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L’arrestation d’Omar el-Béchir soulève des défis juridiques et politiques complexes, illustrant les tensions entre le droit régional africain et le droit universel de la Cour pénale internationale. Cet article analyse les obstacles rencontrés par la CPI dans l’exécution de son mandat d’arrêt.
I.- LES CONSIDERATIONS THEORIQUES DU SUJET
L’on exposera dans le cadre de cette partie les faits pertinents de l’espèce et l’historique des mandats d’arrêt contre les hauts responsables d’Etats africains et contre Omar El BECHIR (A), les prétentions et arguments des parties (B), le statut conceptuel de la notion de mandat d’arrêt (C), l’intérêt du sujet et la revue de littérature (D).
A.- Les faits pertinents de l’espèce et l’historique des mandats d’arrêt contre les hauts responsables d’Etats africains et contre Omar El BECHIR
Les faits continus pertinents de cette affaire méritent d’être relevés. En dépit de l’existence des deux mandats d’arrêt de la CPI contre Omar El BECHIR et de l’obligation qui pèse sur le Kenya de coopérer avec ladite Cour1, le gouvernement kenyan a en effet invité et reçu à Nairobi (Kenya), le 27 août 2010, le chef de l’Etat soudanais pour participer à la cérémonie marquant la promulgation de la nouvelle Constitution du pays2.
La présence d’Omar El BECHIR à cette Cérémonie solennelle avait vivement été critiquée par les Organisations de la société civile (ci-après : « OSC »). Celles-ci reprochaient au Kenya, en tant qu’Etat Partie au Statut de la CPI, de n’avoir pas respecté ses engagements vis-à-vis de la CPI en arrêtant Omar El BECHIR, qui fait l’objet de poursuites devant ladite juridiction3, alors que tous les Etats Parties au Statut de cette Cour ont l’obligation de coopérer4.
Deux mois plus tard, Omar El BECHIR devait revenir au Kenya pour participer au sommet de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (ci-après : « IGAD »). Mais ce voyage a avorté, en raison du déplacement du sommet à Addis- Abeba5, dû à la mobilisation de la société civile et à la pression de la CPI qui avait alors exigé du gouvernement kenyan, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que le président Omar El BECHIR soit arrêté et remis à la CPI6.
Malgré la délocalisation du sommet de l’IGAD à Addis-Abeba, l’ICJ, à travers son directeur exécutif, George KEGORO, a introduit auprès de la Cour kenyane une requête, le 18 novembre 2010, pour qu’elle ordonne aux autorités gouvernementales kenyanes de respecter leurs engagements conventionnels et légaux de coopérer avec la CPI, en arrêtant Omar El BECHIR.
Ce mandat d’arrêt de la justice kenyane contre Omar El BECHIR intervient dans un contexte où la justice pénale s’est montrée très active ou très intéressée aux seuls actes répréhensibles des hauts responsables d’Etats africains7.
En effet, qu’il s’agisse des juridictions nationales ou internationales, des procédures pénales y ont été engagées contre les hauts dirigeants d’Etats africains. Ainsi, la justice belge avait émis, le 11 avril 2000, un mandat d’arrêt par défaut contre Abdoulaye YERODIA, alors ministre congolais des affaires étrangères8, pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qu’il aurait commis en 1998.
Il lui était reproché d’avoir tenu des discours incitant à la haine raciale et des propos virulents qui auraient eu pour effet d’inciter la population à s’en prendre aux Tutsi vivant à Kinshasa. A la suite des plaintes déposées en Belgique par certaines victimes qui s’y étaient réfugiées, une instruction avait été ouverte, avec comme conséquence, l’émission d’un mandat d’arrêt contre Abdoulaye YERODIA, alors devenu ministre des affaires étrangères.
Cet acte d’accusation indiquait qu’Abdoulaye YERODIA était poursuivi en qualité d’auteur ou de coauteur de crimes de droit international constituant des infractions graves portant atteinte aux personnes et aux biens protégés par les Conventions de Genève du 12 août 1949 et de crimes contre l’humanité9. Il faut souligner que la Belgique n’avait pas sollicité l’arrestation d’Abdoulaye YERODIA pendant qu’il exerçait les fonctions de ministre des affaires étrangères.
