Sous-section 3 : Les activités de pilotage
Le dispositif de gestion des risques fait l’objet d’un pilotage qui repose sur l’évaluation de l’existence du fonctionnement de ses éléments au fil du temps, par le biais d’opérations courantes de pilotage, d’évaluation spécifique ou d’une combinaison des deux380.
Les défaillances détectées doivent être communiquées au chef du cabinet au bon moment afin d’apporter les actions correctrices.
§1. Les opérations courantes de pilotage et les évaluations spécifiques
Les opérations courantes de pilotage résident dans les opérations réalisées dans le cadre de l’activité normale du cabinet et servant à suivre l’efficacité des éléments du dispositif de gestion des risques. Ces opérations incluent les vérifications au quotidien des informations utiles à la marche des affaires du cabinet.
Quand aux évaluations spécifiques, elles sont menées périodiquement suite à la modification d’un élément de la stratégie ou de la structure du cabinet par exemple.
Dans ce sens, le cadre de référence de gestion des risques COSO II soutient que « même si les opérations courantes de pilotage fournissent en règle générale des informations importantes sur l’efficacité des autres éléments du dispositif de management des risques,
380 Op.cit, page 117.
il peut être utile de temps en temps de porter un regard neuf sur l’efficacité du dispositif de management des risques »381.
§2. Le processus d’évaluation
Selon le cadre de référence de gestion des risques COSO II, « L’évaluation du dispositif de management des risques est un processus. Un certain nombre de méthodes et d’outils d’évaluation sont disponibles, y compris des techniques utilisant des grilles de contrôles, questionnaires ou digrammes de flux »382.
L’évaluation au sein des cabinets de comptabilité peut se limiter à la vérification de la réalité de la mise en œuvre des activités de gestion des risques. De ce fait, la pratique des questionnaires paraît être la plus appropriée, particulièrement, dans les cabinets de petites ou moyennes tailles.
§3. Le reporting sur les défaillances et les nouveaux risques
Toutes les défaillances identifiées dans le dispositif de gestion des risques pouvant avoir une incidence sur la capacité du cabinet à développer et mettre en œuvre sa stratégie et à définir et atteindre ses objectifs doivent être documentées et communiquées à l’expert-comptable pour prendre les mesures nécessaires.
De même, les nouveaux évènements identifiés doivent faire l’objet d’une analyse et une évaluation afin d’être communiquées à tous les membres du cabinet. Il s’agit par exemple des nouvelles positions administratives ou jurisprudentielles, des litiges probables entre les associés d’une société cliente, etc.
Yaïch (A.) avance que « la maîtrise des risques nécessite la constitution d’une mémoire des évènements générateurs de risques et des risques réalisés. Le cahier des anomalies est un moyen de collecte et de mémorisation des risques consommées car il est nécessaire de connaître et de mesurer les dégâts pour déterminer le coût potentiel de chaque risque »383.
L’analyse des résultats de l’enquête montre que la majorité des répondants, disposant d’un processus de gestion des risques mis en place au sein de leurs cabinets, ne procède pas au pilotage et à la mise à jour de des activités de gestion des risques384.
381 Op.cit, page 266.
382 Op.cit, pages 268 et 269.
383 Yaïch (A.), « La culture du risque », La RCF n° 66, 2004, page 3.
384 Voir l’analyse de la question 21 en annexe.
Aussi, peut-on conclure que les activités de gestion des risques professionnels ne sont pas encore intégrées convenablement dans les politiques des experts-comptables, et que la majorité de ces derniers sont en train de gérer les risques d’une façon tacite.
C O N C L U S I O N
La réussite dans l’exercice libéral de la profession d’expert-comptable s’appuie sur deux volets à savoir :
- La réussite dans le développement d’une clientèle fructueuse (séduire et conserver des clients fidèles et ne présentant pas des sources de risques démesurés) ;
- La réussite dans la gestion interne du cabinet (gérer, efficacement, les missions ainsi que les collaborateurs).
Ces deux volets exigent la maîtrise de compétences variées, notamment, sur les plans comportemental, technique et de gestion des risques.
