La monétisation des dépenses publiques révèle des effets contrastés sur les performances macroéconomiques des États de la CEMAC. Alors que le Cameroun en tire des bénéfices à court terme, le Congo et le Gabon font face à des défis significatifs, soulevant des questions cruciales pour la gestion fiscale régionale.
Test de causalité de Granger au sens de Toda-Yamamoto
Plusieurs critiques, à placer au passif des tests de causalité traditionnels (principalement celui de Granger), consacrent l’efficacité du test de causalité de Granger au sens de Toda et Yamamoto (1995). Rappelons que le test de Granger ne s’applique que sur des séries stationnaires, ce qui rend indispensable les tests préliminaires de cointégration des séries ou l’analyse de leur stationnarité avant de vérifier une éventuelle causalité entre elles.
Pourtant, les tests de racine unitaire sont moins efficaces sur des petits échantillons et ne sont pas toujours sans biais. Aussi, en procédant à la transformation des séries par la différence première, par souci de stationnarisation ou de cointégration, l’on obtient des bonnes propriétés statistiques tout en perdant de l’information sur le niveau des séries, laquelle information en niveau ne devrait pas être supprimée vu qu’elle est enrichissante pour expliquer la dynamique du modèle
étudié (séries). Il suit que, sur des petits échantillons, le test de cointégration de Johansen est sensible à certains paramètres de choix qui sont de nature à l’affaiblir : le lag ou décalage (risque d’estimer un VAR sous paramétré) et la présence (respectivement l’absence) de trend déterministe dans le VAR et/ou l’espace de cointégration (risque de perte en degré de liberté).
Ces paramètres créent des biais qui amènent souvent à rejeter l’hypothèse d’absence de cointégration (𝐻𝟎) alors qu’elle est vraie. Cette faiblesse des résultats de cointégration, couplée au caractère biaisé de tests de racine unitaire, réduisent l’efficacité du test de causalité de Granger et poussent Toda et Yamamoto (1995) à proposer des procédures non séquentielles pour tester la causalité entre séries.
Pour ces auteurs, les tests préliminaires de stationnarité et cointégration (procédures séquentielles de Granger) importent peu pour l’économiste qui doit se soucier à tester plutôt les restrictions théoriques (elles sécurisent l’information en niveau). Ces deux auteurs vont proposer d’estimer un VAR en niveau corrigé (sur-paramétré), devant servir de base au test de causalité, sous l’hypothèse d’une potentielle cointégration probable entre séries qu’ils intègrent dans le modèle sans l’étudier comme tel.
La procédure du test de causalité de Granger proposée par Toda et Yamamoto (1995) est la suivante :
- Trouver l’ordre d’intégration maximale des séries sous études (Dmax) par le biais des tests de stationnarité ;
- Déterminer le lag ou décalage optimal du VAR en niveau sous étude ou polynôme autorégressif (AR) en recourant aux critères d’information (AIC, SIC et HQ) ;
- Estimer un VAR en niveau augmenté d’ordre 𝐏 = 𝐤 + 𝐃𝐦𝐚𝐱.
Concernant l’estimation du VAR en niveau augmenté, les conditions de stationnarité des séries définiront le nombre de lag ou retards à ajouter au VAR. En fait, pour des séries stationnaires en niveau, aucun lag n’est ajouté au VAR (procédure de test standard) ; par contre, pour des séries I(1), l’on ajoutera un retard au VAR, ainsi de suite.
À titre illustratif, si l’on veut tester la causalité entre deux séries (PIBH, masmo) au sens de Toda et Yamamoto, l’on devra estimer le VAR augmenté comme suit :
𝐏𝐈𝐁𝐇𝐭 = 𝐚𝟎 + ∑𝐤 𝐚𝟏𝐢 𝐏𝐈𝐁𝐇𝐭−𝐢 + ∑𝐤+𝐃𝐦𝐚𝐱 𝐚𝟐𝐣 𝐏𝐈𝐁𝐇𝐭−𝐣 + ∑𝐤 𝛒𝟏𝐢 𝐦𝐚𝐬𝐦𝐨𝐭−𝐢 +
𝐢=𝟏
𝐣=𝐤+𝟏
𝐢=𝟏
𝐤+𝐃𝐦𝐚𝐱
∑ 𝛒𝟐𝐣
𝐣=𝐤+𝟏
𝐦𝐚𝐬𝐦𝐨𝐭−𝐣 + 𝐮𝟏𝐭
𝐦𝐚𝐬𝐦𝐨𝐭 = 𝐛𝟎 + ∑𝐤 𝐛𝟏𝐢 𝐦𝐚𝐬𝐦𝐨𝐭−𝐢 + ∑𝐤+𝐃𝐦𝐚𝐱 𝐚𝟐𝐣 𝐦𝐚𝐬𝐦𝐨𝐭−𝐣 + ∑𝐤 𝛛𝟏𝐢 𝐏𝐈𝐁𝐇𝐭−𝐢 +
𝐢=𝟏
𝐣=𝐤+𝟏
𝐢=𝟏
𝐤+𝐃𝐦𝐚𝐱
∑ 𝛛𝟐𝐣
𝐣=𝐤+𝟏
𝐏𝐈𝐁𝐇𝐭−𝐣 + 𝐮𝟏𝐭 (8)
Le test de causalité sur un tel VAR augmenté ou volontairement sur-paramétré va consister à tester des restrictions sur les « k » premiers coefficients, les autres paramètres étant nuls (ils traduisent une cointégration probable entre séries dans le VAR). Le test en question est basé sur la statistique W de Wald qui est distribuée suivant un degré de liberté tout en étant indépendante de l’ordre d’intégration des séries et de leur cointégration. Ainsi, au sens de Toda et Yamamoto, les hypothèses du test sont :