D’autant qu’en juin 2000, ce dernier s’y était rendu pour une visite officielle. Ce n’est qu’en 2001, qu’elle avait demandé à Interpol de l’arrêter, après qu’il eût cessé ses fonctions de ministre des affaires étrangères.
A la suite de ces procédures en Belgique et de la menace que celles-ci représentaient pour Abdoulaye YERODIA, le gouvernement congolais avait déposé auprès du Greffe de la Cour internationale de justice (ci-après : « CIJ »), le 17 octobre 2000, une requête introduisant une instance contre la Belgique. Le 14 février 2002, dans un arrêt de principe, la CIJ avait ordonné au gouvernement belge de mettre à néant le mandat d’arrêt contre Abdoulaye YERODIA10.
L’affaire Rose KABUYE mérite aussi d’être évoquée ici. En effet, cette directrice générale du protocole d’Etat au Rwanda avait été mise en cause par la justice française pour son rôle présumé dans l’attentat du 6 avril 1994 qui avait entrainé la mort de tous ses passagers, dont les présidents rwandais Juvénal HABYRIMANA et burundais Cyprien NTARYAMIRA.
Le Tribunal de grande instance (ci-après : « TGI ») de Paris l’avait inculpée des chefs d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste, de complicité d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste et d’association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes11. A la suite du mandat d’arrêt du juge français, Jean-Louis BRUGIERE, l’Allemagne avait procédé à l’arrestation de Rose KABUYE le 10 novembre 2008, à Francfort, alors qu’elle y était en visite officielle12.
Malgré la gravité des faits qui lui étaient reprochés et l’arrestation dont elle avait fait l’objet, il faut souligner que, grâce aux pressions du Rwanda13 et de l’UA, elle avait finalement été libérée.
Alors qu’il participait à la vingt et unième session de la Conférence des Parties à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques à Paris, tenue du 30 novembre au 11 décembre 2015, Guillaume SORO, l’actuel président de l’Assemblée nationale ivoirienne, a pris connaissance de la plainte qui avait été déposée contre lui auprès du TGI de Paris.
En effet, le 25 juin 2012, Michel GBAGBO, le fils de l’ancien chef d’Etat ivoirien, Laurent GBAGBO, avait introduit une plainte contre Guillaume SORO pour enlèvement, séquestration, détention abusive, traitements inhumains et dégradant14. Il faut noter que la justice française avait d’abord émis à son encontre un mandat d’amener le 7 décembre 201515, avant de le retirer quelques jours plus tard, le 9 décembre 2015.
Par ailleurs, à la suite du mandat d’amener de la justice française contre Guillaume SORO, la justice militaire burkinabé avait d’abord émis à son encontre, un mandat d’arrêt international le 15 janvier 201616, avant de le retirer le 28 avril de la même année17. La justice militaire burkinabé reprochait en effet au président de l’Assemblée nationale ivoirienne d’avoir soutenu la tentative du coup d’Etat manqué au Burkina Faso du Général Gilbert DIENDERE, en septembre 2015.
Il est par ailleurs nécessaire de souligner que les poursuites pénales des juridictions européennes contre les hauts dirigeants africains, ne concernent pas que les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre ou les traitements inhumains et dégradants. Il s’agit aussi des crimes économiques.
En effet, le vice-président de la Guinée Equatoriale, Teodoro NGUEMA OBIANG MANGUE fait l’objet de poursuites judiciaires en France pour blanchiment d’argent, dans l’affaire dite des « biens mal acquis »18. Ces poursuites ont été initiées par des Equato-guinéens vivant en France et appuyés par les OSC. En 2013, alors qu’il séjournait à Salvador de Bahia (Brésil), il a « échappé de peu à une arrestation »19.
