Le mentorat femmes expert-comptable est essentiel pour surmonter les obstacles rencontrés par les femmes dans cette profession en Tunisie. Cet article propose des stratégies de mentorat pour encourager la présence féminine et favoriser leur développement professionnel dans le secteur.
Sous section 2 Démarche de mentorat
Pour être efficace, la démarche de mentorat doit être commencé au plus tôt (comme nous l’avons déjà vu précédemment pour les étudiants et stagiaires) et continué tout au long de la carrière ; c’est, comme observe Lapeyre (2006, p. 127), « un travail d’anticipation de longue haleine des projets professionnels ». De même l’usage de la démarche de mentorat doit se généraliser chez les consœurs. Les professionnelles doivent prendre conscience de l’intérêt de ces méthodes et notamment des opportunités d’échanges constructifs qui en découlent. C’est ce que nous essaierons de démontrer au niveau du premier paragraphe.
- Le rôle et les caractéristiques du mentorat
Définition du mentorat
Le mentorat désigne une relation interpersonnelle de soutien, d’échanges et d’apprentissage, dans laquelle une personne d’expérience, le mentor, investit sa sagesse acquise et son expertise afin de favoriser le développement d’une autre personne, le mentoré, qui a des compétences à acquérir et des objectifs professionnels à atteindre. Cette aide par le mentor est généralement fournie bénévolement et apportée dans le cadre d’une relation professionnelle, qui répond aux besoins particuliers du mentoré en fonction d’objectifs liés à son développement personnel ou professionnel.
La pratique du mentorat qui permet de renforcer les chances de réussite en matière de création a fait ses preuves, en Europe, aux Etats-Unis et au Canada. Pour ne citer que ce dernier pays, le mentorat double les chances de survie de l’entreprise. 75% des entreprises mentorées franchissent le cap des cinq ans contre 35% non accompagnées.
Selon l’expérience canadienne, le mentorat pour entrepreneurs fonde son existence sur le développement du « savoir-être entrepreneur », c’est un accompagnement personnel, volontaire et bénévole, il a un caractère confidentiel. Il est effectué par un mentor sélectionné et recruté par un processus et reconnu par ses pairs. Il a pour mission de répondre aux besoins particuliers d’un entrepreneur, le mentoré, en fonction d’objectifs liés à son développement personnel et professionnel.
Dans le monde organisationnel, les femmes manquent encore de modèles féminins de succès. Donc souvent, leur choix en matière de modèle se pose sur des hommes, ce qui peut se traduire par des échecs relationnels car ce qui est toléré ou accepté de la part d’un homme, n’est pas forcément toléré/accepté de la part d’une femme.1
Rôle du mentorat
Le rôle du mentor doit être d’aider le jeune à construire sa carrière dans une perspective d’anticipation, de le pousser à être plus sélectif dans le choix des dossiers et de le conseiller pour « déjouer les pièges ».
Le mentorat apporte un soutien confraternel et psychologique, aux femmes diplômées inscrites qui souhaiteraient s’installer, à un moment de leur vie où elles doivent en plus de leur carrière, organiser leur vie de famille. , même si les femmes ont un besoin accru d’accompagnement à cause de leur vie personnelle qui est souvent modifiée vers les 30 ans, cet accompagnement doit être ouvert aux hommes. Ainsi, il permet aux hommes volontaires de bénéficier de l’accompagnement, tout en ciblant une problématique plus spécifiquement féminine.
En effet, selon l’analyse des réponses de notre questionnaire2, les femmes experts-comptables stagiaires sont plus nombreuses que les hommes à utiliser le mentoring comme moyen pour développer leurs compétences relationnelles (soit 66% des femmes contre 51% des hommes).
Comment développer un mentorat ?
Comme pour toute autre relation, les liens qui se tissent au sein d’un duo de mentorat requièrent du temps et des efforts. La Fondation Canadienne des Jeunes Entrepreneurs (FCJE), une organisation qui fournit des mentors à ses jeunes propriétaires d’entreprises, indique que les attributs qui suivent sont essentiels au succès d’une relation de mentorat réussie :3
Confiance
Acquise avec le temps, la confiance permet de communiquer des renseignements sensibles, y compris ses doutes personnels, sa situation financière et ses erreurs. On gagne la confiance de son protégé en demeurant neutre, tout en lui offrant des conseils pratiques. Le mentor, pour sa part, accorde sa confiance lorsqu’il constate que ses conseils suscitent la réflexion de son protégé et qu’ils sont suivis.
Respect mutuel
Au moment de choisir un mentor, la plupart des gens optent pour quelqu’un qu’ils respectent en raison de son succès ou d’un certain aspect de sa personnalité. Ce respect doit être continu et fonctionner dans les deux sens. Le mentor doit lui aussi considérer les idées de son protégé, ses expériences et ses préoccupations. Chacun doit respecter la disponibilité et les engagements de l’autre.
Structure
Des limites claires devraient être établies au sein de la relation, telles que les domaines où les conseils sont appropriés. Les deux parties devraient entretenir des communications précises et opportunes et prévoir des moments à leur agenda pour les rencontres ou les discussions. De plus, toutes les réunions devraient être régies par certaines directives pour être productives et répondre à toutes les attentes.
Écoute active
La capacité d’écoute est au cœur de tout environnement de mentorat positif. De bonnes pratiques de mentorat vous permettent d’accorder toute votre attention à l’autre, lors de vos conversations. Les deux personnes devraient avoir le temps de poser des questions et d’offrir des réponses réfléchies.
