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Comment la méthodologie révèle l’impact des photographies en Haïti (1915-1920) ?

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🏫 Université d'Etat d'Haïti - Institut d'Etudes et de Recherches Africaines d'Haïti IERAH/ISERSS
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Licence - 2015
🎓 Auteur·trice·s
Assédius BELIZAIRE
Assédius BELIZAIRE

La méthodologie de l’analyse photographique révèle comment des images emblématiques de l’occupation américaine d’Haïti (1915-1920) transcendent leur fonction documentaire. En examinant les codes vestimentaires et les postures, cette étude offre une compréhension critique des représentations sociopolitiques de l’époque, suscitant un intérêt croissant pour ce sujet.


REPRESENTATION DES CHEFS CACOS ASSASSINES

      1. Mise en exposition du corps de Charlemagne Péralte et La tête de Benoit Batraville coupée

La première photo est le cadavre de Charlemagne Peralte exposé dans la cour du caserne du Cap-Haitien quelque heures après l’avoir assassiné à la Grande – Rivière du Nord dans la nuit du 31 Octobre au 1er Novembre 1919261. La seconde est la tête de Benoit Batraville coupée, exposé sur le dos d’un animal (soit un âne), en circulation dans la ville de Mirebalais entourée des gendarmes.

Ce sont deux photos en noir et blanc, qui peuvent utiliser pour le reportage des actes de répression sanglante des Marines états-uniennes sur la paysannerie haïtienne. La première a été prise par Major Mead le 1er novembre 1919, nous l’attribuons le titre d’Assassinat de Charlemagne Péralte. Nous ne retraçons pas encore le photographe qui a pris la photo de la tête de Benoit Batraville. La photo d’assassinat de C. Peralte, ainsi que des articles liés, ont été diffusés sur des pages web comme: Bassin Zim, Démocratie à la base : l’histoire de la culture politique d’Haïti et Charlemagne Peralte ; sur les sites Internet Haïti – Renouveau en 2004, Fokal en Janvier 2014 et sur Wikipédia, puis d’autres articles262.

Le cadavre sur une porte, ceinture enveloppée, une corde traversant l’estomac du corps de Peralte l’attache sur la porte, son drapeau haïtien sous sa tête, en exhibition pour exprimer les puissances

261 Gaillard Roger, Ibid, P. 338; www.hatirenouveau.com/BASINZIM.html; Revue REPÈRES, Bibliothèque Nationale d’Haïti (BNE), 2015 ; Photo d’archive : Frantz Voltaire

262 https://moycorner.wordpress.com/2013/11/22/il-sappelait-francois-borgia-charlemagne-peralte-4e-partie/

de l’occupant à assassiner nos compatriotes, sans doute surveillés par des marines dans un espace sécurisé, caserne du Cap-Haitien. Les thèmes assassinat, tuerie, massacre, rapports occupé/occupant attirent notre attention.

La première image montre le cadavre allongé sur une porte, une code passant sous ses aisselles l’attache sur la porte, ceinture enveloppée, drapeau haïtien sous sa tête, en exhibition dans la cour de l’arsenal au Cap, a soulevé une vague de colère, de révolte à travers le pays et le « monde entier », surtout ceux qui sont victime de l’occupation états-unienne.

La seconde montre quatre gendarmes qui entourent la tête de Bénoit Batraville qui semble-t-il s’est trouvée sur le dos d’un âne sellé. Selon la légende, on fait le tour de la ville de Mirebalais avec la tête de ce leader, grand stratège. Et ceci, au lieu de soulever plus de colère chez toute la population haïtienne contre l’occupant, ces assassinats développent un sentiment de peur chez les haïtiens à l’époque.

Et bon nombre de Cacos vont déposer les armes et disent adieux au mouvement de résistance si courageux contre l’occupant. L’image est choquante par différents procédés: la posture du cadavre, sur une porte en l’attachant avec une corde, tout un sauf sa ceinture qui est enveloppée ; les accessoires qui caractérisent l’état d’assassinat, de tuerie, des Cacos et le dépouillement du décor accentuent l’effet de choc, d’injustice.

Les images sont réaliste, riche en significations mais polysémique. La légende qui les accompagne nous aide à réduire cette polysémie et contextualise les images. Sans la légende, nous ne pouvons pas savoir où les actions se sont passées, à quelle époque et la problématique soulevée. L’ancrage linguistique complète l’information transmise par les photos et donne des repères sur certains éléments narratifs dans l’image: les sujets impliqués et le contexte meurtrier prémédité. Le taux d’iconicité du sujet de l’information est élevé, car les images permettent aux lecteurs de reconnaître, d’identifier puis de comprendre ce qui se passe pour ces chefs des Cacos, comme échantillon des Cacos assassinés et le rapport de force inéquitable.

