Le paradigme OLI des multinationales est essentiel pour comprendre l’impact limité des Investissements Directs Étrangers en Algérie. L’article met en lumière les obstacles liés au climat des affaires et propose des solutions inspirées de modèles internationaux pour renforcer l’attractivité économique du pays.
Section 2 : Explications contemporaines de la multinationalisation des entreprises
Compte tenu des limites que les théories traditionnelles présentent, une large partie des théories contemporaines est par ailleurs venue pour tenter d’élaborer des démarches où plusieurs niveaux d’analyse y sont entre autres inclus: la firme, industrie et le pays.
Paradigme éclectique de production internationale (OLI)
Nous devons à Dunning.J.H la théorie qui domine actuellement pour expliquer l’IDE. Il fournit un cadre assez riche pour étudier le phénomène, visant à dépasser certaines difficultés en prolongant un modèle ayant tenté d’englober les théories de l’IDE et de commerce international90. Plus précisément, elle est conçue comme une synthèse des théories de l’internationalisation et de la théorie des coûts de transaction qui n’apportent chacune que des explications partielles à la localisation des firmes. L’objectif de développement de sa thèse est de fournir un cadre théorique qui permet de répondre à trois questions : Pourquoi les firmes vont-elles à l’étranger ? Où s’installer ?et comment vont-elles s’installer à l’étranger?
Le paradigme éclectique(ou OLI)91, publié en 1980, intègre plusieurs approches théoriques : le volume, la répartition géographique et la structure internationale des activités de production d’une FMN. Ceux-ci dépendent de trois facteurs principaux: les avantages spécifiques de l’entreprise(O), ceux provenant de la localisation dans certains pays(L) et ceux issus de l’internalisation des transactions au sein de l’entreprise (I)92 (voir le tableau01).
Tableau 01 : les avantages de paradigme OLI
Avantage spécifique (O) | Avantage à la localisation (L) | Avantage à l’internalisation (I) |
---|---|---|
-propriété technologique -taille et économie d’échelle -capacité à différencier ces produits (contrôle de marque). -accès plus facile aux marchés des facteurs et des produits intermédiaires. | -prix et qualité des inputs -coûts du transport et des communications. -qualité des infrastructures -barrières douanières. -incitations à l’investissement Proximité culturelle. | -diminution du cout d’échanges. -protection de savoir faire. -contrôle de la production et des débouchés. -inexistence des marchés à terme. |
Source : JASMIN.E «la nouvelle économie et la FMN, les enjeux théoriques et analytiques: le paradigme éclectique », cahier de recherche Montréal, 2003, p8.
90Stricto sensu la théorie éclectique n’est pas nouvelle en soi, car une grande partie de ses arguments font référence à des travaux antérieurs très divers, d’ou vient le terme éclectique. La première version de la théorie est celle de 1977, et après enrichie et raffine continuellement par lui-même, en1979, 1981, 1988, 1998.
91 OLI: en anglais signifient consécutivement: Ownership, Location, Internalization
92 Cité in MUCCHIELLI, Op.cit, p92.
Chaque type d’avantage, que nous avons déjà analysé, se rattache en priorité à un niveau d’analyse : « O » à la structure de marché, précisément à la concurrence imparfaite (oligopolistique), « I » au comportement organisationnel de la firme qui choisira d’intégrer ou non (faire ou faire faire) les différentes phases de processus productif, et « L » à l’avantage comparatif de PA93. Dunning.J avait essayé d’intégrer plusieurs de ces approches, considérées nécessaire pour la compréhension de phénomène de multinationalisation.
Par ailleurs, pour mieux expliquer son paradigme, Dunning énonçait qu’une des raisons les plus importantes de l’existence des FMN repose sur l’idée que les marchés dans lesquels elles évoluent sont imparfaits. L’accès au marché peut parfois s’avérer compliqué, il peut être préférable de s’implanter ou de créer une alliance plutôt que d’exporter.
En effet, comme il a été déjà analysé, le concept du marché imparfait a été développé par Hymer et C.Kindleberger, dans les années 1950/1960, par la suite R.Coase et O.Williamson dans les années 1970/1980. En quoi consistent alors ces imperfections? Pour Dunning, il y a des imperfections naturelles qui constituent les conditions de l’offre et de la demande sur un marché(les couts de transaction, la connaissance de marché) et des imperfections structurelles résultant des actions des participants, intérieurs ou extérieurs, au marché, qui influencent les conditions de l’offre et de la demande(les positions monopolistiques et oligopolistiques et les règles étatiques)94.