Ces attributs favorisent le développement d’une relation de mentorat à long terme, mutuellement bénéfique – au sein de laquelle les deux parties travaillent ensemble pour connaître le succès.
- Exemple de projet de mentorat
Mentorat mise en place par les cabinets
Certains cabinets à effectif important tels que les Big 4 en France comme Deloitte, PriceWaterhouseCoopers (PWC) et Ernst & Young (EY) ont pris des initiatives pour aider les femmes à une démarche de mentorat et ont mis en place des politiques de promotion de carrière réservées aux femmes (voir Tableau n°25 ci-contre). Il est important de noter que le cabinet KPMG, qui fait partie des Big 4 a surement aussi mis en place ce type de mesure mais qu’on en a pas trouvé de trace lors de nos recherches.
Tableau n° 25 Les mesures pour la démarche de mentorat adoptées par trois cabinets à effectif important en France4 | |
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Cabinet | Mesures |
PWC France | – Lancement du programme de coaching, Women Survival Course dont l’objectif est de soutenir les femmes dans leur parcours professionnel et les aider à évoluer au sein d’une culture à dominante masculine ; |
Deloitte France |
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Ernst & Young France |
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Concernant les Big 4 en Tunisie, les sites internet correspondant ne communiquent aucune information concernant leurs initiatives et leurs politiques relatives à la démarche de mentorat.
Mentorat à développer au niveau de l’OECT
En France, pour le jeune diplômé, il existe un soutien confraternel de la Commission « Accueil Confrères » de l’Ordre, présidée actuellement à Paris par Nora Louchène, et d’un autre associatif, fourni par le CJEC.
Nous proposons l’adoption de ce modèle Français par : la Création d’une commission « Accueil confrères » au niveau de l’OECT.5
La commission « Accueil Confrères » a pour mission d’offrir aux nouveaux inscrits à l’Ordre une attention particulière en veillant à leur faciliter l’intégration à la vie professionnelle des libéraux.
Les consœurs et confrères chargés de l’animation de cette commission auront pour mission de :
- renforcer la symbolique de l’entrée dans la profession : Il est essentiel de témoigner aux nouveaux inscrits la considération et la reconnaissance attendues au moment de leur entrée dans la « grande famille » des experts-comptables.
- Etre à l’écoute…Ils ont également à cœur d’être à l’écoute des attentes des nouveaux inscrits afin de leur apporter les informations souhaitées tout en leur permettant de percevoir de manière plus concrète les services offerts par l’OECT.
- D’organiser des réunions d’accueil afin de leur présenter les lieux ainsi que, de manière succincte, les différents élus et leur rôle respectif, les actions de l’Ordre, les outils à la disposition des confrères ainsi que les permanents, les services et le fonctionnement des différentes commissions de travail.
- D’échanger des expériences et témoignages… Mettre en œuvre en faveur des confrères des présentations de témoignages de confrères récemment installés, ou des sujets d’actualité et d’ordre pratique.
- De renforcer les liens confraternels…L’un des objectifs poursuivi est de permettre d’établir un lien confraternel entre les jeunes inscrits et les membres élus de l’OECT en valorisant le rôle des instances professionnelles et en leur proposant, notamment de participer aux travaux des commissions.
Cette commission permettra à la profession de proposer à chaque diplômé(e) souhaitant s’installer, un accompagnement par un coach expert-comptable. Cette solution permettrait aux femmes de bénéficier, entre autres, d’un soutien d’autant plus nécessaire qu’il coïncide à un moment de leur vie où elles doivent, en plus de leur projet, organiser leur vie de famille. Il s’agit de s’adresser aux experts-comptables inscrits, de leur proposer de devenir mentor d’un jeune diplômé.
Pour obtenir des candidats à cet accompagnement, il est envisageable de contacter la Commission «Accueil confrères» qui est composée d’experts-comptables hommes et femmes qui ont à cœur de témoigner aux nouveaux inscrits la considération et la reconnaissance attendues au moment de leur entrée dans la « grande famille » des experts-comptables et leur expliquer les différents modes d’installation , les aider à développer leur cabinet, communiquer, vendre des missions et recruter le premier collaborateur.6
Par cette action, les jeunes diplômées ne seront plus seules pour gérer leur installation, elles auront la possibilité de faire appel, via le Conseil de l’OECT à un mentor qui va les accompagner tout le long de leur installation.
Une personne interrogée a souligné la nécessité de création d’une association de mentoring des femmes expert-comptables en Tunisie pour les accompagner tout le long de leur installation et la gestion de leurs carrières.
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1 Lupu (I), « La construction de l’identité des femmes experts-comptables en France », Thèse de doctorat en Sciences de gestion/Organisation générale, Conservatoire National des Arts et Métiers, avril 2011. ↑
2 Voir question 27 en annexe 7 ↑
3 L’edition nouvelle, « Comment développer une relation de mentorat réussie ? », www.leditionnouvelles.com, visité le 09 octobre 2012. ↑
4 Ce tableau a été rédigé à partir des données fournis par le tableau de Ioana Ioan dans sa thèse concernant les mesures pour l’égalité entre les sexes et les mesures pour la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle dans trois cabinets faisant partie des Big 4.(données colléctées d’après les sites internet de ces cabinets en 2009). ↑
5 OEC Paris Ile-de-France, « accueil confrère », http://www.oec-paris.fr/fr-FR/591,7/accueil-confreres.html, visité le 19 octobre ↑
6 OEC Paris Ile-de-France, « accueil confrère », http://www.oec-paris.fr/fr-FR/591,7/accueil-confreres.html, visité le 19 octobre ↑