Analyse des faiblesses organisationnelles chez les mineurs en milieu judiciarisé

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🏫 Institut National De Formation En Travail Social - École Des Cadres Supérieurs En Travail Social
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Diplôme d’Etat d’Inspecteur d’Education Spécialisée - Juin 2018
🎓 Auteur·trice·s
ILBOUDO Wendelassida
ILBOUDO Wendelassida

L’organisation des mineurs en milieu judiciarisé au Burkina Faso est analysée à travers les violences vécues par les pensionnaires de la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou et du centre de Laye. L’étude met en lumière les faiblesses organisationnelles et les conflits interpersonnels comme causes principales.


2-INTERPRETATION DES RESULTATS

Il s’est agi dans cette partie de la recherche de confronter les hypothèses de départ aux résultats auxquels nous sommes parvenus. Cela a permis de les confirmer à travers l’interprétation des différents résultats obtenus en rapport avec chaque hypothèse. Ainsi, nous retenons que notre hypothèse principale présume que: «les faiblesses du mode organisationnel ainsi que les relations interpersonnelles conflictuelles expliquent les violences vécues par les mineurs en milieu judiciarisé ».

1. Vérification de la première hypothèse secondaire qui stipule que : « les faiblesses du mode organisationnel favorisent les violences vécues par les mineurs en milieu judiciarisé »

Cette première hypothèse secondaire a une dimension structurelle et administrative. Il s’agit d’analyser les faiblesses du point de vue des prestations de service, des règlements et des pratiques du MJ en lien avec les violences que vivent les mineurs.

Les cibles qui vont contribuer à la validation de l’hypothèse sont les mineurs, les agents et les responsables desdites structures.

Aux plans structurel et administratif, plusieurs éléments concourent à expliquer les violences que vivent les mineurs en milieu judiciarisé.

Organisation des mineurs en milieu judiciarisé au Burkina Faso

D’abord, le non-respect du droit à l’éducation des mineurs est vécu comme une violence. En effet, la proportion de ceux qui ont un niveau primaire et secondaire représente 92% des enquêtés de la MACO et du centre de Laye comme l’indique la figure n°7.

Dans cette perspective, il convient de signaler qu’il existe moins de possibilités pour les mineurs de poursuivre leur cursus scolaire conformément à l’article 111 de la loi 010-2017/AN du 10 avril 2017 portant régime pénitentiaire au Burkina Faso qui stipule que : « le mineur détenu est soumis à un régime particulier qui fait une large place à l’éducation etaux activités scolaires (…) ».

Mais concrètement, il n y a pas d’enseignement scolaire classique dans ces structures en dehors de l’alphabétisation et des ateliers de formation préprofessionnelle. Le pire, les données du tableau n°9 soutiennent que 80% des pensionnaires de la MACO et du centre de Laye n’ont pas eu la possibilité de fréquenter une école classique depuis leur admission en milieu judiciarisé. Cette donnée vient conforter l’idée selon laquelle le droit de tous à la scolarisation n’est pas respecté dans ces structures. Et cet état de fait constitue un facteur de violences à l’encontre des pensionnaires des dites structures ; même si des efforts sont faits au centre de laye.

En outre, l’insuffisance alimentaire est en cause dans l’explication de la violence. De l’entretien avec l’intendant de la MACO, la qualité, la quantité et la diversité des repas ne sont pas satisfaisantes. Pour preuve, le budget 2018, consacré à l’alimentation estime à 90 francs par jour et par mineur. Ce montant permet de servir quatre cent cinquante (450) grammes d’aliment au lieu de neuf cents (900) grammes recommandés par les normes internationales1. Cette réalité est justifiée par les données de la figure n°5. Ainsi, pour ce qui concerne l’alimentation à la MACO, il n’est plus à démontrer que les pensionnaires sont dans le manque et le besoin criard de nourriture.

Au centre de laye par contre, selon les informations recueillies au service social, même si ces plats ne sont pas suffisamment diversifiés malgré les efforts qui sont faits par le centre et ses partenaires, on note cependant trois(03) repas servis quotidiennement. Le cas du centre de laye sur ce point est plus apaisé.

En plus, les sanctions punitives qui ont cours à la MACO tout comme à Laye ne sont prévues nulle part à notre connaissance dans le règlement intérieur, mais sont régulièrement utilisées dans les pratiques de certains agents de sécurité. Ces sanctions, pour la plupart des fois des bastonnades, sont perçues par l’ensemble des mineurs comme illégitimes et abusives, par conséquent redoutées. Les données présentées dans la figure n°4 sont éloquentes.

A ce propos NASSOURI2 citant A. BAGRE dans son mémoire de fin de cycle fustige ces pratiques en cours dans le MJ en vitupérant qu’ « on ne va pas en prison pour y recevoir des châtiments, c’est l’absence de liberté en tant que telle qui constitue la peine(…) ». Considérant cette position, il est évident que les agents qui ont tendance à se servir des sanctions non prescrites à l’encontre des mineurs violent délibérément les règles qui régissent le MJ. Partant, ces types de pratique contribuent à exacerber les violences qui sévissent déjà dans ce milieu.

