PARAGRAPHE 2 :
LA RESTRUCTURATION DES CRÉANCES EN SOUFFRANCE
A la survenance du premier impayé, la banque fait des relances au client insolvable. Ces relances sont des lettres parfois accompagnées d’appels téléphoniques130. La banque envoie 3 lettres de relances, respectivement après le 1er, 2eme, et 3eme impayé avant de procéder au déclassement.
Au cours de ces relances, en l’absence de paiement effectif il peut arriver que la banque et le client décident de modifier les modalités de la créance. La décision de restructuration (A) qui est tributaire de plusieurs facteurs, est porteuse de nombreux effets (B).
A – LA DÉCISION DE RESTRUCTURATION
Une créance restructurée est une créance dont les termes contractuels initiaux font l’objet d’avenants131. Il peut s’agir d’une novation par de nouveaux accords en raison de la situation financière de l’emprunteur, par la prorogation de la durée de remboursement (créances dites rééchelonnées),ou par la renégociation de l’ensemble des conditions initiales de la créance (créances restructurées)132.
La décision de restructuration d’une créance en souffrance est prise par l’organe hiérarchiquement supérieur à celui qui a autorisé le crédit, sauf lorsqu’il s’agit du conseil d’administration133. Les créances ne peuvent être rééchelonnées ou restructurées que sur décision expresse de l’organe compétent de l’établissement de crédit qui s’assure que la situation financière de l’emprunteur permet de rembourser la dette selon les nouvelles conditions134.
Dans certaines structures, c’est l’organe hiérarchiquement supérieur à celui qui a accordé le crédit qui est compétent pour autoriser la restructuration. C’est ce même organe qui examine la capacité de l’emprunteur à rembourser suite à une restructuration. Il est exigé de l’emprunteur qu’il produise un plan de restructuration plausible et correspondant à son activité qui lui permettra à terme de rembourser le crédit135.
En fonction du plan de restructuration proposé, le banquier peut rééchelonner la créance en l’étendant sur une plus longue durée de remboursement ou la rénover totalement s’il juge que le plan du client est fiable. Parfois, le banquier et le débiteur s’entendent à propos d’un nouveau mode de paiement tel que la dation en paiement136.
L’heure est à la restructuration des crédits bancaires. Face à la pandémie de la COVID-19, les institutions de la CEMAC se positionnent par rapport aux contrats de crédit bancaires en cours. Ces contrats devront être renégociés, rééchelonnés ou reportés dans leurs échéances et ce, à moindre coûts137.
En riposte à la COVID-19, le programme de réformes économiques et financières de la CEMAC, (PREF-CEMAC) recommande une incitation à la restructuration des créances. Dans cette perspective la COBAC est invitée à examiner les banques concernées, les assouplissements pourraient être apportés à la réglementation prudentielle pour permettre aux banques de faire face aux risques auxquels elles seraient soumises.
La COBAC recommande également dans la lettre circulaire relative au plan d’urgence pour la gestion des risques induits par la pandémie du COVID 19 datée du 25 Mars 2020, la prudence en cas de restructuration accordée à des entreprises appartenant à des secteurs fortement impactés par la crise. Selon le régulateur bancaire, les restructurations envisagées devraient ainsi être décidées en toute transparence par les organes compétents tout en se conformant aux prescriptions du règlement 2018/01 suscité.
De son côté, l’association Professionnelle des Etablissements de Crédit du Cameroun138 préconise dans un communiqué de presse du 24 mars que les banques, d’accord avec les clients recherchent les moyens compréhensibles de gestion classique de la renégociation des dettes bancaires. Afin d’accompagner et de soutenir des agents qui auraient besoin de rénover leurs échéanciers de remboursement.
De plus, l’APECCAM incite les banques à reporter d’un an le remboursement des crédits dus par les entreprises tout en supprimant les pénalités et coûts des reports d’échéances et de crédits. Ces mesures sont préconisées pour diminuer le volume des créances en souffrance à travers La restructuration amiable et ses effets.
