La méthodologie de communication interculturelle révèle des mécanismes de défense insoupçonnés dans le contexte congolais. En combinant des approches qualitatives et quantitatives, cette recherche offre des perspectives novatrices sur les dynamiques socioculturelles, essentielles pour comprendre les interactions multiculturelles.
- Communications généralisées et contextualités situationnelles de la « formation réactionnelle »
- Description de cas
- Communications généralisées et contextualités situationnelles de la « formation réactionnelle »
Pour comprendre la manière dont les acteurs sociaux congolais produisent la « formation réactionnelle » dans un contexte multiculturel, les sujets enquêtés ont été invités à tour de rôle à discuter autour du thème ci-après : « Suite aux influences qui sont exercées sur vous par les ressortissants d’autres provinces, vous avez adopté certains comportements spécifiques pour vous protéger et conserver votre patrimoine culturel ».
Les données recueillies de ces échanges peuvent être résumées comme suit439 :
- Bandundu : Conscient de notre état de pauvreté, la majorité de familles a fréquemment (souvent) commencé à encourager ses enfants à étudier. C’est ainsi qu’actuellement nous avons beaucoup d’étudiants dans la plupart des universités de la capitale, même chez nous.
- Bas-Congo : Quelquefois, le Mukongo n’accepte pas qu’il soit maté. Les nombreuses frustrations ressenties, entre autres la non représentativité de ses ressortissants dans les institutions du pays, les massacres des adeptes de Bundu dia Kongo, tout cela a amené le Mukongo à être très réservé face aux autres. Pour preuve, lors des élections de 2006 et 2011, le Bas-Congo a été présenté comme la province de l’opposition.
439Données recueillies lors des entretiens avec les étudiants des premières années de graduat (A et B) de l’IFASIC, du 09 au 30 avril 2013.
- Equateur : Nous nous sentons inférieurs à d’autres provinces parce que la nôtre est sous-développée. Pour contourner ce sous-développement, notre peuple a très souvent tendance à se lancer dans des activités génératrices de revenu comme le commerce, la pêche et la chasse.
- Kasaï Occidental : Souvent, notre peuple ne supporte pas qu’il soit dominé, il finit toujours par réagir. Lors des propagandes électorales en 2011, pendant que les Luba attendaient l’arrivée de leur leader charismatique, Tshisekedi wa Mulumba440, Adolphe Muzitu441 était passé également pour mener des actions politiques au profit de son candidat à la présidentielle, Monsieur Kabila Kabange442 ; son arrivée était appréciée par le peuple Pende. Les Luba n’ont pas apprécié les comportements de leurs voisins qu’ils qualifiaient de haute trahison. Cette situation conflictuelle a débouché sur des bagarres entre les deux peuples.
- Kasaï Oriental : Nous aimons vivre avec les autres culturels, mais nous n’acceptons pas
souvent être dominés chez nous.
- Katanga : Très souvent, la présence de tout étranger est perçue comme l’avènement de quelqu’un qui vient chercher l’emploi pour gagner la vie au détriment des autochtones. Leurs prouesses sont mal jugées, de ce fait, ils s’adonnent à n’importe quel emploi (vendeur de magasin, marchand ambulant, agent auxiliaire), l’essentiel est de gagner de l’argent.
En revanche, les Katangais cherchent à occuper des postes de cadres, malgré leur rareté. Ceci engendre donc des conflits contre des étrangers parce que, malgré tout, ils réussissent quand même leur vie. C’est ce qui amène les Katangais à être tribalistes. Le Katanga est la province la plus tribale de la RDC.
- Kinshasa : Conscient du recul que nous prenons face aux nouveaux venus, petit à petit (quelquefois) les Kinois ont commencé à émerger dans différents domaines : les études, l’art musical, les loisirs et la politique. Ces derniers temps, les Kinois commencent à réclamer le gouvernorat de leur province.
- Maniema : Souvent, il nous arrive d’organiser à Kinshasa même des rencontres des ressortissants de notre province en vue de consolider nos liens et de conserver notre identité afin d’éviter d’être fragilisés par les influences des autres.
- Nord-Kivu : Souvent, les parents commencent à encourager leurs enfants à bien étudier pour faire face à la culture de la violence importée auprès des nilotiques.
