L’image de la femme dans La Grande maison et Un Été africain de Dib

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🏫 Université Kasdi Merbah – Ouargla - Faculté des Lettres et Sciences Humaines - Département des Langues Etrangères
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de MAGISTER - 20010 - 2011
🎓 Auteur·trice·s
Aicha KHEDRANE
Aicha KHEDRANE

L’image de la femme dans Dib est analysée à travers les romans ‘La Grande maison’ et ‘Un Été africain’, mettant en lumière la représentation de la femme algérienne dans l’imaginaire collectif et son évolution au sein de la société. Cette étude révèle les enjeux sociaux et symboliques liés à cette image.


Chapitre 03

Etude de l’image de la femme dans La Grande Maison et Un Eté africain

Présentation du corpus :

Notre corpus privilégie donc deux œuvres romanesques de l’écrivain algérien Mohamed DIB. Tout d’abord La Grande maison, premier volet de la trilogie Algérie, publiée en 1952 à la maison d’éditions du Seuil, dans la collection Méditerranée. Ce roman se proclame comme le point de départ de la littérature maghrébine d’expression française, par lequel Dib a ouvert le grand espace aux écrits engagés malgré le système colonial qui les a tant interdits.

Le titre du roman La Grande maison est déjà significatif et peut justifier et indiquer le contenu du roman. À travers ce titre l’écrivain nous présente un élément de la réalité : c’est la société algérienne. Cette grande maison qui fait allusion à Dar Sbitar dans le roman n’est que l’image réelle qui reflète la vie quotidienne du peuple algérien pendant la colonisation.

Cette œuvre romanesque a eu un très grand succès tant en France où elle a obtenu le grand Prix Fénéon de la littérature mais aussi à l’étranger où elle a été traduite en douze langues.

L’autre œuvre romanesque est Un Été africain, publiée aux éditions du Seuil en 1959. Ce roman se présente sous forme de récits à la troisième personne, composé de cinq récits subdivisés sur dix-sept chapitres de manière entremêlée. C’est un roman dont les événements sont inspirés de faits réels et reflètent même les circonstances et le contexte de leur écriture.

Dib affirme : « Ce livre a été écrit pendant que les événements relatés se produisent, même un peu avant, pour certains»1. De même il semble que le roman Un Été africain ne ressemble pas au roman traditionnel clos, centré autour d’une intrigue, mais comme un espace où s’affrontent les personnages, leur destin, et leur réel vécu dans une évolution d’événements vers une fin ouverte.

L’auteur explique :

Qui sont-ils d’abord, ces personnages ? Ce n’est pas l’Homme, ne n’est pas la Femme, mais tel homme, telle femme dans telles conditions matérielles, sociales, et au moment où leur histoire interfère avec l’Histoire. Ils sont de milieux différents, commerçants, ouvriers, paysans, fonctionnaires. Jamais les forces qui tendent à aliéner l’être humain ne sont aussi contraignantes qu’en régime coloniale : aussi est- ce en rapport avec se fait que tous vont essentiellement réagir, comme cela se produit dans la vie, et là se situe la donnée «héroïque» du livre que voici.

Cette donnée le distingue, on s’en doute bien, du roman traditionnel, roman clos, centré autour d’une intrigue qui circonscrit le conflit entre les caractères et se garde de faire référence à l’horizon de mystification dont ils sont victimes en tant qu’êtres aliénés : cela ferait mauvais genre.

Ici, au contraire, le conflit est ouvert entre les protagonistes d’une part et, d’autre part, le monde tel qu’il leur est imposé. La curiosité du lecteur n’a plus à se porter sur un «dénouement», prévisible ou non, comme dans l’ancien roman, mais sur une «évolution», l’évolution des événements, des choses, des conduites, des histoires individuelles, de l’Histoire en générale. Il n’y aura pas de dénouement qui délivre, le roman refermé n’en sera pas fini pour autant, il se poursuivra comme la vie selon la tournure et les voies qu’il lui arrivera de prendre.2

L’œuvre est aussi riche et variée qu’une image de vie en perpétuelle évolution qui reflète la réalité algérienne pendant la colonisation dans toute sa profondeur. Le titre Un Été africain est encore un élément indiciel et révélateur du roman, dont tous les événements se passent pendant l’été. Un été qui semble pareil à beaucoup d’autres déjà.

L’été est un élément symbolique ; il est généralement perçu comme la saison où la température est la plus élevée, ainsi que la période dont les jours sont les plus longs de l’année, et où le soleil reste le plus longtemps dans le ciel. D’ailleurs c’est un été africain, l’été le plus long et le plus chaud du monde entier.

