Les perspectives futures de la communication congolaise révèlent des mécanismes de défense insoupçonnés au sein des échanges interculturels. Cette recherche innovante met en lumière des dynamiques socioculturelles essentielles, offrant des solutions pour mieux comprendre les défis de la communication dans un contexte multiculturel.
- Communications généralisées et contextualités situationnelles de « déplacement»
- Description de cas
- Communications généralisées et contextualités situationnelles de « déplacement»
Pour comprendre comment les acteurs sociaux congolais produisent le « déplacement » dans un contexte multiculturel, les sujets enquêtés ont été appelés à tour de rôle à discuter autour du thème ci-après : « Les ressortissants de certaines provinces sont à la base de la misère de notre pays ».
Les données recueillies de ces échanges peuvent être résumées comme suit434 :
- Bandundu : Rarement, la misère de notre pays n’est pas à attribuer à d’autres provinces, mais c’est aux politiciens qu’il faut l’attribuer. Ils se sont enrichis de l’argent qui devrait être affecté à la résolution des problèmes des provinces ; comme au Bandundu, ils ont vendu des terrains miniers aux particuliers.
- Bas-Congo : Souvent, nous avons tendance à croire que Kinshasa est à la base de la misère de notre pays. Tout en étant le siège du pouvoir politique et exécutif, il n’est pas en mesure de répondre aux cris de détresse d’autres provinces (coupure intempestive du courant électrique, problèmes d’eau, de route, maladies, …)
- Equateur : Très souvent, notre peuple a tendance à attribuer le sous-développement de la province aux Katangais comme ils sont au pouvoir, en oubliant le mal que le feu Président Mobutu a fait au pays tout entier. Il est donc difficile chez nous qu’un partisan du PPRD soit élu. Si l’un d’eux avait été élu en 2011, c’est parce qu’il ne s’était pas présenté comme membre de ce parti.
Kasaï Occidental : Souvent, nous constatons que les ressortissants de certaines provinces sont à la base de la misère de ce pays. Tels les gens du Bandundu qui sont avides d’argent et n’ont pas l’esprit de partage. Par ailleurs, les Rwandais sèment la désolation avec la complicité des Kivutiens.
Kasaï Oriental : Très souvent, notre peuple est convaincu que c’est Kinshasa, avec ses autorités, qui est à la base de la misère de notre pays. Car ces autorités ne se soucient pas d’autres provinces et de la gestion du pays tout entier.
Katanga : Quelquefois, il nous arrive de croire que certains peuples sont à la base de la misère de notre société, surtout ceux qui s’adonnent au vol, à la magouille et à la violence. Exemple : le phénomène de « Kuluna »435 à Kinshasa met les gens mal à l’aise. Il y a plus de risque que ce phénomène s’étende dans d’autres provinces.
Kinshasa : Jamais, il nous arrive de croire que certains peuples sont à la base de la misère de notre société, car la R.D.C appartient à nous tous. La misère de ce pays est liée à la négligence de chacun de nous, car nous ne respectons pas les lois régissant nos institutions dans les différents domaines de la vie, surtout les Kinois sont très remarquables en cette matière.
Maniema : Très souvent, on constate que certains peuples sont à la base de notre misère. Comme exemple, dans l’Est du pays, on enregistre trop de guerres résultant de la complicité de certains groupes sociaux du pays avec les Rwandais et les Burundais. Nos dirigeants sont égocentriques, avares et sont au pouvoir pour se servir.
Nord-Kivu : Très souvent, on constate que certains peuples sont à la base de la misère de notre pays parce qu’il sont en complicité avec les Rwandais et les Burundais qui viennent piller les richesses du pays.
Province Orientale : Souvent, nous reprochons aux Ougandais d’être les perturbateurs de la paix de notre province. Entre nous les autochtones, il existe des gens qui, en général, n’aiment pas voir les autres évoluer dans tous les domaines de la vie.
Nous avons aussi certains phénomènes qui nous sont spécifiques, par exemple le « phénomène de fonoli », qui consiste pour certains mystiques à sacrifier quelqu’un afin qu’il travaille dans un autre endroit comme son esclave. Il est des cas où la personne morte envoie de l’argent en liquide à ses membres de famille. Un bon nombre de familles témoignent avoir déjà vécu cette réalité.
Sud-Kivu : Très souvent, nous estimons que les autorités politiques de notre pays sont à la base de notre misère. Car les rébellions que nous connaissons ne sont qu’une mascarade.
Ces données sont analysées en termes d’éléments communicationnels (généralisés et contextuels) dans le paragraphe qui suit en fonction de « tableau panoramique de dépouillement » (voir le tableau n°08) et de la « grille d’analyse » (voir tableau n°09).
- Analyse des éléments communicationnels (généralisés et contextuels)
Il nous paraît utile à présent de dégager les éléments de la communication généralisée et de la contextualité situationnelle à partir des discours (réactions) des sujets enquêtés décrits ci-haut. Le tableau panoramique n°18 résume les éléments de cette analyse.
Tableau n°18 : Tableau panoramique de mécanisme de « déplacement »
Tableau n°18 : Tableau panoramique de mécanisme de « déplacement » | |
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Province | Pratique du déplacement |
Bas-Congo | Oui |
Equateur | Oui |
Kasaï Occidental | Oui |
Kasaï Oriental | Oui |
Katanga | Oui |
Maniema | Oui |
Nord-Kivu | Oui |
Province Orientale | Oui |
Sud-Kivu | Oui |
Bandundu | Non |
Kinshasa | Non |
Il ressort du tableau n°18 les constats ci-après :
- Neuf provinces (soit 82 %) pratiquent le « déplacement ». Il s’agit de : Bas-Congo, Equateur, Kasaï Occidental, Kasaï Oriental, Katanga, Maniema, Nord-Kivu, Province Orientale et Sud-Kivu. D’après les discours analysés, ces provinces véhiculent des valeurs négatives à l’égard des autres culturels, notamment : le sentiment de rejet des autres, la méfiance, la tendance égocentrique ;
- Deux provinces (soit 18 %) ne pratiquent pas ce mécanisme. Il s’agit de Bandundu et Kinshasa. Elles développent des valeurs positives à l’égard des autres culturels comme le sentiment d’acceptation des autres culturels, la confiance et l’altruisme (tendance grégaire).
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434 Données recueillies lors des entretiens avec les étudiants des premières années de graduat (A et B) de l’IFASIC, du 09 au 30 avril 2013. ↑
435 Kuluna : groupe des jeunes désœuvrés semant la terreur dans les quartiers de la ville de Kinshasa. ↑
Questions Fréquemment Posées
Pourquoi certaines provinces attribuent-elles la misère au Bandundu ?
Les habitants du Kasaï Occidental estiment que les ressortissants du Bandundu sont avides d’argent et n’ont pas l’esprit de partage.
Comment les habitants de Kinshasa perçoivent-ils la misère au Congo ?
Les habitants de Kinshasa croient que la misère de leur pays est liée à la négligence de chacun et qu’elle est la responsabilité de tous.
Quels sont les mécanismes de défense identifiés dans la communication interculturelle au Congo ?
L’article identifie des mécanismes de défense socioculturelle à travers des perceptions variées des provinces sur la misère et les responsabilités politiques.