La nouvelle économie institutionnelle analyse comment la qualité des institutions influence l’attractivité des investissements directs étrangers en Algérie. Ce mémoire met en lumière les réformes institutionnelles entre 2000 et 2016 et leur impact sur le climat d’investissement.
SECTION II : LA NOUVELLE ECONOMIE INSTITUTIONNELLE (NEI):
La NEI s’est constitué et s’est articulé autour de la question des institutions, mais comme son nom l’indique, elle se distingue de l’ancien institutionnalisme américain. La NEI a pris son apogée à partir des années soixante-dix, et s’est constitué un programme de recherche progressif. Elle a visé l’explication théorique des institutions sociales dans des domaines aussi divers que l’histoire, le droit et l’organisation industrielle, à travers une référence commune à la minimisation des coûts de transaction.
1 Op. Cit, p 26
2 Op. Cit, p 27
3 Op. Cit, p 26
1. Présentation de la NEI :
Introduit par Williamson en 1975, le terme « New Institutional Economics » devient un terme standard sous lequel les économistes qui s’intéressent aux aspects de l’économie des institutions se sont rassemblés. Les concepts de coûts de transaction, de la rationalité procédurale et de l’idéologie ainsi que celui de l’approche de science cognitive de la NEI s’intègrent difficilement aux hypothèses de l’économie néoclassique. Son but est de faire évoluer l’analyse courante avec qui pourrait être non compromettante dans un paradigme qui ouvre un ensemble d’objectifs relatifs aux méthodes de recherche.
Le terme de NEI a été considéré comme étant une nouvelle direction, permettant aux économistes de s’extirper de leurs vieux et stériles arguments à répétition [Langlois, 1986]. La première conférence internationale de la NEI a été est organisée en 1983 pour qu’ensuite différentes contributions de la NEI ont continué à être organisé chaque année.
La question de la nature de la firme développée par (R.Coase 1937) à et celle du rôle de l’autorité précisée par Barnard (1938) ont marquaient le début de la NEI. Ajoutant à ces travaux, le modèle de (Simon 1951) sur la relation d’emploi et le travail (d’Arrow 1964) à sur le rôle du contrôle dans la hiérarchie ont marqué le début du mouvement (Ménard, 2005).
A partir de ce moment, de nombreuses publications ont participé à la formation de cette approche. (O.Williamson 1971) a mis en évidence le rôle des coûts de transaction dans l’étude de l’intégration verticale4. Il replace l’idée du programme de recherche sur le meilleur mode de gouvernance est née. Il a aussi montré le contrat comme un élément clé.
Les attributions des prix Nobels à R.Coase en (1991) et D.North/Fogel en (1993) témoignent de la reconnaissance des courants de la « Nouvelle Economie Institutionnelle ». L’approche néo-institutionnelle repose sur un noyau dur de concepts s’appliquant à des domaines bien identifiés, les modes de gouvernance, l’environnement institutionnel où ils trouvent racine, et l’interaction qui les anime. L’approche néo-institutionnelle s’est constituée pour s’articuler autour de la question des institutions qui seront bien détaillées dans la section qui se suit.5
4 Selon Williamson (1985) : une firme est intégrée lorsqu’elle contrôle plus d’un des stades successifs de production d’un bien (les différentes type d’IV : intégration en amont : intégration précédente de l’étape de production ; intégration en avale : intégration de l’étape suivante de la production et intégration latérale : intégration d’une étape située en même niveau).
5 Fatima Boualem, investissement direct à l’étranger; thèse de doctorat ; 2010 ; pdf ; p119
2. Les théories de la Nouvelle Economie Institutionnelle :
Les institutions sont nécessaires pour la croissance et le développement économique.
En particulier, de bonnes institutions de minimisation des coûts de transactions et de protection des droits de propriété privée stimulent le développement de l’investissement et une meilleure allocation des ressources économiques (North et Thomas, 1973 ; North, 1981 ; Jones, 1981).
