La monétisation et performances économiques des États de la CEMAC révèlent des résultats surprenants : alors que le Cameroun bénéficie d’effets positifs à court terme, le Congo et le Gabon subissent des impacts négatifs. Cette étude propose des recommandations cruciales pour optimiser la gestion fiscale et assurer la stabilité politique.
B. Les Conséquences de la monétisation de la dette
Face à la monétisation, et au regard des traités européens, c’est surtout le risque d’une spirale inflationniste incontrôlable qui est redouté. C’est ce qu’exprimait par exemple Jens Weidmann en 2012 lorsqu’il était Président de la Bundesbank dans un discours se référant au mythe de Faust, de Goethe. La monétisation apparaîtrait comme une solution miracle et facile si bien que les gouvernements auraient la tentation d’y recourir toujours un peu plus, laissant se
répandre le poison de l’inflation. L’histoire monétaire suggère d’ailleurs que les périodes d’hyperinflation sont associées à la perte de contrôle des finances publiques et à un accroissement important de la masse monétaire qui se traduit par une perte de confiance dans la monnaie domestique et donc à son rejet. La valeur nominale des encaisses monétaires étant fixe, c’est leur valeur réelle qui s’effondre avec l’hyperinflation.
Le remède s’avèrerait in fine pire que le mal et conduirait inévitablement au manque de discipline budgétaire et à l’inflation. L’argument s’appuie sur ce que Sargent et Wallace (1981) qualifient « d’arithmétique monétariste déplaisante » selon laquelle la croissance des déficits budgétaires forcerait la Banque Centrale à financer ces déficits par création monétaire, ce qui se traduirait selon la théorie quantitative de la monnaie par une augmentation inévitable des prix.
La théorie quantitative de la monnaie résulte en effet d’une équation comptable indiquant que la quantité de monnaie (M) en circulation au cours d’une période, correspond à la valeur des transactions
(T) dont le prix moyen est (P) pour une vitesse de circulation donnée (V) dans l’économie. Soit, MV = PT. Cette relation devient une relation causale de la monnaie vers les prix dès lors que l’on suppose qu’il y a dichotomie entre la sphère réelle et la sphère monétaire et que la vitesse de circulation de la monnaie est stable.
L’absence d’inflation pourrait s’expliquer par la nature même du QE qui, comme souligné précédemment, ne crée pas de monnaie utilisable pour les transactions des agents non financiers, mais des réserves circulant entre les établissements de crédit uniquement. La différence entre réserve et monnaie prend donc tout son sens puisque la théorie quantitative fait le lien entre les prix et un agrégat monétaire, sous l’hypothèse que cette monnaie est utilisée dans le cadre de transactions sur le marché des biens et services. Dans une analyse des épisodes de forte inflation et d’hyperinflation, Fischer, Sahay et Végh (2002) confirment bien le lien avec la monnaie, au sens de M2, sans toutefois établir un lien de causalité allant de la monnaie vers l’inflation.
L’exemple du Japon est frappant à cet égard. Le pays étant confronté depuis la fin des années 1980 à la faiblesse de la croissance et de l’inflation, il a mis en œuvre, plus tôt que les autres, une politique d’assouplissement quantitatif sans pour autant que cela ne se traduise par une accélération de l’inflation qui reste structurellement basse.
La crainte de l’inflation résulte d’une croyance excessive dans la théorie quantitative de la monnaie. Les travaux empiriques suggèrent bien une relation au moins à long terme mais celle-ci est comptable. La question de la causalité est plus incertaine et il y a d’autres facteurs, au-delà de la monnaie, qui contribuent à l’inflation.
À nouveau, on peut constater que les politiques mises en œuvre par la Banque du
Japon se sont traduites par une forte croissance de la base monétaire et une proportion élevée de dette publique détenue par la Banque Centrale. Mais cette politique d’assouplissement quantitatif ne s’est reflétée ni dans la croissance de la masse monétaire ni dans l’inflation.
