L’adoption de la loi de finances au Sénégal implique une phase parlementaire cruciale, où le Parlement détermine la position finale sur le projet élaboré par le Gouvernement. Cet article analyse les enjeux et les réformes récentes visant à renforcer la transparence et l’efficacité du processus budgétaire.
DEUXIEME PARTIE : ADOPTION DU PROJET DE LOI DE FINANCES
Si l’élaboration à part entière du projet de Loi de Finances incombe au Gouvernement, son adoption relève toutefois de la compétence du Parlement. Stéphanie DAMAREY considère Cette phase parlementaire de la procédure comme « longue et monotone »1. Elle constitue un moment décisif dans le processus budgétaire dans la mesure où elle détermine la position définitive du Parlement vis-à-vis du projet.
En cas d’approbation, la voie est ouverte pour la promulgation de la loi et en cas de rejet, il appartient au gouvernement de prendre un décret devant se substituer provisoirement à la loi de finances pour permettre la poursuite de la marche normale des rouages de l’Etat.2 Cette étape obéit aux dispositions de la Constitution, de la loi organique portant loi de finances et du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale.
Le projet de loi de finances est déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, après validation en conseil des ministres, au plus tard le 15 octobre3. Ainsi commence ce que l’on appelle le « marathon budgétaire »4, qui va durer un peu près de trois mois et qui conduira à l’approbation définitive du budget à la fin du mois de décembre pour une application dès le 1er janvier de l’année d’exercice budgétaire.
La procédure d’examen et de vote des lois de finances se déroule dans le respect des principes de sincérité, de transparence et de loyauté dans les rapports entre l’Exécutif et le Parlement. Ainsi, l’article 145 de la LOLF fait obligation au gouvernement d’accompagner son projet de plusieurs documents pour en faciliter la compréhension et améliorer la transparence des rapports institutionnels entre le gouvernement et l’assemblée nationale.
Il s’agit principalement du rapport définissant l’équilibre économique et financier, des résultats connus des gestions antérieures et perspectives, du plan de trésorerie prévisionnel et mensualisé de l’exécution du budget, du document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle, des documents de programmation pluriannuelle de dépenses ayant servis à la préparation des budgets des ministères et de plusieurs annexes explicatives qui développent le montant des crédits présentés par nature de dépenses, par programme ou par dotations.
Elles sont également accompagnées du projet de performance de chaque programme qui doit préciser la présentation de chacune des actions et de chacun des projets prévus par le programme, les coûts associés, les objectifs poursuivis, les résultats attendus pour les années à venir mesurés par les indicateurs de performance ainsi que les résultats obtenus des années antérieures.
Ce projet doit aussi préciser la justification de l’évolution éventuelle des crédits par rapports aux dépenses effectuées l’année antérieure, l’échéancier des crédits de paiement associés aux autorisations d’engagement et, par catégorie d’emploi la répartition prévisionnelle des emplois rémunérés par l’Etat et la justification des variations par rapport à la situation antérieure (chaque année il faut que le ministère justifie le paiement du personnel mais aussi s’il y a du nouveau personnel, il faut justifier ses postes).
Les annexes explicatives informent également les parlementaires, pour chaque budget annexe et chaque compte spécial du trésor, du montant des recettes et des dépenses par nature spécifiquement concernant les comptes de prêts et avances de l’encourt et des échéances des prêts et avances consentis par l’Etat. Elles comprennent également un état développé des restes à payer par l’Etat (ce que l’Etat doit aux autres) au moment du dépôt du projet de loi de finances et un état des restes à recouvrer (au titre des prêts, au titre des avances ou au titre des impôts, c’est-à-dire ce que les autres doivent à l’Etat) ainsi que l’état de l’encourt et des échéanciers du service de la dette. Le gouvernement doit également exposer aux parlementaires la stratégie d’endettement public.
La dernière étape de cette phase est la promulgation et la publication de la Loi des Finances par le Président de la République si toutefois la loi a été validée par le parlement ; sinon des modes alternatives de mise en application de celle-ci sont prévues dans le but de permettre la continuité de l’action administrative. Il sera analysé d’abord la Présentation du projet de loi de finances au parlement (Chapitre Premier) avant de voir sa procédure d’approbation (Chapitre Deuxième).
