Les facteurs des IDE en Algérie sont cruciaux pour comprendre leur faible impact sur l’économie nationale. L’article analyse les obstacles tels que le climat des affaires et l’absence de cadre institutionnel, tout en proposant des solutions inspirées des modèles asiatiques pour renforcer l’attractivité du pays.
IDE et réussite des pays émergents d’Asie: pour quels facteurs-conditions ?
A partir d’un survol portant sur le fulgurant succès des pays émergents d’Asie, à partir notamment des années 80, nous allons chercher à déterminer les facteurs pouvant expliquer l’évolution des afflux croissants d’IDE, et son rôle moteur joué dans le dynamisme de
l’appareil productif et de décollage économique de ces économies. En effet, il nous semble plus judicieux de soutenir que les facteurs favorisant cet impact, généralement positif des IDE sur les économies de la région, devrait faire objet d’analyses spécifiques succinctes pour situer les perspectives en matière d’IDE de l’économie algérienne.
Les enjeux d’une politique favorisant les IDE
La réussite des pays d’Asie présente un fort argument sur l’impossibilité de mettre en doute les effets positifs de l’IDE reçu. Sa contribution est évidente sur la hausse de niveau des investissements et la dynamisation de secteur industriel. Les flux d’IDE entrants ont permis dans ces pays des taux de croissance performants et des transferts de technologies… En quoi consisteraient alors les facteurs ayant permis un tel exploit ?
Le rôle d’un Etat fort et rationnel : maximiser les profits et éviter les dérapages
Il serait important de noter que l’ancien débat, que nous avons déjà évoqué, entre les adeptes de la théorie libérale et celle de la dépendance sur les effets de capital étranger, est apparemment dépassé, aujourd’hui. Le problème est abordé différemment, avec le miracle asiatique, notamment à partir des années 80 et 90.
S’agissant de ces derniers, il nous parait plus encourageant de mettre en lumière, tout autant les mécanismes qui leur ont permis d’attirer les IDE que de contribuer encore plus au décollage industriel et l’augmentation des exportations. Dans ce sens, il ne serait pas inutile de mettre en évidence l’importance administrative de l’Etat et de son rôle à jouer, en termes des effets positifs des IDE dans le secteur manufacturier et ce, le cas échéant, grâce à son intermédiation dans les conflits et ses interventions le
plus souvent directs pour contrecarrer les effets négatifs et les investissements publiques dans les infrastructures du pays.
Ainsi, il ne serait pas vain d’analyser le rôle crucial joué par l’Etat coréen dans l’orientation des IDE et leurs contributions au développement économique du pays1, en dépit de son attitude stricte vis-à-vis de capital étranger. Selon cette vue, la réussite des pays asiatiques, tiendrait surtout à la présence d’un Etat minimal (Market-Freindly intervention)2 qui s’est contenté d’agir sur l’environnement des affaires, sur l’éducation et la santé. Dans le domaine d’infrastructures, la banque mondiale a déjà salué à plus d’un titre le rôle joué du
secteur public. Pourtant, cette même institution considérait le modèle coréen comme relevant d’une économie mixte où l’Etat a su mener le marché vers des chemins critiques3. Ce qui serait le contraire de point de vue libéral, notamment pour les révisionnistes, qui soutenaient que les interventions et les distorsions de l’Etat ont constitué un mécanisme systématique pour soutenir le développement industriel4.
En optant pour un modèle nationaliste ouvert, en Corée du sud, entre 1962-1983, les IDE y étaient strictement contrôlés par le gouvernement: les IDE ont été prioritairement dirigés vers le secteur manufacturier (voir tableau 24), ils sont de type Greenfield, des listes limitatives (dites positives) de secteurs où l’IDE est autorisé, sont ainsi arrêtées, cédant la place, avec l’assouplissement de l’attitude à l’égard de l’IDE, à des listes négatives de secteurs fermés à l’IDE5.
Une participation à la propriété est limitée à 50% sauf pour les entreprises spécialisées dans l’exportation, à projets intensifs en technologies et les projets en zones franches. Par ailleurs, des secteurs à caractère stratégique ont été interdits aux investisseurs étrangers: dans la distribution, les marchés occupés par les firmes locales, et des niveaux minimums d’investissements ont été exigés afin de décourager les petits investisseurs dont le seul objectif est de profiter des bas salaires(les niveaux minimum d’investissements exigés étaient consécutivement de 50 000$ et 500
000$, pour 1973 et 1980)6.