Alors qu’il se trouvait à l’aéroport Roissy – Charles – de – Gaulle, le 18 novembre 2015, Seydou KANE, l’associé du directeur du cabinet du président gabonais, Ali BONGO, a été interpellé, puis placé en garde à vue. Il a été mis en examen pour « corruption active et passive d’agents publics étrangers, abus de bien social, blanchiment en bande organisée, recel, faux et usage de faux »20.
Ces poursuites judiciaires, qui sont engagées contre les hauts responsables d’Etats africains ne sont pas l’œuvre que des seules juridictions nationales, dans la mesure où les Juridictions internationales pénales (ci-après : « JIP ») ont aussi fait preuve d’une importante activité judiciaire contre les hauts dirigeants d’Etats africains.
Dans le cas de la crise au Darfour, le Conseil de Sécurité des Nations Unies avait saisi la CPI, conformément à la Résolution 1593 (2005) du 31 mars 2005. A la suite de cette saisine, le Procureur de ladite Cour a ouvert une enquête le 1er juin 2005. Le 27 avril 2007, la Chambre préliminaire a émis un mandat d’arrêt contre Ahmad Muhammad Harun21, alors ministre d’Etat chargé des affaires humanitaires et ex-ministre de l’intérieur pour quarante et deux (42) chefs de crimes consistant en : vingt (20) chefs de crimes contre l’humanité, meurtre, persécution, transfert forcé de la population, viol, actes inhumains, emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique, torture ; et de chefs de crimes de guerre : meurtre, attaques dirigées contre la population civile, destruction de biens, viol, pillage et atteintes à la dignité de la personne22.
Un autre mandat d’arrêt a aussi été émis à la même date contre Ali Muhammad Ali Abd-Al-Raham (ci-après : « Ali Kushayb »)23. Ce dernier est poursuivi pour cinquante (50) chefs de crimes consistant en : vingt et deux (22) chefs de crimes contre l’humanité : meurtre, déportation ou transfert forcé de la population, emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international, torture, persécution, actes inhumains causant de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ; et de vingt et huit (28) chefs de crimes de guerre constitués d’atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle, d’atteintes à la dignité de la personne, notamment traitements humiliants et dégradants, du fait de diriger intentionnellement une attaque contre une population civile, pillage, viol, le fait de détruire ou de saisir des biens24.
A la suite du conflit qui a secoué la Côte d’Ivoire lors de l’élection présidentielle d’octobre 2010, la Chambre préliminaire III de la CPI avait autorisé, le 3 octobre 2010, le Procureur de ladite Cour à ouvrir une enquête pour les crimes relevant de sa compétence, qui auraient été commis depuis le 28 novembre 2010.
C’est ainsi que Charles BLE GOUDE, ancien ministre ivoirien de la jeunesse sous le règne de Laurent GBAGBO, est poursuivi pour quatre charges de crimes contre l’humanité constitués du meurtre, du viol, des actes inhumains, de la tentative de meurtre et de la persécution perpétrées dans le contexte des violences postélectorales en Côte d’Ivoire25.
Le 22 mars 2014, Charles BLE GOUDE a été remis à la CPI par les autorités gouvernementales ivoiriennes, conformément au mandat d’arrêt qui avait été émis contre lui par la CPI le 21 décembre 201126 et dont les scellés avaient été levés le 30 septembre 2013. Il faut souligner que son procès a débuté le 28 janvier 2016 après que les charges pesant contre lui ont été confirmées le 11 décembre 2014.
Dans le cadre de la situation en Libye de 2011, le Conseil de Sécurité des Nations Unies avait adopté, le 26 février 2011, la Résolution 1970 (2011) pour saisir le Procureur de la CPI de la situation en Libye depuis le 15 février 2011. Le 3 mars 2011, le Procureur de ladite Cour y a annoncé l’ouverture d’une enquête. Le 27 juin 2011, la Chambre préliminaire I a émis des mandats d’arrêt contre Saif Al Islam KADHAFI27 et Abdullah Al Senussi28 pour des crimes contre l’humanité (meurtre et persécution). Mais les nouvelles autorités libyennes refusent de les remettre à la CPI.
