Quelles stratégies d’implémentation pour l’autogestion en 2023 ?

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🏫 Université Haute Bretagne
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2005-2006
🎓 Auteur·trice·s
Suzy Canivenc
Suzy Canivenc

Les stratégies d’implémentation autogestionnaire révèlent une dynamique surprenante dans le renouvellement des formes organisationnelles. En réactualisant ce concept, cette recherche met en lumière des principes essentiels tels que la participation et la responsabilisation, essentiels pour naviguer dans la crise des modèles traditionnels.


Pratiques autogestionnaires et nouvelles théories organisationnelles :

Une des principales limites de cette études de cas doit dès à présent être soulignée : elle concerne le temps relativement court sur lequel s’est basée l’observation de cette entreprise autogérée (un mois et demi : de juin à mi juillet 2005). Cette étude de cas ne peut donc prétendre restituer l’évolution dynamique et évolutive de cette organisation, le changement permanent, la « révolution perpétuelle » dont elle fait l’objet, et qui est pourtant l’une des principales caractéristiques de l’idéal type autogestionnaire et des nouvelles théories organisationnelles, comme nous l’avons vu dans la partie précédente.

Cependant, cette étude s’attachera à mettre en lumière les principes, dispositifs et pratiques communicationnels et organisationnels de cette entreprise, aptes à permettre cette organisation intelligente et interactive, souple, flexible et adaptative, que publicisent les nouvelles théories organisationnelles.

Cette étude de cas tentera également de mettre en lumière une application pratique des approches dialectiques et systémiques et qui tente de concilier des phénomènes jusque là pensés séparément car appréhendés comme opposés : l’individu et le collectif, la cohésion et la diversité, l’identité et l’altérité ; l’informel et le formel ; l’ordre et le désordre ; la vie professionnelle, sociale et privée ; l’ouverture et la fermeture ; le matériel et le symbolique, l’économique/technique et le politique…

Enfin, cette étude aura également pour ambition de donner à voir au lecteur l’exemple concret d’un processus d’« anthropologisation » d’une entreprise, une entreprise où la rationalité économique n’est pas l’unique variable prise en compte et qui pourtant parvient à être « productive », en croissance régulière, génératrice de profits et créatrice d’emplois. En un mot, une entreprise qui réalise tant son objectif économique que son objectif social d’épanouissement et de socialisation de ses membres.

Une deuxième limite tient également à toutes les difficultés que recèle ce travail particulier qu’est l’observation et l’analyse d’un terrain empirique, une difficulté que nous avons déjà évoquée en introduction et que nous n’avons pas jugé nécessaire de développer à nouveau, mais que nous estimons tout de même indispensable de rappeler.

La Péniche : une entreprise autogérée :

      1. Présentation de l’entreprise La Péniche :

Historique :

La Péniche a ouvert ses portes en 1995, suite au désir de quelques personnes de créer une entreprise selon des principes collectifs et démocratiques propres à la pensée autogestionnaire. Cette entreprise vécut des premières années difficiles. En effet, l’équipe, composée à l’origine de 8 personnes, se trouva rapidement en conflit quant aux principes d’organisation qu’ils désiraient mettre en œuvre. Certains souhaitaient simplement créer un groupe d’intérêt économique de travailleurs indépendants, d’autres désiraient créer un véritable « collectif de travail », une entreprise qui ne se limite pas à un simple agrégat d’intérêts individuels. Dès les tous premiers mois, à la suite d’une importante scission d’un commun accord, l’équipe de la Péniche ne comptait plus que quatre salariés.

Après deux années chaotiques, la Péniche, qui ne comptait plus que deux salariés, était en péril, l’activité étant de plus en plus faible.

Néanmoins, ces deux salariés décidèrent de persévérer et grâce à l’arrivée d’un contrat important (le revue « Association Mode d’Emploi » éditée par Territorial et qui reste à l’heure actuelle le premier client de l’entreprise), l’activité retrouvée ramena l’équilibre nécessaire à la stabilité de l’activité et permit ainsi l’embauche de nouveaux employés et le développement de l’entreprise.

