PARTIE II :
DES CRÉANCES GREVÉES DE LOURDES CONTRAINTES DE RECOUVREMENT
Le recouvrement des créances en souffrance est possible, mais malheureusement très incertain. Il est loin de s’apparenter à un long fleuve tranquille. Les contraintes du recouvrement sont les divers obstacles qui le dévient de sa voie normale.
La qualité ou la situation du débiteur poursuivi peuvent constituer un frein au recouvrement. Doublé des lacunes inhérentes à la procédure, Le recouvrement devient une opération très complexe. C’est ainsi que les complications de la procédure de recouvrement des créances (chapitre I), facilitent l’échec du recouvrement (chapitre II).
Les complications sont un concours de circonstances capables de créer ou d’augmenter des difficultés145. Dans la procédure de recouvrement des créances, il s’agit des éléments qui détournent la procédure de son cours normal et la complexifie.
Les modes alternatifs de réalisations de suretés, les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution mises en place par le législateur OHADA pour le recouvrement des créances (section I), sont sujettes à des complications (Section II).
SECTION 1 :
LE RECOUVREMENT DES CRÉANCES EN SOUFFRANCE
Parfois il faut bien plus qu’une novation au banquier pour recouvrer son dû. Lorsque la mise sur pieds d’une nouvelle convention n’est pas suffisante il doit employer les grands moyens.
Pour recouvrer sa créance, le banquier n’a pas qu’une seule voie. Il est possible pour lui d’utiliser les modes alternatifs de réalisation des suretés prévus dans l’acte uniforme rénové de 2010 (paragraphe1), ou de procéder par les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 :
LE RECOUVREMENT DES CRÉANCES EN SOUFFRANCE PAR LES MODES ALTERNATIFS DE RÉALISATION DES SURETÉS
L’avènement du nouvel Acte uniforme des suretés en 2010 marque le début d’une nouvelle ère pour les créanciers dans l’espace OHADA. L’interdiction générale du pacte commissoire n’est plus qu’un lointain souvenir146, désormais les créanciers peuvent acquérir la propriété du bien constitué en garantie à travers le pacte commissoire.
Les banquiers peuvent se prévaloir de cette faculté lorsqu’elle a été conventionnellement établie (A). Dans le cas contraire, ils peuvent solliciter l’aide du juge(B).
A – L’ADMISSION DU PACTE COMMISSOIRE
Le pacte commissoire est une convention par laquelle le créancier se fait consentir le droit de s’approprier de lui-même la chose objet de la sureté147. Il peut s’agir d’une sureté mobilière ou immobilière.
En ce qui concerne les suretés mobilières, le gage et le nantissement font l’objet de pacte commissoire. Le gage est la sureté réelle qui affecte les biens corporels, aucune distinction n’est faite sur la nature du gage. L’attribution conventionnelle est opérationnelle, que le gage soit avec ou sans dépossession148.
Mais l’acte uniforme ne renseigne pas lorsqu’il s’agit du gage du matériel professionnel ou des véhicules automobiles ainsi que celui des stocks149. Ce silence laisserait à penser que, en droit OHADA, tous les gages de bien meubles corporels peuvent être assortis de pacte commissoire150.
Le nantissement est la sureté qui est constituée sur les biens meubles incorporels, tel que nous l’avons défini plus haut. La question de l’attribution conventionnelle ne se pose que lorsque l’échéance de la créance garantie est antérieure à l’échéance de la créance nantie.
Dans ce cas, le créancier peut se faire attribuer la créance nantie ainsi que tous les droits qui s’y rattachent par la juridiction compétente ou dans les conditions prévues par la convention151. Si l’échéance de la créance nantie est antérieure à celle de la créance garantie, le créancier nanti conserve les sommes à titre de garantie sur un compte ouvert, en cas de défaillance du débiteur de la créance garantie et 8 jours après une mise en demeure restée sans effet, le créancier nanti affecte les fonds en remboursement de sa créance dans la limite des sommes impayées152.
En ce qui concerne le nantissement des droits d’associés et des valeurs mobilières, l’article 144 AUS renvoi aux dispositions portant sur le gage, de même que l’article 161 le fait pour le nantissement des droits de propriété intellectuelle.
L’article 154 AUS, simplifie la réalisation du nantissement des comptes de titres financiers en disposant que, « Dans la limite du montant de la somme garantie et, le cas échéant, dans le respect de l’ordre indiqué par le titulaire du compte nanti, la réalisation du nantissement de ce compte intervient :1°) pour les sommes en toute monnaie figurant dans le compte nanti directement par transfert en pleine propriété au créancier nanti ; 2°) pour les titres financiers admis en négociation sur un marché réglementé que le titulaire du compte nanti ou, à défaut, le créancier nanti a désignés, par vente sur un marché réglementé ou attribution en propriété de la quantité déterminée par le créancier nanti. Cette quantité est établie, par le créancier nanti sur la base du dernier cours de clôture disponible sur un marché règlementé ». Toutefois, la réalisation du nantissement du fonds de commerce ne se fait que par adjudication153.