CHAPITRE I : LA PRESENTATION DU PROJET DE LOI DE FINANCES
Conformément à l’article 68 de la constitution, le projet de loi de finances de l’année, qui comprend notamment le budget, est déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, au plus tard le jour de l’ouverture de la session ordinaire unique. Cette exigence a pour but de permettre aux parlementaires de se prononcer en temps utile. Cette disposition a été reprise et confirmée par l’article 57 de la LOLF qui indique que le projet de loi de finances de l’année y compris le rapport et les annexes explicatives prévus à l’article 45 de la présente loi organique, est déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale au plus tard le jour de l’ouverture de la session ordinaire unique.
On peut noter par ailleurs que la soumission du projet de loi de finances au parlement est considérée comme une volonté de respecter le principe du consentement a l’impôt, posé par l’article 14 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. De ce fait, en tant que représentation nationale, le Parlement détient le pouvoir légitime d’approbation des lois ordinaires comme organiques et des lois de finances. Sur ce, l’article 67 de la Constitution du Sénégal dispose que c’est l’Assemblée Nationale qui vote la loi et fixe les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, le régime d’émission de la monnaie.
Le dépôt du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale montre la reconnaissance par le Gouvernement de l’importance de l’autorisation parlementaire sans laquelle le budget ne saurait être légale et donc ne saurait être en principe exécutoire. Il se présente sous la forme d’un document unique (principe d’unité), constitué généralement de plusieurs comptes et scindé en principe en deux grandes parties. On s’attellera ainsi, d’abord à la détermination de la forme de la loi de finances (Section 1) avant d’étudier ensuite les modalités de son examen (Section 2).
Section 1 : La forme du projet de loi de finances
La loi de finances qui est adoptée selon une procédure particulière, prévoit et autorise pour chaque année civile l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat. Selon l’article 44 de la Directive n°6/2009/CM/UE/UEMOA, portant loi de finances au sein de l’Uemoa, la loi de finances de l’année comprend le texte de loi proprement dit et les annexes qui l’accompagnent et qui en font partie intégrante. Elle comprend obligatoirement deux parties (Paragraphe 1) et regroupe un ensemble de comptes budgétaires (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La structure bipartite du projet de loi de finances
La loi de finances détermine l’ensemble des charges et des ressources de l’Etat. Le budget de l’Etat est l’aspect comptable de la loi de finances. Il donne le détail des autorisations données globalement dans la Loi de Finances. Dans sa formulation on peut retrouver deux parties distinctes. Cette division de la loi de finances initiale en deux parties s’est faite progressivement.
En France, la loi des maximas de 1948 prévoyait qu’un plafond de dépenses pour chaque ministère était d’abord fixé, avant que des lois de développement distinctes déterminent les crédits de façon spécialisée. Ensuite, l’ordonnance du 2 Janvier 1959 a repris le principe de la séparation en deux parties posées par le décret de 1956.
Ainsi, la première partie autorisait la perception des recettes publiques, contenait l’article d’équilibre et autorisait le recours à l’emprunt. Quant à la seconde, elle correspondait aux dépenses ; les crédits étant divisés entre services votés et mesures nouvelles.
Cette structure bipartite est reprise par la LOLF en son article 345 qui fixe précisément le contenu de la loi de finances de l’année. Cette division de la loi de finances n’est pas sans incidence. En effet, l’article 42 de la Loi Organique portant Lois de Finances6 prévoit que la discussion sur la seconde partie du texte ne peut avoir lieu devant une assemblée avant l’adoption de la première partie, le but étant d’éviter que les questions relatives aux dépenses soient débattues avant que ne soient établies les grandes lignes de l’équilibre budgétaire. La première partie vise essentiellement à autoriser la perception des ressources de l’État, à évaluer le montant, à fixer le plafond des dépenses du budget général, des budgets annexes, le plafond de charges de chaque catégorie de comptes spéciaux et à arrêter les données générales de l’équilibre budgétaire.7 Elle comporte deux titres intitulés : « les dispositions relatives aux ressources » et « les dispositions relatives à l’équilibre des ressources et des charges », ce second titre comprenant le crucial article d’équilibre.
