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Comment la sécurité judiciaire façonne les investissements OHADA ?

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🏫 UNIVERSITÉ SAINT THOMAS D’AQUIN
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2020-2021
🎓 Auteur·trice·s
TRAORE Marie-Joëlle
TRAORE Marie-Joëlle

La sécurité judiciaire des investissements OHADA est cruciale pour attirer les investissements directs étrangers dans les États parties. Cet article révèle comment un cadre juridique solide peut transformer les défis en opportunités, stimulant ainsi la croissance économique dans une région en pleine mutation.


DEUXIEME PARTIE : LA SECURITE JUDICIAIRE DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX

Le développement des échanges et des investissements dans un monde aussi mouvant et à risques a rendu évident le besoin de sécurité juridique et judiciaire des activités des entreprises, moteur du développement économique.

L’OHADA, à travers l’adoption de plusieurs Actes uniformes couvrant le droit des affaires, a réussi à assurer la sécurité juridique des investissements internationaux. En effet, celle-ci offre un cadre légal stable et répond à certaines préoccupations des investisseurs.

Cependant, si la réalisation de la sécurité juridique au sein de l’espace OHADA constitue un bon point de départ, cela n’est pas suffisant pour attirer les investisseurs étrangers. En effet, il ne suffit pas de vouloir la sécurité juridique pour qu’elle soit réelle et perceptible ; encore faut-il en déterminer les modalités de concrétisation et en définir la philosophie de réalisation.

Aussi, la sécurité juridique, à elle seule, ne garantit pas le résultat recherché par la création de l’espace juridique commun ; elle ne rassure par ailleurs point les investisseurs. En effet, la sécurité judiciaire est également un élément important du bon déroulement d’une opération.

L’OHADA grâce à l’élaboration de réformes a réussi à améliorer la sécurité judiciaire des investissements. En effet, l’avènement de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) a considérablement contribué à améliorer cette sécurité judiciaire.

Alors comment se manifeste la sécurité judiciaire au sein de l’espace OHADA ? Quelles sont les difficultés auxquelles sont confrontées les justiciables ? Quels sont les réformes à entreprendre pour une meilleure sécurisation judiciaire des investissements dans l’espace OHADA ? Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre dans cette partie.

CHAPITRE I : LES ACQUIS DE LA SECURITE JUDICIAIRE DANS L’ESPACE OHADA

Dans le jargon de l’OHADA, Il est coutumier de toujours associer les concepts de « sécurité juridique » et de « sécurité judiciaire ».

La sécurité judiciaire, souvent considéré improprement comme synonyme de sécurité juridique, s’entend d’un sentiment de confiance des opérateurs économiques et des usagers du service public de la justice dans l’institution judiciaire. Ce concept est le pendant judiciaire de la sécurité juridique qui concerne principalement les attentes des administrés à l’égard du législateur. Cette confusion conceptuelle entame énormément les efforts de séduction des aspects judiciaires de l’OHADA à l’endroit de potentiels investisseurs.

Toutefois, la sécurité judiciaire reste l’un des objectifs déclarés du législateur OHADA et marque un certain état d’esprit ; elle est son arme stratégique d’incitation aux investissements dans l’espace OHADA. Pour s’en convaincre, il suffit d’interroger les textes de l’OHADA (section I) et d’examiner l’environnement judiciaire OHADA pour en percevoir les manifestations (section II).

Section I :

Les fondements de la sécurité judiciaire dans les textes de l’OHADA

La sécurité judiciaire est consacrée par les textes de l’OHADA. Elle se déduit implicitement du droit primaire et concrètement du droit dérivé.

Paragraphe I :

La sécurité judiciaire dans le droit primaire OHADA

L’articulation des normes juridiques du système OHADA place le Traité institutif, signé le 17 octobre 1993, au sommet de la hiérarchie normative. Ce Traité, révisé le 17 octobre 2008, en son article premier, dispose que l’OHADA « a pour objet l’harmonisation du droit des affaires dans les États Parties, par l’élaboration et l’adoption des règles communes, simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies, par la mise en œuvre de procédures judiciaires appropriées, et par l’encouragement au recours à l’arbitrage pour le règlement des différends contractuels ».

Ce texte n’emploie pas le concept de « sécurité judiciaire » dans ses dispositions de fond, mais plutôt l’expression « procédures judiciaires appropriées ». Néanmoins, le premier considérant du préambule du Traité révisé réaffirme la volonté des Etats membres de l’espace OHADA de renforcer la sécurité juridique et judiciaire sur leurs territoires. Les « procédures judiciaires appropriées » sont-elles synonymes du concept « sécurité judiciaire » ?

