Quelles sont les perspectives d’avenir pour les achats aéronautiques en Europe ?

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🏫 Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Mémoire de fin d’études - 2010
🎓 Auteur·trice·s
Cécile Izumi ASAMA
Cécile Izumi ASAMA

Les perspectives d’avenir des achats aéronautiques révèlent une contradiction surprenante : alors que la centralisation vise l’efficacité, les contraintes géopolitiques complexifient cette démarche. Cette recherche met en lumière les défis cruciaux auxquels l’industrie est confrontée, redéfinissant ainsi les stratégies de sourcing et d’outsourcing.


c. Contraintes technologiques.

Si la centralisation vise la rationalisation des processus d’achats, et qu’elle découle aussi des stratégies de sourcing/offshoring, sa mise en place d’un point de vue informatique n’en est que plus complexe. En effet, alors que la centralisation va viser la réduction du portefeuille de fournisseurs et un partenariat plus collaboratif, et donc la simplification de l’échange informationnel ; le fait d’ouvrir sa production à l’étranger va venir contrecarrer cet objectif.

Alors qu’Airbus est actuellement en train d’étendre l’accès à son ERP (SAP) à l’ensemble de son entreprise, et d’améliorer les interfaces avec les fournisseurs, c’est-à-dire qu’actuellement, seul Airbus en est à une

« Harmonisation SAP en cours au sein d’Airbus, pourrait être étendu à l’ensemble d’EADS à terme. » 51. En effet, toutes les divisions et BUs n’en sont pas à ce stade, quand encore, elles possèdent un ERP.

Or, pour la centralisation des achats, il est plus que nécessaire d’envisager une harmonisation étendue à l’ensemble du groupe, et un partage exhaustif des informations. De même pour les interfaces avec les fournisseurs, plutôt que de commander séparément, les lead buyers et autres directeurs d’achats des bureaux de global sourcing, devraient pouvoir être en mesure d’avoir une vision générale des besoins de tout le groupe. L’idée d’un travail commun des différents bureaux d’étude, permettraient aussi de pouvoir créer un référencement standardisé à l’ensemble du groupe, permettant de faire des recoupements de besoins, et donc de passer des commandes consolidées. Ceci est un travail plus que nécessaire à l’élaboration d’un système intégré véritablement efficient.

51 Propos recueillis auprès d’Antoine Gaugler, questionnaire en annexes.

Le problème soulevé, est aussi la véracité des informations qui y seront entrées. En effet, les fournisseurs ne partageant pas forcément les mêmes intérêts, ne renseignent pas les données de la même manière que les divisions. Ainsi, comme souvent, la division se charge de l’approvisionnement de ses sous-traitants, mais en fait, elle ignore les besoins réels de ces derniers.

De plus, la quantification se faisant par masse (kg ou tonnes), ou par longueur (km), les chutes causent un véritable problème dans l’optimisation des achats et des commandes. Un renseignement par pièce, avec l’édition d’une fiche article propre au produit et aux besoins qu’il engendre, permettrait, non pas d’éradiquer le problème, mais du moins de réduire son impact, tout en facilitant la mise en place de la centralisation des achats.

Toutefois, cela est à considérer avec recul, puisqu’intervient aussi, et particulièrement dans l’aéronautique, une spéculation autour des matières premières métalliques : les acheteurs ne rationnalisent pas forcément leurs commandes en fonction des besoins et des stocks, mais souvent en prenant en facteur déterminant, les cours des matières premières concernées.

L’importance d’avoir un ERP étendu à tout le groupe pour la gestion des achats, mais en amont des besoins, est aussi à appliquer aux partenaires commerciaux Europe et Hors-Europe. Les intérêts divergents des fournisseurs/sous-traitants, tentés de gonfler leurs besoins pour justifier un prix, peuvent être adoucis par une aide à l’achat et l’implantation d’un système d’information.

En effet, si EADS s’engage, dans le cadre d’un partenariat, à soutenir,, financièrement en autre, les Tier 1, au moins, à s’équiper, la collaboration ne peut qu’en être plus renforcée. Le fournisseur/sous-traitant a ainsi à gagner : un système coûteux, une amélioration des prévisions et des planifications, donc une rationalisation de son ordonnancement, et de ses performances en général.

Du coup, ce n’est pas l’harmonisation de tout le groupe qu’il s’agit d’envisager, mais de tout le groupe et de ses partenaires, si l’on envisage une vision à long terme. Cela simplifierait le passage des commandes, mais de l’amont : la consolidation des commandes ; la planification, les prévisions, et la gestion des stocks.