Les lignes horizontales dominent la première photo, pourtant les lignes obliques dominent la seconde. La lecture de la photo que nous proposons se fait en suivant un parcours en Z (le titre, les images et la légende).

La première image est cadrée à l’horizontale et les éléments qui la composent sont organisés en un palier: le cadavre en avant-plan. Le photographe est placé à droite par rapport à la scène photographiée; l’angle de prise de vue est en légère contre-plongée, ce qui produit un certain effet de puissance du sujet, surtout il était le suprême « bandit » en état de supériorité même quand son cadavre est exposé.

Pourtant, la seconde est cadrée à la verticale et les composantes sont organisées en deux paliers : la tête de Benoit Batraville au premier plan, les gendarmes au second plan. Le photographe est plutôt placé à gauche par rapport à la scène ; l’ange de prise de vue est en légère plongée, ce qui produit un effet d’écrasement du sujet, c’est peut-être pour montrer définitivement que les cacos sont impuissants.

Les photos sont réalistes et objective, elles ont une fonction notionnelle, celle de reportage. Les images permettent de faire une première référence aux révolutionnaires nationalistes, chefs du mouvement caco en Haïti à cause du cadavre exposé, du drapeau sous sa tête, la corde qui l’attache sur une porte ; de la tête qu’on a coupé. D’une part, en attachant le corps dans un mur de l’Arsenal, le grand public en a accès que sous permission et le traitement du cadavre renvoient à la réalité des tueries, des assassinats que subissent les Cacos. D’autre part, en promenant avec la tête d’un être humain, fraichement coupée, le public vit les scènes d’assassinat gratuit.

L’image d’un chef Caco assassiné immobilisé sur une porte, tout son corps est lié à sur une porte, ceinture enveloppé ; dès que les Gendarmes présentent au public la tête d’un grand stratège coupée, un chef d’orchestre, ceux-là suggèrent à la fois l’humiliation, le danger et l’avertissement. Les photos étonnent le spectateur et l’émeut par la mise en situation inattendue et le rapport de force démesuré.

Les formats du cadavre et d’une tête coupée respectivement à l’avant-plan créent l’effet d’une netteté à travers laquelle le spectateur/lecteur regarde, examine, découvre une réalité… Les photos jouent le rôle ici de preuve, elles sont descriptives: elles montrent le cadavre attaché sur une porte, vraiment dans un environnement clos car c’est la cour d’un arsenal puis une tête fraichement coupée entourée de gendarmes, en circulation; aussi vont-elles témoigner des milliers d’assassinats, de conditions de tueries de sujets Cacos par des marines.

L’effet d’opposition est bien mis en évidence, d’un côté par au cadavre attaché sur une porte entre l’avant-plan et l’arrière-plan clair, nu sauf la ceinture qui est enveloppé ; de l’autre côté la tête d’un être humain, grand stratège du mouvement des cacos, un défenseur de la souveraineté nationale et le lieux de l’exposition qui est d’une part la base des marines et des gendarmes, d’autre part la tête coupée est entourée de gendarmes.

Les décors des Cacos, soit cadavre sur porte, ceinture enveloppé, drapeau sous sa tête, corde attaché le cadavre, soit la tête coupée sur un âne sellé sont en opposition avec des marines certainement bien armés lançant encore des assauts dans les camps Cacos. Un procédé stylistique d’antithèse met en valeur ce rapport de force démesuré (machettes contre armes à feu) entre occupants et occupés (le cadavre VS les marines en vie).

Le cadavre et la tête coupée hors foyer au premier plan ont une valeur métonymique, suggérant ce cas d’assassinat (la partie pour le tout).

Les photographes ont dû faire ces photos avec un téléobjectif : les foyers se sont fait sur l’avant et l’arrière-plan, donnant ainsi une bonne profondeur de champ aux images tout en créant une netteté sur tous les décors. Mais peu d’effet sont observable car le but des photos est de témoigner une réalité et non d’être esthétique.

Les Cacos se considéraient comme les héritiers des traditions de la Révolution haïtienne et, en effet, ils se sont organisés à la fois militairement et politiquement en se basant sur les traditions de leurs ancêtres. Le mouvement de Péralte a finalement été écrasé par les Marines, son corps exposé et photographié par des Marines américains, la photographie distribuée à la population comme avertissement d’arrêter la résistance. Mais même l’histoire de ces photos – qui ont été rapidement réappropriées et sont finalement devenue un symbole de la résistance – fait allusion aux moyens puissants grâce auxquels une politique d’espoir pour la démocratie et l’autonomie s’est perpétuée au sein des communautés haïtiennes.