Ainsi l’été symbolise la plénitude et l’énergie, c’est la plus grande expression de toutes les puissances et les valeurs de la jeunesse. Avec ses jours les plus longs, il symbolise le soleil, le triomphe de la lumière. Avec sa chaleur, sa sécheresse l’été symbolise le feu. En somme, Mohamed DIB à travers ce titre symbolique dévoile la situation de l’Algérie pendant la guerre de libération.

Cet été plus chaud, plus long, plus puissant et plus sec n’est autre que la révolution, la guerre de libération nationale qui se proclame comme le soleil et la lumière qui brillent dans le ciel de l’Algérie, et le triomphe de cette jeunesse qui est partie préparé un autre destin pour l’Algérie.

Cet été n’est que le moment d’agir.

Les deux œuvres La Grande maison et Un Été africain s’inscrivent dès leur apparition dans ce courant de l’écriture de constat qui prend pour option le réalisme et le nationalisme. Dans une interview donnée à la revue Témoignage Chrétien en février 1958, DIB définit clairement cette option d’écriture :

Il nous semble qu’un contrat nous lie à notre peuple. Nous pourrions nous intituler ses « écrivains publics ». C’est vers lui que nous nous tournons d’abord. Nous cherchons à en saisir les structures et les situations particulières. Puis nous nous retournons vers le monde pour témoigner de cette particularité, mais aussi pour marquer combien cette particularité s’inscrit dans l’universel.3

Les deux œuvres ont comme point commun le contexte de l’Algérie colonisée, un contexte immergé dans la violence et le désarroi infinis. Chaque roman recèle une importance historique, sociale, politique, culturelle et esthétique clairement identifiée et repérable. Mais ce que les différencie, c’est que le roman La Grande maison est écrit avant le déclanchement de la guerre libératrice nationale, et peut être même considéré comme une prémonition de la révolution algérienne. Alors que le roman Un Été africain est apparu lorsque la révolution nationale sillonne son chemin vers la liberté. La Grande maison tout comme Un Été africain répond bien à la définition que donnait Mohamed DIB de l’art du romancier et de l’œuvre littéraire vraie :

Une œuvre ne peut avoir de valeur que dans la mesure où elle est enracinée, où elle puise sa sève dans le pays auquel on appartient, où elle nous introduit dans un monde qui est le nôtre avec ses complexités et ses déchirements.4

I.1. Résumé de l’œuvre La Grande maison :

La Grande maison met en lumière la vie quotidienne des algériens colonisés à Tlemcen, du patriote et du paysan résistant, mais plus particulièrement avec une focalisation sur la femme victime de toute misère. La colonisation, la faim, la féminité, la violence et l’enfance tissent la trame de cette œuvre.

L’espace scénique de l’œuvre est Dar Sbitar, une si grande demeure vaste avec un patio central où s’entassent plusieurs familles algériennes. Omar un enfant de dix ans y vit avec sa mère Aini, sa grand-mère, et ses deux sœurs Aouicha et Meriem. C’est un personnage quasi-présent dans tous les épisodes du roman.

Omar sort de la maison, à l’école et dans la rue où il se mêle à la foule des enfants aux « membres d’araignées aux yeux allumés de fièvres »5, et avec eux, il passe le plus clair de son temps. La faim est tellement présente dans le roman qu’elle semble parfois le fil conducteur des événements.

Aïni comme toute autre femme algérienne, travaille sans cesse pour faire nourrir ses enfants et sa mère handicapée. Elle consacre tout son temps au travail en jouant le rôle de son mari mort.

La Grande maison est un univers féminin, les hommes y partent dès le matin et ne reviennent que la nuit. Omar relie les deux mondes ; d’une part, il assiste aux querelles des femmes et à leurs discussions, d’autre part, il se mêle aux hommes, écoute les paroles sur la déclaration de guerre et la revendication de la liberté captive.

Il est influencé par Hamid Saraj un des locataires de Dar Sbitar, recherché par la police coloniale parce qu’il combat et lutte pour l’indépendance de son pays. Omar a la sensation d’avoir grandi et de comprendre la condition de son peuple et de ce que c’est qu’être un homme. Dib situe les actions de son roman avant la deuxième guerre mondiale en 1939.

Ce roman décrit et donne un contour aux êtres et à leurs réalités quotidiennes en se présentant en tant que le premier roman engagé dans la littérature algérienne d’expression française.

I.2. Résumé de l’œuvre Un Été africain :

C’est la guerre, dans cette ville d’Algérie et dans la compagne avoisinante, la vie se poursuit malgré ces troubles. Trois fils thématiques évoluent en parallèle dans le roman : le récit de Zakya, celui de Djamal et celui de toute l’Algérie. Des scènes sont puisées et prises dans la vie populaire des Algériens avec une photographie vivante du rythme de vie des familles dans un été semblable déjà à beaucoup d’autres.

