La sécurité juridique des investissements est cruciale pour attirer les investissements directs étrangers dans les États parties à l’OHADA. Cet article révèle comment un cadre juridique solide peut transformer l’attractivité économique de ces pays, tout en abordant les défis persistants liés à cette sécurité.
PREMIERE PARTIE : LA SECURITE JURIDIQUE DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX
Lors du symposium international sur le cadre juridique de l’investissement en Afrique qui s’est tenu à Casablanca en 2017, un auteur affirmait ceci : « Aucun climat juridique ne peut être favorable sans sécurité juridique »[16]. Mais que recouvre exactement la notion de sécurité juridique ?
La sécurité juridique est un principe du droit qui vise à préserver les citoyens contre les effets secondaires négatifs du droit, en particulier les incohérences ou la complexité des lois et règlements, ou leurs changements trop fréquents (insécurité juridique). Elle implique que les particuliers et les entreprises doivent pouvoir compter sur une stabilisation minimale des règles de droit et des situations juridiques[17]. A cet effet, la législation doit réunir un certain nombre d’éléments que sont la clarté, la simplicité, la modernité, la cohérence et l’accessibilité[18].
Le non-respect du principe de sécurité juridique est susceptible d’engendrer des risques liés aux malentendus, réclamations, contentieux et de provoquer des ruptures d’égalité. Par ailleurs, de nombreuses études ont pu démontrer que le défaut de sécurité juridique et judiciaire influe sur l’Etat de droit, ce qui a pour conséquence de freiner les investissements et toute cause ayant un effet, de ralentir le développement socio-économique d’un pays[19].
Or, l’un des objectifs fondamentaux de l’OHADA est d’atteindre une sécurité juridique favorable à un accroissement des investissements dans l’espace OHADA. Cette priorisation de la sécurité juridique par l’OHADA se justifie d’autant que pour certains auteurs « elle relève d’un impératif absolu »[20], pendant que d’autres la qualifient de « première valeur sociale à atteindre »[21].
En proposant des règles modernes et unifiées, mais aussi accessibles à la connaissance de l’opérateur économique étranger, l’OHADA promeut et protège l’investissement étranger. En effet, les Etats de l’OHADA offrent aux investisseurs des garanties d’ordre normatif et judiciaire. D’un point de vue normatif, le législateur communautaire a prévu des règles modernes applicables aux sociétés, depuis leur création jusqu’à leur faillite. Tout au long de cette première partie il s’agira donc pour nous de montrer comment l’OHADA assure la sécurité juridique des IDE à travers ses textes mais aussi de présenter les lacunes du droit OHADA pouvant être sources d’insécurité juridique pour les investissements.
CHAPITRE I : L’APPORT DU DROIT OHADA DANS LA SECURISATION JURIDIQUE DES IDE
Dans l’investissement, comme dans la vie, la prise de risque est inévitable. En effet, un investissement sans risque n’existe pas. L’investisseur peut donc faire face à d’énormes risques. Quelques-uns de ces risques ont un caractère normal, tandis que d’autres ne l’ont pas. Les risques normaux sont ceux auxquels tout opérateur économique devraient faire face, car il lui incombe d’en prendre compte. Ces risques ont pour nom : le rythme de l’évolution du marché, l’intensité de la pression concurrentielle ; les qualités du produit fabriqué ou de l’outillage utilisé. Une erreur d’appréciation de ces éléments peut transformer la réussite attendue de l’investissement en un échec.
Assurer la sécurité des investissements c’est donc les protéger des risques anormaux. Il s’agit de risques qui sont en règle générale imprévisibles car étrangers à l’environnement économique. Ces risques sont le plus souvent de nature politique. En effet, les crises politiques et institutionnelles et les guerres font fuir les investisseurs. Ainsi, la stabilité politique devient un élément important de marketing, de nombreux Etats africains afin d’attirer les investisseurs étrangers.
Toutefois à côté de la stabilité politique, il y a aussi la « sécurité offerte par le Droit ». En effet, il y a la nécessité de protéger le droit de propriété, la liberté d’initiative, des procédures de règlement efficace des différends, etc. Pour tout dire, les règles juridiques relatives à l’activité économique et aux procédures judiciaires constituent un enjeu non négligeable dans la promotion et la protection des investissements.
