La définition des institutions en Algérie est essentielle pour comprendre leur rôle dans l’attractivité des investissements directs étrangers. Cet article explore la classification des institutions selon Douglass North, en soulignant leur impact sur le climat d’investissement entre 2000 et 2016.
Section 3 :
Définition et classification des institutions
Pour la définition des institutions, les économistes se référent à la définition donnée par Douglass North (op cité), qui perçoit un monde structuré en trois niveaux, les institutions, les organisations et les individus. Son analyse est plutôt de nature macroéconomique par rapport aux théories précédentes qui se sont intéressé au fonctionnement de la firme et son interaction avec son environnement.
D’après North (2005), les institutions sont des contraintes humaines qui structurent les interactions politiques, économiques et sociales. Il s’agit de « l’effort généralisé des humains pour rendre leur environnement intelligible, réduire ses incertitudes et apporter plus de prévisibilité ». North (2005) définit les institutions d’une société comme « l’ensemble des règles de jeu ». Elles sont créés par les hommes pour structurer leurs relations et réduire l’incertitude, et correspondent à la société pour laquelle ont été crées. Elles construisent des structures d’incitations et définissent la façon dont le jeu est joué. Plus simplement, une institution est une règle collectivement acceptée dans un espace social donné. 1
Plus simplement, une institution est une règle collectivement acceptée dans un espace social donné. North (2005, p.25) propose le terme de « matrice institutionnelle » pour désigner un ensemble de règles formelles (Constitution, lois, décrets,…), de contraintes informelles (coutumes, habitudes, conventions,…) et des moyens mis en oeuvre pour les faire respecter.
Ainsi « Les institutions sont constituées de règles formelles, des contraintes informelles et leur mise en application ».2
Ménard (2003) défini les institutions comme « un ensemble de règles durables, stables, abstraites et impersonnelles, cristallisées dans des lois, des traditions ou des coutumes, et encastrées dans des dispositifs qui implantent et mettent en oeuvre, par le consentement et/ou la contrainte, des modes d’organisations des transactions ». Les « coûts de transactions » se situent au coeur de l’activité économique.3
Hodgson défini les institutions ainsi : « les institutions sont des systèmes durables de règles sociales établies pour structurer les institutions sociales,… Ainsi, la langue, la monnaie, les systèmes de poids et de mesure, les conventions commerciales, les bonnes manières à table, les entreprises et d’autres organisations sont tous considérés comme des institutions ».4
On remarque qu’il existe une ressemblance entre les deux définitions précédentes. Hodgson considère les organisations comme étant des institutions, North distingue les institutions des organisations.
Donc la définition des institutions recouvre :
Les conventions sociales, les coutumes, les habitudes, les routines, les règlements particuliers à une organisation, les règles légales, les contrats, les constitutions, les traités, les ordres, mais aussi les associations, la hiérarchie, l’entreprise, les organisations syndicales, patronales, professionnelles, les églises, les universités, les partis politiques, le gouvernement, les administrations, les tribunaux, l’Etat, les organisations internationales.
Il existe plusieurs classifications des institutions suivant leur type, fonction et nature.
- Classification selon Rodrik :
Dani Rodrik (2005) et Arvind Subramanian proposent quatre catégories d’institutions qui influencent la croissance et le développement, auxquelles nous en ajouterons des institutions politiques. Selon l’auteur Il peut exister plusieurs types d’institutions économiques. Il distingue : les institutions de création du marché (exemple institutions de droits de propriété), les institutions de régulation du marché (exemple les organismes de régulation), les institutions de stabilisation du marché (exemple les institutions monétaires et budgétaires) et les institutions de légitimation du marché (exemple les institutions de protection et d’assurance sociale).
- Les institutions génératrices du marché : Elles ont pour rôles : le respect des contrats, la protection des droits de propriété, la lutte contre la corruption. Leur absence risque d’influencer négativement le fonctionnement des marchés. Leur renforcement peut contribuer à favoriser l’investissement et l’esprit d’entrepris. Illustration : un pouvoir judiciaire indépendant, une police efficace, contrats applicables.
- Les institutions de régulation du marché : La mission de ces institutions et la gestion des défaillances du marché : l’imperfection de l’information. Ce sont les institutions qui limitent le pouvoir des monopoles, gestion des biens publics. Illustrations: agences de réglementation des télécoms (ANRT au Maroc), des transports, des ressources hydrauliques et forestières et les services financiers.