Par ailleurs, certaines pratiques professionnelles des travailleurs sociaux sont à mettre en lumière. En effet, quelques actions sont jugées insatisfaisantes au regard des données du tableau n°4 qui renseignent que 38% des enquêtés estiment n’avoir plus la possibilité de recevoir la visite d’un membre de leur famille.

Cette situation révèle un malaise dans la pratique des activités de repérages des familles et celles de médiations familiales menées par le service social. Ces pratiques sont en deçà des attentes des mineurs et constituent en elles une faiblesse du mode organisationnel du milieu judiciarisé. Rappelons que le support social constitue une composante importante dans le renforcement de la capacité de résilience du mineur en MJ contre toute forme de violences. Ainsi, il va s’en dire que ces mineurs sans visites pourraient s’enliser continuellement dans une sorte d’angoisse perpétuelle qui rendrait leur processus de rééducation quasiment impossible. Cette situation pointe du doigt le spectre des violences dans lesdites structures.

En outre, on note l’absence d’un dispositif de communication visant à faire connaitre le règlement intérieur dans les deux établissements judiciarisés selon les résultats des entretiens avec les acteurs du MJ. En effet, le règlement intérieur, bien qu’apparemment connu de l’ensemble du personnel, pose problème dans son application. Il n’est pas du tout connu de la quasi-totalité des pensionnaires du quartier des mineurs de la MACO et de ceux du centre de Laye.

Par conséquent, il semble ne pas exister une implication réelle de ces pensionnaires dans la vie desdits établissements même si ceux ci- tentent d’obéir quelque peu vaguement à certaines sans comprendre. Ces données sur l’insuffisance de communication à l’endroit des mineurs des établissements pénitentiaires de la MACO et du centre de Laye corroborent un des résultats auquel OUEDRAOGO Edith (2007) 3est parvenue dans son mémoire de fin de cycle qui relève la défaillance du dispositif de communication à la MACO. Ce faisant, l’absence d’un tel dispositif de communication, pourrait accroitre les risques de transgressions des règles et cet état de fait constitue un des facteurs de violences à l’encontre des mineurs de la MACO et du centre de Laye.

Au sujet de l’absence de respect de l’intimité au sein des mineurs dans les deux établissements, elle est critiquée avec véhémence non seulement par les mineurs mais aussi par les autres personnes interrogées .En effet, les pensionnaires considèrent qu’à chaque fois qu’ils reviennent de la douche leur nudité est exposée à tous ceux qui sont dans le dortoir; en atteste la figure n°6. Cette situation est souvent mal vécue par les sujets au plan psychologique et constitue l’un des facteurs explicatifs des abus sexuels couramment enregistrés en leur sein. Cet état de fait constitue un facteur exacerbant les violences à la MACO tout comme au centre de Laye.

Enfin, on ne peut passer sous silence la persistance de la difficulté des acteurs du milieu judiciarisé à effectuer un traitement diligent des dossiers des mineurs. Dans cette analyse, les TS de la MACO, lors de nos entretiens, ont souligné le retard constaté dans le traitement des dossiers judiciaires de certains mineurs.

Pour conforter cette position, nous pouvons lire ce résumé du récit de vie d’un mineur dont le dossier connait un retard criard. Il s’agit du récit de vie n°2 de N.K, mineur de 17 ans à la MACO, handicapé moteur, prévenu pour viol qui nous éclaire à ce sujet : « Je suis sidéré car le juge a égaré mon dossier alors que cela fait 24 mois que suis à la MACO (…) ». Ce faisant, même s’il l’on reconnait des difficultés qui entravent le traitement des dossiers, il reste entendu que cette lenteur est vécue par les victimes comme une souffrance malgré la création des juridictions spécialisées.

En réalité, des mineurs ayant fait l’objet d’une détention préventive attendent parfois plus de deux ans sans voir leur statut carcéral évolué ; toute chose qui tranche avec le droit international qui recommande une diligence dans les procédures concernant les mineurs comme nous le stipule l’article 13.1 des Règles de Beijing pour l’administration de la justice pour mineurs selon lequel : « La détention préventive ne peut être qu’une mesure de dernier ressort et sa durée doit être aussi courte que possible.». Ainsi, le non-respect de ces dispositions porte atteinte aux droits des mineurs et est perçue comme une violence à leur égard.

À la lumière de ce qui précède, notre première hypothèse secondaire qui stipule que les faiblesses du mode organisationnel favorisent les violences vécues par les mineurs en milieu judiciarisé est confirmée même si des efforts sont faits au centre de Laye pour rendre l’institution congruente.

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1 Op. cit.34

2 Op. cit 18 p 67

3 Op cit 12 P 91

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