Comment les stratégies de mise en œuvre transforment-elles l’internationalisation des achats ?

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🏫 Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Mémoire de fin d’études - 2010
🎓 Auteur·trice·s
Cécile Izumi ASAMA
Cécile Izumi ASAMA

Les stratégies de mise en œuvre dans l’industrie aéronautique européenne révèlent un paradoxe fascinant : sont-elles réellement le fruit d’une réflexion économique ou simplement dictées par des contraintes géopolitiques ? Cette recherche met en lumière les défis cruciaux de l’internationalisation des achats, transformant notre compréhension des dynamiques du secteur.


3. Les motivations de la mise en place.

Ici, il s’agit de savoir si la stratégie d’offshoring revêt véritablement un caractère économique réfléchi, ou relève simplement de l’obligation du fait des marchés de compensation. En effet, gagne-t-on véritablement et à tous points de vue à internationaliser sa chaîne de production, d’un point de vue économique et capitalistique ? Ou entre-t-on simplement ici, dans le remplissage de quotas d’offset visant à satisfaire les pays acheteurs de produits, gourmands de savoir-faire et de techniques ? Ou encore, peut-on raisonnablement concilier les deux par une diplomatie autant commerciale que politique, sans que cela ne se fasse aux dépends des fournisseurs Européens de longue date ? Et qu’en est-il de la centralisation des achats : stratégie ou conséquence ?

a. Baisse des coûts et des dépenses : l’intérêt économique.

Sourcing à l’étranger, outsourcing international, et offshoring, sont des notions qui sont vite assimilables à la délocalisation et à l’externalisation. La première intuition étant, par la culture d’un modèle économique capitalistique, l’utilisation des spécialités des pays, où un avantage compétitif et concurrentiel est déclaré, que ce soit une spécialisation de ressources en matières ou main-d’œuvre (qualifiée ou peu), en techniques et technologies, en finances, ou même fiscalement. D’où aussi l’intérêt de centraliser et consolider ses achats, lorsqu’un avantage est révélé et avéré, renforçant encore plus la dynamique de spécialisation du pays, par l’homogénéité des commandes et les volumes.

Le transport :

Il n’y a à priori, pas d’avantage spécifique à s’implanter dans un pays pour se rapprocher des matières premières, lorsque la production ou l’assemblage est localisé ailleurs ou éclaté géographiquement. En effet, si c’est d’un point de vue purement transport, la seule négociation d’un incoterm (International Commercial TERMS) du groupe EX ou F au contrat suffirait à transférer les responsabilités liées au transport, et donc son organisation, et la prise en charge des coûts, en évitant une marge supplémentaire apposée à la gestion du transport.

Ainsi, un contrat passé EXWORKS : EXW : « Le vendeur a rempli son obligation de livraison quand la marchandise est mise à disposition dans son établissement (atelier, usine, entrepôt, etc.). L’acheteur supporte tous les frais et risques inhérents à l’acheminement des marchandises de l’établissement du vendeur à la destination souhaitée.

Ce terme représente l’obligation minimum pour le vendeur. » 37, ou du groupe F : FREE : de type FCA : « Le vendeur a rempli son obligation de livraison quand il a remis la marchandise, dédouanée à l’exportation, au transporteur désigné par l’acheteur au point convenu. L’acheteur choisit le mode de transport et le transporteur.

Il paye le transport principal. Le transfert des frais et risques intervient au moment où le transporteur prend en charge la marchandise. » 38, FAS, ou FOB ; décharge les responsabilités de transport à l’acheteur. Par conséquent, le levier de dépenses ici, peut être résolu contractuellement, sans véritable nécessité de s’implanter dans le pays, en pouvant se modéliser comme un levier de réduction des coûts par la négociation de tarifs de transport avec un partenaire logistique.

De manière générale, retenons ici, que le fait d’externaliser, ou de rechercher de nouveaux fournisseurs,

37 Incoterms 2000 publiés par la Chambre de Commerce et d’Industrie, définition de CONEX, spécialiste douanes : http://www.conex.fr/cm/index/infos-pratiques/Incoterms-2000/0.html, dernière connexion le

14.04.2010.

38 Idem

augmente les distances, et ne représente donc pas, un levier de réduction des coûts, sauf dans un cas de délocalisation totale de la production, ou de l’implantation de la production directement sur le site conciliant approvisionnements et ventes.

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Figure 17 Flux physiques et monétaires avec une production éclatée, du sourcing, de l’outsourcing, et pas de centralisation des achats.

Par ailleurs, de manière tout-à-fait annexe, une centralisation des achats, et une consolidation des commandes, sans que celles-ci soient affiliées à une opération d’implantation dans le marché, mais dans le soutien d’une stratégie de sourcing à l’international et/ou d’offshoring, permettent de créer des économies d’échelle/de volume dans le transport, par un meilleur taux de remplissage et un effet de volume. Toutefois, la problématique qui vient se juxtaposer, est celle de l’éclatement à destination. Car, si la solution se révèle plus économique,

et plus écologique, à premier abord, la gestion de ce qui se nomme plus communément « le dernier kilomètre » peut vite engendrer des coûts supérieurs à l’envoi séparé des différentes commandes. En effet, il s’agirait alors, soit de disposer d’un entrepôt (et non pas magasin, car l’éclatement des chargements y est impossible), soit d’en louer l’espace, puis d’organiser la livraison des commandes séparées. Le dernier kilomètre étant souvent, le plus cher. Se pose alors la question de l’arbitrage entre écologie et économies, après l’analyse économique d’un intérêt à la centralisation, consolidation, et du groupage physique des achats.