Après avoir exposé, de façon non exhaustive quelques actions judiciaires initiées contre les hauts dirigeants africains, autres que les chefs d’Etat, anciens chefs d’Etat ou vice-présidents de la République (pour des crimes économiques), il convient de s’appesantir sur quelques poursuites dirigées contre les vice-présidents africains, les anciens chefs d’Etat et chefs d’Etat africains en exercice devant les juridictions nationales des Etats européens, les juridictions à caractère spécial ou juridictions mixtes et devant les JIP pour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité ou pour le crime de génocide.
Dans le cas de la République centrafricaine (ci-après : « RCA »), le gouvernement centrafricain avait saisi la CPI, par une lettre datée du 6 janvier 2005 pour ouvrir une enquête sur les crimes relevant de sa compétence commis dans ce pays entre le 25 octobre 2002 et le 15 mars 2003.
Jean Pierre BEMBA (ancien vice-président de la RDC), le principal mis en cause, était appelé à répondre de deux chefs d’accusation de crimes contre l’humanité (viol et meurtre) et de trois chefs d’accusation de crimes de guerre (meurtre, viol et pillage) que la milice (le Mouvement pour la libération du Congo, dont la branche armée était l’Armée de libération du Congo) qu’il dirigeait a commis en RCA29.
Il a été arrêté en Belgique, le 24 mai 2008 et le 3 juillet 2008, il a été remis à la CPI30, conformément au premier mandat d’arrêt qui avait été émis contre lui un jour plus tôt. Le 15 juin 2009, la CPI a confirmé les charges de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre contre lui.
Le procès de Jean Pierre BEMBA a débuté le 22 novembre 2010 et le 21 mars 2016, la CPI l’a déclaré coupable de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, en qualité de chef militaire, au sens de l’article 28 – a du Statut de Rome31 avant de le condamner, le 21 juin 2016 à une peine totale de dix-huit (18) ans d’emprisonnement32.
Ces crimes comprennent notamment le meurtre en tant que crime contre l’humanité, visé au sens de l’article 7-1-a du Statut de Rome ; le meurtre en tant que crime de guerre, visé au sens de l’article 8-2-c-i du Statut ; le viol en tant que crime contre l’humanité, visé au sens de l’article 7-1-g du Statut ; le viol en tant que crime de guerre, visé au sens de l’article 8-2-e-vi du Statut et le pillage en tant que crime de guerre visé au sens de l’article 8-2-e-v du Statut de Rome33.
Dans le cadre des violences postélectorales au Kenya de décembre 2007, le Procureur de la CPI avait ouvert, de sa propre initiative, une enquête à l’effet de traduire en justice les principaux auteurs de cette situation. Ainsi, l’actuel vice-président kenyan, William RUTO s’est retrouvé parmi les principaux accusés ; d’autant que la CPI l’a poursuivi, en qualité de coauteur indirect pour trois chefs de crimes contre l’humanité (meurtre, déportation ou transfert forcé de population et persécution)34.
Le 23 janvier 2012, la CPI a confirmé les charges contre William RUTO35 et son procès a débuté le 10 septembre 2013. Cependant, le 5 avril 2016, la Chambre de première instance V (A) a décidé de mettre un terme à la procédure concernant William RUTO ainsi que Joshua ARAP SANG pour insuffisance de preuves36. Elle a ainsi prononcé un non-lieu dans cette affaire, alors que les avocats de la défense demandaient un acquittement. Toutefois, ce non-lieu prononcé par la Chambre préliminaire V (A) est susceptible d’appel et il n’empêche pas que soient engagées de nouvelles poursuites contre William RUTO, que ce soit devant la même CPI ou devant une autre juridiction.