De façon précise, cette approche se veut éclectique car il recouvrait toutes les formes d’exploitation des marchés étrangers, selon la nature de l’avantage en présence. Selon Dunning (1988)95, le choix de la modalité de pénétration du marché étranger est une fonction de conjonction entre trois types d’avantages. En effet, une implantation à l’étranger par le biais IDE n’est possible que si les trois avantages spécifiques (O, L et I) soient réunis. En revanche, si l’avantage des coûts à la localisation (L) n’existe pas en présence des deux autres avantages (O) et (I), la firme préfère exporter vers les marchés étrangers. La vente de licence sera le choix le plus favorable si elle ne détient qu’un avantage au niveau de l’industrie (O).
La limite de cette théorie est qu’elle restait profondément microéconomique comme celle de l’internalisation, délaissant ainsi toute analyse macroéconomique en termes d’AC. En outre le choix de la modalité de pénétration du marché résulte d’un simple arbitrage statique
93MUCCHIELLI.J.L « les MN et la mondialisation », éditions du Seuil, p225.
94 Pour plus exemples d’imperfections, voir: Andreff, W., Op.cit, 1996, p.105-106. Mucchielli.J.L, op.cit, p227.
95 JASMIN.E, 2003, Op .cit, P09.
entre des coûts ou des avantages, ce qui réduit le cadre d’analyse de la localisation. On reproche aussi à cette théorie l’absence d’interactions stratégiques entre les firmes dans les choix isolés qu’effectuent ces firmes, sans prise en compte des actions et choix des firmes concurrentes locales et étrangères. Toutefois, Dunning96 a par ailleurs essayé de dépasser le cadre statique de son modèle à une approche dynamique de la théorie éclectique, et ce, par considération de l’évolution dans le temps des trois types d’avantages« OLI ». Il intégrait des notions de comportements stratégiques des firmes tout en prenant compte les effets des actions des firmes, territoires et des industries.
Au total, il importe de souligner que ces trois niveaux d’analyse sont solidaire, se recouvrent, même surtout se complètent .Ils sont des éléments importants à la théorie des IDE et de la multinationalisation.
L’analyse synthétique de MUCCHIELLI
Notons que Mucchieli.J.L est un des auteurs français qui avait prolongé les travaux de Dunning(1985), en s’inspirant d’une approche comparable. Il soulignait la dynamique entre les critères propres à la firme et ceux qui sont propres aux pays pressentis pour accueillir l’investissement97. Ce faisant, Mucchielli élabore un cadre générale des déterminants de l’IDE en combinant les deux avantages (de la firme et de PO) étendu au-delà de l’offre des facteurs à la dynamique de la demande intérieure. Cette approche est nommée « l’analyse synthétique ». Son principe est: « C’est le décalage (concordance ou la discordance) entre les avantages compétitifs de firme et les AC de pays qui va inciter la firme à exporter où à se délocaliser »98
En effet, dans la logique de cette approche, une discordance entre les avantages compétitifs d’une firme et les AC de son PO l’amène à se multi-nationaliser et à rechercher un PA offrant des AC compatibles avec ses avantages compétitifs. Cette discordance- concordance peut être suscitée par des éléments d’offre (coûts de production, technologie) et/ou par des éléments de demande (produits, taille du marché, accessibilité).
Pour construire un schéma général des déterminants de la délocalisation, Mucchielli a rétabli les trois niveaux d’analyse, de façon distincte que dans le paradigme OLI. Les
96DUNNING, J. H,The globalization of business : The challenge of the 1990 “ London : Routledge, 1993,p83.
97BOYEURE.R « l’investissement international », Paris, QSJ ? p23.
98MUCCHIELLI.J.L, « les FMN, mutations et nouvelles perspectives », Economica, 1985, P237.
méthodes de pénétration des marchés étrangers par les firmes sont perçues en termes de complémentarité dans le cadre d’une firme multi-produits ou de processus de production décomposable internationalement. La firme s’internationalise selon, soit la conjugaison des avantages de firmes et des avantages de pays qui va jouer un rôle moteur dans la délocalisation, soit selon les stratégies sectorielles qui vont déterminer les comportements d’implantation(comme expliqué ci-dessous).