De même, des travaux empiriques réalisés déterminent en évidence le rôle des institutions de droits de propriété privée et les coûts de transaction pour le développement de l’investissement privé, la productivité et l’investissement agricole (Besley, 1995; Johnson et al, 2002 ; Goldstein et Udry, 2005, 2008; Field, 2007). Le rôle des institutions pour de bonnes performances économiques semble donc bien établi dans la littérature.6
La NEI s’articule autour des trois théories fondamentales qui sont :
- La théorie des couts de transaction ;
- La théorie des droits de propriété ;
- La théorie de l’Agence.
2.1. La Théorie des Coûts de Transaction :
2.1.1. L’évolution historique de la Théorie des Coûts de Transaction :
La théorie de Williamson (1977) a fait redécouvrir le concept des « coûts de transaction » de Coase (1937). La principale raison pour mettre en place une firme, est qu’il existe un coût à l’utilisation du mécanisme des prix, ce coût est appelé coût de transaction. Un des principaux coûts est la découverte des prix pertinents de l’utilisation d’une ressource ou d’un service.
Aussi la multiplication des contrats impliquée par l’utilisation du marché constitue un coût important pour la firme qui peut l’économiser en mettant en place des contrats de long terme afin d’éviter le rétablissement des contrats, leur renégociation, c’est ce que Coase appelle par internalisation. En essayant de concevoir une vision contractuelle de la firme, Coase a posé deux questions majeures :
Pourquoi certaines activités sont réunies dans la firme, plutôt que d’être coordonnées par le marché, qu’est ce qui explique le choix et les limites de l’internalisation ?
Qu’est ce qui fait la différence entre la coordination dans la firme et la coordination par le marché ?
R.Coase (op cité) a estimé que connaitre la limite de l’internalisation serait de déterminer la taille de la firme qui peut se faire en déterminant le coût de la meilleure allocation des facteurs de production d’une certaine taille, et les coûts de la coordination à partir d’une certaine taille d’une façon à ce que la coordination dans la firme soit moins couteuse que celle par le marché.
Williamson (op cité) se distingue des approches néoclassiques, par des hypothèses sur les comportements des agents économiques. Il reprend le concept de « la rationalité limitée » d’Hubert Simon (1962), qui estime que les agents ont des capacités cognitives limitées. Ils ne peuvent pas envisager tous les événements possibles et calculer les conséquences de leurs actes. Donc selon Williamson, les contrats seront, le plus souvent, « des contrats incomplets ». Cette incomplétude peut entrainer la nécessité d’une renégociation qui va permettre, dans de telles circonstances, des comportements dits « l’opportunisme », à travers une manipulation de l’information par les agents. Williamson trouve que c’est là où se situe le problème essentiel.
La manière de se protéger de l’opportunisme constitue le cœur de la théorie des coûts de transaction.
Puisque la gestion des événements imprévus est impossible au niveau du marché, la coordination par la firme se propose comme solution en prenant des décisions adaptées aux événements, et donc une adaptation qui évite une renégociation.
L’avantage de l’intégration (ou l’internalisation), est d’accroitre la capacité d’adaptation de la firme à son environnement, mais cette internalisation a été très discutée. Selon plusieurs économistes, la firme, tout comme le marché, peut contenir et donner occasion à des comportements opportunistes. Pour que cet opportunisme n’existe pas dans la firme il faudrait un certain degré de confiance dont n’en jouissent pas toutes les firmes.
2.1.2. Définition des Coûts de Transaction :
Ronald Coase a défini les coûts de transaction comme « les coûts d’utilisation du système de prix » ou les coûts d’effectuation des échanges dans un marché libre. Ainsi, les coûts de transaction dans un marché financier sont les coûts d’investissement dans la bourse des valeurs (commissions, taxes, coûts d’opportunité, coût d’accès à l’information financière ».7
Kenneth Arrow les définit ainsi : « ce sont les coûts de fonctionnement du système économique »
Selon Yoram Barzel : « ce sont les coûts associés au transfert, à la capture et à la protection des droits. »
7 Ning Wang, Measuring transaction costs : an incomplete survey,2003; Ronald Coase Institute, working paper number 2, p 2; http://www.coase.org/workingpapers/wp-2.pdf
Tharaimn Eggertsson : « les coûts de transaction surviennent lorsque les individus s’échangent les droits de propriété sur les actifs économiques et font respecter leurs droits exclusifs ».