- Les institutions de stabilisation du marché : Elles ont pour fonctions : assurer une inflation faible, la stabilité macroéconomique, la stabilité fiscale et éviter les crises financières. Illustrations : banques centrales, systèmes de change, ministères des finances, ministères du commerce extérieur.
- Les institutions de légitimation du marché : Elles assurent une protection et une assurance sociales, redistribuent les revenus et gèrent les conflits. Elles protègent les individus et les sociétés contre les dysfonctionnements des marchés. Illustrations : systèmes de retraite, d’assurance-chômage, prestations sociales.
- Les institutions politiques : Elles déterminent les modalités de gouvernement de la société : presse libre, élections, concurrence des partis politiques, politique participative, etc.5
- Classification selon Douglass North : Selon le théoricien les institutions sont classifiées en deux grandes catégories formelle et informelle qui seront détaillées ci-dessous.
- Les institutions formelles :
L’auteur définit les institutions formelles sont l’ensemble des contrats, règles politiques, juridiques et économiques écrits, explicites et dont l’exécution devrait être assurée par une entité, généralement l’Etat ou ses administrations. Donc les contraintes formelles, elles comportent : les règles politiques, économiques et les contrats ou autrement dit Les institutions formelles se regroupent sous deux catégories à savoir : les institutions économiques et les institutions politiques. Les institutions économiques définissent les règles régissant les interactions humaines dans le domaine économique, alors que les institutions politiques définissent ces règles dans le domaine politique (Acemoglu, Johnson et Robinson, 2005).6
- Les règles politiques : sont les règles fondamentales (constitution, législations, lois et règlements) qui définissent la place respective de l’Etat, des individus et des organisations dans la société, ainsi que la structure hiérarchique du système politique.
- Les règles économiques : comportent les droits de propriété (droit privé, étatique, ou communautaire sur un bien, terrain…), ces règles sont fondamentales pour l’existence et le bon fonctionnement du marché.
- Les contrats individuels : qui reflètent la structure des incitatifs inclus dans les droits de propriété et les autres institutions.
Les institutions formelles sont généralement toutes des règles écrites, elles sont simples et précises et elles ne représentent une part considérable dans la structuration des actions humaines. Leur exécution doit être assurée par une entité, généralement l’état ou ses administrations.
- Les institutions informelles :
Pour Douglass North les institutions informelles sont ne sont pas écrites, elles sont des règles ou des contraintes informelles implicites dont l’exécution est assurée de façon endogène par les individus appartenant à un même groupe ou à une même communauté. Les institutions informelles sont un ensemble de coutumes, de conventions, de normes ou de codes de conduite dans la société (North, 1990).
Ces règles ou contraintes informelles occupent une grande place dans le façonnement des comportements humains provenant d’un héritage culturel (l’ensemble des croyances et des règles/contraintes que les individus ont hérité des anciennes générations et les nouvelles expériences-liées à leur éducation et scolarité-acquises au fil du temps). Ces institutions influencent la manière dont ces individus font des choix ; elles intègrent : les normes sociales, la religion, les coutumes, les tabous, les traditions, l’idéologie …etc .Contrairement aux règles formelles, les contraintes informelles sont beaucoup plus difficiles à cerner et surtout à modifier. Leur exécution est assurée par des individus appartenant à un même groupe ou à une communauté7. Comprendre ces contraintes informelles qui sont difficiles à cerner, non seulement nous permet de connecter le passé au présent et au futur, mais aussi de comprendre la divergence des sociétés entre elles.
- Les points de différentiations entre les institutions formelles et informelles :
Les institutions formelles varient relativement plus rapidement que les institutions informelles. Il est en effet plus facile de modifier les règles électorales que la culture et les normes sociales dans un pays. Aussi, le changement des institutions formelles peut être discontinu ou brutal, alors que les institutions informelles évoluent de façon continue et incrémentale. Qu’elles soient formelles ou informelles, les institutions définissent également ce que les membres d’une société sont autorisés ou pas à faire, et quelque fois sous quelles conditions certains membres de la société sont autorisés à entreprendre certaines activités [North, 1990].8
On peut aussi classer les institutions en deux catégories :
- Les institutions économiques : Les institutions économiques définissent les règles régissant les interactions humaines dans le domaine économique9, comme les institutions des droits de propriété, les contraintes institutionnelles qui régissent l’investissement privé et public, les contrats commerciaux…etc ;
- Les institutions politiques : les institutions politiques définissent ces règles dans le domaine politique (Acemoglu, Johnson et Robinson, 2005)10, qui sont : les lois, la constitution, la démocratie, les libertés politiques et civiles, les lois sur les élections ;
- Les institutions juridiques : ce type des institutions indique le système législatif, les mécanismes d’application des droits de propriétés et les actifs juridiques, dont la réforme des institutions juridiques touche au premier lieu le système juridique, les tribunaux, les lois d’investissement et la législation, sans oublier les institutions de protection des DDP.