La contrainte technologique pourrait être un atout dans le choix des fournisseurs, et pourrait se révéler être un véritable avantage concurrentiel. Si l’on s’inspirait de ce qu’il existe déjà, on se rendrait compte qu’il est possible de faire beaucoup avec peu, dans le cadre d’un développement des systèmes d’information.

Airbus Supply, ou e-supplychain d’EADS, permettent aux fournisseurs de consulter les appels d’offre en temps réel, de bénéficier d’une messagerie, de connaître les besoins du clients, et d’y répondre. Mais cela ne représente en aucun cas une démarche de GPA.

Par ailleurs, l’OTAN, via son organisme NAMSO (NAto Maintenance and Supply Organisation), et de son pôle exécutif NAMSA (NAto Maintenance and Supply Agency), qui sont des services de supports logistiques pour l’approvisionnement en armement pour les pays membres du Conseil de l’Atlantique Nord, met à disposition l’outil NLSE : Nato Log Stock Exchange.

Cet outil met à disposition une base de données de fournisseurs certifiés, mais aussi un Virtual Management Stock des pays signataires 52. Ainsi, il est aisé d’identifier des fournisseurs de confiance, cas d’autant plus critique dans l’armement, mais aussi de connaître les stocks de chacun et ainsi de se livrer, non pas au troc, mais à des échanges internationaux.

Cela permet une optimisation des échanges, et des planification de production, en connaissance de l’état des stocks de chacun, en passant par une surveillance mondiale.

52 https://www.natolog.com/public/
Source: dernière connexion le 19.04.2010.

En s’inspirant de ce système, même si cela n’est envisageable qu’à long terme pour le moment, il serait possible dans un premier temps, soit :

– D’étendre le système à tout le groupe, et ainsi, d’identifier les besoins de toutes les divisions et BUs, pour pouvoir centraliser les achats.

– Que chaque division équipe ses partenaires, optimisent leurs relations, puis, s’harmonise au groupe.

Dans la première solution, on fait fi des habitudes de chacun et la contrainte humaine de résistance au changement risque de se faire ressentir, en sus du fait, qu’il faudra ensuite passer par une deuxième étape d’équipement des partenaires. Dans la deuxième option, le risque majeur est l’autonomie, et donc les adaptations de chacun ad hoc, et donc une harmonisation plus difficile dans un deuxième temps. La complexité de l’industrie en elle-même, créé des ramifications et des interfaces en nombres exponentiels pour la mise en place d’un programme, qui par conséquent aura un coût de création, de maintenance, et de support très élevé.

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Figure 20 Cartographie des transferts d’information dans l’aérospatial. 53

Le défi le plus lourd à relever ici, va certainement être l’harmonisation à tout le groupe, via un référencement commun, un partage des informations, le fait d’imposer une seule et unique manière de faire à tout le monde, et un coût. En effet, à l’optimum, il faudrait que groupe entier et partenaires : fournisseurs et sous-traitants, soient équipés, ou bénéficient d’au moins une WebInterface, pour communiquer. Le coût risque alors d’être exponentiel, d’autant plus, qu’il faut prévoir une sécurisation des données bien supérieure aux autres secteurs. Le partenariat permettrait, autant que le risk-sharing, de partager les coûts associés, et pourquoi pas en le sous-traitant à l’étranger, en Inde, comme ce contrat de vingt millions, de dollars bien sûr, le prouve 54.

53 Collaborer en toute sécurité dans le secteur Aéronautique & Défense, les solutions technologiques pour une collaboration sécurisée. Publication de PTC (Parametric Technologic Corporation) pour son livre blanc.

54 http://economictimes.indiatimes.com/infotech/ites/Satyam-bags-Rs-100-cr-Airbus-deal/articleshow/5303953.cms
Source: dernière connexion le 19.04.2010.

d. Contraintes logistiques.

L’atomisation du nombre de fournisseurs d’EADS est un des principaux facteurs de bullwhip effect dans la logistique. Si pour certains composants, EADS disposent d’une centaine de fournisseurs capables de répondre aux besoins, pour d’autres, il n’y a qu’un voire deux fournisseurs. Ainsi, on met en évidence des points critiques de ruptures en approvisionnement, et de retards.

Ceci fait partie des contraintes importantes : hétérogénéité du nombre de fournisseurs selon les composants/pièces, avec parfois pénurie et risque élevé de rupture. Or, avec la centralisation des achats, et l’objectif d’outsourcing, il est clairement décidé de réduire le portefeuille de fournisseurs, pour ne garder que des partenaires spécialisés. Par conséquent, le risque de défaut en approvisionnement va s’élever.

