons analysé en chapitre premier, les différentes évolutions, anciennes comme récentes, des IDE dans le monde et expliqué les facteurs de leur essor au cours des dernières années à savoir: la montée du libéralisme économique et l’ouverture des marchés après le cercle d’Uruguay, la division internationale de processus productif(DIPP) par la délocalisation, le développement des TIC, la multiplication des opérations de F&A internationales transfrontalières du fait de la hausse des cours boursiers et des opérations de privatisations, la création des zones d’intégration régionales, et enfin, la montée des FMN, des pays émergents et des pays en développement(PED) comme de nouveaux acteurs sur la scène économique internationale.
Le deuxième chapitre passe en revue les potentialités et les politiques d’attractivité des IDE en vigueur en Algérie, et la comparaison des flux d’IDE entrants par rapport à d’autres pays, comme la Tunisie et le Maroc. Nous pouvons alors dire que les politiques mises en œuvre par les gouvernements nationaux en vue d’attirer l’IDE, se sont révélées inefficace, notamment hors énergie.
De façon spécifique, il convient en effet de souligner que l’Algérie semble présenter une triple spécialisation en ce qui concerne les investissements étrangers reçus : une spécialisation des secteurs attractifs, une spécialisation de type d’investissements et enfin une spécialisation de types de sociétés. Par ailleurs, comme nous l’avons constaté, les données chiffrées font apparaitre le fait que l’apport de l’IDE demeure faible quantitativement et moins efficace qualitativement, et la croissance de nouveaux secteurs productifs est relativement moindre.
A défaut d’une appréciation quantitative et qualitative exacte et suffisante de l’impact des IDE, et étant donné le poids croissant des hydrocarbures dans l’économie, nous avons tenté, dans un troisième et dernier chapitre, de vérifier cet état de fait en dégageant les déterminants des IDE en Algérie. Ce faisant, nous avons essayé de nous inspirer de la théorie endogène qui considère, le capital humain et physique, l’innovation et les dépenses publiques comme facteurs de croissance et du développement économiques pouvant être véhiculés par l’IDE. Ainsi, les conditions d’un impact positif de l’IDE sur le PA seraient l’existence de capacités d’absorption locale, la qualité des institutions et de bonnes infrastructures de base.
Force est de constater que si, comme il ressort de notre étude, de tels résultats peuvent paraitre négatifs et décevants, cela est hors de propos, puisque ce n’est pas d’une présence envahissante des IDE dont on aurait à se plaindre en Algérie, mais plutôt de leur quasi- absence, notamment en dehors des ressources naturelles.
L’analyse de la contribution des IDE à l’économie nationale, fait ainsi ressortir que la présence des hydrocarbures en Algérie (qui sont le plus souvent considérés comme un facteur d’analyse unique de l’économie) est un facteur répulsif des IDE productifs, industriels en particulier. La prédilection des investisseurs étrangers pour ce secteur, comme nous l’avons analysé dans le dernier chapitre, empêche toute nouvelle spécialisation industrielle(NSI) pouvant réduire la dépendance du pays aux cours du pétrole et contribuer aux opportunités offertes par la mondialisation.
Pourtant, nombreux sont, comme nous l’avons précédemment analysé, les secteurs productifs dans lesquels l’Algérie pourrait faire la différence. Des secteurs à forte valeur ajoutée(VA) et forte compétitivité technologique, des secteurs exportateurs et créateurs des
richesses à savoir: le High Tech (électronique, électromécanique etc.), l’industrie automobile, la métallurgie, la pétrochimie…. Autant de créneaux qui seront voués à concrétiser les objectifs en termes de croissance et du diversification industrielle. C’est d’ailleurs l’expérience réussie du miracle asiatique où l’industrialisation aurait en partie, voire totalement pour certains pays, reposé sur les IDE, qui a encore formé et renforcé notre argument en faveur de l’ouverture aux investisseurs étrangers.