Tableau 24: structure sectorielle des IDE, entre 1962-1981, en Corée du sud
Tableau 24: structure sectorielle des IDE, entre 1962-1981, en Corée du sud | |||||
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Période | 1962/1966 | 1967/1971 | 1972/1976 | 1977/1981 | Total |
Agriculture, forêts et pêche | 0.3 | 0.9 | 1.4 | 1.1 | 1.2 |
Mines | 0 | 0.2 | 0.4 | 0.2 | 0.3 |
Industries manufacturières | 98.5 | 84.9 | 75.5 | 68.3 | 74.6 |
Services | 1.2 | 14.1 | 22.7 | 30.4 | 23.9 |
Total | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
Source : Benabdellah. Y, « émergence : quels enseignements pour l’Algérie », colloque international, l’Algérie face aux défis de la mondialisation, CNRS, université Paris 3, Grenoble 08/02/2011.
Bien que le rôle de l’Etat dans la phase de l’émergence économique est incontournable, et s’elle y joue un rôle stratégique, cependant, il n’y joue pas un rôle centralisateur et omnipotent, l’Etat est plus fort dans son rôle de régulateur que de son d’acteur économique7. La force de l’Etat est de mettre en place des règles du jeu équitable, tournée vers l’efficacité et la protection des investisseurs et d’inciter ces derniers à donner le meilleur d’eux-mêmes pour atteindre les objectifs nationaux souhaités.
D’industries de substitution aux industries exportatrices
Il est notoire que beaucoup parmi les économies choisies(Corée, Malaisie, Thaïlande, Indonésie), ont connu tous une phase d’import substitution. En sus, en dépit de leur adoption de nouvelle stratégie favorisant l’investissement dans les secteurs d’exportation (promotion des exportations), l’apport de la politique précédente resterait indéniable. Elle a permis la constitution d’une base industrielle qui aurait crée un climat favorable aux investisseurs extérieurs, notamment productifs8.
S’agissant de l’Algérie qui, même s’il a adopté une telle politique, particulièrement via fameuse « Industries Industialisantes », cependant la forte dépendance de pays à l’égard des inputs importés, à même en compétences managériales et de gestion, n’a pas permis l’émergence d’un véritable tissu industriel-qui a même été nuisible aux entreprises domestiques-qui pourrait répondre à la demande domestique.
Contrairement en Asie, les politiques adoptés, ne s’est pas conjuguée à une fermeture complète de l’économie, du fait que les exportations ont été également encouragées, entre autres la demande élevée de la population qui n’a cessé d’augmenter, constituant des facteurs permettant des économies d’échelle et l’amélioration de la productivité de l’industrie.
Il en a résulté: une importante base industrielle est acquise et un niveau d’industrialisation élevé, notamment avec l’arrivée des entreprises étrangères et corollaires.
Présence d’une véritable stratégie de développement
Comme pourrait le montrer l’expérience de chacun des pays étudié, qui ont réussi leur développement industriel et sorti de la trappe de sous-développement, l’un des enjeux de tout processus de développement serait la capacité de pays considéré à articuler ses mécanismes
internes de régulation économique et sociale, ses objectifs de développement avec les contraintes et opportunités naissant de son insertion internationale. Approche qui peine malheureusement de voir le jour en l’Algérie qui, à titre de rappel, dont l’erreur stratégique, dans les années 70 et 80, serait la mis en œuvre une stratégie de développement tourné vers l’industrie forte capitalistique où les entreprises sont majoritairement à caractère publique, cherchant d’abord à développer son marché intérieur, démarche rendue possible par les possibilités de financement qui offraient les exportations
des hydrocarbures. Tant dis que d’autres pays, comme la Corée du sud qui, faudrait-il rappeler, était de même niveau que l’Algérie, a donné la priorité à l’innovation technologique basée sur l’apprentissage9. Dans cet optique, il semble de la nécessité absolue, aujourd’hui, pour l’Algérie, et sans faire table rase des expériences accumulées, de penser une nouvelle démarche fondée sur le savoir, la connaissance, l’attractivité, et l’insertion dans les CVI.
Quid de la stratégie industrielle en gestation qui peine à voir le jour, ni d’être opérationnel ?
Existence d’esprit d’entreprises et le développement d’industrie locale
Il convient de souligner que dans le cadre des rapports entre les partenaires locaux et les investisseurs étrangers éventuels, l’existence d’un esprit d’entreprise locale constituerait un facteur déterminant des conditions, des formes et de l’orientation sectorielle de l’IDE. L’engagement préalable du secteur local (privé et/ou public) en termes d’investissement serait, sans aucun doute, plus significatif pour l’investisseur étranger.