B – LES EFFETS DE LA RESTRUCTURATION
Les effets de la restructuration se distinguent en fonction de la cadence de remboursement de la créance consolidée. Une créance restructurée peut être reclassée, à condition que :
- la contrepartie procède à un remboursement égal au moins à 20% du montant de la créance arrêté après négociation, ou au total des intérêts arriérés inclus dans la créance Initiale avant négociation en fonction du montant le plus fort139.
- le remboursement soit financé sur fonds propres de la contrepartie. Il ne doit pas faire l’objet d’un financement direct de l’établissement de crédit, ni d’un financement de l’établissement de crédit en faveur de personnes considérées comme un même bénéficiaire que ladite contrepartie140.
Si ces conditions ne sont pas remplies, il y’a ouverture d’une période probatoire de 180 jours à compter de la première échéance du crédit de consolidation. Si au terme de cette période probatoire, aucun impayé n’a été enregistré, le reclassement dans les créances saines peut avoir lieu et les provisions être reprises141.
Mais si au cours de la période probatoire une échéance est impayée, la créance est déclassée en créances douteuses si elle était dans la catégorie des créances impayées. Les créances qui sont originellement dans les catégories créances douteuses et créances immobilisées demeurent dans leur catégorie142.
Les réponses à notre questionnaire posé au service de recouvrement de la Commercial Bank Cameroun nous ont appris que les créances en souffrance restructurées ne sont pas légion. Généralement, il s’agit de grosses créances détenues sur des entreprises saisonnières qui ont des difficultés passagères. On remarque positivement que de nombreuses créances restructurées sont finalement recouvrées.
C’est un point pour la restructuration, qui en plus d’être une voie de recouvrement efficace est efficiente elle permet d’ « obtenir le meilleur paiement, le plus vite possible et au moindre cout, et si possible en évitant de passer par la justice. »143. La restructuration ne coute que des frais symboliques au banquier144, contrairement à la procédure judiciaire qui peut s’avérer très couteuse.
Elle permet également le maintien des relations entre le banquier et son client, et la continuité de l’activité de ce dernier. La restructuration n’est pas toujours envisageable, Le cas échéant, banquier essaie de recouvrer sa créance en réalisant ses suretés, il peut arriver que ce soit impossible à cause de la mauvaise constitution d’une sureté. Le banquier trouve alors une voie de contournement dans les garanties judiciaires.
CONCLUSION DE LA PREMIḔRE PARTIE
Les créances en souffrance sont des créances à risque dans le portefeuille bancaire. Elles sont caractérisées principalement par leur défaut de remboursement à terme. Le législateur CEMAC a pris soin de les classifier et d’aménager pour elles des règles de provisionnement spécifiques afin de minimiser leur effet néfaste sur les banques.
L’existence de garanties judiciaires, et l’impact que les garanties ont sur les procédures collectives réduit le risque de perte des créances en souffrance. Mais ce risque n’est malheureusement pas anéanti.
Il existe des moyens de recouvrement qui à première vue ont l’air dotés des qualités de simplicité et d’efficacité ne le sont pas toujours dans leur mise en œuvre, ce qui fait planer l’incertitude sur le recouvrement effectif des créances en souffrance.
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130 Informations obtenues lors de nos enquêtes auprès du service de recouvrement de la Commercial Bank Cameroun, le 02 Juillet 2020.
131 NEMADEU DJUITCHOKO (E.B.), op.cit., p.138.
132 Article 12 règlement COBAC 2018/01, op.cit.
133 Article 13 Alinéa 2 règlement COBAC 2018/01, op.cit.
134 Idem.
135 Enquête du 02 juillet 2020, op.cit.
136 Idem.
137 MBALLA (L.), ZOGO (W.), « CEMAC : coronavirus et contrats de crédit bancaire en cours », 29 Mars 2020, [en ligne], droitmediafinance.com, consulté le 13 Avril 2020.
138 En abrégé APECCAM.
139 Article 14 Alinéa 1 règlement COBAC R 2018/01,op.cit.
140 Idem.
141 Article 14 Alinéa 2 règlement COBAC 2018/01 op.cit.
142 Article 14 Alinéa 3,4, 5 règlement COBAC 2018/01 op.cit.
143 NEMADEU DJUITCHOKO (E.B.), op.cit. p.129.
144 Il s’agit des frais d’actes d’huissier exposés.