Les insuffisances organisationnelles des mineurs sont identifiées comme des facteurs clés des violences vécues par les pensionnaires de la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou et du centre de Laye. Cette étude révèle les impacts des relations interpersonnelles conflictuelles sur leur bien-être.
PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS DES ENTRETIENS
Dans le cadre de la présente recherche, des entretiens ont été réalisés auprès de vingt-quatre (24) personnes dont cinq (05) personnes ressources; six (06) chefs de service, quatre(04) travailleurs sociaux, six(06) agents de sécurité, quatre(04) moniteurs techniques. Il a été demandé à ces enquêtés et personnes ressources de se prononcer sur les
1 Etat violent d’une personne causé par une affliction non surmontée
insuffisances du mode organisationnel du milieu judiciarisé et l’impact des relations interpersonnelles conflictuelles dans la persistance du phénomène des violences que vivent les mineurs. Afin de synthétiser les données de nos entretiens, nous les avons regroupées en deux grandes parties conformément à la population à l’étude et aux hypothèses.
Des Entretiens auprès des responsables, des agents de la MACO et du centre de Laye
Des faiblesses du mode organisationnel en lien avec les violences vécues par les mineurs en milieu judiciarisé.
Les entretiens avec les chefs de services et agents des établissements judiciarisés révèlent les éléments suivants :
de l’entretien avec le chef de la Sécurité de la MACO, au sujet de l’insuffisance des prestations de service, il est ressorti que les ateliers à la MACO sont insuffisants et cette situation met les mineurs dans l’oisiveté. Ainsi, n’étant pas tous utilement occupés, certains se livrent aux provocations et en arrivent aux actes de violence comme les rixes et autres formes d’agressivité.
Celui de Laye, par contre, estime que le centre a l’avantage d’être mieux équipé et doté en vivres, médicament, produits d’hygiène pour offrir un cadre apaisé et sécurisé.
De l’avis de l’intendant ; au sujet de l’alimentation des mineurs de la MACO, il est avéré que les mineurs bénéficient d’un ou de deux (02) repas par jour selon la disponibilité des ressources. Il renchérit en disant qu’à la MACO, quatre cent cinquante (450) grammes de nourriture sont servis à chaque mineur au lieu de neuf cents (900) grammes recommandés2. Il reconnait cependant des difficultés. Aussi, suggère-t-il le renforcement de la quantité et de la qualité en vivres pour assurer au mieux une alimentation convenable.
3 Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus « Règle 22 .1. Tout détenu doit recevoir de l’administration pénitentiaire aux heures habituelles une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur nutritive suffisant au maintien de sa santé et de ses forces. »
Dans le contexte du Centre de Laye et selon les informations recueillies au service social, même si ces plats ne sont pas suffisamment diversifiés malgré les efforts qui sont consentis par le centre et ses partenaires, on note cependant trois(03) repas servis quotidiennement.
Les appréciations des prestations de service au plan médical sont mitigées à la MACO. Si certains agents trouvent que le dispensaire s’y prend pour répondre aux besoins des mineurs en cas de maladie, d’autres par contre estiment que le dispensaire n’arrive pas à honorer les ordonnances à cause des faibles moyens financiers prévus pour disponibiliser les produits pharmaceutiques.
Au centre de Laye par contre, compte tenu des moyens dont la structure dispose, les pensionnaires et les encadreurs semblent unanimes que la prise en charge sanitaire est satisfaisante. Cela justifie les propos du chef de service social qui affirme que : « les soins de santé pour tous les pensionnaires sont respectés ici ».
De la tendance des réponses des agents interrogés de part et d’autre dans les deux (02) établissements, l’impossibilité de poursuive l’école pour certains est aussi un facteur de violence car l’école, en plus du fait qu’elle offre une éducation, pourrait occuper les mineurs et aider à réduire les temps de frottement, de heurt, de raillerie et de provocation .
L’équipe des travailleurs sociaux de la MACO a souligné la rupture des liens familiaux pour certains mineurs. Ces liens, très souvent sont rompus temporairement ou définitivement en réaction au délit ou à l’emprisonnement. Malheureusement, l’insuffisance des moyens matériels et financiers du service social aux fins d’assurer la médiation avec la famille, engendre très souvent des souffrances psychologiques chez les sujets. Ces mineurs privés de visites des parents et de contact avec l’environnement familial sont potentiellement ceux qui courent le plus grand risque d’exercer ou de subir la spirale des violences car ils ont moins de capacité psychologique, morale et matérielle pour y faire face.
Ceux du centre de Laye, par contre, apprécient la fréquence des visites des parents que leurs pensionnaires reçoivent.
Au sujet de l’efficacité et de l’efficience des actions du service social, le chef dudit service souligne à ce propos qu’au regard de l’insuffisance du personnel, il ne peut pas constituer raisonnablement des groupe éducatifs. Car martèle-t-il, sur cinquante-quatre (54) mineurs que compte le quartier des mineurs, le service ne dispose que de trois(03) éducateurs ; soit un ratio d’environ vingt(20) mineurs par éducateur ; sans compter le millier de détenus que composent les autres quartiers de la MACO.