Au sujet de l’hypothèque, l’attribution conventionnelle de l’immeuble n’est valable que si le constituant est une personne physique ou morale inscrite au RCCM, et que l’immeuble hypothéqué n’est pas à usage d’habitation154. A l’issue d’un délai de trente jours suivant une mise en demeure de payer par acte extra-judiciaire demeuré sans effet, le banquier pourra faire constater le transfert de propriété dans un acte établi selon la forme requise dans chaque état partie. Au cas où l’immeuble objet de l’hypothèque ne remplit pas les conditions requises, il peut demander l’attribution judiciaire.
B – L’ATTRIBUTION JUDICIAIRE
Jusqu’ici, l’attribution judiciaire se limitait à la réalisation du gage 155. En plus de reconduire cette possibilité dans son article 104 alinéa 2, L’acte uniforme innove dans l’extension de cette attribution judiciaire à l’hypothèque. L’acte uniforme rénové, a simplifié la réalisation de l’hypothèque, en offrant au créancier une autre voie au terme de l’article 198 alinéa 1, qui ne passe pas par la saisie de l’immeuble.
L’attribution judiciaire est ouverte à tous les créanciers quel que soit leur rang, Cette affirmation est lourde de conséquence. D’une part si les créanciers de rang inférieur demandent l’attribution judiciaire à un moment ou le créancier de premier rang ne le peut pas ou ne veut pas, les préférences vont jouer.
Si l’attribution a déjà eu lieu, le créancier de premier rang dispose d’un droit de suite, notamment lorsque l’attribution s’est opérée en faveur d’un créancier inférieur. Dès lors, la perspective de l’exercice de ce droit de suite diminue nécessairement la valeur économique du bien qui est ainsi attribué au créancier de second rang.
Pratiquement, cette solution aboutira à réserver l’attribution judiciaire au créancier de premier rang.
Le problème se pose en réalité davantage en matière de gage Qu’en ce qui concerne l’hypothèque, en matière d’hypothèque on la publicité foncière est impérative, rendant l’ignorance du fait insoutenable156. Dans l’hypothèse du gage, le créancier de second rang peut être victime d’une mauvaise surprise lorsqu‘il ignore l’existence d’un créancier de premier rang et notamment lorsque la valeur du bien est supérieure au montant de sa créance.
Ayant versé le supplément au débiteur, si par la suite, ce dernier demeure insolvable, le créancier de premier rang exercera alors son droit de suite à l’encontre du créancier de second rang. On se doute bien que dans une telle situation, ce dernier ne pourra pas obtenir du débiteur la somme qui lui a été indument versée.
Les modes alternatifs de réalisation des suretés comportent de nombreux avantages pour le créancier qui évite ainsi de voir la rémunération des professionnels des voies d’exécution grignoter substantiellement la valeur destinée à apurer la dette du débiteur157.
Mais d’un autre côté, il s’agit d’un exercice en nature dont la rançon peut être lourde pour le créancier puisque, sous réserve de l’éventualité rare ou il peut tirer directement parti du bien, il assume la charge et les aléas d’une revente dont le prix peut être inférieur à l’estimation de l’expert. C’est pour prévenir de telles situations que certains banquiers ont directement recours aux procédures simplifiées et aux voies d’exécutions.
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145 LAROUSSE, dictionnaire Français, 2005.
146 Sous l’emprise du code civil déjà, l’article 2078 interdisait l’attribution non judiciaire du bien gagé au créancier, l’article 56 de l’ancien AUS le proscrivait également.
147 CORNU (G), vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 9éme éd., PUF 2011, p 639.
148 NJEUFACK TEMGWA (R.), « réflexion sur les procédés alternatifs de réalisation des suretés réelles conventionnelles en droit OHADA », juridis périodique n° 92, Octobre-Novembre-Décembre 2012, p 107.
149 Articles 120 et suivants AUS.
150 NJEUFACK TEMGWA (R.), op.cit., p.113.
151 Article 134 Alinéa 2 AUS.
152 Article 134 Alinéa 1 AUS.
153 L’article 178 AUS dispose que les créanciers inscrits ne peuvent réaliser la sureté que par la voie prévue à l’article 104 alinéa 1 qui est l’adjudication.
154 Article 199 Al 2 et 3 AUS.
155 Article 56 Alinéa 2 AUS ancien
156 NJEUFACK TEMGWA (R.), op.cit., p.113. ; c’est le cas en matière de gage lorsque le gage n’est pas inscrit au RCCM ou le bien gagé remis entre les mains créancier gagiste ou d’un tiers convenu (Article 97 AUS).
L’exigence de l’écrit à peine de nullité du gage ne suffit donc pas pour le rendre opposable.
157 NJEUFACK TEMGWA (R.), op.cit., p.113.
157 Article 134 Alinéa 2 AUS