Une réponse affirmative serait hâtive, d’autant plus que le terme « judiciaire » n’est employé, par le Traité, qu’à quatre reprises. Seul l’article 1er du Traité OHADA, consacrant l’attachement du législateur aux procédures judiciaires appropriées, laisse présager une aspiration à la sécurité judiciaire. Quelle que soit la portée que l’on souhaiterait donner à l’expression « procédures judiciaires appropriées », il est constant qu’on ne peut prétendre à une sécurité judiciaire sans la mise en œuvre des procédures appropriées devant les institutions judiciaires.

Aussi, vu le caractère général de cette expression utilisée par le législateur, ce texte se présente comme le fondement par défaut de la sécurité judiciaire en droit OHADA. Pour s’en convaincre, l’on peut se référer à l’affirmation d’un auteur qui disait ceci : « un effort considérable a été accompli à partir de 1992 en vue d’un double objectif.

En premier lieu, il s’agissait de renforcer la sécurité juridique en appliquant d’abord dans les Etats de la zone franc, puis ultérieurement dans un cadre africain plus large, un droit des affaires harmonisé, simple, moderne, et adapté aux besoins des entreprises. En second lieu, il convenait de garantir une sécurité judiciaire en organisant une Cour de justice chargée d’interpréter ce droit et de faciliter le recours à l’arbitrage »67.

En outre, nous pouvons également voir, dans les dispositions des articles 3, 13 et 14 du Traité, d’autres fondements de la sécurité judiciaire dans l’espace OHADA. Ces textes créent le cadre général d’interprétation et d’application du droit uniforme.

L’article 3 institue la Cour suprême de l’espace juridique intégré : la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA). L’article 13, lui, consacre les juridictions de fond des États Parties comme juge de droit commun du droit uniforme. L’article 14 quant à lui, définit les attributions (consultatives et contentieuses) de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage.

Tous ces éléments démontrent à quel point le législateur communautaire a tenu aux aspects judiciaires nécessaires à la réalisation de son projet. Il ne s’est d’ailleurs pas arrêté à ce cadrage général. Il est allé plus loin dans les dispositions du droit dérivé OHADA.

Paragraphe II :

La sécurité judiciaire dans le droit dérivé OHADA

Le législateur OHADA a exprimé la prise en compte des aspects judiciaires de l’attractivité économique du droit uniforme à travers les dispositions de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution et de l’Acte uniforme portant sur l’arbitrage.

Le fait que le droit OHADA présente avant tout un caractère national68 est aussi un atout pour la sécurité judiciaire tant souhaitée par les investisseurs et véhiculée par l’Acte uniforme sur les voies d’exécution ainsi que par l’Acte uniforme portant sur l’arbitrage. En effet, ces deux Actes uniformes étant d’application directe69, ils représentent les prémices de la sécurisation judiciaire des investissements.

Dans l’optique de stabiliser l’environnement judiciaire, d’attirer et de rassurer les investisseurs, l’uniformisation des règles relatives au recouvrement simplifié des créances et aux procédures civiles d’exécution s’est avérée nécessaire dans tous les États Parties. C’est l’article 2 du Traité qui classe les voies d’exécution parmi les matières qui ressortissent du champ du droit uniforme. L’objectif était de lutter contre les procédures de saisies jugées irrégulières par les opérateurs économiques et les difficultés de recouvrement des créances commerciales certaines, liquides et exigibles. Pour rappel, avant l’avènement de l’OHADA, les saisies-ventes étaient généralement diligentées par les nationaux contre les biens des investisseurs étrangers, ce qui ne servait pas la réputation et l’attractivité de leur espace économique70.

Aussi, le législateur OHADA a doté les investisseurs d’outils efficaces pour vaincre en temps utile les résistances abusives des débiteurs récalcitrants grâce aux procédures simplifiées de recouvrement, telles que l’injonction de payer et de délivrer ou de restituer.

L’héritage le plus impressionnant de l’OHADA sur le plan de la sécurité judiciaire est la limitation des immunités de juridiction et d’exécution des personnes publiques. Les saisies sont désormais possibles sur les biens de ces derniers et leurs dettes peuvent désormais donner lieu à compensation avec leurs créances71.

De même, puisqu’ils ne sont pas des acteurs économiques comme les autres, les pères fondateurs de l’OHADA ont investi les États d’une charge essentielle à l’effectivité et l’efficience du droit uniforme. C’est ainsi que l’article 29, alinéa 1 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution dispose que l’Etat est tenu de prêter son concours à l’exécution des décisions de justice et des autres titres exécutoires.

Le fait que l’État soit tenu, constitue une garantie indéniable de sécurité judiciaire pour le justiciable, et ce d’autant que l’alinéa 3 de l’article 29 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution pose le principe général de la responsabilité de l’État du fait de sa carence ou de son refus de prêter son concours à l’exécution des décisions de justice et autres titres exécutoires.