Dans le cas de la Sierra-Léone, le Tribunal spécial pour la Sierra-Léone (ci-après : « TSSL ») a été institué le 12 juin 2000 pour juger les principaux auteurs de la guerre civile (1991-2002). Ainsi, le 7 mai 2003, le TSSL inculpait Charles TAYLOR, alors président de la Sierra-Léone, de dix-sept (17) chefs d’accusation de crimes de guerre (actes de terrorisme, punitions collectives à l’encontre de la population civile, atteintes à l’intégrité physique et mentale, atteintes au droit à la vie et à la dignité, pillages, enlèvement, enrôlement de nombreux enfants de moins de quinze ans dans les forces armées, etc.) et de crimes contre l’humanité (extermination, viol, meurtre, esclavagisme, etc.) commis par les membres du Front Révolutionnaire Uni (RUF en anglais) dont il était le principal soutien en Sierra-Léone.
Ainsi, sous la pression des Nations Unies et des OSC, Charles TAYLOR avait dû démissionner le 11 août 2003 et s’était réfugié au Nigéria où il avait finalement été arrêté le 29 mars 2006 et livré au TSSL qui siégeait à Arusha en Tanzanie. Le 30 juin 2006, pour des raisons de sécurité, le Conseil de Sécurité des Nations Unies avait autorisé le transfert de son procès vers La Haye, où les chefs d’accusation avaient été réduits à onze (11) afin de réduire les délais du procès.
Au début de son procès à La Haye, le 4 juin 2007, Charles TAYLOR avait refusé de comparaître, en raison de ce qu’il ne bénéficierait pas d’un procès équitable. Malgré de multiples péripéties qui avaient entaché la tenue du procès, le 26 avril 2012, les juges du TSSL déclaraient Charles TAYLOR et ce, à l’unanimité, complice de crimes contre l’humanité (meurtre, viol, esclavage sexuel, esclavage, autres actes inhumains, etc.) et de crimes de guerre (actes de terrorisme, meurtre, atteintes à la dignité humaine, traitements cruels, enrôlement d’enfants de moins de 15 ans afin de les faire participer directement aux hostilités et aux pillages, etc.)37. Le 30 mai 2012, le TSSL l’a condamné à une peine de cinquante (50) ans de prison38. Il est ainsi devenu le premier ancien chef d’Etat à être condamné par une JIP.
Le 19 juillet 2012, le Procureur et la défense ont interjeté appel contre le verdict de culpabilité et contre la décision de condamnation39. Le 26 septembre 2013, la Chambre d’appel du TSSL a confirmé la peine de cinquante (50) ans de prison prise par les juges en instance40. Depuis octobre 2013, Charles TAYLOR purge sa peine dans la prison de Frankland, à Durham, au Royaume-Uni et le TSSL a définitivement fermé ses portes le 3 décembre 2013.
Relativement aux crimes perpétrés au Tchad pendant la période allant du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990, le gouvernement sénégalais et l’UA ont signé un Accord, le 22 août 201241, instituant les Chambres africaines extraordinaires (ci-après : « CAE ») au sein des juridictions sénégalaises. Cette juridiction hybride a été inaugurée le 8 février 2013. Ainsi, le principal mis en cause, Hissène Habré, qui a dirigé le Tchad durant cette période tragique et qui s’est réfugié au Sénégal, après avoir été chassé du pouvoir par les troupes de l’actuel chef de l’Etat tchadien, Idriss DEBY ITNO, a été inculpé, le 2 juillet 2013 pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et torture42.
Après quelques commissions rogatoires internationales et autres enquêtes au Tchad, la chambre d’instruction a, par une ordonnance du 13 février 2015, renvoyé Hissène Habré devant la chambre d’assise pour y être jugé43. Le 20 juillet 2015, les CAE ont ouvert son procès. Au terme des débats, le Procureur a requis à son encontre l’emprisonnement à perpétuité44 et le 30 mai 2016, les CAE ont suivi les réquisitions du Procureur en condamnant Hissène Habré à la peine d’emprisonnement à perpétuité45.
En ce qui concerne la situation en Côte d’Ivoire, le président Alassane DRAMANE OUATTARA, avait saisi la CPI, le 3 mai 2011, pour enquêter sur les crimes les plus graves qui ont été commis lors des violences postélectorales entre décembre 2010 et avril 2011. A la suite de cette demande, la Chambre préliminaire III a autorisé le Procureur à enquêter sur les crimes commis lors de cette période.
