Les indemnités pour accidents de travail en Côte d’Ivoire sont essentielles pour compenser la perte de revenus des victimes. Cet article analyse les prestations de la CNPS et propose des améliorations pour renforcer l’efficacité de la médecine du travail face aux défis actuels.
B- Une réelle compensation pour la perte de revenus liée aux accidents de travail et maladies professionnelles
Outre de la prise en charge intégrale des frais médicaux, la CNPS verse des indemnités aux victimes d’accidents de travail et maladies professionnelles en compensation de la perte de revenus que leurs incapacités pourraient engendrer. À ce niveau, les prestations servies par la CNPS peuvent être regroupées en trois (3) catégories.
Premièrement, les prestations servies pendant l’incapacité temporaire. L’incapacité temporaire se caractérise par l’interruption du travail et envisage une évolution de l’état de santé de la victime1. Durant toute la période de convalescence, sont assurés une prise en charge totale des soins, ce qui signifie que la CNPS couvre de façon générale tous les frais qu’ont nécessités le traitement de la victime, à l’exception des soins de première urgence qui sont à la charge exclusive de l’employeur2.
Outre la prise en charge totale des soins par la CNPS, la victime d’un accident de travail ou maladie professionnelle bénéficie des indemnités journalières (IJ) prévues à l’article 84 CPS. En application de l’article 31 de la convention collective interprofessionnelle, durant la période de suspension de son contrat de travail, le travailleur malade ou accidenté perçoit une indemnité calculée de manière à lui assurer son ancien salaire, heures supplémentaires non comprises et défalcation faite de la somme qui lui est due par la CNPS3. En pratique, la moitié du salaire journalier du travailleur malade ou accidenté est versée par l’employeur et l’autre moitié par la CNPS, du 2ème au 28ème jour de la maladie ou de l’accident. L’indemnité journalière à la charge de la CNPS est portée au 2/3 du salaire à partir du 29ème jour4.
Deuxièmement, les prestations servies pendant la période d’incapacité permanente. L’accident peut parfois avoir des conséquences fâcheuses pour la victime, notamment une infirmité à caractère permanente empêchant celle-ci de recouvrer sa capacité de travail antérieure, ce qui occasionne une perte de salaire. Pour pallier cela, le législateur a prévu le paiement d’une rente.
Cette rente dite « rente d’incapacité permanente » prend son point de départ au lendemain de la date de consolidation, par laquelle il faut entendre le moment où la lésion se fixe et prend un caractère permanent5. En cas d’incapacité permanente partielle (IPP), la rente est calculée sur la base des salaires des 12 mois précédant l’accident dans la limite d’un salaire minimum (plancher) fixé chaque année avec effet au 1er avril par décret, lorsque le taux d’incapacité est supérieur ou égal à 10 % et d’un salaire maximum (plafond)6.
Il est important de noter que le taux d’incapacité est évalué par le médecin conseil de la CNPS sur une échelle de 0 à 100 pour cent en se basant bien sûr sur des critères précis en l’occurrence, la nature de l’infirmité, l’âge ou encore les aptitudes et qualifications professionnelles de la victime, c’est ce qu’on appelle « le taux utile« . En cas d’incapacité permanente totale qui est évalué à 100%, qui oblige la victime à faire recours à une tierce personne pour l’assister dans l’accomplissement des actes ordinaires de la vie alors, le montant de la rente est majoré de 40%7.
Troisièmement, l’indemnisation des accidents du travail mortels, le législateur, soucieux de réparer le préjudice qu’a subi la victime, permet lorsque le travailleur décède des suites d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, que soit versé des rentes de survivants aux victimes collatérales que sont le conjoint, les enfants et le cas échéant les ascendants.
En effet, il est octroyé aux ayants droit des allocations de frais funéraires, lorsque le décès de la victime intervient à l’occasion d’un accident de travail, les frais funéraires sont remboursés par la CNPS dans la limite des frais exposés sans que leur montant puisse excéder un maximum fixé par décret8.
Aussi, lorsque le décès s’est produit au cours d’un déplacement pour son travail hors du lieu de résidence, les frais de transport du corps au lieu de sépulture demandé par la famille sont supportés par la caisse.
Il faut retenir que pour que le conjoint survivant bénéficie effectivement de la rente, il faut qu’il soit légalement marié à la victime avant la date de l’accident. S’agissant des orphelins, il faut qu’ils soient des enfants à la charge de la victime au moment de l’accident et n’ayant pas encore atteint l’âge de vingt et un ans (21) révolus ainsi que les majeurs en situation de handicap à la charge de la victime9.
En ce qui concerne la rente due aux ascendants, il est nécessaire de prouver que ceux-ci étaient à la charge de la victime au moment de l’accident et que le décès de cette dernière les laisse sans ressources suffisantes10.
Relativement à l’accident de travail, il trouve sa définition dans l’article 66 du CPS qui prévoit qu’« Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à tout travailleur »11.
Au fil du temps, cette définition légale a été enrichi par la jurisprudence qui considère que « constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci »12.