Eric Furubotuand-Rudoff Richter : « les coûts de transaction englobent : les coûts des ressources utilisées pour la création, la maintenance, l’utilisation, la modification…des institutions et des organisations. Lorsqu’on parle de propriété ou des droits contractuels, les coûts de transaction se composent des coûts de la détermination et de la mesure des ressources ou des réclamations, ainsi que des coûts d’utilisation et d’exécution des droits spécifiés ».8
2.1.3. La raison d’existence des coûts de transaction :
En raison de l’expansion des échanges, l’organisation économique devient complexe et le nombre de personnes engagés dans la transaction augmente.
La transaction ne devient plus une opération d’échange entre deux personnes seulement, elle nécessite l’intervention d’autres acteurs tels que les banquiers, les avocats, les notaires, les comptables, les politiciens, les managers…etc.
Ce processus d’échange devient donc coûteux pour de nombreuses raisons :
- La nécessité de beaucoup de ressources pour mesurer les attributs et les droits de propriété induits par les échanges (droit d’usage du bien, droit de cession, le rendement tiré de la propriété du bien ou du service).
- La taille du marché affecte les coûts de transaction : plus le marché est large, plus l’échange impersonnel prend de l’ampleur. Ce dernier se caractérise par l’incertitude, l’opportunisme,…
- L’exécution et le respect de la propriété deviennent complexes. Une économie où le système judiciaire est inefficace et n’inclut pas un système de compensation pour la partie touché -lors de la violation des termes du contrat- est caractérisée par des coûts de transaction élevé.9
2.1.4. L’impact de l’environnement institutionnel sur les Coûts de Transaction :
L’environnement institutionnel influe sur les coûts de transaction. Leur degré et leur structure dépendent de l’efficacité et la performance des institutions politiques, économiques et sociales.
8 Alexandra Benham- Lee Benham; The cost of exchange;2001; Ronald Coase institute- working paper number 1; p2;http://www.coase.org/workingpapers/wp-1.pdf
9 Douglas North, Transaction costs, institutions and economic performance, 1992; International center for economic growth publication, San Francisco; p6, 7 ; http://pdf.usaid.gov/pdf_docs/PNABM255.pdf
- Si le gouvernement procède au changement des structures institutionnelles afin d’alléger et faciliter les procédures bureaucratiques pour les acteurs qui veulent créer des entreprises locales ou étrangères, alors ce nouvel arrangement institutionnel permettra de réduire les coûts de transaction dans l’économie, et assurera aux entrepreneurs un rendement meilleur de leur investissement10. Un système judiciaire performant qui assure la protection des droits de propriété et fait respecté les contrats permet le développement d’un processus d’échange complexe où les coûts de transaction sont faibles. Par conséquent, les acteurs peuvent tirer le meilleur profit lié à la division et de spécialisation du travail11. De bonnes institutions peuvent réduire l’incertitude en offrant les informations nécessaires pour les investisseurs.
2.1.5. Les raisons d’existence de la firme :
Les classiques et les néoclassiques pensaient que le mécanisme de prix peut à lui seul faire fonctionner le marché. Ainsi l’ajustement de l’offre à la demande ou de la consommation à la production se fait automatiquement. Dans ce cas, Coase se pose la question suivante : pourquoi les firmes existent ?
R.Coase affirme que la coordination des transactions par le marché via le mécanisme des prix engendre des coûts qui sont liés :
- Au processus de recherche des prix pertinents ;
- A la négociation et l’exécution des contrats séparés sur le marché. La firme émerge ainsi pour la réduction de ces coûts.12
Les coûts de transaction permettent de comprendre les différentes formes d’organisation économique (le marché ou la firme). C’est la nature de la transaction qui définit la meilleure forme d’organisation du système économique. Selon Williamson, lorsque les échanges sont occasionnels et les actifs ne sont pas spécifiques, la meilleure forme d’organisation est le marché.13
Williamson a approfondit la théorie de Coase, en procédant à un arbitrage entre la firme et le marché pour organiser les transactions économiques au moindre coût. Il estime que beaucoup d’économistes ne prennent pas en considération l’hypothèse du comportement humain dans l’organisation économique. Par ailleurs, les néo-institutionnalistes, en particulier les partisans de la théorie des coûts de transaction, montrent un intérêt particulier à l’étude de la psychologie humaine pour comprendre les actions et les choix que prennent les acteurs.14
En se basant sur l’analyse et le calcul des coûts, l’entrepreneur choisis la meilleure forme.