Activités174 :

La Péniche est principalement une société de rédacteurs, le rédactionnel représente en effet 90% de l’activité de cette entreprise (d’où leur slogan : « notre métier c’est l’écrit »).

174 Voir annexe 3 : La Péniche : 9. Pochette de présentation (p138)

Cette entreprise travaille pour des clients qui partagent les valeurs qu’elle cherche à promouvoir. Le secteur associatif et celui de l’Economie Sociale et Solidaire représentent ainsi plus de 95% de son activité rédactionnelle.

Les membres de cette organisation réalisent des revues (comme « Association mode d’emploi ») ; des ouvrages (pour l’USGERES175 et Finansol176) ; des brochures ; des guides techniques, juridiques et pratiques destinés aux associations ; des journaux mensuels (« la vie associative » pour la CPCA177) et trimestriels (‘Réciproque’ pour la mutuelle les Ménages Prévoyants178, JPA179 ainsi qu’un journal vulgarisant l’information médicale pour ‘La Fondation Avenir’).

La Péniche réalise également des lettres d’informations (« la lettre du crédit agricole » à destination des associations, « Echanges et équilibres » pour Finance et Pédagogie, la lettre d’information de l’UREI180) ainsi que des sites Internet (le site du crédit mutuel de Bretagne181, le site « educ-pop » de l’INJEP182, le site de l’AVISE183 et d’Alpes Solidaires184 le site « insertion agglo » du PLIE185 de Grenoble ou encore celui des Ménages Prévoyants186) et plus particulièrement de sites d’aide, de soutien et d’information à destination des associations (comme Associatis187, ou Association Mode d’Emploi188).

Outre ces clients devenus réguliers (80% de la clientèle est en effet fidélisée), La Péniche participe également de manière ponctuelle à la rédaction de différents ouvrages et à la réalisation de supports de communication (papier ou numérique) pour des événements ou manifestations. La Péniche sous-traite certaines de ses activités comme les travaux de maquette, d’illustration ou d’imprimerie.

Le chiffre d’affaires s’élève actuellement à 330 000 euros par an. Le chiffre d’affaires est en constante augmentation depuis plusieurs années. Cette évolution semble régulière, elle croît d’environ 10% chaque année. L’augmentation constante de l’activité conjuguée à une rentabilité stable (l’objectif n’est en effet pas l’accumulation des profits mais l’équilibre175) permet ainsi à l’entreprise d’effectuer des embauches régulières (une par an en moyenne).

Un projet d’entreprise spécifique :

Cependant, l’objectif premier de cette entreprise n’est pas de faire du rédactionnel ou encore des profits, mais de créer une autre manière de vivre le travail et l’entreprise privée en « créant une organisation sans pouvoir, sans hiérarchie, collective et ayant pour but de travailler moins et plus agréablement »188. Ainsi, « dans un projet autogestionnaire, le choix de l’activité économique dans une certaine mesure importe peu. Seule compte sa viabilité et son organisation en adéquation avec un fonctionnement autogéré »189.

En effet, comme nous l’expliquent les membres de La Péniche, « au départ des entreprises autogérées il y a toujours une critique du fonctionnement des entreprises traditionnelles. Un système de trois facteurs apparaît comme injuste : l’inégalité (de l’argent), la hiérarchie (du pouvoir), la division du travail (de la compétence, de la spécialisation, de l’efficacité) »190.

Regrettant « l’écart entre la pertinence de la critique du système libéral mondial, et la faiblesse des représentations du type de société souhaitée (fondée sur l’égalité, la coopération, la solidarité) »191, La Péniche, dans la lignée de la tradition autogestionnaire des « cités témoins »192, souhaite être un exemple concret de cette possibilité de « travailler autrement » et de vivre une autre relation avec l’entreprise privé. « Il ne s’agit plus de préparer un avenir meilleur, mais de vivre autrement le présent »193.