En outre, l’alinéa 2 de l’article précédemment cité assimile les accidents de trajet aux accidents de travail lorsqu’il dispose que « Sont également considérés comme accident du travail, l’accident survenu à un travailleur pendant le trajet de sa résidence au lieu du travail et vice versa, dans la mesure où le parcours n’a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l’intérêt personnel ou indépendant de son emploi, et l’accident survenu pendant les voyages dont les frais sont mis à la charge de l’employeur en vertu de l’article 26.1 du Code du Travail »13.
En clair, il s’agit de l’accident qui survient sur le trajet aller-retour compris entre la résidence et le lieu du travail. De ce fait, l’accident intervenu lors d’un trajet interrompu ou détourné pour un motif dicté par l’intérêt personnel ou indépendant de l’emploi ne peut valablement être qualifié d’accident de travail14.
Le constat ici qui est frappant, est que le législateur ivoirien n’envisage pas les lieux où le travailleur prend habituellement ses repas comme le prévoit son homologue béninois à l’article 55 du code de Sécurité sociale15.
Face à cette considération, nous sommes en mesure de nous demander si cette disposition peut être transposée en droit ivoirien ?
Pour répondre à cette question, nous avons interrogé la jurisprudence qui a estimée dans un arrêt de la cour suprême que « le parcours emprunté par le travailleur, durant la pause légale, pour aller se nourrir ou satisfaire à un besoin vital ne constitue pas un détour de trajet ;qu’ainsi, en relevant que l’accident dont il s’agit, s’est produit pendant la pause de midi, temps accordé au travailleur pour prendre son repas, et, considéré comme un temps de travail accompli en ce que réglementé et payé par l’employeur »16.
Il ressort de cette jurisprudence que le juge ivoirien considère les accidents intervenus sur les lieux où le travailleur prend ses repas durant les heures de pause légale ainsi que ceux intervenus sur le trajet du travailleur allant satisfaire un besoin vital constituent des accidents de travail même si ceux-ci ne sont pas expressément mentionnés dans le code de Sécurité sociale.
Au demeurant, la CNPS indemnise les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles en compensation de la perte de revenus que leurs incapacités engendrent en tenant compte des différents niveaux d’incapacité observés chez ces derniers.
Ainsi, nous avons vu comment la CNPS assure la couverture sociale des risques professionnels, en garantissant la prise en charge et l’indemnisation des victimes. Maintenant, il convient de s’interroger sur la DGT, comment assure-t-elle le contrôle des normes de travail, en veillant au respect des règles d’hygiène et de sécurité ?
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1 LEBORGNE-INGELAERE (C.), CLEMENT (E.), PALLANTZA (D.), TRICOT (J.P.), Doit Social, 4ème édition, collection CRFPA, Enrick B Éditions, Paris, 2023, p.669. ↑
2 Article 80 de la loi n° 99-477 du 2 août 1999 portant Code de prévoyance sociale de la République de Côte d’Ivoire, JO n°35 du 02/09/1999. ↑
3 Article 31 de la Convention Collective Interprofessionnelle du 19 juillet 1977 de la République de Côte d’Ivoire, annuaire officiel du ministère de l’Emploi, de la fonction publique et de la prévoyance sociale, République de Côte d’Ivoire, 2ème édition, 1998. ↑
4 KONE (O.), cours de droit de la Sécurité sociale, UMA, Année Académique 2020-2021, p.18. ↑
5 SANOGO (S.), op cit., p.25. ↑
6 Aujourd’hui et demain en toute quiétude : la CNPS, votre partenaire pour la vie, Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, Abidjan, avril 2021, p.39. ↑
7 Aujourd’hui et demain en toute quiétude : la CNPS, votre partenaire pour la vie, op cit. p.39. ↑
8 Article 111 de la loi n° 99-477 du 02 août 1999 portant Code de prévoyance sociale de la République de Côte d’Ivoire, JO n°35 du 02/09/1999. ↑
9 KONE (O.), op cit., p.25. ↑
10 SANOGO (S.), op cit., p.27. ↑
11 Article 66 de la loi n° 99-477 du 2 août 1999 portant Code de prévoyance sociale de la République de Côte d’Ivoire, JO n°35 du 02/09/1999. ↑
12 Cour de cassation française, chambre sociale, 02 avril 2003, arrêt n°00-21.768, affaire Association l’Oustalado. Legifrance.fr. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007049182/ (consulté le 26/09/2023 à 10 h 33 min). ↑
13 Article 66 de la loi n° 99-477 du 2 août 1999 portant Code de prévoyance sociale de la République de Côte d’Ivoire, JO n°35 du 02/09/1999. ↑
14 SANOGO (S.), op cit, p.10. ↑
15 Art 55 de la loi n° 98-19 du 21 mars 2003 portant Code de Sécurité sociale de la République du Bénin Modifié par la loi n°2007-02 du 26 mars 2007 « Est également considéré comme accident du travail, l’accident survenu au travailleur pendant le trajet de sa résidence au lieu du travail et vice-versa ou pendant le trajet entre le lieu du travail et le lieu où il prend habituellement ses repas et vice-versa […] ». ↑
16 Cour suprême Côte d’Ivoire, arrêt n°749 du 21 décembre 2017, affaire Mme Xy Z c/ CNPS, Juricaf.org. https://juricaf.org/arret/COTEDIVOIRE-COURSUPREME-20171221-749 (consulté le 27/09/2023 à 14 h 39 min). ↑