Concrètement, la première partie autorise la perception des ressources de l’Etat et des impositions de toute natures affectés à des personnes morales autres que l’Etat ; comporte l’évaluation de chacune des recettes budgétaires ; fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe, les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux ainsi que le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’Etat ; arrête les données générales de l’équilibre budgétaire, présentées dans un tableau d’équilibre ; comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l’Etat ; fixe le plafond de variation nette de la dette négociable. Quant à la deuxième partie, elle fixe « les moyens des politiques publiques et les dispositions spéciales » et comporte quatre titres intitulés : « autorisations budgétaires, crédits et découverts », « autorisations budgétaires, plafonds des autorisations d’emplois », « reports de crédits de l’année N-1 sur l’année N », « dispositions permanentes » qui comprend les mesures fiscales et budgétaires. Plus précisément, cette seconde partie fixe, pour le budget général et par mission, le montant des autorisations d’engagement et des crédits de paiement ; fixe, par ministère et par budget annexe, le plafond des autorisations d’emplois ; fixe, par budget annexe et par compte spécial, le montant des autorisations d’engagement et des crédits de paiement ouverts ou des découverts autorisés.
S’agissant du cadre harmonisé des finances publiques de l’espace UEMOA, on ne constate presque pas de différences sur cette division de la loi de finances par rapport à la législation organique financière de la France. En effet, tout comme en France, au Sénégal et dans le droit financier de l’UEMOA, il est prévu que la première partie de la loi de finances prévoit et autorise les recettes budgétaires et les ressources de trésorerie de l’Etat.
Elle donne aussi l’autorisation de percevoir les impôts affectés aux collectivités locales et aux établissements publics et fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe, les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux du Trésor ainsi que le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’Etat.
En outre, elle arrête les dispositions nécessaires à la réalisation, conformément aux lois en vigueur, des opérations d’emprunt destinées à couvrir les charges de trésorerie. Elle arrête de plus les données générales de l’équilibre budgétaire et financier présentées dans un tableau d’équilibre faisant apparaitre : le solde budgétaire global résultant de la différence entre les recettes et les dépenses budgétaires ; le solde budgétaire de base tel que défini par le Pacte de convergence de stabilité, de croissance et de solidarité entre les Etats membres de l’UEMOA ; approuve le tableau de financement récapitulant, pour la durée de l’exercice, les prévisions de ressources et de charges de trésorerie.8
Dans la seconde partie, la loi de finances de l’année fixe, pour le budget général, par programme et par dotation, le montant des crédits de paiement et, le cas échéant, des autorisations d’engagement et détermine, par ministère et par budget annexe, le plafond des autorisations d’emplois rémunérés par l’Etat. Elle fixe aussi, par budget annexe et par compte spécial du Trésor, le montant des crédits de paiement et, le cas échéant, des autorisations d’engagement.
Elle définit en outre les modalités de répartition des concours financiers de l’Etat aux autres administrations publiques. Parallèlement, dans cette partie, la loi de finances autorise l’octroi des garanties et avals accordés par l’Etat et approuve les conventions financières conclues par l’Etat. Il est inscrit, dans cette partie, le cas échéant, toutes règles fondamentales relatives à l’exécution des budgets publics, à la comptabilité publique et aux responsabilités des agents intervenant dans la gestion des finances publiques.9 Outre cette division binaire, le projet de loi de finances comporte trois comptes.
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1 Stéphanie DAMAREY, Finances Publiques. ↑
2 Professeur Hicham BOUCHARTAT, Cours de Finances Publiques, Faculté polydisciplinaire de Larache. ↑
3 Décret 2019-120 du 16 janvier 2019 relative à la Préparation de la loi de finances au Sénégal. ↑
4 Damien CATTEAU, Droit Budgétaire et Comptabilité Publique, hachette, 3ème édition, 2016, P.77. ↑
5 Loi organique française n°2001-692 du 1er Aout 2001 relative aux lois de finances. ↑
6 Loi organique française n°2001-692 du 1er Aout 2001 relative aux lois de finances. ↑
7 Damien CATTEAU, Droit Budgétaire et Comptabilité Publique, hachette, 3ème édition, 2016, P.65. ↑
8 Article 44 de la LOLF 2020-07 du 26 février 2020 et 45 du Directive 06/2009/CM/UEMOA. ↑
9 Article 44 de la LOLF 2020-07 du 26 février 2020 et 45 du Directive 06/2009/CM/UEMOA. ↑