Ainsi, si nous partons de l’étude de Koo. B. Y(1984)10 sur la Corée, il va falloir au moins noter ce constat : le développement atteint par l’industrie nationale affecte, quoi que d’une manière indirecte, les formes que prennent les IDE. Ceci dit, lorsque le développement en est à ses débuts, il est très difficile pour le gouvernement de PA, s’il souhaite drainer les IDE, d’appliquer à leurs opérations une réglementation rigoureuse. Néanmoins, d’autant plus que s’améliorent les perspectives ouvertes à l’économie et que se développe l’esprit d’entreprise, il deviendrait possible de faire affluer les IDE selon les modalités voulues11.
Conjugaison d’efforts institutions publiques/privées
Quoi qu’il en soit, la conjugaison des efforts des institutions publiques et privées s’est révélée fructueux et efficace. Il revient aux gouvernements publics de diffuser davantage la culture d’entreprise, de développer la formation à l’entrepreneuriat et l’amélioration des capacités d’entreprendre. Mais force est de constater que, si le rôle de l’Etat dans l’acquisition effective de savoir est décisif dans les PED, le secteur privé y occuperait cependant une place plus significative.
En Corée du sud, on parle même d’une organisation quasi-interne12 entre l’état et les entreprises privés. L’orientation et l’encadrement fort des sociétés privés par l’Etat pour inciter, protéger et orienter l’émergence des champions nationaux de l’industrie, en mérite mention. En Chine, l’Etat intervient de manière plus spécifique pour soutenir ses champions nationaux, dont notamment elle est souvent actionnaire : Lenovo dans l’informatique ou TCL dans l’électronique grand public13.
La création des zones franches(ZF)14
Qu’elles soient commerciales, industrielles et de services (d’exportations) ou sous forme de zones économiques spéciales(ZES), les ZF apparaissent, bien au vu de leur bilans, comme de véritables diffuseurs de la mondialisation de l’économie et ont incontestablement aidé les économies émergents à intégrer le processus mondial d’échanges économiques. Il convient de noter que sont mises en place pour stimuler les exportations et le développement technique, et qui continuent à jouer un rôle important15.
Dans les années 90, les ZF avaient fait l’objet de fortes polémiques de la part de nombreux économistes de développement : travaillant pour les exportations, recevant surtout des entreprises étrangères, plaquées sur les PA et très dépendantes de l’extérieur pour leur approvisionnements, capitaux, leurs technologies et débouchés(Bost.F, 2008). Mais cette vision avec la percée internationale des pays du miracle asiatique, est aujourd’hui dépassée.
Les entreprises agrées en zone franche(ZF) ont su tissé des liens avec les milieux d’accueil, ils génèrent de la sous-traitance locale, des entreprises locales s’y installent et créent des JV avec les entreprises étrangères.Les processus de délocalisations des FMN ont permis l’implantation de filiales de firmes internationales importantes dans la région ainsi que des PME/PMI innovantes, implantation favorisée par l’existence des ZF.
On dénombre en Asie, 28% des ZF dans le monde, uniquement à la fin de 2007. Bien qu’ici, nous nous intéressions exclusivement aux économies de l’Est et Sud d’ Asie, le tableau 25 nous récapitule le nombre des ZF en Asie émergente :
Tableau 25 : nombre des ZF dans certains pays d’Asie émergente (fin 2007)
Tableau 25 : nombre des ZF dans certains pays d’Asie émergente (fin 2007) | |
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Pays | ZF |
Chine | 156 |
Philippines | 37 |
Corée du sud | 29 |
Singapour | 29 |
Indonésie | 15 |
Taiwan | 15 |
Source : D’après BOST.F, « les ZF, interface de la mondialisation », Annales de géographie, N°658, 2008, et BOUZIDI.A, « l’économie algérienne a besoin de zones franches d’exportations », le quotidien le Soir d’Algérie de12/05/2010.
Selon plusieurs observateurs, les entreprises locales agrées en ZF dans la région, sont plus nombreuses que les entreprises étrangères, grâce à leur capacité d’assimiler et capter les activités externalisées dans le cadre de la sous-traitance internationale. Les ZF ont permis la création des milliers d’emploi, d’entrées de devises, dynamiser les économies, en sus de l’amélioration de l’esprit et de la culture d’entreprise (Bouzidi.A, 2010).