La combinaison des deux types d’avantages
L’approche synthétique s’appuie sur les avantages spécifiques des firmes, et sur les AC de la localisation. Un arbitrage entre localisation dans le PO ou délocalisation dans un PA aura alors lieu en fonction des différences d’AC d’offre et de demande pouvant exister entre ces deux pays. Pour éclaircir son analyse, Mucchielli a illustré son modèle comme le montre tableau 02.
Tableau 02: concordance et discordance entre les avantages compétitifs des firmes et les AC des pays :
Avantages Compétitifs | Avantages comparatifs | Mode de pénétration | ||
---|---|---|---|---|
Demande de facteurs | Offre de produits | Offre de facteurs | Demande de produits | |
+ | + | + | + | 1-P.Nale/Vte Nale |
+ | + | – | – | 2-IDE sortant |
+ | + | – | + | 3-IDE sortant/Relmpt |
+ | + | + | – | 4-Export |
– | – | + | + | 5-IDE entrant |
– | – | – | + | 6-Import |
– | – | + | – | 7-IDE entrant/ReEport |
– | – | – | – | 8-P.étr/Vte étrangère |
Source : MUCCHIELLI.J.L, « Alliances stratégiques et FMN: une nouvelle théorie pour de nouvelles formes de multinationalisation » In: Revue d’économie industrielle. Vol. 55. 1er trimestre 1991.P124.
P. étr : production étrangère, P.nal : production nationale, Vte : vente nationale
A travers une analyse croisée des différents critères, il s’en sort une définition des différents modes d’internationalisation possible pour la firme, en fonction des situations dans lesquelles la firme locale est, soit compétitive (+ et +), soit non compétitive (- et -) :
D’abord, l’IDE peut avoir lieu lorsque il y a des situations de discordance totale (les deux signes de l’avantage compétitif de la firme sont alors inverse à ceux de l’AC) .C’est le cas pour la situation 2et 5. Dans le premier cas, la firme nationale investit à l’étranger; dans la mesure y trouve à la fois des facteurs de productions moins couteux et des débouchés plus intéressants. Le deuxième cas est l’inverse de premier : c’est la firme étrangère qui investit dans le pays d’origine(PO).
Deux autres situations peuvent aussi favoriser des IDE : les cas 3et7. Dans le premier la firme nationale va chercher des facteurs de production à l’étranger pour revenir ensuite exploiter son propre marché intérieur. C’est une délocalisation pour réimportation. Le cas 7 où une firme étrangère s’implante sur PO pour réexporter sa production vers son marche national. Les cas 4et6 sont des situations de commerce international, exportation, importation. Le cas 1 et 8 sont des situations où les productions ne sont, ni exportés ni délocalisés, mais élaborés et écoulés sur place99.
Nous constatons somme toute que l’analyse synthétique met en relation les trois niveaux d’analyse : le pays, la firme, et le secteur. Ce dernier prend une place importante, du fait qu’il met en relation les firmes entre elles, influant davantage les modes d’implantation à l’étranger que l’implantation elle-même. La situation envisagée est l’analyse des différents modes d’internationalisation, de façon à parvenir à un arbitrage stratégique entre IDE et exportations.
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90Stricto sensu la théorie éclectique n’est pas nouvelle en soi, car une grande partie de ses arguments font référence à des travaux antérieurs très divers, d’ou vient le terme éclectique. La première version de la théorie est celle de 1977, et après enrichie et raffine continuellement par lui-même, en1979, 1981, 1988, 1998. ↑
91 OLI: en anglais signifient consécutivement: Ownership, Location, Internalization ↑
92 Cité in MUCCHIELLI, Op.cit, p92. ↑
93MUCCHIELLI.J.L « les MN et la mondialisation », éditions du Seuil, p225. ↑
94 Pour plus exemples d’imperfections, voir: Andreff, W., Op.cit, 1996, p.105-106. Mucchielli.J.L, op.cit, p227. ↑
95 JASMIN.E, 2003, Op .cit, P09. ↑
96DUNNING, J. H,The globalization of business : The challenge of the 1990 “ London : Routledge, 1993,p83. ↑
97BOYEURE.R « l’investissement international », Paris, QSJ ? p23. ↑
98MUCCHIELLI.J.L, « les FMN, mutations et nouvelles perspectives », Economica, 1985, P237. ↑
99MUCCHIELLI.J.L, « Alliances stratégiques et FMN: une nouvelle théorie pour de nouvelles formes de multinationalisation » In: Revue d’économie industrielle. Vol. 55. 1er trimestre 1991.P124. ↑