Williamson affirme que si le coût d’organisation (internalisation des activités) au sein de l’entreprise est élevé, l’entrepreneur devrait passer par le marché. Il insiste sur la notion des contrats en reprenant l’idée de Simon, selon laquelle la rationalité des agents est limitée en raison :
- De l’incertitude du marché : les individus ne peuvent pas prévoir tous les événements possibles et imaginables.
- Le manque d’information due à la complexité de l’environnement et la faible capacité cognitive des agents pour traiter, analyser et stocker toutes les informations disponibles.
L’internalisation des transactions permet d’économiser les coûts d’information sur les prix et les coûts de négociation des contrats. La substitution du marché par les entreprises permet aux entrepreneurs de réaliser des gains suite à l’internalisation de certaines activités.
- L’incomplétude des contrats :
Les contrats sont conclus entre les agents d’une entreprise. Ils déterminent le lien entre l’entrepreneur et ses employés ou l’entrepreneur avec les autres parties prenantes de la firme. Ces contrats définissent le cadre générale des transactions. Ils définissent aussi les modalités de négociation des contrats. Cependant, ils ne prévoient pas tous les événements qui surviendront dans le futur, ni les droits et obligations des contractants dans tous les états possibles d’où leur incomplétude.
- L’opportunisme des agents :
Williamson avance que les agents sont prêts à utiliser toutes les formes de tricherie en particulier la ruse, pour arriver à leur fin. Grâce aux contrats, les agents sont protégés par des droits et engagements. Dés lors ils peuvent accéder à un certains nombres d’informations que ne leur fournissait pas le marché. Dans ce cas, la firme est meilleure que le marché dans l’organisation des transactions.15
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1 Op. Cit, p 26. ↑
2 Op. Cit, p 27. ↑
3 Op. Cit, p 26. ↑
4 Williamson (1985) : une firme est intégrée lorsqu’elle contrôle plus d’un des stades successifs de production d’un bien (les différentes type d’IV : intégration en amont : intégration précédente de l’étape de production ; intégration en avale : intégration de l’étape suivante de la production et intégration latérale : intégration d’une étape située en même niveau). ↑
5 Fatima Boualem, investissement direct à l’étranger; thèse de doctorat ; 2010 ; pdf ; p119. ↑
6 Abdoul’ Ganiou MIJIYAWA, institutions et développement ; thèse de Doctorat; université D’AUVERGNE-CLERMONT I ; 2010 ; p18. ↑
7 Ning Wang, Measuring transaction costs : an incomplete survey,2003; Ronald Coase Institute, working paper number 2, p 2; http://www.coase.org/workingpapers/wp-2.pdf. ↑
8 Alexandra Benham- Lee Benham; The cost of exchange;2001; Ronald Coase institute- working paper number 1; p2;http://www.coase.org/workingpapers/wp-1.pdf. ↑
9 Douglas North, Transaction costs, institutions and economic performance, 1992; International center for economic growth publication, San Francisco; p6, 7 ; http://pdf.usaid.gov/pdf_docs/PNABM255.pdf. ↑
10 Mathias P Altmann, Ouvrage : Contextual development Economics, Chapter 3 : Transaction costs, Volume 8,2011, P29, http://www.springerlink.com.www.sndl1.arn.dz/content/978-1-4419-7230-9/#section=812839&page=1. ↑
11 Douglas North, Transaction costs, institutions and economic performance,op.cit,p8. ↑
12 Ronald Coase, the nature of the firm, Economica, November 1937; New series, vol 4 N°16, , p386-405; http://www.tfasinternational.org/aipe/academics/morriss2012/thenatureofthefirm.pdf. ↑
13 Mathias Almann,op.cit; p31. ↑
14 Oliver Williamson, ouvrage : Handbook of industrial organization ; volum I; 1989; chapter 3: Transaction cost economics; Elsevier Science publishers B.V- university of California, p138. ↑
15 Gilbert Koenig ; Ouvrage : les théories de la firme, 1998 ; Edition Economica , Paris ; p64- 65. ↑