Comment la méthodologie éclaire l’impact de l’AFD en Afrique ?

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🏫 Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Faculté des Lettres et Sciences Humaines (FLSH) - Département d'Histoire
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2021-2022
🎓 Auteur·trice·s
Pape Youssou Seck
Pape Youssou Seck

La méthodologie de recherche historique révèle des dynamiques inattendues dans les relations franco-africaines. En explorant l’évolution de l’Agence Française de Développement, cet article met en lumière des enjeux politiques et économiques cruciaux, redéfinissant notre compréhension de l’influence française en Afrique.


Ancienne puissance coloniale, la France est un bailleur de fonds influent dans la gouvernance globale de l’aide. Ses institutions ont connu des évolutions complexes depuis les premiers pas de mise en valeur coloniale jusqu’aux réformes les plus récentes. L’analyse faite sur l’histoire des relations économiques et financières entre la France et son empire colonies présente cette ancienne métropole comme une puissance qui exploite et qui impose son influence dans ses territoires d’Afrique noire.

Ainsi dans nos recherches historiques pour notre mémoire de Maitrise, nous avons découvert l’Agence française de développement (A.F.D.), réputée pour être un organe pivot de la politique française de coopération, mais comme notre sujet porte sur la politique africaine de la France, de la période coloniale et postcoloniale, nous avons étudié tout ce qui touchait à la dimension politique et surtout économique de l’Agence.

La rédaction de ce travail intervient dans un contexte marqué par plus d’un demi-siècle de débats en sciences sociales et humaines autour de la coopération au développement en général, et de l’efficacité de l’aide publique de la France en Afrique en particulier. En rapport avec notre sujet de mémoire de Master II d’Histoire des Relations Internationale et Stratégiques (H.R.I.S.) déjà campé sur l’A.F.D et les rapports franco-africains, l’on peut subdiviser la pensée de façon chronologique, en partant de la période coloniale, précisément de l’année 1941, date de création de l’A.F.D. en tant que Caisse centrale de la France Libre (C.C.F.L.), jusqu’aux années 2000 qui scandent ainsi les débats autour de la possibilité ou non qu’à l’aide publique de la France a suscité le développement en Afrique.

C’est ainsi que nous sommes lancés résolument dans la recherche pour comprendre les motivations profondes qui ont poussées l’administration coloniale à asseoir l’Agence française de développement, connue à l’époque de sa création d’abord sous le nom de Caisse centrale de France Libre (C.C.F.L.), ensuite Caisse centrale de la France d’Outre-mer (C.C.F.O.M.) en 1944 puis Caisse centrale de coopération économique car (C.C.C.E.) à la veille de a décolonisation (1958) et Caisse française de développement en 1992, avant de devenir Agence en 1998. Car pour la première fois dans l’histoire coloniale, une « volonté politique réelle » fut décelée dans une institution dont les financements venaient directement de la métropole.

Si d’aucuns considèrent l’action coloniale comme un mécanisme de bienfaisance dans ses méthodes d’exploitation et d’administration pour l’ensemble des populations africaines, bien d’autres la présente comme un facteur de progrès dont les résultats ont été obscurcis par le racisme, les crimes et les injustices. En pensant pour sa part que « le fait coloniale devient partie intégrante du marché mondiale et que la colonisation est désormais un fait économique »1, Catherine COQUERY-VIDROVITCH considère que l’empire n’est plus la chasse gardée quelque peu négligée par la France car selon elle les hommes politiques prennent l’habitude de raisonner à l’échelle de la plus « grande France » comme un tout dont l’ensemble des parties doit accéder au niveau des préoccupations et du marché mondial. L’A.F.D. ou la Caisse centrale selon son appellation d’origine répondait-elle à toutes ces sollicitations d’austérité quant à la restauration de l’honneur des africains grâce à une fidélité sans cesse renouvelée à côté de la France2 par le financement colonial du développement économique et social des territoires ?

Sous ce rapport, le général de Gaulle, à son arrive au pouvoir avec ses proches issu de la « Résistance » met en œuvre une nouvelle politique marquée par la reconstruction, la modernisation et la croissance, une politique qui se révèle pleinement dans les colonies, notamment africaines d’expression française.