L’OHADA, depuis sa création s’est attelée à mettre en œuvre des dispositifs visant à assurer la sécurité juridique des investissements, afin d’attirer les investisseurs tant nationaux qu’internationaux pour favoriser le développement économique des territoires des Etats parties. Avec l’adoption de plusieurs Actes uniformes couvrant le droit des affaires, des points positifs ont été marqués au niveau de la sécurité juridique.
En effet, les investisseurs connaissent dorénavant les règles du jeu économique dans tous les territoires couverts par l’OHADA. Avec la stabilité des textes, il devient possible pour celui-ci de les connaître et de les intégrer dans son comportement et sa stratégie d’investissement. Cette stabilité est d’autant plus garantie que les États Parties n’ont plus aucun pouvoir pour légiférer unilatéralement dans les domaines couverts par le Traité de l’OHADA.
Au titre donc de l’apport du droit OHADA dans la sécurisation juridique des investissements nous retiendrons le fait que celui-ci facilite l’accès aux sources du droit économique (section I), mais aussi que les dispositions des actes uniformes favorisent l’accompagnement de l’investisseur de la création à la fermeture de l’entreprise (section II).
Section I :
L’accessibilité matérielle et intellectuelle aux sources du droit économique
Selon un auteur[22], la sécurité juridique est « l’idéal de fiabilité d’un droit accessible et compréhensible qui permet aux sujets de droit de prévoir raisonnablement les conséquences juridiques de leurs actes ou de leur comportements ». La sécurité juridique suppose donc entre autres, l’accessibilité de la norme juridique[23], sa clarté et son intelligibilité. Plus de 25 ans après l’entrée en vigueur du traité OHADA, l’on constate que les normes adoptées par le législateur OHADA sont accessibles tant sur le plan matériel qu’intellectuel.
Paragraphe I :
L’accessibilité matérielle
A la fin des années 1980, les investissements avaient tari en Afrique subsaharienne car les investisseurs avaient tourné le dos à cette région à cause de la désuétude, de l’éparpillement et de l’extrême disparité de ses législations de nature économique. Les textes étaient archaïques et en déphasage total avec les besoins de l’époque. Aussi, les sources du droit économique n’étaient pas aisément identifiables et « c’était un véritable maquis législatif au milieu duquel se retrouvaient difficilement les praticiens et à plus forte raison les profanes et qui ne facilitait pas les relations commerciales des sociétés avec l’étranger »[24].
Le droit OHADA a facilité l’accès aux sources du droit économique sur le plan matériel. L’accessibilité matérielle se traduit par le fait que le droit économique est plus facile à connaitre lorsqu’il est contenu dans les textes d’ensemble (codes). Cette exigence est satisfaite par le droit OHADA qui est contenu dans les Actes uniformes régissant les différentes matières du droit économique et dont l’ensemble est compilé dans un Code que l’on désigne couramment le « Code vert » de l’OHADA. Avec ce Code, le droit des affaires dans les Etats parties n’est plus le droit des affaires burkinabè, ivoirien, sénégalais, togolais, mais un droit des affaires africains[25].
En plus du « Code vert », l’OHADA a aussi mis à la disposition du public un outil efficace d’accès au droit et à la jurisprudence de l’OHADA. Il s’agit d’une base de données numériques disponibles sur internet, accessible sur le site www.ohada.com et sur le site officiel de l’OHADA (www.ohada.org). Tout le droit OHADA est disponible en accès gratuit sur ce site, ce qui renforce l’accès aux sources du droit économique dans l’espace de l’OHADA. L’investisseur qui se trouve donc aux Etats unis et qui souhaiterait avoir une idée du régime des contrats d’affaires dans un pays membre de l’OHADA peut, grâce à un simple jeu de clic, accéder en version officielle aux sources juridiques dont il a besoin.
L’accessibilité matérielle aux sources du droit économique dans l’espace de l’OHADA ne se réduit pas uniquement au droit légiféré, elle concerne aussi la jurisprudence de l’OHADA. En effet, depuis 2010, l’Association pour l’Unification du Droit des Affaires en Afrique (UNIDA) a publié deux Répertoires quinquennaux de jurisprudence OHADA recensant l’ensemble des décisions rendues en application du droit de l’OHADA aussi bien par les juridictions de fond des États Parties que par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage sur les périodes 2000 à 2005 et 2006 à 2010. Qu’en est-il de l’accessibilité intellectuelle ?