H0 = ρi1 = 0 ( X2 < X2 ; p − value > 5%) masmot ne cause pas PIBHt
c lu
H0 = 𝜕i1 = 0 ( X2 < X2 ; p − value > 5%) PIBHt ne cause pas masmot
c lu
Tests de diagnostique
Il s’agit d’un ensemble de tests permettant de vérifier la validité sur le plan statistique du modèle élaboré. Ainsi, dans le cadre de notre travail nous allons faire usage des cinq tests suivants :
- Le test de Breusch-Godfrey pour l’autocorrélation des erreurs ;
- Le test d’hétéroscédasticité de Breusch-Pagan-Godfrey et le test d’effet ARCH qui nous permettrons de vérifier si l’hypothèse d’homoscédasticité n’est pas violée c’est-à-dire, la variance n’est pas fonction du temps ;
- Le test de spécification de Ramsey (Fisher), pour conclure sur la qualité de spécification de notre modèle ;
- Le test de normalité de Jarque-Berra pour s’assurer que les erreurs suivent bien une loi normale ;
- Le tests CUSUM et CUSUM6 de Brown et al. (1975), fondé sur la somme des résidus nous permettront de conclure sur la stabilité du modèle.
Présentation des données
Les données d’un travail constituent un élément primordial à la validité des résultats. Pour assurer de leurs crédibilités, nous proposons dans cette section de présenter leurs sources (1), mais aussi leurs natures (2).
Sources des données
Dans le cadre de nos estimations, les données secondaires qui font l’objet d’étude sont annuelles. Plusieurs sources ont ainsi été exploitées pour construire notre base de données. Les bases des données ou rapports de la Banque mondiale (WDI) constituent le point de départ pour les principaux agrégats à savoir, l’inflation, le PIB par habitant, la population active, les dépenses publiques et le taux de chômage. Les données sur la masse monétaire ont été
recueillies dans les rapports de la BEAC. Pour la variable ‘’revenus fiscaux’’, il s’agit des données issues des travaux de l’économiste senior du département des finances-FMI, Mario MANSOUR, dans son article intitulé : une base de données sur les recettes fiscales en Afrique sub-saharienne, 1980-2010. L’auteur indique avoir constitué ces données par le biais des SFP du FMI. Ces données annuelles sur les revenus fiscaux ont été complétées par celles de la WDI. Notre série couvrent ainsi la période allant de 1989 à 2018, période avant la crise sanitaire covid-19.
Nature des données
Dans cette sous-section, nous présentons la codification de nos variables ainsi que les différents signes attendus par ces dernières.
La masse monétaire :
Elle est la quantité de monnaie en circulation dans une économie et, est constituée d’espèces aux mains du public et des dépôts pouvant être utilisés de la même manière que les espèces. La possibilité d’une activité économique nécessite un besoin d’argent. Les économistes essaient ainsi de déterminer quelle est la quantité appropriée de masse monétaire qu’une économie devrait avoir. Car, un excès peut causer assez d’inflation et une pénurie pourrait rendre difficiles les transactions. Pour les neo-chartalistes, il est nécessaire de financer le budget d’un État en créant de la monnaie. Pour ces derniers, la masse monétaire n’ait pas source d’inflation pour une économie n’ayant pas encore atteint le plein emploi. Donc, nous attendons un signe positif pour cette variable.
L’Inflation :
Le taux d’inflation dans les pays de CEMAC entretient des relations ambivalentes avec le taux de croissance. En effet, la part non négligeable de la production agricole dans la composition de l’offre globale dans les pays sub-sahariens et l’impact déflationniste sur les biens alimentaires généralement exercé par une bonne campagne agricole, justifient l’hypothèse de l’existence d’une relation inverse entre l’offre globale et l’inflation.
Néanmoins l’accroissement du taux d’inflation peut également traduire le résultat d’un « effet demande » au sein de l’économie. En ce sens, une inflation élevée peut être le signe d’une économie en croissance, suivant en cela l’optique keynésienne, illustrée par la courbe de Phillips. Au total, le signe attendu de cette variable est indéterminé.
Certaines études empiriques ont mis en évidence l’existence d’un effet de seuil. Ainsi, dans son article, Idriss Hakik en 2021 a montré dans le cas du Maroc que, l’inflation exerce un effet négatif sur le PIB lorsqu’elle est supérieure à
4.5 %.