Méthodologie de recherche historique sur l'AFD en Afrique

D’une manière générale, c’est dans le cadre des projets de modernisation des colonies pour des besoins de ressources pour son développement économique et financier et pour le bien-être des populations coloniales que la France a mis en place des institutions qui vont connaitre des évolutions complexes depuis les premiers pas de mise en valeur coloniale jusqu’aux réformes les plus récentes.

C’est dans cette perspective que fut créée, en décembre 1941 à Londres la Caisse Centrale de la France Libre (C.C.F.L.) par une ordonnance du général de Gaulle, pour « remplir durant les années de guerre les fonctions de Trésor et de Banque centrale »3. Avec la C.C.F.L., c’est la formulation de la politique de reconstruction de l’Outre-mer ainsi que la constitution des institutions financières de mise en œuvre de cette politique, tout en conservant le privilège de l’émission avec les Domines d’outre-mer (D.O.M.) y compris l’Algérie, et les Territoire d’outre-mer (T.O.T.M.) dont l’Afrique Occidentale et l’Afrique Centrale et Equatoriale.

En 1944, lorsqu’elle fut dénommé Caisse centrale de la France d’Outre-mer (C.C.F.O.M.), sa compétence s’étendit au développement, qui constitua depuis lors sa principale raison d’être. Ce changement de dénomination et d’activité s’inspira de la « mise en valeur coloniale », pensée dans les années 1920 par Albert Sarraut. En effet, en 1921, la France s’engageait des réflexions et concevait des plans pour la « mise en valeur des colonies ». Dans cette logique, Albert Sarraut élaborait un programme d’investissement qui donna lieu une loi « portant fixation d’un programme général de mis en valeur des colonies »4. C’était donc une manière pour la France de changer d’échelle et de doctrine dans l’exploitation5 des ressources des colonies, « de passer d’un pacte colonial de dépendance étroite à une mise en valeur en association étroite avec les populations en les faisant participer au progrès scientifique et économique »6.

Mais cette idéologie ne trouve sa réalisation que dix voire quinze ans plus tard lorsqu’elle est reprise dans un contexte bien différent, suite à la seconde guerre mondiale7. C’est en effet au lendemain de la Libération que les forces sociales qui s’étaient réunies dans la résistance avec le général de Gaulle élaborèrent, afin de relever l’économie française ruinée par la guerre, un plan de développement dit « Plan Monnet »8.

De nouvelles orientations furent notées avec une loi du 30 avril 19469 relative aux territoires d’Outre-mer. Inspirée par André Postel-Vinay10, cette loi porte sur la modernisation des colonies et prévoit l’établissement de plans de développement économique et social portant sur une période de dix années. Elle établit le Fonds d’investissement pour le développement économique et social des territoires d’outre-mer (F.I.D.E.S.), destiné à distribuer des dons financés sur le budget de l’Etat français.

Cette nouvelle posture devrait se fonder sur trois paramètres à savoir le statut de l’Union française, la situation internationale et les réalités internes aux territoires11. En des termes plus clairs, la France devrait combler son retard dans la recherche scientifique et technique afin de fortifier une présence pérenne sur tous les territoires de l’Union française tout en y assurant ses « fonctions régaliennes » en satisfaisant ainsi une « conscience internationale » sans cesse en alerte par rapport aux idéaux d’émancipation et d’indépendance fortement en vogue durant cette période. Il faut préciser que la loi du 30 avril 1946 trouve son origine dans plusieurs projets coloniaux dont le plus marquant fut la Conférence de Brazzaville de 194412.

Lors de cette conférence, le général de Gaulle partage une vision qui deviendra consensuelle après la seconde guerre mondiale, celle d’une prospérité continue, tant en France que dans les colonies du fait de la forte contribution de ces dernières à la libération de la France. Cette conférence marque la consécration d’une croyance dans le développement des économies africaines et donne une nouvelle impulsion à la Caisse centrale qui, par un changement de dénomination, devenant C.C.F.O.M., ambrasse l’Outre-mer et se voit charger de répondre aux besoins de colonies. C’est ainsi que la loi du 30 avril, en mettant sur pieds les organes en charge de l’organisation coloniale, donne corps au discours du général de Gaulle lors de la conférence et octroie une place privilégiée aux colonies d’Afrique.