Ceux du centre de Laye soutiennent la performance de leur service même si quelques difficultés mineures subsistent.
Des relations interpersonnelles conflictuelles en lien avec les violences vécues par les mineurs en MJ
A la question des causes des violences subies par les mineurs en milieu judiciarisé, le chef du service de sécurité de la MACO a cité « L’existence de bandes ou de gangs ». Pour lui, ces bandes donnent souvent lieu aux tentatives d’évasion par groupe sans qu’aucun d’entre eux ne dénonce auprès de la sécurité. Il a reconnu également que le tempérament de certains agents de sécurité y est pour beaucoup dans la production des violences sur les mineurs au plan relationnel.
Son collègue de laye, quant à lui, trouve que ce centre offre un cadre qu’il appelle « milieu ouvert » avec moins ou presque pas de violences.
Dans le même temps, les agents du même centre ont tous témoigné à contrario, qu’ils ont presque chacun assisté à une bagarre entre mineurs ou ont séparé certains qui étaient en conflit l’un avec l’autre.
3.1.2.2. Des résultats des entretiens avec les personnes ressources
Dans le cadre de la présente étude, nous nous sommes entretenu avec un (01) Directeur d’établissement pénitentiaire, un psychologue, un juge des enfants et une Inspectrice d’éducation spécialisée.
De l’entretien avec le juge des enfants, il ressort que les violences en MJ sont rarement mentionnées et selon elle, ces violences sont d’une part dues à la domination des plus forts sur les faibles et d’autre part aux mauvaises conduites des mineurs en termes de transgression des règles en vigueur. Toutefois, elle met l’accent sur le suivi et sur les inspections des établissements pénitentiaires.
De l’avis du psychologue de la MACO, la plus part des mineurs vivent déjà une situation de crise bien avant leur admission en milieu judiciarisé. Cette crise est celle de l’adolescence que les enfants traversent. Sur le plan psychique, à l’expérience physique de claustration s’ajoute un vécu de perte d’identité , d’abandon et d’incertitude ou la sensation de perte de contrôle sur leur propre existence et de soumission à l’arbitraire.
Cet état de fait convoque une violence latente permanente qui s’exprime de manière très variable selon les sujets pouvant même aller à un passage à l’acte. Ce passage à l’acte sans doute violent, peut s’imposer alors aux sujets, aux tiers (Co-pensionnaires, professionnels). Aussi, les mineurs peuvent manifester des conflits affectifs contre les adultes à cette période.
Cette personne ressource reconnait cependant l’insuffisance du temps d’observation, l’inadaptation des outils de suivi psychologique comme des difficultés liées à la spécificité du milieu ; lesquelles difficultés rendent l’intervention du psychologue difficile. Face aux violences qui touchent le milieu judiciarisé, il propose de maintenir l’accompagnement psychologique, de mettre l’accent sur les placements en famille ou en institutions conventionnelles et de renforcer la collaboration avec les TS pour une référence systématique des éventuels cas nécessitant son accompagnement.
Au sujet de l’entretien avec l’Inspectrice d’Education Spécialisée avertie4 des questions de la clientèle judiciarisée, il ressort que la communication doit être renforcée au profit des mineurs ainsi que les prestations de service comme l’alimentation et les soins de santé pour apaiser les tensions en milieu judiciarisé. Elle note par ailleurs que le personnel du travail social est insuffisant au regard de l’immensité des missions de rééducations et de réinsertion sociale à eux confiées. Du côté du juge des enfants, ajoute-t- elle, il faut accélérer le traitement des dossiers des mineurs de la MACO. De l’entretien auprès du Directeur de la MACO, concernant les causes des violences, il a fait remarquer que les mêmes causes des infractions ayant
5 Personne ressource ayant occupé la responsabilité de chef de service social de la MACO
conduit les mineurs en prison sont toujours valables à certains égards pour expliquer celles qu’ils vivent au quartier des mineurs. Selon lui, ce qui provoque les tensions carcérales, c’est le fait que certains majeurs, pour avoir menti sur leur âge s’y sont retrouvés avec des mineurs. Ces derniers qui visiblement sont plus majeurs que mineurs, commettent très souvent des violences sur les plus jeunes.
Pour ce qui est de la collaboration avec les autres partenaires, il a reconnu qu’elle est bonne. Concernant l’existence d’un dispositif de communication, il avoue cela puisque lui- même, en cas de difficulté à faire respecter les règles, il rencontre les mineurs pour les convaincre. D’autres difficultés comme la lenteur des décisions judiciaires de placement des mineurs existent.
Il ajoute que le placement institutionnel est à privilégier car la prison ne saurait être un milieu favorable à la rééducation caractérielle du mineur.
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1 Etat violent d’une personne causé par une affliction non surmontée. ↑
2 Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus. ↑
3 Règle 22 .1. Tout détenu doit recevoir de l’administration pénitentiaire aux heures habituelles une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur nutritive suffisant au maintien de sa santé et de ses forces. ↑
4 Inspectrice d’Education Spécialisée avertie des questions de la clientèle judiciarisée. ↑
5 Personne ressource ayant occupé la responsabilité de chef de service social de la MACO. ↑