- Les institutions sociales : ce type des institutions détermine et facilite l’exploitation efficace du capital humain par le biais de promotion des institutions améliorant le secteur de la santé mesuré par le taux de mortalité des enfants, le secteur de l’éducation mesuré par le taux d’inscription en primaire, le lycée et l’enseignement supérieure11. Les institutions sociales selon l’auteur engobent aussi les normes sociales, les traditions et les coutumes qui font parti de la culture d’une société hérités d’une génération à une autre représentant un cumul qui date de plusieurs décennies. Pour l’auteur les principales institutions sociales sont les institutions de l’éducation qui influencent et prospèrent l’innovation et la concurrence.12
- Classification selon Oliver Williamson :
Williamson (2000) retient quatre types d’institutions selon l’intensité de leur changement, renvoyant à quatre ordres théoriques : les arrangements marginaux associés aux prix et aux quantités, les structures de gouvernance, l’environnement institutionnel et les institutions informelles. Ces dernières n’ont pas de finalité calculée ; elles relèvent d’une théorie de la société et elles sont difficiles à modifier.
De son côté, [Ronald Coase 2004] distingue les institutions qui peuvent changer rapidement (fast-moving institutions) de celles qui ne le peuvent pas (slow-moving institutions).
Nous retrouvons alors toujours la même logique. Les normes sociales ont plus de pesanteur que les lois par exemple qui peuvent être changées en une nuit.
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1 Douglass North, Institutions, 1991; The Journal of Economic Perspectives, Vol. 5, No. 1; published by American association,p97, http://www.econ.uchile.cl/uploads/documento/94ced618aa1aa4d59bf48a17b1c7f605cc9ace73.pdf ↑
2 Douglass North, The role of institutions in economic development; 2003;United Nations Economic commission for Europe, Discussion paper series n°2, Geneva, p2; http://www.unece.org/fileadmin/DAM/oes/disc_papers/ECE_DP_2003-2.pdf ↑
3 Fatima Boualam; les investissements direct é l’étranger; these de doctorat 2010; p120. ↑
4 Geoffrey-M.Hodgson, the evolution of institutions: An agenda for future research,2002; Constitutional Political Economy, Kluwer Academic Publishers; Netherlands,p113; http://geoffreyhodgson. info/user/image/evolinstagenda.pdf ↑
5 Tom Healy and Sylvain Cote, John F. Helli Well, Simon Field « The Well- Being of Nations: The Role of Humain and Social Capital » Centre For Educational Research Innovation at The OECD, Published by OECD,Paris, Cedex ,France ,2001.p13. ↑
6 Acemoglu, D., et Johnson, S.(2005) « Unbundling Institutions. » Journal of Political Economy 113 (5): 949-95. ↑
7 Douglass North, the role of institutions in economic development, op.cite.p8. ↑
8 Douglass North ; The new institutional economics and development,1993; Economic History series number 9309002; p 6; http://ideas.repec.org/p/wpa/wuwpeh/9309002.html. ↑
9 Abdoul’ Ganiou Mijiyawa ;institutions et developpement : analyse des effets macro-economiques des institutions et de reformes institutionnelles dans les pays en dévloppement abdoul’ ganiou mijiyawa ; thèse e doctorat2010 ; p3 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00484905/document ↑
10 idem; p3. ↑
11 Athur Schneider,op.cit . p92 ↑
12 Economic and Social Commission for Western Asia » Survey of Economic and Social Development in the ESCWA Region,1999- 2000: Part II, The Role of The State in The Globalized Economy, with Egypt and Jordan as Case Studies » op.cit .p25-26-27 ↑