L’organisation des services de santé au travail en Côte d’Ivoire est essentielle pour garantir la protection des travailleurs et améliorer les conditions de travail. Cet article analyse les défis rencontrés et propose des perspectives d’amélioration pour renforcer l’efficacité de la médecine du travail.
Section II :
L’organisation admirable des services de santé au travail
La santé au travail est un enjeu majeur pour le développement économique et social d’un pays. C’est pourquoi, les services de santé au travail ont pour principale mission d’assurer la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, à prévenir les risques professionnels, à améliorer les conditions de travail et à favoriser l’insertion et le maintien dans l’emploi des personnes.
En d’autres termes, les services de santé au travail sont les principaux organes chargés d’assurer la surveillance médicale des salariés et la prévention des risques professionnels dans l’entreprise. Ils sont composés de médecins du travail et d’autres professionnels de santé. Il existe différents types de services de santé au travail selon les besoins et les caractéristiques des entreprises. Quelles sont les missions des services de santé au travail en Côte d’Ivoire ? Comment sont-elles organisées et mises en œuvre ? toutes ces questions aussi pertinentes que curieuses trouveront réponses dans les lignes qui suivront.
Dans cette section, il s’agira pour nous de mettre la lumière sur la diversité de nos services de santé qui est adaptable selon les besoins des entreprises (Paragraphe I) puis d’analyser les missions de ceux-ci qui sont tout aussi hétéroclites que variées (Paragraphe II).
Paragraphe I :
Des services de santé diversifiés selon les besoins des entreprises
La santé et la sécurité des travailleurs sont des enjeux majeurs pour le développement économique et social d’un pays. En Côte d’Ivoire, le Code du travail prévoit que tout employeur doit assurer un service de santé au travail au profit des travailleurs qu’il emploie1. Ce service de santé au travail existe sous deux formes principales : le service médical autonome (A) et le service médical interentreprises (B).
A- Le service médical autonome : une gestion propre à chaque entreprise
Le service médical autonome est un service de santé au travail qui est créé et géré par une entreprise ou un groupe d’entreprises. Il est dirigé par un médecin titulaire d’un diplôme de médecine du travail et remplissant les conditions d’exercice de la médecine en Côte d’Ivoire2. C’est un service qui fait partie intégrante de l’entreprise, c’est ainsi qu’il revient à l’employeur de le créer et d’en supporter la charge financière de sorte à assurer un service fonctionnel et efficace. À cet effet, il assure de nombreuses prestations au nombre desquelles figurent :
D’abord, la surveillance du milieu de travail afin de prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Ensuite, la surveillance de la santé des travailleurs qui comprend un examen médical des candidats à l’embauche ou des salariés nouvellement embauchés au plus tard avant l’expiration de leur période d’essai, des examens périodiques des salariés en vue de s’assurer de leur bon état de santé et du maintien de leur aptitude au poste de travail occupé, le diagnostic précoce des maladies professionnelles ;
Enfin, la participation à l’examen et au reclassement professionnel des personnes handicapées, ainsi qu’aux séances de la commission de réforme des fonctionnaires et à celles du conseil de santé, en ce qui concerne les fonctionnaires.
Le SMA est un service propre à chaque entreprise qui dispose d’une autonomie financière, administrative et technique, il dispose d’un personnel qualifié et d’un matériel médical approprié. Cette autonomie lui permet de tenir un registre des visites médicales, des accidents de travail et des maladies professionnelles et un dossier médical individuel pour chaque travailleur, gage d’un meilleur suivi de l’état de santé de ceux-ci.
Ce service est l’apanage des grandes entreprises ou celles qui ont une activité à risque élevé. Le législateur ivoirien n’a pas fixé un quota ou encore un certain effectif pour imposer la mise en place d’un service médical autonome.
À contrario, son homologue français prévoit quant à lui que ce service peut être mis en place lorsque l’effectif de salariés au sein de l’entreprise atteint ou dépasse cinq cents (500) salariés. Il prévoit également le recrutement obligatoire d’un infirmier dans les entreprises industrielles qui comptent au moins deux cents (200) salariés, dans les autres entreprises, le nombre est porté à cinq cents (500) ; deux (2) infirmiers sont exigés lorsque dans les entreprises industrielles le nombre de salariés atteint le quota de cinq cents (500) alors qu’il est de mille (1000) dans les autres entreprises3.