Bien entendu, il n’est pas question de faire, à travers ces quelques remarques, l’apologie de l’IDE. La part de l’IDE dans le PIB d’un pays ne constituerait pas l’élément important à considérer. Ce qui est déterminant du point de vue de l’impact sur l’économie est la qualité de l’IDE, à savoir le secteur concerné, les partenariats et les conditions de transferts de connaissance et de technologies prévus.
En effet, quelque soit la nature ou le secteur d’activité des investisseurs étrangers, il n’en demeure pas moins que le rôle de l’Etat dans la mise en œuvre des infrastructures d’accompagnement des entreprises, tant nationales qu’étrangères, et l’orientation notamment de ces dernières selon les priorités nationales, serait plus crucial. En effet, dans les pays émergent d’Asie, c’est l’existence d’un Etat fort et rationnel(d’un Etat- développeur) ainsi que la conjugaison des efforts des institutions privées et publiques en vue de diffuser davantage la culture d’entreprise, de
développer la formation à l’entreprenariat et l’amélioration des capacités avec une bonne sous-traitance nationale et de fortes capacités d’absorption, qui a permis de transformer les faiblesses et les contraintes de l’environnement en opportunités et les IDE en véritables facteurs de développement et de compétitivité industrielle sur les marchés mondiaux.
L’économie algérienne a besoin d’une politique de développement, de stratégies industrielle et d’attractivité pour bénéficier des opportunités offertes par la mondialisation, de façon globale, et par les mouvements de capitaux et l’IDE, en particulier. Le grand défi pour l’Algérie est de savoir comment tirer avantage de la présence des entreprises étrangères et comment les rendre en un véritable vecteur à la fois, de croissance et de développement économiques et de diversification industrielle. Dans ce sens, nous nous rallierons aux conclusions du Professeur HAFSI.T(2010)1, quant à la nécessité de créer un environnement favorable à des décisions d’investissements prises par une multitude d’acteurs qui sont libres dans leur choix. Il suggère en effet les actions prioritaires suivantes:
- Clarifier le système de propriété, notamment garantir la possession d’un bien et le droit de le transiger librement ;
- Consolider le système judiciaire pour régler les conflits, notamment en matière de transaction le droit de propriété ;
- Construire une banque centrale de qualité ;
- Construire un système d’information économique et financière de qualité (conseil économique, statistiques…);
- Enfin, travailler à l’accroissement de la qualité des services publics et notamment, dans un premier temps, de ceux qui facilitent la tache des investisseurs.
Selon la nouvelle économie institutionnelle, les changements du cadre juridique et des règles du jeu (les normes) qui régissent les rapports entre les différents acteurs du développement sont au cœur de changement institutionnel. Ainsi, l’institution comme source principale des actions, des changements et des politiques qui définissent l’IDE, pourrait influencer la façon dont l’IDE agit sur le système institutionnel. Ainsi, il ne pourrait pas y avoir de développement institutionnel sans volonté (institutionnelle), c’est un peu la thèse centrale de l’économiste américain Douglas Cecil North, prix Nobel en 1993.
L’Algérie devrait faire preuve de discernement dans l’accueil des IDE, car prendre des mesures contraignantes envers ces derniers ne peut que faire perdre la confiance en la stabilité réglementaire et juridique dans un contexte où tout les pays cherchent à attirer des financements extérieurs privés en se dotant d’instruments favorables aux investisseurs et en déployant des organismes entièrement dédies à cette fin2.Les polémiques sur la règle 51/49, en est un exemple concluant.
Pour beaucoup d’observateurs la révision de cette règle aura des répercussions positives sur l’ économie algérienne ainsi que sur son industrie (des formules diversifiées, distinguer les segments stratégiques, minorité de blocage pour les segments non stratégiques mais à VA importante afin d’éviter les délocalisations sauvages, assouplissement de règle notamment aux PME/PMI…).