Même si en spécialisant les fournisseurs, et en travaillant conjointement, avec en plus un échange des donnés optimisé, ce risque devrait se lisser, il demeure cependant toujours présent.

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Figure 21 Evolution du risque de rupture en fonction de l’atomicité des fournisseurs.

Il y donc comme priorité de sécuriser les approvisionnements, et pour ce faire, une intégration des données, et une planification optimisée des besoins et des commandes doivent être intégrée dans un système communiquant entre client et fournisseur. C’est aussi, par les systèmes d’information, la possibilité d’avoir une meilleure vision des stocks, par le Virtual Stock Management.

Ainsi, la possibilité de connaître : les encours de production, les stocks d’ensembles, les stocks de matière, … est améliorée, et les acheteurs, comme les logisticiens peuvent avoir une vision des dormants, ou des ruptures prochaines, pour pouvoir mieux anticiper, et améliorer les achats, et les consolidations. Ainsi, une réduction des dépenses est attendue tant sur la consolidation des lots, mais aussi sur la gestion des ressources déjà disponibles, en lieu et place de rachats, ou de commandes isolées.

Autre risque logistique prépondérant : les ruptures liées au transport. Ceci est directement dû à l’internationalisation du groupe. En effet, si le sourcing/offshoring revêt des avantages en termes de coûts, il a l’inconvénient de complexifier la chaîne logistique dans sa gestion du transport. En effet, les pièces, au lieu de venir d’Europe dans un rayon de quelques centaines de kilomètres, vont pour une part, provenir du grand international, et donc l’enjeu passe à plusieurs milliers de kilomètres, et par conséquent des moyens de transport d’urgence moindres. Car, si l’on veut garder un avantage de coûts, l’utilisation du transport maritime peut être intéressant pour les longues distances, mais comme il s’avère plutôt lent, demande aussi une forte anticipation. Le fret aérien, plus rapide, est par contre très coûteux financièrement, et écologiquement, ce qui pourrait à terme, affecter l’image de l’entreprise dans sa communication sur l’éco-efficience.

La solution choisie par EADS, avec ses bureaux de Country Sourcing, est le choix de hubs logistiques dans les ports principaux des pays où ont lieu le sourcing/offshoring. « Concernant la Chine, nous mettons en place un Logistic Center à Tianjin en s’appuyant sur des partenaires tels DHL , Kuehne Nagel. Il s’agit d’un hub par où transitent les flux de pièces Europe vers Chine / Chine vers Europe. » 55, alors que « L’idée est de produire près des clients, c’est le cas en Chine où sont assemblés des avions à partir d’éléments de structure eux-mêmes fabriqués en Chine (voilure, porte,…).

». Il y a bien des flux Europe-Chine, Chine- Europe, pour les pièces et sous-ensembles fabriqués pour des commandes autres que chinoises, mais il y a aussi tout un flux, conséquence de contrôles qualité qui s’opèrent en Europe, car les outils de contrôle : scanners, … s’y trouvent. Ce sont donc des sous-ensembles qui sont fabriqués en Chine, vont en Europe pour être contrôlés et/ou réparés, puis, pour certains, retournent en Chine pour y être assemblés au reste.

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Figure 22 Flux maritimes principaux liés à la création d’un Hub logistique à Tianjin.

55 Propos recueillis auprès d’Antoine Gaugler, cf. questionnaire en annexes.

Cette solution, même si gourmande en termes de flux de sous-ensembles semi-finis, permet avec le maritime et la centralisation des achats, mais aussi la redistribution des éléments destinés à d’autres pays clients, d’assurer le contrôle qualité à Toulouse, et de retourner des pièces certifiées, voire assemblées avec des éléments fabriqués en Europe, pour l’assemblage final, à un coût qui demeure moindre.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les contraintes technologiques liées à la centralisation des achats dans l’aéronautique ?

La centralisation vise la rationalisation des processus d’achats, mais sa mise en place d’un point de vue informatique est complexe, car elle nécessite une harmonisation étendue à l’ensemble du groupe et un partage exhaustif des informations.

Comment l’harmonisation des systèmes d’information peut-elle améliorer la gestion des achats ?

Une harmonisation des systèmes d’information permettrait aux lead buyers et directeurs d’achats d’avoir une vision générale des besoins de tout le groupe, facilitant ainsi la création d’un référencement standardisé et des commandes consolidées.

Pourquoi est-il important d’avoir un ERP étendu à tout le groupe pour la gestion des achats ?

Un ERP étendu à tout le groupe est crucial pour la gestion des achats, car il permet de mieux gérer les besoins en amont et d’atténuer les intérêts divergents des fournisseurs/sous-traitants.

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