Paragraphe II :
L’accessibilité intellectuelle
L’accessibilité intellectuelle aux sources du droit économique dans l’espace de l’OHADA est garantie car l’investisseur peut connaître de façon détaillée la règle de droit qui régira son activité s’il décide d’investir ou s’il a déjà investi et ce, sans le recours aux services des avocats. Cela représente un gain de temps et donc d’argent. Aussi, le droit de l’OHADA est facile à connaître car formulé en des termes abstraits, généraux et impersonnels. L’accessibilité intellectuelle permet à l’investisseur d’anticiper les conséquences contentieuses d’une opération économique.
Par ailleurs, en matière de sécurité juridique, la supranationalité des Actes uniformes OHADA prévue à l’article 10 du Traité, confère à tous les Actes uniformes OHADA une suprématie totale sur les dispositions de droit interne antérieures et postérieures. En effet, selon cet article les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure.
« Cette primauté répond à une logique élémentaire, elle impose qu’aucun Etat ne puisse invoquer les dispositions de son droit interne pour se soustraire à l’application du droit communautaire ; la conséquence juridique de cette prééminence c’est qu’en cas de conflit de lois, la disposition nationale cesse d’être applicable, cède à la place communautaire et aucune autre disposition nationale ne peut être introduite si elle n’est pas conforme à la norme communautaire.
Elle a pour but de faire appliquer sans contestation devant les juridictions nationales, les normes qui créent en réalité un ordre juridique, c‘est-à-dire un ensemble des normes juridiques possédant ses propres sources, doté d’organes et de procédures aptes à les émettre, à les interpréter ainsi qu’à en faire constater et sanctionner, le cas échéant la violation »[27].
L’OHADA en rendant matériellement et intellectuellement accessible le droit économique, a contribué à restaurer la confiance des investisseurs. En effet, la certitude de ses droits est pour l’investisseur la condition de sa sécurité juridique. Pour réaliser cet objectif de sécurité, l’OHADA a eu recours à deux instruments : l’un concerne les normes, l’autre les institutions chargées de les appliquer »[27]. Alors, si le but de l’OHADA est de favoriser et d’encourager l’investissement dans son espace comme il est justement rappelé dans son préambule, comment cet objectif est-il traduit dans les actes uniformes ?
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16. Serge GUINCHARD et Thierry DEBARD, Lexique des termes juridiques 2018-2019, 26ème édition, Paris, Dalloz, 2018, p998. ↑
17. Roger MASAMBA, « L’OHADA et le climat des d’investissement en Afrique », Penant, n°855, Avril-juin 2006, p.137 et 142, Ohadata D-06-49. ↑
18. Félix Onana ETOUNDI, L’OHADA et la sécurité juridique et judiciaire, vecteur de développement, 22ème Congrès international des huissiers de justice, UIHJ, Madrid, 2-5 juin 2015, p.1. ↑
22. L’accessibilité c’est la possibilité pour les sujets de droit de connaitre les règles applicables de sorte à agir en connaissance de cause. ↑
23. François ANOUKAHA, Abdoulaye CISSE, Ndiaw DIOUF, Josette NGUEBOU TOUKAM, Paul-Gérard POUGOUE, et al., OHADA-Sociétés commerciales et GIE, Bruxelles, Bruylant, 2002, 589p. ↑
24. L’OHADA est ouverte à tous les Etats membre de l’Union Africaine. ↑
25. Roger BOKUNGU, L’effet abrogatoire des actes uniformes de l’OHADA. Principe et zones d‘ombres, Mémoire de master en droit, université catholique du Congo, 2016, p20. ↑
27. Coco KAYUDI MISAMU, « Actes uniformes et la sécurité des investissements : quelles réalités dans l’espace OHADA ? Une sécurité réelle mais une effectivité contrainte », Grenoble, 2017, p.2. ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que la sécurité juridique des investissements?
La sécurité juridique est un principe du droit qui vise à préserver les citoyens contre les effets secondaires négatifs du droit, en particulier les incohérences ou la complexité des lois et règlements, ou leurs changements trop fréquents.
Comment l’OHADA contribue-t-il à la sécurité juridique des investissements étrangers?
L’OHADA propose des règles modernes et unifiées, accessibles à l’opérateur économique étranger, et offre aux investisseurs des garanties d’ordre normatif et judiciaire.
Pourquoi la sécurité juridique est-elle importante pour attirer les investissements directs étrangers?
Le défaut de sécurité juridique et judiciaire influe sur l’Etat de droit, ce qui a pour conséquence de freiner les investissements et de ralentir le développement socio-économique d’un pays.