C’est ainsi que l’ex-chef d’Etat ivoirien, Laurent GBAGBO a été mis en cause. Ainsi, le 23 novembre 2011, un mandat d’arrêt sous scellés a été émis contre lui et rendu public le 28 du même mois. Le 12 juin 2014, la Chambre préliminaire I a confirmé les charges qui pèsent contre Laurent GBAGBO.
Celles-ci sont constituées de quatre (04) charges de crimes contre l’humanité représentant le meurtre, le viol, les autres actes inhumains ou – à titre subsidiaire – la tentative de meurtre et la persécution perpétrés dans le contexte des violences post électorales en Côte d’Ivoire46.
D’autant que les mêmes charges pèsent contre Laurent GBAGBO et Charles BLE GOUDE, la Chambre de première instance I a décidé, le 11 mars 2015, de joindre les deux affaires afin d’assurer la rapidité et l’efficacité de la procédure. Le procès de Laurent GBAGBO a débuté le 26 janvier 2016 et suit son cours.
Il faut relever que, si dans certaines espèces mentionnées ci-haut, certains anciens dirigeants africains ont été condamnés, d’autres sont en phase de procès, en ce qui concerne les chefs d’Etat en exercice, l’on n’a pas encore véritablement ouvert un procès à leur encontre jusqu’à aboutir, soit à leur condamnation soit à leur acquittement.
Ainsi, l’on évoquera ces procédures judiciaires engagées contre des chefs d’Etat africains en exercice. Il s’agit de Denis SASSOU NGUESSO qui a fait l’objet d’actions pénales, intentées en France par la Fédération internationale des droits de l’homme (ci-après : « FIDH ») et la Ligue française des droits de l’homme et du citoyen, le 7 décembre 2001 dans le cadre de l’affaire dite des « Disparus du Beach ».
Cette plainte avait été déposée sous le fondement de la compétence universelle pour torture, disparitions forcées, constitutives de crimes de torture et de crimes contre l’humanité. Mais, par une décision du 18 novembre 2004, la chambre d’instruction du TGI de la ville de Meaux avait décidé d’annuler cette procédure contre Denis SASSOU NGUESSO et d’autres mis en cause, au motif que la plainte était trop générale pour fonder une action en compétence universelle devant les juridictions françaises47.
En décembre 2002, le gouvernement congolais avait introduit une requête auprès de la CIJ afin d’obtenir que la procédure judiciaire engagée en France soit déclarée nulle48.
L’on notera aussi cette affaire contre Mouammar KADHAFI en France, alors qu’il était le chef de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. Cette affaire concernait son implication dans l’attentat contre l’avion DC 10 de la Compagnie UTA, le 19 septembre 1989, lequel avait causé la mort de cent cinquante et six (156) passagers et de quatorze membres (14) de l’équipage. Après que la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Paris a reconnu la compétence des juridictions françaises pour connaître des faits reprochés à Mouammar KADHAFI, la Chambre criminelle de la Cour de cassation s’est par contre fondée sur la coutume internationale pour conclure à l’impossibilité pour un chef d’Etat en exercice d’être poursuivi devant une juridiction nationale étrangère49.
Par ailleurs, Mouammar KADHAFI aurait pu être poursuivi par la CPI. En effet, cette dernière a émis à son encontre, un mandat d’arrêt, le 27 juin 2011 pour crimes contre l’humanité commis lors du soulèvement populaire du 15 février 2011 en Libye50. Mais à la suite de son assassinat par les forces rebelles, appuyées par les forces de l’Organisation pour le traité de l’Atlantique Nord (OTAN), le 22 novembre 2011, la CPI a décidé de retirer ce mandat d’arrêt.
Relativement à la situation postélectorale au Kenya, le cas du chef de l’Etat kenyan, Uhuru Kenyatta aurait pu être aussi emblématique que l’affaire Omar El BECHIR devant la CPI. En effet, le président Uhuru Kenyatta était accusé par la CPI des cinq chefs de crimes contre l’humanité comprenant le meurtre, la déportation ou le transfert forcé de la population, le viol, la persécution et les autres actes in