Le droit de l’arbitrage OHADA est un autre instrument de consécration de la sécurité judiciaire dans l’espace OHADA72. Son cadre institutionnel est organisé par les articles 21 à 26 du Traité. Son régime est encadré par un Acte uniforme spécialement dédié au droit de l’arbitrage. L’arbitrage est un élément de sécurité judiciaire en ce qu’il est un instrument d’évitement du juge étatique dont l’indépendance, la compétence et surtout l’impartialité n’emportent pas généralement l’adhésion des investisseurs.

Il offre une alternative crédible aux investisseurs qui ne font pas confiance aux institutions judiciaires des États Parties. En effet, ceux-ci sont à même d’utiliser ce mode alternatif de résolution des différends, plus approprié à la conduite de leurs affaires et auquel ils ont le plus confiance, dès lors qu’ils sont en mesure de choisir librement un arbitre indépendant et impartial qu’ils investissent du pouvoir de trancher le litige qui les oppose.

En dehors de tous les autres avantages attractifs de l’arbitrage, c’est-à-dire l’efficacité et la rapidité, il conviendra de noter que la confidentialité demeure un aspect important de l’arbitrage auquel les investisseurs sont intimement liés. Elle est considérée comme étant l’une des principales motivations des parties à compromettre, car « l’un des principes fondamentaux – et des avantages les plus certains – de l’arbitrage international est son caractère confidentiel »73.

Les investisseurs pour des raisons économiques liées à la compétitivité ou au secret d’affaires74 tiennent pour la plupart des cas, à ce que des différends arbitraux leur concernant soient passés sous le sceau du secret. Cela permet d’éviter que des concurrents ou que des médias se saisissent de cette situation pour engendrer des conséquences néfastes sur la santé financière de leurs entreprises.

Désormais l’OHADA, à travers son arbitrage très spécifique, propose un mécanisme privé de résolution des différends qui offre une garantie de rapidité à tous les investisseurs étrangers afin de ne pas perdre du temps et de l’argent dans des procédures et recours devant les tribunaux étatiques.

Toutefois il convient de signaler que la voie de l’arbitrage n’est pas une solution miracle. En effet, elle ne garantit pas les investisseurs contre le fait que les tiers peuvent les attraire en justice devant les juges nationaux75, ni contre les contentieux post arbitraux ou répressifs. On comprend, à la lumière des limites de l’arbitrage, que la meilleure manière pour que la justice soit rendue ne consiste pas toujours à éviter le palais de justice. Alors quelles sont les manifestations de la sécurité judiciaire dans l’espace OHADA ?

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67 Article 10 du Traité OHADA.

68 Barthélemy COUSIN, op.cit., p.4.

69 Roger MASAMBA, « Avantages comparatifs des Actes uniformes de l’OHADA », Penant, n° 869, 2009, p. 501.

70 L’article 2 du Traité fait de l’arbitrage l’une des matières qui entre dans le champ de l’OHADA.

72 CCJA, 10 janvier 2002, arrêt n°3, Société ivoirienne d’emballage métallique dite SIEM c/ Sté ATOU et BICICI, Ohadata J-02-25.

73 CCJA, 10 janvier 2002, arrêt n°3, Société ivoirienne d’emballage métallique dite SIEM c/ Sté ATOU et BICICI, Ohadata J-02-25.

74 CCJA, 10 janvier 2002, arrêt n°3, Société ivoirienne d’emballage métallique dite SIEM c/ Sté ATOU et BICICI, Ohadata J-02-25.

75 CCJA, 10 janvier 2002, arrêt n°3, Société ivoirienne d’emballage métallique dite SIEM c/ Sté ATOU et BICICI, Ohadata J-02-25.


Questions Fréquemment Posées

Qu’est-ce que la sécurité judiciaire dans l’espace OHADA ?

La sécurité judiciaire se réfère à un sentiment de confiance des opérateurs économiques et des usagers du service public de la justice dans l’institution judiciaire, et est considérée comme un objectif déclaré du législateur OHADA.

Comment l’OHADA améliore-t-elle la sécurité judiciaire des investissements ?

L’OHADA a amélioré la sécurité judiciaire des investissements grâce à l’élaboration de réformes, notamment avec l’avènement de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA).

Pourquoi la sécurité juridique ne suffit-elle pas pour attirer les investisseurs étrangers ?

La sécurité juridique, à elle seule, ne garantit pas le résultat recherché par la création de l’espace juridique commun et ne rassure pas les investisseurs, car la sécurité judiciaire est également un élément important du bon déroulement d’une opération.

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