Graphique 03 : Croissance de la masse monétaire au Japon, 2019
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Source : Rapports Japanese Statistics Bureau, Banque du Japon
Ces éléments plaident pour une réorientation des politiques monétaires et pour la mise en œuvre d’une monétisation plutôt que d’une politique de réservation de la dette publique. Il en résulterait une hausse du PIB nominal, c’est-à-dire, soit une hausse de la croissance réelle soit une hausse de l’inflation. Plus de croissance serait favorable dans le contexte de la crise actuelle et plus d’inflation satisferait sans aucun doute les Banques Centrales. Bien que les périodes de forte inflation nuisent à la croissance, les coûts d’une inflation inférieure à deux chiffres sont probablement moins significatifs.
Même si, en principe, cela peut sembler une bonne mesure pour relancer l’économie, la monétisation de la dette peut avoir des conséquences indésirables. Il semble raisonnable que si un État a besoin d’argent pour investir dans des infrastructures, subventionner des entreprises ou payer des retraites, la Banque Centrale en question lui prête de l’argent. Après tout, si ce qui sert à acheter ce sont des billets, on pourrait penser que la solution est d’imprimer plus de billets. La réalité n’est pas si simple. L’inflation est l’une des conséquences les plus redoutées lors de
l’utilisation de ce type de mécanisme. L’État a besoin d’argent et va à la Banque Centrale. La Banque Centrale imprime plus de billets et les prête à l’État. Jusqu’ici, tout va bien. Si la Banque Centrale et l’État utilisent excessivement ce mécanisme, cela peut provoquer une hyperinflation. Avec autant de billets en circulation, l’argent perd de la valeur.
On peut se rappeler le cas du Zimbabwe où le transport du sac de billet nécessaire à l’acquisition d’une bouteille d’eau était devenu plus pénible que la bouteille en question. Un autre exemple très simple est l’or. L’or est cher car il y en a peu et il est cher à extraire.
Si un site immense et accessible est découvert demain, son prix baissera probablement. Une autre conséquence, en plus de l’inflation, est la perte de crédibilité. Si une Banque Centrale et un État utilisent de manière incontrôlée cette pratique, les investisseurs (craignant la perte de valeur de leur argent) échangeront leur monnaie contre une autre.
L’échange d’une devise contre une autre renforce la devise acquise et affaiblit la devise vendue. C’est ce qu’on appelle la dépréciation du taux de change.
De facto, on parle de monétisation des dépenses publiques quand une Banque Centrale détient de manière permanente à son actif, une créance sur un État, que celle-ci soit fictive ou non. Dans le cas du financement direct et sans contrepartie, la créance est fictive et permanente. Ce n’est a priori que dans ce cas que l’on peut parler d’une véritable monétisation des dépenses publiques.
Dans le cas du Quantitative Easing et des prêts directs aux États, la créance est bien réelle mais n’a pas vocation à figurer de manière permanente au bilan de la Banque Centrale. Si toutefois, pour une quelconque raison, les créances détenues par la Banque Centrale dans le cadre de ces deux types d’opérations revêtaient une dimension permanente, on pourrait alors parler de monétisation des dépenses publiques.
En détail, la Banque Centrale émet de la monnaie pour financer l’achat de la dette de l’État. L’État paie des intérêts à la Banque Centrale mais celle-ci lui retourne à la fin de l’année via la distribution des profits. La dette de l’État a donc au final été changée pour de la monnaie, le coût de cette dette dépend du coût de la monnaie (J.
Pinter, 2015).
Questions Fréquemment Posées
Quel est l’impact de la monétisation de la dépense publique sur l’inflation?
La monétisation de la dépense publique est redoutée pour le risque d’une spirale inflationniste incontrôlable, pouvant conduire à une perte de confiance dans la monnaie domestique.
Comment la monétisation affecte-t-elle les performances économiques des États de la CEMAC?
Les résultats montrent des effets variés de la monétisation sur la croissance économique, avec des impacts positifs à court terme pour le Cameroun et négatifs pour le Congo et le Gabon.
Quelles recommandations sont proposées pour améliorer la gestion de la politique fiscale en CEMAC?
Des recommandations sont proposées pour améliorer la gestion de la politique fiscale et renforcer la stabilité politique.