Les conditions de saisine de la commission sont définies par des exigences formelles et matérielles, similaires à celles des juridictions civiles. Cet article clarifie la nature juridique de la commission d’indemnisation des victimes d’erreurs judiciaires en analysant ces critères essentiels.
Des conditions de forme exigées pour la saisine de la commission
- Des conditions de forme sont imposées pour la saisine de la commission. Ces exigences sont celles qu’on observe habituellement devant toute juridiction1. Ainsi,
la commission est saisie par une requête devant satisfaire à une forme (1) et à un
contenu (2) précis.
La forme de la demande à adresser à la commission
- Toute juridiction doit être saisie par un acte introductif qui doit nouer le
litige. Si on est en face d’un organe qui se saisi lui-même, il faut conclure qu’on n’est
pas en présence d’une institution juridictionnelle2. À cet effet, la commission pourrait
être qualifiée de juridiction parce qu’elle est saisie à l’initiative exclusive de la
personne qui entend se faire indemniser à la suite d’une privative de liberté abusive.
Selon l’alinéa 6 de l’article 237 du code de procédure pénale, « la commission est
saisie par requête… ». En saisissant la commission au moyen d’une requête, les
victimes d’erreurs judiciaires exercent leur droit de saisine qui déclenche la réaction du
juge3 qu’est la commission, cette dernière ne pouvant s’auto-saisir4. C’est cette
requête qui marquerait alors « l’entrée en scène judiciaire »5 devant la commission.
Même si cette disposition n’est pas assez claire sur la forme de la requête, il est
évident qu’il s’agit d’une requête simple, une des formalités par laquelle l’instance
juridictionnelle est généralement introduite6. Celle-ci est une demande écrite ou orale directement adressée soit à un juge soit à un tribunal7. Il s’agit là donc d’une mise en œuvre de l’action8 devant la commission.
- Pour mieux comprendre comment la forme de la demande à adresser à la commission pourrait faire d’elle une juridiction spéciale, il faut rappeler que la requête simple est généralement utilisée devant les juridictions écrites lorsque le litige revêt une urgence requérant une ordonnance du chef de la juridiction saisie. Si le législateur a choisi cette forme simple de demande à adresser à la commission, on comprend par-
là l’importance qu’il accorde aux préjudices indemnisables et le souci de
simplification de la procédure devant la commission. Cette première précision appelle un second : la requête simple est utilisée, en droit positif camerounais, devant deux
types de juridictions à savoir les juridictions civiles et les juridictions administratives. Dans quel ordre faut-il ranger la commission ?
- On peut d’abord remarquer qu’il ne peut s’agir, sur le plan civil que d’une
juridiction de droit écrit parce que la commission est appelée à appliquer les
dispositions du code de procédure pénale. Par ailleurs, on comprendra un peu plus
loin9 qu’il ne pourrait s’agir en aucun cas d’une juridiction administrative au regard de la nature de la juridiction qui est appelée à connaître de l’appel exercé contre les décisions de la commission. Reste alors à préciser le contenu de la requête introductive d’instance devant la commission.
2. Le contenu de la demande à adresser à la commission
- Toute requête destinée à une juridiction contient généralement deux types d’éléments : les mentions obligatoires et les mentions facultatives. Celle utilisée aux fins de saisine de la commission ne devrait pas déroger à cette règle même si aucune référence n’y est faite par les dispositions du code de procédure pénale à ce sujet. On peut comprendre par-là que le législateur aurait entendu renvoyer au droit commun et notamment à l’article 20 du code de procédure civile et commerciale. Il ne saurait en
être autrement puisque la procédure applicable devant la commission est celle
appliquée à la chambre judiciaire de la cour suprême. Or, devant celle-ci, il est
question des pourvois qui doivent se faire sous forme de déclaration conformément aux articles 42 et suivant de la loi de 2006 portant organisation et fonctionnement de la cour suprême.
- De manière globale, la requête doit contenir l’adresse complète du requérant
c’est-à-dire l’identité de la victime, l’objet de la demande, l’exposé sommaire des
moyens, l’indication de la commission, et la signature du requérant. Lorsque le
requérant ne peut signer, il appose son empreinte digitale sur la requête ; et s’il ne peut ni signer ni apposer son empreinte digitale, mention en est faite par le secrétaire de la
commission sur la requête10. Quant aux mentions facultatives, le requérant pourra
joindre à sa demande toute pièce pouvant l’aider à emporter la conviction du juge ou mieux des juges de la commission. Il pourrait par exemple y joindre un procès-verbal de détention ou une décision de relaxe devenue irrévocable. Ces éléments pourraient s’avérer très importants pour l’instance devant la commission.
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1 BERGEL (J.-L.), Théorie générale du droit, op. cit., p. 367. ↑
2 SALAS (D.), « Procès » in ALLAND (D.) et RIALS (S.) (S/D), Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 1239 ; V. également MAGENDIE (J.-C.), Célérité et qualité de la justice, op. cit., p. 28. ↑
3 ABA’A OYONO (J.-C.), « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », op. cit., p. 15. ↑
4 ABA’A OYONO (J.-C.), ibid., p. 15; V. également NKOU MVONDO (P.), « Le choix du cadre du procès relatif à la commission d’une infraction pénale », op. cit., p. 80, n° 52. ↑
5 SALAS (D.), ibid., p. 1239. ↑
6 Il faut toutefois noter que la requête est souvent utilisée pour introduire une instance de résolution d’un litige devant un organe administratif. Par exemple, l’art. 77 al. 3 du Code minier dispose : « si le désaccord persiste, les parties peuvent recourir à l’arbitrage. Faute de quoi l’une des parties peut saisir l’administration des Domaines d’une requête tendant à fixer le montant de la réparation à payer ». Seulement, ce critère pourrait être consolidé par les principes évoqués à la suite de nos développements. ↑
7 La notion de tribunal renvoie ici à une institution. ↑
8 D’après l’analyse de Loïc CADIET, « l’action est le droit pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention ». V. CADIET (L.), « Procédure » in ALLAND (D.) et RIALS (S.) (S/D), Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 1219. Cette action constitue alors le pouvoir reconnu aux victimes d’erreurs judiciaires de s’adresser à la commission, c’est-à-dire à la justice, pour obtenir le respect de leurs droits et de leurs intérêts légitimes. C’est là la manifestation d’une action en justice. V. dans ce sens BERGEL (J.-L.), Théorie générale du droit, op. cit., p. 345. ↑
9 V. infra n°s 98 et s. ↑
10 Il s’agit là de la transposition des dispositions de l’article 43 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement de la cour suprême qui traitent des formes du pourvoi. ↑