Au final, après avoir mis en comparaison, ces intéressantes expériences internationales (attractivité, industrialisation, le rôle de l’IDE et les conditions du succès..), il nous semble qu’un constat devrait être noté: l’IDE n’apporte pas par lui-même et ne contient pas en lui- même le progrès économique et technologique, la diversification industrielle et l’amélioration de la productivité des pays d’accueil(PA). Pour y bénéficier un certain nombre de conditions doivent être remplies par le PA et les différentes parties prenantes.
S’agissant de l’Algérie qui, compte tenu des formes, la qualité et la nature sectorielle et les implications des IDE reçus, il nous parait encourageant de dire que de NSI du pays, seraient plus qu’une correction nécessaire et impérieuse pour pouvoir contribuer dans les CVI et l’économie mondiale et contrecarrer entre autres toute éventuelle vulnérabilité.
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1 Mais à ne pas perdre de vue que l’aide américaine et l’endettement extérieur auraient également joué un rôle crucial dans le développement de la Corée du sud. ↑
2 La banque mondiale, 1993, op.cit. ↑
3 La banque mondiale, 1993, op.cit, P24. ↑
4 Les pays d’Asie orientale ont aussi pu s’appuyer pour fonder leur industrialisation et leur croissance sur des connaissances et technologies éprouvées à la faveur des politiques industrielles très construites. D’où la naissance de terme d’état développeur, du fait de l’implication déterminante de cette dernière. Cette intervention est particulièrement étudiée pour l’industrialisation des late comers d’Asie qu’Amsden appelle ironiquement « the rest ». AMSDEN.A.H, « the rise of the rest: challenges to the west from late-industrializing economies”, Oxford University Press, 2001, et ” the paradigm of the late industrialization”, political economy studies in the surplus approach, volume 3, number 2, 1987. Sans oublier les contributions françaises dés cette époque, PJudet, M.Vernieres, J.R. Chaponnières, J.M.Margolin et M. Fouquin etc. ↑
5 Même chose, mais dans une moindre mesure, s’est passée à Taiwan. Tersen. D et Bricout.J, op.cit, P122 cité par, REZIG.A, « Algérie, Brésil et Corée du sud : trois expériences de développement », OPU, Alger, 2006, P48. ↑
6 CEPII- Bases de données CHELEM. ↑
7 Pour plus, voir la note de lecture du l’essai de l’économiste anglais, Joe STUDWELL, « How Asia Works: success and failure in the world’s most dynamic region”, 2013. ↑
8 Maintenant que des prix élevés sur le marché intérieur, cette pratique permet d’attirer les IDE avec une perspective de profits élevés. Il est ensuite possible de remonter les filières de production en développant des activités à qui la production nationale fournit des débouchés, soit d’écouler la production sur les marchés internationaux. ↑
9 BOUZIDI. A, « la Corée de sud : un modèle pour l’Algérie », le quotidien le soir d’Algérie, 2009. ↑
10 KOO.B.Y, « les nouvelles formes d’IDE en Corée du sud », OCDE, 1984. ↑
11 Comme en témoignerait bien l’expérience coréenne par exemple, où la croissance industrielle par les exportations réalisée, était au départ le fait des entreprises coréennes(Chaebols), les IDE ne représentaient cependant que moins de 5% des investissements jusqu’à 1970. ↑
12 CHUNG LEE, « la transformation de la Corée du sud : leçons pour les économies en transition », Paris, OCDE, 1995, 52P. ↑
13 CHAPONNIERE. J. R et LAUTIER. M, « la chine et l’industrialisation au sud », presse de sciences Po, Autre part 2014/1-N69, P28. ↑
14 Une ZF est un périmètre géographique dans lequel l’entreprise implantée bénéficie d’avantages douaniers et fiscaux et d’autres avantages attractifs. ↑
15 Plusieurs facteurs ont contribué au succès de ces zones: une meilleure qualité des infrastructures, certaines zones se sont données comme priorité d’assurer ce dont ont besoin les FMN (énergie etc.) même en cas d’arrêt partiel, transport, télécommunication améliorés dans et autour des zones, disponibilité des terrains, industriels, des zones-clusters etc. NGUYEN.V.H, « stratégie d’industrialisation et compétitivité de ‘économie vietnamienne », thèse doctorat, Université d’Orléans, juillet 2011, 158-159. ↑