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1 COQUERY-VIDROVITCH Catherine, Colonisation ou impérialisme : la politique africaine de la France entre les deux guerres, Le Monde social, n°107, juin 1979, p.54.

2 Participation massive des africains à la victoire de la France de 1918 et à la libération de cette même France sous l’occupation Nazie et durant la deuxième guerre mondiale de 1939-1945.

3 Caisse française de développement, Caisse centrale de coopération économique : 30 ans au service du développement : 1946-1976, Paris Imprimerie Nationale, 1976, p.9.

4 SARRAUT Albert, La mise en valeur des colonies françaises, Paris Payot, 1923, p.23.

5 A.N.S., 17G-561, versement 17, Correspondance relative au programme de mise en valeur des colonies, janvier-septembre 1922. Albert SARRAUT est né, le 28 juillet 1872 à Bordeaux, et a été ministre des colonies. Sa doctrine se résume dans la mise en valeur des colonies comme celle de la colonisation économique qui doit justifier le souci de l’administration coloniale envers les populations locales.

6PACQUEMENT François, Le système d’aide au développement de la France et du Royaume-Uni : point de repère sur cinquante ans d’évolution depuis la décolonisation, Dans Revue Evolution des politiques de développement, 2010, p.63.

7 LICKERT Victoria, La loi de 1946 : de la conférence de Brazzaville à la naissance du dispositif français de coopération, Dans 75 ans au service du développement : l’Agence française de développement des origines à nos jours, sous la direction de PACQUEMENT François, Editions AFD, Paris, septembre 2017 p.27.

8 Le Plan Monnet a été proposé après la seconde guerre mondiale par le fonctionnaire français Jean Monnet alors ministre de l’économie nationale français dans le gouvernement provisoire. En effet, dans l’immédiat après-guerre, l’idée de planifier l’économie française est devenue une nécessité afin de permettre à la France de moderniser ses structures économiques. L’artisan de la planification en France est Jean Monnet qui avait réussi à convaincre le général de Gaulle de la nécessité d’établir un plan pour permettre la reconstruction et la modernisation de la France.

9 Il s’agit de la loi n°46-860 du 30 avril 1946 tendant à l’établissement, au financement et à l’exécution de plans d’équipement et de développement des territoires relevant du ministère de la France d’Outre-mer.

10 POSTEL VINAY André, servait pendant la seconde guerre mondiale comme lieutenant au 70e Régiment d’artillerie de forteresse. Dès novembre 1940, il entre dans la Résistance, dont il devient l’un des organisateurs dans la région parisienne. Après la seconde guerre mondiale, il est nommé directeur général de la Caisse centrale de la France d’Outre-mer jusqu’en 1972.

11 Cette nouvelle posture devrait se fonder sur trois paramètres à savoir le statut de l’Union française, la situation internationale et les réalités internes aux territoires.

12 La loi du 30 avril 1946 trouve son origine dans plusieurs projets coloniaux dont le plus marquant fut la Conférence de Brazzaville de 1944.


Questions Fréquemment Posées

Quelle est l’histoire de l’Agence Française de Développement (AFD) ?

L’Agence Française de Développement a été créée en 1941 sous le nom de Caisse centrale de la France Libre et a évolué à travers plusieurs appellations jusqu’à devenir AFD en 1998.

Quel est le rôle de l’AFD dans les relations franco-africaines ?

L’AFD est considérée comme un organe pivot de la politique française de coopération, jouant un rôle clé dans le développement économique et social des territoires africains francophones.

Comment l’AFD a-t-elle évolué depuis sa création ?

L’AFD a connu plusieurs transformations, passant de la Caisse centrale de la France Libre à la Caisse française de développement, et s’est adaptée aux contextes coloniaux et postcoloniaux.

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