Les avantages de cette formule sont l’autonomie et la personnalisation, la possibilité d’assurer un suivi continu et adapté, la facilité à mettre en œuvre des actions de prévention spécifiques. Les inconvénients sont le coût élevé, la difficulté à recruter et à fidéliser les médecins du travail, le risque d’ingérence ou d’influence de l’employeur sur le service. À côté de ce service de santé propre à chaque entreprise qui demandent assez de moyens humains et financiers, le législateur prévoit un autre service santé commun à plusieurs entreprises permettant ainsi une mutualisation des ressources.
B- Le service médical interentreprises : une mutualisation des ressources et des compétences
Le service médical interentreprises (SMI) est un service commun à plusieurs entreprises qui adhèrent à une association à but non lucratif. À l’instar du service médical autonome, il est également dirigé par un médecin titulaire d’un diplôme de médecine du travail et remplissant les conditions d’exercice de la médecine en Côte d’Ivoire.
C’est un service créé et géré par une association regroupant plusieurs entreprises ou établissements. En effet, le droit local est silencieux sur le mode de fonctionnement de ce service médical, mais dans la pratique, et en faisant une étude comparée avec le droit français, il est d’abord administré par un président, sous la surveillance d’une commission de contrôle ; les responsables de ce groupement ou de cet organisme sont soumis, dans les mêmes conditions que l’employeur et sous les mêmes sanctions4.
En clair, le SMI est administré paritairement par un conseil composé5 :
- De représentants des employeurs désignés par les entreprises adhérentes (le président, qui dispose d’une voix prépondérante en cas de partage des voix, est élu parmi ces représentants et doit être en activité).
- De représentants des salariés des entreprises adhérentes, désignés par les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel (le trésorier est élu parmi ces représentants).
Ensuite, l’organisation et la gestion du SST sont placées sous la surveillance soit d’un comité interentreprises constitué par les comités d’entreprise intéressés, soit d’une commission de contrôle composée pour un tiers (1/3) de représentants des employeurs et pour deux tiers (2/3) de représentants des salariés. Son président est élu parmi les représentants des salariés6.
Relativement à ses missions, il assure les mêmes prestations que le SMA, mais il peut également intervenir dans d’autres domaines :
- La promotion de la santé au travail, notamment par des actions d’information, d’éducation et de sensibilisation ;
- La participation à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques nationales et sectorielles en matière de santé et de sécurité au travail ;
- La collaboration avec les autres acteurs impliqués dans la prévention des risques professionnels, tels que les comités de santé et de sécurité au travail, les inspecteurs du travail, les organismes sociaux, etc.
Généralement, le SMI regroupe les petites et moyennes entreprises (PME) qui n’ont pas les moyens ou l’intérêt d’avoir leur propre service de santé au travail. Les avantages de cette formule sont la mutualisation des ressources humaines, matérielles et financières, la diversité et la complémentarité des compétences, la proximité géographique et la connaissance du tissu économique local. Les inconvénients sont le manque d’autonomie et de personnalisation, la difficulté à assurer un suivi régulier et approfondi, le risque de conflit d’intérêts entre les différentes entreprises adhérentes.
Ainsi, le choix entre un service médical autonome ou un service médical interentreprises dépend de plusieurs facteurs, tels que la taille, l’activité, les ressources et les objectifs de l’entreprise. Il n’existe pas de modèle unique, mais plutôt une diversité de services de santé au travail, qui doivent être adaptés aux besoins des entreprises et des travailleurs.
Mais quelle que soit la forme d’organisation du service de santé au travail, il doit remplir des missions essentielles pour la protection de la santé des travailleurs, que nous allons examiner dans le paragraphe suivant.
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1 Art 43.1 de la loi n° 2015-532 du 20 juillet 2015 portant Code du travail de la République de Côte d’Ivoire, JO n°74 du 14/09/2015. ↑
2 Art 43.3 de la loi n° 2015-532 du 20 juillet 2015 portant Code du travail de la République de Côte d’Ivoire, JO n°74 du 14/09/2015. ↑
3 MINÉ (M.) & MARCHAND (D.), Le Grand livre du droit du travail en pratique, 28ème édition, Éditions EYROLLES, Paris, 2016, p.374. ↑
4 Article L.4622-7 de la loi n° 73-4 du 2 janvier 1973 portant Code du travail de la République de France modifié par la loi n°2021-1018 du 2 août 2021 – art. 1. ↑
5 MINÉ (M.) & MARCHAND (D.), op cit., p.375. ↑
6 MINÉ (M.) & MARCHAND (D.), op cit., p.375. ↑