Accès aux ressources :

En choisissant des fournisseurs ou sous-traitants étrangers, il est ainsi possible d’élargir ses possibilités d’approvisionnements : par un agrandissement à l’échelle mondiale du portefeuille de fournisseurs, mais aussi par la diversification des produits qui nous sont alors proposés.

Ainsi, autant il a été vu plus tôt que la centralisation des achats peut être une conséquence du sourcing, mais ici, dans cette vision, c’est le sourcing qui est la conséquence de la centralisation des achats. En effet, lorsque l’on tend à centraliser les achats, pour réduire ses coûts de gestion, ses charges, … on a aussi surtout tendance à faire peser cette charge sur le portefeuille de fournisseurs.

Car, afin de rationnaliser son système d’approvisionnement, il est préférable de gérer un plus petit portefeuille de fournisseurs, qui va demander moins de personnel pour les contacts, mais aussi, qui va lui-même se spécialiser, et donc optimiser sa production et proposer des prix moindres. Ainsi, la tendance est à la réduction du portefeuille de fournisseurs, mais aussi, à la mise en concurrence de ces derniers, afin

d’en extraire les meilleurs, pour coopérer avec eux, et pouvoir leur allouer d’importantes commandes. Ainsi, la centralisation des achats vise une baisse des dépenses par les rendements d’échelle, et en même temps, le sourcing pour une optimisation de la base de fournisseurs. La centralisation des achats apporte donc un levier de réduction des coûts :

– Par les volumes : premièrement par les rendements d’échelle : plus de volume vers un seul fournisseur/sous-traitant entraîne des prix d’achats plus avantageux, mais aussi une gestion de l’administratif moins lourde, au sens où elle est plus importante mais moins répétitive, et donc une réduction des frais administratifs. Mais aussi par la loyauté du fournisseur, et sa prépondérance à favoriser un de ses clients plutôt qu’un autre.

– Par la spécialisation : un fournisseur à qui l’on

demande un seul produit, plutôt qu’un catalogue, mais en plus gros volume, permet au fournisseur de se spécialiser, et donc d’en venir à une meilleure focalisation sur son activité, et à l’éviction des switching costs (coûts de changement : les charges qui s’ajoutent, du fait de l’adaptation de la ligne de production aux variations de produits) dans la chaîne de production. Concentré sur une seule activité, le fournisseur devient apte à optimiser sa fabrication, et donc à produire à moindre coûts.

De même, lorsqu’un fournisseur est véritablement

recentré sur une activité, il y a par conséquent moins de risques de rebus et défauts qualité, pour

lesquels on va donc économiser ces frais en perte pure.

– Par la réduction des frais de gestion : moins de fournisseurs dans un panel requiert par conséquent, moins de personnel pour la gestion de ceux-ci, et donc moins de charges. Parallèlement, le passage de commandes centralisées, plutôt que des commandes répétées, et simultanées et identiques de plusieurs divisions d’un même groupe, entraîne la réduction, et des frais de personnel, et des charges : administratives, temporelles, et gestionnaires.

– Par la fidélisation et la collaboration : réduire sa base

fournisseurs, permet de se concentrer sur ceux sélectionnés. Un véritable partenariat peut donc être envisagé. Le temps alloué au fournisseur pour la communication est plus long, la réactivité aux problèmes est plus efficace, la proximité avec celui-ci créée un climat de confiance qui peut aboutir à des projets de développement partagés, où les risques sont par conséquents aussi partagés : risk-sharing. Ce sont donc des réductions de dépenses par le partage : des frais associés aux développements, des investissements, des coûts d’échecs, …

L’outsourcing et l’offshoring apportent quant à eux les réductions de dépenses et de coûts associés à l’externalisation et la délocalisation de manière générale. Quand l’outsourcing revêt les avantages mentionnés ci-dessus, quand il est question de réduction des coûts via la centralisation des achats par effet de fidélisation et collaboration avec le

fournisseur/sous-traitant, il convient en premier lieu de citer le premier avantage : celui de pouvoir se focaliser soi-même sur son cœur de métier, mais aussi, de pousser son fournisseur à se spécialiser aussi. En effet, lorsque l’on cherche à sous-traiter, il convient de calculer à prime abord s’il est véritablement bénéfique d’externaliser telle ou telle partie de la production. Un rapport utilisé pour ce calcul peut être :

« Prix de vente / charge de production et développement R&D »39

De manière générale, s’il est aisé de comparer le prix auquel un sous-traitant vend ce même produit ou service, et les achats nécessaires à la production du même produit ou service en interne, il convient de mettre en lumière toutes les charges associées et parfois invisibles, qui se révèlent parfois être déterminantes dans les coûts réels finaux des produits.