Il y aura plus d’adaptations et beaucoup d’entreprises étrangères, ce qui va améliorer le niveau de la compétitivité ainsi que la qualité de notre industrie. Il en résulterait plus d’opportunités d’affaires et d’investissements pour les operateurs économiques, ce qui pourrait améliorer le climat des affaires en Algérie.
La création et la promotion d’un écosystème industriel en Algérie, devrait être entreprise afin de faciliter les mécanismes de transmission des IDE dans les autres secteurs de l’économie nationale. Il convient en sus de souligner que la taille de marché existant est non seulement un facteur d’attractivité, comme le vante la littérature économique, mais aussi un facteur d’impact des IDE sur toute l’économie. En effet, à partir d’un certain niveau, plus un pays a un marché national élevé, plus il sera capable de tirer bénéfice des effets potentiels d’IDE entrant.
Par ailleurs, si l’on se fie aux rapports de la BM de 2006 et 2007, l’Algérie devrait s’efforcer de créer de conditions favorables pour les IDE verticaux (délocalisation et sous- traitance notamment) et ce, à travers la création de zones spéciales d’activités (zones franches, tant commerciales que d’exportations etc.), de bonnes infrastructures de base, la formation de capital humain, un système national d’innovation(SNI) , de pôles de compétitivité, comme il faudrait par ailleurs promouvoir l’intégration régionale, trop longtemps en gestation.
Un fonds souverain d’investissement devait d’être crée en Algérie, pour attirer plus d’IDE et acquérir une maitrise technologique qui permettrait de développer l’économie nationale. Il faudrait aussi éradiquer la bureaucratie(en termes notamment de blocages administratifs, de l’accès au financement, au foncier économique) et réformer en profondeur le système bancaire et financier, comme devrait être revue la formation des gestionnaires et des techniciens qui peuvent contribuer à l’amélioration de la situation.
Pour améliorer le climat des affaires et l’attractivité du pays, l’important est la
ré-industrialisation de l’économie algérienne, afin qu’elle soit diversifiée et compétitive. Il faut accepter la compétition en essayant d’avoir la maitrise des technologies et leurs transferts. Ceci dit, nouer des relations avec les entreprises étrangères et bénéficier de leur savoir faire, est devenu impératif. Dans ce sens, il faut qu’il y ait également le soutien de l’Etat pour développer les entreprises privées qui peuvent se substituer notamment au secteur public (quid d’un small busness act algérien(SBA),…). Ainsi, des Chaebols algériens, seraient-ils possibles ?
Il serait somme toute de la nécessité absolue pour les pouvoirs publics de s’engager dans les reformes sur tous les plans : l’entreprise, l’administration, le marché, les systèmes juridique et institutionnel… C’est l’équation incontournable que le pays devrait résoudre pour obtenir une croissance forte impulsée par le secteur productif privé(national ou étranger), créateur de richesses et d’emploi et ce, à coté d’un Etat recentré sur sa fonction de régulateur et facilitateur des activités économiques.
Pour conclure, nous estimons que l’enjeu futur et la vraie problématique en Algérie, est celle de la construction d’une base productive nationale capable de se mesurer aux grands défis technologiques et industriels porteurs de développement et facteurs d’échanges équilibrés et mutuellement bénéfiques. Il s’agit ainsi de construire un système productif national enraciné et cohérent, facteur de progrès et de compétitivité internationale ainsi qu’un fort instrument pour l’intégration dans les CVI.
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1 HAFSI.T, « comprendre le développement économique : les fondements », HEC, Montréal., 2010, P.04 ↑
2 CAMILLE.S, « Algérie et Maroc : quelles convergences économiques » Cabrera éditions, Paris. Cité par, GUERID. O, « climats des investissements en Algérie : insuffisances et perspectives d’amélioration », Recherches Economique et Managériales, No.13, 2013, P35. ↑