Le Taux de chômage :
En tant que l’une des variables les plus connues des mesures du marché du travail, le taux de chômage reflète l’incapacité d’une économie à créer suffisamment d’emploi pour tous ceux qui veulent travailler, mais n’ont pas d’emploi, bien qu’ils soient disponibles pour travailler et rechercher un emploi. Dans le cadre de notre travail, le signe attendu de cette variable est négatif.
Les Revenus fiscaux :
Ils peuvent être définis comme toute contribution légale que chaque citoyen apporte au développement de son pays en contrepartie de l’épanouissement individuel et collectif que celui-ci apporte (P. ALAKA). Se référant à la théorie monétaire moderne, particulièrement des travaux de R. Wray, leur principale fonction est de retirer l’excédent de liquidité en circulation dans une économie. De part ce rôle, nous attendons voir une relation négative entre PIB/H et les revenus fiscaux.
Les Dépenses publiques :
Du fait de la richesse et de la diversité des résultats empiriques relatifs à l’impact des dépenses publiques sur la croissance, il paraît difficile de se prononcer a priori sur le signe attendu d’une telle relation dans le cadre de la CEMAC.
Population active :
La quantité de travail fournie dans une économie est proportionnelle à la population active. Cette dernière est supposée influer positivement sur la production, avec un effet de seuil, du fait des rendements marginaux décroissants (Kako, 2007). Il est important de noter que cette population comprend celle ayant un emploi mais aussi les chômeurs (Insee, 2016). Le tableau ci-dessous renseigne alors sur les variables utilisées.
Tableau 04 : Variables et signes attendus
variables | descriptions | Signe attendu |
PIB/H | Produit intérieur brute par tête exprimé en unité de devise locale courante. | |
masmo | Masse monétaire (monnaie locale actuelle) | (+) |
infl | Inflation, prix à la consommation (% annuel) | ? |
pactiv | Population active, total | (+) |
rev-fisc | Revenus fiscaux (unités de devises locales courantes) | (-) |
dpub | Dépenses de consommation finale des administrations publiques (en unités de devises locales constantes) | ? |
tx-chomage | Chômage, total (% de la population) (estimation modélisée OIT) | (-) |
Source : Auteur (Fondé sur la théorie)
La revue de littérature empirique montre des résultats assez mitigés sur la relation entre création monétaire d’une part et croissance économiques, inflation et taux de chômage d’autre part. De même, l’inflation et le taux de chômage affectent positivement la croissance économique pour certains alors que d’autres trouvent un lien négatif. Ces résultats diffèrent en fonction des échantillons et modèles économétriques exploités mais aussi en fonction des caractéristiques des pays sous étude (pays industrialisés et pays en développement).
La méthodologie adoptée pour le cadre de notre travail nécessite en principe cinq étapes à respecter toutes importante les unes des autres (La détermination du nombre de retard optimal ; L’étude de la stationnarité ; Le test de Cointégration aux bornes ; Le test de causalité et les tests de diagnostic).
Cette approche méthodologique sera ainsi appliquée sur des données issues de trois sources différentes dont la WDI, la BEAC et SFP (FMI). Les signes attendus de ces variables sont positifs pour certaines variables, négatifs et même indéterminés pour d’autres. Le prochain chapitre va ainsi présenter les résultats obtenus ainsi que leur analyse.
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que le test de causalité de Granger au sens de Toda-Yamamoto?
Le test de causalité de Granger au sens de Toda et Yamamoto (1995) est une méthode qui permet de tester la causalité entre des séries temporelles, en intégrant des procédures non séquentielles qui ne nécessitent pas de tests préliminaires de stationnarité et de cointégration.
Pourquoi le test de Granger nécessite-t-il des séries stationnaires?
Le test de Granger ne s’applique que sur des séries stationnaires, ce qui rend indispensable les tests préliminaires de cointégration des séries ou l’analyse de leur stationnarité avant de vérifier une éventuelle causalité entre elles.
Comment estimer un VAR en niveau corrigé pour le test de causalité de Granger?
Pour estimer un VAR en niveau corrigé, il faut trouver l’ordre d’intégration maximale des séries, déterminer le lag optimal du VAR en utilisant des critères d’information, et estimer un VAR en niveau augmenté d’ordre P = k + Dmax.
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que le test de causalité de Granger au sens de Toda-Yamamoto?
Le test de causalité de Granger au sens de Toda et Yamamoto est une procédure qui permet de tester la causalité entre des séries temporelles sans nécessiter de tests préliminaires de stationnarité et de cointégration.
Pourquoi le test de Granger traditionnel peut-il être inefficace?
Le test de Granger traditionnel ne s’applique que sur des séries stationnaires, ce qui rend indispensable les tests préliminaires de cointégration des séries ou l’analyse de leur stationnarité.
Comment estimer un VAR en niveau corrigé selon Toda et Yamamoto?
Pour estimer un VAR en niveau corrigé, il faut trouver l’ordre d’intégration maximale des séries, déterminer le lag optimal du VAR, puis estimer un VAR en niveau augmenté d’ordre P = k + Dmax.