188 Voir le site Internet de l’entreprise : www.la-peniche.fr

189 Autogestion, mode d’emploi. Ouvrage rédigé par les membres de la Péniche en ligne sur : http://www.autogestion.coop/ (dans la rubrique L’autogestion en 10 questions)

190 Autogestion, mode d’emploi.

191 Autogestion mode d’emploi.

192 Voir annexe 2 : « généalogie de la théorie autogestionnaire » : « les cités témoins » (p62)

193 LULEK, Michel. Scions…travaillait autrement, Ambiance bois, l’aventure d’un collectif autogéré. Editions REAPS, 2003

Ainsi, La Péniche se définit bien comme une entreprise autogérée dans le sens où c’est l’ensemble du collectif qui a décidé du projet et des modalités pour y parvenir, le collectif a décidé lui-même de sa raison d’être, de ses finalités.

La notion de « projet »194 est prégnante dans les nouvelles théories organisationnelles et participe au renouvellement de l’ « image » de l’organisation. En ceci, La Péniche est porteuse de cette nouvelle « image » de l’entreprise et multiplie les analogies avec la cité-projet, caractérisant les nouvelles formes organisationnelles en émergence selon Luc Boltanski et Eve Chiapello.

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174 Voir annexe 3 : La Péniche : 9. Pochette de présentation (p138)

175 Union des syndicats et groupements d’employeurs de l’économie sociale et solidaire

176 Collectif associatif des finances solidaires

177 Confédération permanente des coordinations associatives.

178 Journal professionnel d’administration, de gestion, d’organisation des responsables d’associations,

179 Union régionale des entreprises d’insertion

180 www.cmb.fr

181 Institut National de la Jeunesse et de l’éducation populaire : www.educ-pop.org

182 Agence de valorisation des initiatives socio-économiques : www.avise.fr

183 Site Internet destiné à l’ensemble des acteurs de l’Economie Sociale de Rhône Alpes : www.alpesolidaires.org

184 Plan pour l’insertion et l’emploi de l’agglomération grenobloise : www.insertion-agglo.org

185 www.menages-prevoyants.fr

186 http://www.associatis.com

187 www.associationmodeemploi.fr

188 Voir le site Internet de l’entreprise : www.la-peniche.fr

189 Autogestion, mode d’emploi. Ouvrage rédigé par les membres de la Péniche en ligne sur : http://www.autogestion.coop/ (dans la rubrique L’autogestion en 10 questions)

190 Autogestion, mode d’emploi.

191 Autogestion mode d’emploi.

192 Voir annexe 2 : « généalogie de la théorie autogestionnaire » : « les cités témoins » (p62)

193 LULEK, Michel. Scions…travaillait autrement, Ambiance bois, l’aventure d’un collectif autogéré. Editions REAPS, 2003

194 La notion de « projet » est prégnante dans les nouvelles théories organisationnelles et participe au renouvellement de l’ « image » de l’organisation.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les caractéristiques d’une entreprise autogérée comme La Péniche ?

La Péniche est une entreprise autogérée qui se base sur des principes collectifs et démocratiques, cherchant à concilier l’individu et le collectif, tout en étant productive et créatrice d’emplois.

Comment La Péniche a-t-elle surmonté ses difficultés initiales ?

Après des débuts difficiles et une réduction de l’équipe, La Péniche a réussi à se stabiliser grâce à l’obtention d’un contrat important qui a permis l’embauche de nouveaux employés et le développement de l’entreprise.

Pourquoi le concept d’autogestion est-il toujours pertinent aujourd’hui ?

Bien que le terme autogestion soit tombé en désuétude, ses principes de participation, de responsabilisation et de démocratie participative restent d’actualité dans les débats sur les nouvelles formes organisationnelles.

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