Le développement d’un portefeuille clients fait appel :
- Aux compétences relationnelles et comportementales :
L’exercice de la profession comptable exige la maîtrise des compétences comportementales génériques et d’un certain nombre de compétences comportementales dites critiques. Ces compétences critiques sont, soit communes à toutes les missions dites aussi de base (fiabilité, conscience professionnelle et confidentialité), soit spécifiques constituant des conditions pour la réussite dans l’exercice de l’un des métiers de la profession comptable, à savoir l’assistance, la certification et le consulting. Les compétences critiques spécifiques conditionnent le champ d’intervention de l’expert-comptable.
De même, constituer un portefeuille clients nécessite, aussi, le développement d’un réseau relationnel performant. Formant le capital relationnel de l’expert-comptable, le réseau lui permet de se faire connaître et d’avoir des opportunités de missions intéressantes.
Néanmoins, la fidélité des clients dépend de plusieurs critères dont, principalement, leur satisfaction de la qualité des prestations rendues par l’expert-comptable. Pour ce faire, ce dernier est appelé à n’accepter que les missions qu’il est capable de réaliser et de ne promettre que ce qu’il est capable de tenir. Aussi, peut-on dire que l’expert-comptable doit savoir gérer, convenablement, les attentes de ses clients.
- Aux compétences techniques :
Rendre une prestation de service de qualité implique l’exécution des missions avec compétence.
La compétence technique nécessite la maîtrise des démarches impliquées par les différents types de missions. Bien que ces démarches aient des traits communs, elles se caractérisent par des spécificités. Outre la connaissance de ces démarches, l’expert-comptable est tenu de les communiquer à ces collaborateurs afin de s’assurer de leur bonne application.
La connaissance des démarches impliquées ne constitue pas une fin en soi. La qualité de la prestation rendue dépend, aussi, du degré de professionnalisme avec lequel ces démarches sont mises en œuvre.
Le professionnalisme, définit par T. Trodec comme étant le corrélat de toute activité menée avec succès, génère un climat de confiance entre l’expert-comptable et ses clients, renforçant ainsi la réputation du cabinet. Les clients ont besoin de traiter avec de vrais professionnels.
Toutefois, le professionnalisme exige le développement et le maintien des connaissances techniques, d’un savoir-faire, des aptitudes comportementales et des aptitudes à résoudre les problèmes et à formuler des jugements professionnels de qualité.
- Aux compétences en matière de gestion des risques
L’environnement dans lequel exercent les experts-comptables est caractérisé par une forte incertitude, porteuse à la fois d’opportunités et de risques et nécessitant la mise en place d’un processus de gestion des risques.
La gestion des risques permet à l’expert-comptable d’éviter les risques, de saisir les opportunités et d’atteindre les objectifs qu’il s’est assigné.
L’implantation du processus de gestion des risques implique l’identification des évènements, l’évaluation des risques professionnels correspondants afin d’apporter les traitements adéquats en fonction de l’appétence au risque.
Les risques liés à la clientèle peuvent être regroupés en deux catégories, à savoir :
- Les risques inhérents à la nature de la clientèle sélectionnée ;
- Les risques liés au recours au jugement professionnel en présence des difficultés d’interprétation des lois et des normes ainsi que la méconnaissance des difficultés de l’exercice de la profession par les institutions.
Gérer les risques professionnels permet à l’expert-comptable d’avoir des missions qui ne présentent pas des sources de risques inacceptables.
Quant à la gestion interne du cabinet, elle exige :
- Des compétences comportementales de management du cabinet
La performance ainsi que la réputation du cabinet est fonction, en premier lieu, du modèle comportemental de l’expert-comptable ainsi que de ses collaborateurs.
Le comportement du chef de cabinet est d’une importance particulière dans la mesure où il détermine la nature du climat social régnant dans le cabinet, de résonance favorisant la performance globale ou de dissonance.
Être compétent sur le plan comportemental permet à l’expert-comptable de développer et de gérer efficacement les comportements de ses collaborateurs permettant de créer un climat favorable à la performance, au contrôle interne et à la gestion des risques.