440Président du parti politique nommé Union pour la Démocratie et le Progrès social « UDPS ».
441Ancien ministre du gouvernement congolais de 2006 à 2011.
442Actuel Président de la République Démocratique du Congo (RDC).
- Province Orientale : Malgré notre sympathie à l’égard de tous, nous n’acceptons pas que le poste de gouverneur soit occupé par un étranger, Sauf celui de Vice-gouverneur. Les autres peuvent occuper ce poste à l’exception des originaires du Nord Kivu parce qu’ils corrompent les Nande pour créer des conflits avec les autres terriens (Lendu, Ngitu, Hema, et Gegere).
- Sud-Kivu, Très souvent, il nous arrive de refuser que l’étranger bénéficie des mêmes avantages qu’un autochtone. L’étranger restera étranger, il faut donc garder une distance et une méfiance vis-à-vis de lui.
Toutes ces données sont analysées en termes d’éléments communicationnels (généralisés et contextuels) dans le paragraphe qui suit en fonction de « tableau panoramique de dépouillement » (voir le tableau n°08) et de la « grille d’analyse » (voir tableau n°09).
- Analyse des éléments communicationnels (généralisés et contextuels)
Il s’agit ici de dégager les éléments de la communication généralisée et de la contextualité situationnelle à partir des discours (réactions) des sujets enquêtés décrits ci-haut. Le tableau panoramique n°21 résume les éléments de cette analyse.
Tableau n°21 :
Tableau panoramique du mécanisme de formation réactionnelle
Tableau panoramique du mécanisme de formation réactionnelle | |
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Province | Type de formation réactionnelle |
Bandundu | Positive – encouragement des études |
Bas-Congo | Négative – réserve et méfiance |
Equateur | Positive – activités génératrices de revenus |
Kasaï Occidental | Négative – réaction contre la domination |
Kasaï Oriental | Négative – refus de domination |
Katanga | Négative – tribalisme et conflits |
Kinshasa | Positive – émergence dans divers domaines |
Maniema | Négative – consolidation identitaire |
Nord-Kivu | Négative – encouragement des études face à la violence |
Province Orientale | Négative – restriction des postes de gouverneur |
Sud-Kivu | Négative – méfiance envers les étrangers |
Dans le tableau n°21, nous pouvons tirer les conclusions suivantes :
- En général, toutes les provinces pratiquent la « formation réactionnelle » : certaines provinces le font négativement d’autres positivement ;
- Huit provinces (Bas-Congo, Kasaï Occidental, Kasaï Oriental, Katanga, Maniema, Nord- Kivu, Province Orientale et Sud-Kivu), soit 73 % de cas, véhiculent des valeurs négatives à l’égard d’autres culturels, notamment le sentiment de rejet des autres, la méfiance, la tendance égocentrique et l’altruiste ;
- Trois provinces (Bandundu, Kinshasa et Equateur), soit 27 % de cas, ont véhiculé des valeurs positives à l’égard d’autres culturels comme le sentiment d’acceptation d’autres culturels, la confiance et l’altruisme (tendance grégaire).
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439 Données recueillies lors des entretiens avec les étudiants des premières années de graduat (A et B) de l’IFASIC, du 09 au 30 avril 2013. ↑
440 Président du parti politique nommé Union pour la Démocratie et le Progrès social « UDPS ». ↑
441 Ancien ministre du gouvernement congolais de 2006 à 2011. ↑
442 Actuel Président de la République Démocratique du Congo (RDC). ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les comportements adoptés par les Congolais pour se protéger culturellement?
Les Congolais adoptent des comportements spécifiques pour se protéger et conserver leur patrimoine culturel, comme encourager l’éducation de leurs enfants ou organiser des rencontres pour consolider leurs liens.
Comment la province du Bas-Congo réagit-elle face aux influences extérieures?
Le Mukongo, conscient des frustrations et de la non-représentativité de ses ressortissants, devient très réservé face aux autres, comme en témoigne son comportement lors des élections de 2006 et 2011.
Quelles sont les perceptions des Katangais envers les étrangers?
Les Katangais perçoivent souvent la présence d’étrangers comme une menace pour l’emploi des autochtones, ce qui engendre des conflits et un sentiment tribaliste.