Le roman s’ouvre et se clôture sur l’histoire de Zakya, une jeune fille bachelière qui voudrait s’émanciper dans le bon sens du terme. Zakya vit avec son père Moukhtar Raï, sa mère Yamna bent Taleb et sa grand-mère, elle espère briser le cercle des croyances de sa famille traditionnaliste qui vise à lui faire épouser son cousin Sabri. Elle rêve de bénéficier d’un poste de travail comme institutrice après qu’elle a eu son baccalauréat. Ce récit occupe cinq chapitres dans le roman ; (le I er, le VIème, le Xème, le XIIème et le XVIIème) ; tous ces épisodes se déroulent exclusivement dans l’enceinte de cette famille.

Un deuxième récit qui occupe encore cinq chapitres dans le roman (le XIIème, le VIIIème, le IX ème, le XIIIème et le XVème), est celui de Nafissa. Cette dernière vit avec son mari Djamal dans une grande bâtisse avec d’autres familles ; ils ont deux enfants un garçon et une fillette. Naffissa travaille : le tour de ménage de la grande maison revient pour elle tous les quinze ou vingt jours. La famille lutte de son mieux pour gagner son destin. On perçoit une interrogation angoissée sur la vie, la mort et l’identité, dans un va-et-vient entre la maison et la rue. Djamal cherche un travail, en fait un sens pour son existence.

Plusieurs autres personnages tissent la trame des autres récits, Marhoum, Baba Allal, Baba Sahli, Mostefa Ouali, les vielles Badra, Ftéma bent Seghir, Aalia et autres. Des personnages façonnés par les événements de la guerre de libération, combattants, témoins et victimes incarnant le drame de l’Algérie avec toutes ses facettes. Ce qui semble lier tous les personnages de récits, en fait, du roman c’est le cadre spatio-temporel, le réel vécu, le contexte socio-historique et le destin attendu.

Existences parallèles, images contrastées, scènes quotidiennes et épisodes violentes ; c’est le destin en suspens de tout un peuple qui nous est montré dans une sorte de panoramique, où donner un sens à la vie par la liberté semble être le fil conducteur et le but du roman. Par ailleurs, ce qui distingue notre corpus, c’est que les deux romans s’intéressent à la question de la femme algérienne et à son réel vécu pendant la colonisation française.

La femme algérienne est représentée dans le corpus par plusieurs femmes ; en effet, les deux œuvres mettent en scène la présence de plusieurs personnages féminins qui incarnent la femme dans toutes ses composantes allant de la fille jusqu’à la grand-mère.

Pour présenter les personnages féminins du corpus nous nous baserons sur la méthode de l’onomastique. En effet : « Un personnage est souvent déjà caractérisé par son nom. Le nom du personnage peut donc être une source précieuse d’indications.6 ». Autrement dit, un personnage n’est pas nommé gratuitement ou par hasard, du fait qu’on peut prédire à travers le nom la qualité du tel ou tel personnage. Le nom est un présage qui nous fait découvrir le personnage en prenant en considération les ressemblances qu’il y a entre ce nom et le comportement de ce personnage. D’ailleurs :

Le nom propre doit être interrogé soigneusement car le nom propre est, si l’on peut dire, le prince des signifiants, ses connotations sont riches sociales et symboliques.7

De ce fait, nous présentons les personnages féminins dans les deux œuvres en les reliant aux noms propres, que nous essayons d’interpréter en leur donnant un sens particulier. Tandis que l’interprétation sociale reste déterminée selon la conviction sociale. De même, l’âge, les traits physiques, moraux et sociaux semblent des conditions nécessaires pour construire l’identité et l’image de chaque personnage féminin dans le corpus.

________________________

1 Mohamed DIB, Un Été africain, Paris, Seuil, 1959, p.01.

2 Ibid., p.02.

3 Naget KHADDA, Mohamed Dib, cité in La Littérature Maghrébine de langue française, ouvrage collectif, sous la direction de Charles BONN, Naget KHADDA et Abdallah MDARHRI-ALAOUI, Paris, EDICEF-AUPELF, 1996, in : http://www.limag.refer.org/Textes/Manuref/DIB.htm

4 Hommage à Mohamed DIB, Alger, OPU, 1985, p.46.

5 Mohamed DIB, La Grande Maison, Paris, Seuil, 1952, p.28.

6 [Note manquante – référence originale non fournie]

7 [Note manquante – référence originale non fournie]

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