Ainsi, si pour l’externalisation on s’attend à ce que le sous-traitant, spécialisé, soit moins coûteux, la spécification de certains produits peut devenir très onéreuse, mais aussi la logistique transport. Certains défauts de qualité et des délais, associés à un moindre contrôle sur la production, peuvent par contre, entraîner des coûts supérieurs aux bénéfices escomptés.

Du côté de l’internalisation, ce sont la mobilisation du personnel, la maintenance, mais aussi l’investissement en R&D (particulièrement important en aéronautique), et les amortissements de machines, qui peuvent véritablement peser dans la balance, alors qu’il y a néanmoins, moins de risques de qualité, et de délais. Il convient d’aboutir à une réelle réflexion sur son cœur de métier et aux points de valeur ajoutée que l’entreprise sait véritablement créer pour aboutir à un arbitrage éclairé sur le fait de garder des activités en propre, ou

d’externaliser. Finalement, le fait est

de savoir si l’on se retire du marché, ou si le marché demeure un levier

39 Interview de Cédric Jutteau du 15.04.2010. Cf. Annexes.

de bénéfices pour l’entreprise ou de coûts réduits 40, en fonction de la productivité interne, qui peut être un levier de coûts sous-jacent et invisible, mais pourtant effectif.

Concernant l’offshoring, découlent alors toutes les préoccupations d’arbitrage liées à l’outsourcing, mais avec aussi une dimension internationale. En effet, l’internationalisation liée à l’externalisation apporte alors des considérations autres, qui vont non plus de l’économie en termes d’effectif de personnel, mais de coûts de main d’œuvre plus avantageux. Si la production tend à se délocaliser via la sous-traitance dans des pays en développement, l’argument premier est celui du pays low cost : des salaires très bas, et une main d’œuvre massive.

Si cela ne touche guère que les activités non critiques, c’est-à-dire, pour les produits à faible valeur ajoutée et technicité faible, cela s’avère être un levier de coûts importants. Ainsi, le Maghreb, l’Inde, la Chine, l’Asie du Sud-est et la Russie, sont souvent les cibles de ces stratégies d’offshoring. Cependant, le travers d’une main-d’œuvre à bas coûts, est souvent, qu’elle est peu qualifiée, et coûteuse à former.

Il s’agit ainsi d’anticiper qu’une partie de la fabrication, concernant les produits les plus simples, se retrouvera excentrée du reste de la production, et qu’à cela, il faudra y ajouter des coûts de transport, tout en s’inquiétant des problèmes de qualité. Il faut donc, prévoir en sus, une structure de contrôle qualité, qui peut s’avérer au final onéreuse.

Mais cela concernant et les matières premières, et les pièces simples, il convient de prendre en compte le fait que c’est une première entrée dans le pays. Cela revêt les avantages d’être le premier à industrialiser le pays et donc de bénéficier d’une bonne image, et de conditions fiscales intéressantes, mais aussi, et cela surtout pour les matières premières,

d’être par la suite éligible à une certaine primauté sur les ressources, ce

40 Outsourcing, Offshoring, and Productivity Measurement in U.S. Manufacturing, Upjohn Institute Staff

Working Paper No. 06-130, Susan Houseman, W. E. Upjohn Institute for Employment Research, juin 2006

qui peut s’avérer être un véritable atout concurrentiel. On a donc un effet de baisse des coûts par des avantages fiscaux, par des prix avantageux sur les matières, mais aussi par la suite, sur les efforts à fournir pour séduire le pays accueillant à acheter les produits finaux. En effet, une stratégie d’offshoring permet de poser un premier « drapeau sur la lune », de marquer son territoire face à la concurrence, de séduire le pays en l’aidant à s’industrialiser, et en se familiarisant avec

lui. Ici, on touche véritablement les dotations en facteurs de production des pays selon le modèle économique HOS (Heckscher-Ohlin- Samuelson). Un pays qui possède les matières premières est forcément plus compétitif, si le modèle n’est pas biaisé, mais quoiqu’il en soit, tant que cela relève d’un rapport entre pays développé versus pays en voie de développement, et que les matières concernées ne font pas l’objet de spéculations, il y aura toujours un bénéfice économique à en tirer.

D’autant plus que ces pays sont de futurs acheteurs, et qu’en prévision de relations commerciales futures, un maillon de la chaîne logistique est donc déjà posé. Ce sont des réductions de dépenses espérées et à long terme.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les motivations de l’internationalisation des achats dans l’industrie aéronautique ?

Il s’agit de savoir si la stratégie d’offshoring revêt véritablement un caractère économique réfléchi, ou relève simplement de l’obligation du fait des marchés de compensation.

Comment la centralisation des achats influence-t-elle les coûts dans l’industrie aéronautique ?

La centralisation et la consolidation des achats renforcent la dynamique de spécialisation du pays, par l’homogénéité des commandes et les volumes.

Quels sont les défis liés à l’externalisation dans l’industrie aéronautique ?

L’externalisation augmente les distances et ne représente donc pas un levier de réduction des coûts, sauf dans un cas de délocalisation totale de la production.

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