Avoir des collaborateurs fiables et auto-disciplinés améliore la performance du cabinet en réduisant le coût des contrôles et du processus de gestion des risques.
Le développement de la compétence comportementale des collaborateurs exige :
- L’intégration des comportements dans les critères de recrutement ;
- La communication des valeurs et exigences du cabinet aux nouveaux collaborateurs ;
- Le contrôle des comportements des collaborateurs et la gestion des conflits comportementaux ;
- Le développement de l’esprit de travail en équipe.
- Des compétences techniques pour la conduite des missions
La mise en œuvre des démarches impliquées par les missions nécessite la définition des méthodes de travail, leur communication aux collaborateurs et le contrôle de leur bonne application. Ce contrôle ne peut se réaliser sans une documentation pertinente des travaux effectués. D’où la nécessité de la formation des collaborateurs à la bonne tenue des feuilles de travail ainsi que des dossiers de travail.
Toutefois, la qualité des travaux effectués par les collaborateurs est fonction de leur encadrement par l’expert-comptable. Cet encadrement suppose :
- La planification des missions ainsi qu’une bonne affectation des travaux aux collaborateurs en fonction des exigences techniques des tâches d’une part et du profil des collaborateurs de l’autre ;
- L’évaluation des performances des collaborateurs pour les aider à se développer par la critique constructive.
Le souci de rendre une prestation de qualité exige, enfin, une supervision et un contrôle qualité rigoureux des travaux effectués afin de détecter les anomalies éventuelles et d’apporter les actions correctrices au bon moment.
- La communication sur les risques
Certes, la gestion des risques est l’affaire de l’expert-comptable en premier lieu. Toutefois, l’efficacité du dispositif de gestion des risques mis en place dans le cabinet est fonction du soin apporté par chacun de ses membres aux activités de gestion des risques et de leur perception du risque.
Il est, par conséquent, fondamental, de veiller au développement d’une culture de gestion des risques chez les collaborateurs surtout en absence d’un enseignement de la matière dans les programmes universitaires.
Le développement de cette culture implique :
- L’information des collaborateurs sur l’importance de la gestion des risques ainsi que sur la politique choisie par le cabinet ; et
- Leur intégration dans le processus de gestion des risques ;
Le développement d’une culture de gestion des risques doit être soutenu par la mise en place des outils de communication performants permettant d’assurer une circulation multidirectionnelle de l’information entre les différents intervenants, permettant de prendre les décisions nécessaires en temps opportun.
L’importance du rôle des collaborateurs dans la gestion des risques exige la mise en place d’un système de contrôle et de pilotage des activités de gestion des risques afin de détecter les anomalies éventuelles et de les corriger et d’adapter la politique choisie aux exigences des changements de l’environnement.
La gestion des risques collaborateurs est en relation étroite avec la gestion des risques liés aux missions dans la mesure où l’efficacité de l’une dépend de celle de l’autre et que l’ensemble détermine le risque global du cabinet.
Certes, la réussite professionnelle exige la mobilisation de toutes les compétences. Toutefois, les compétences comportementales occupent une place particulière dans l’explication des cas de réussite.
En effet, notre époque est caractérisée par des changements majeurs385, notamment, l’augmentation du volume de connaissances nécessaires pour l’accomplissement des missions, le type dominant de l’intelligence passe de l’intelligence individuelle à l’intelligence collective, le volume des incertitudes ainsi que des risques professionnels augmente, le tout dans un contexte de méconnaissance de certaines institutions des difficultés d’exercice de la profession.
Ces changements mettent, davantage, l’accent sur le savoir-être de l’expert-comptable dans l’explication des cas de réussite. L’intelligence comportementale de l’expert-comptable lui permet, entre autre, de choisir le moment opportun pour changer de statut : d’un collaborateur à un chef de cabinet.
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382 Op.cit, pages 268 et 269. ↑
383 Yaïch (A.), « La culture du risque », La RCF n° 66, 2004, page 3. ↑