Le 1er novembre, le corps de Charlemagne arrive au Cap. Il est conduit à la gendarmerie. Sur sa fiche, on avait écrit : « Age : 32 ans. Lieu de naissance : Hinche. Occupation précédente : cultivateur. Citoyenneté : haïtienne. Teint : clair. Cheveux : noir. Yeux : noir. Poids : 140 livres. Taille : 69. 5 pouces (soit 63 kilo 60 et 1, 76 mètre)». « Une large cicatrice sur le devant de la jambe gauche. Six balafres sur la fesse droite. Trois balafres au-dessus de la fesse gauche ». Quant aux traumatismes récents, ils le consignent ainsi : « le corps présente deux blessures par balle sur

la poitrine gauche ; les deux balles ont traversé le corps, et, après avoir toutes les deux percé le cœur, ont laissé sur la sur la surface du dos deux blessures petites et nettes263. Il n’y a pas eu de défiguration du visage ou du corps, les trous des balles étant petits et nets. La face est proprement rasé et porte des moustaches assez larges…»

Dans l’après-midi du 1er novembre, la toussaint au Cap, la cour de la gendarmerie est le théâtre d’un pénible spectacle. Charlemagne toujours dévêtu, un morceau d’étoffe lui couvrant la ceinture, a été allongé une porte, une corde lui barrant la poitrine et passant sur ses aisselles264, l’enserre solidement pour l’empêcher de glisser. Sur son bras droit, on a placé son emblème : le bicolore haïtien surmonté de l’effigie du Christ. Plus la planche a été mise debout, adossée au mur.

Les amis avérés du défunt qui pourront, ensuite certifier par écrit que Charlemagne est bien celle qu’ils avaient connu, saluer la dépouille. Le père Pocro est parmi les premiers admis, curé de Hinche. C’est sans doute lui, qui devant le cadavre ne put retenir les larmes et qui répondit simplement à ceux qui s’étonnaient : « je suis le père des haïtiens ; je suis le père des cacos»265.

On le croit d’autant plus volontiers que la photographie de cette mise en scène provoque aujourd’hui encore le même choc sur ceux qui la regardent pour la première fois. Russel affirme: « J’ai passé des instructions que la mort de Charlemagne soit communiqué à ses parents de Hinche, et qu’ils soient avisés que s’ils voulaient le corps pour les funérailles, il serait embaumé et leur serait envoyé ».

Mais, ces derniers « firent savoir qu’ils ne désiraient par recevoir les restes du chef bandit»266. Saül, le premier frère de Charlemagne a été abattu une année plus tôt. Saint-Rémy et Aurèle tiennent encore le marquis. Mme Masséna s’est retiré du Cap267.

On lit ces renseignements, dans un mémorandum préparé en janvier 1921 par l’occupation pour le secrétaire d’état de la Navy : « A Chambert, près du Cap-Haitien, une ferme où travaillent plus de

300 prisonniers, est actuellement ouvert…» en décembre 1920, un début de la campagne nationaliste, la presse donnera son avis : « A chambert, ancienne propriété du général Nord, dans l’arrondissement du trou, c’est l’esclavage organisé. Sous le plus petit prétexte de cacoisme, on arrête les haïtiens, puis on les envoie à Chambert pour la culture de la pomme de terre… ces

263 Gaillard Roger, Ibid, P. 315

264, Ibid, P. 316

265 Ibid, P. 317

266 Ibid, p. 318

267 , Ibid, P. 319

prisonniers meurent sous le coup de toutes sortes de tortures, quand ils ne sont pas fusillés. Il y a une cimetière à cette fin…»268.

L’artiste capois Philomé Obin, questionné à ce sujet, est sûr que l’exposition n’a duré que la journée du samedi : le lendemain 2 novembre, le cadavre n’était plus dans la cour de l’arsenal269, affirme-t-il. L’inhumation a eu lieu le 3 novembre, et Hanneken aurait accompagné le défunt jusque-là, affirme un monsieur qui scella la tombe de Charlemagne à Chabert270.

« Quand je rentre à Chabert, on me montra la fosse de Charlemagne par groupe de trois gendarmes, nous l’avons veillé, durant une semaine tant on craignait que les cacos, avertis du lieu de l’inhumation, tentent de reprendre le corps. Aucune marque ne permettait pourtant de savoir si se trouvait exactement la tombe.

Charlemagne a été enterre comme un chien »271, affirme Chritian Werleign.

Les récompenses s’en vont ainsi après l’élimination de Peralte, un facteur important dans l’arrêt des opérations de « banditisme » en Haïti. Mead a terminé ses rapports ainsi : « je recommande que le capitaine Hermann H. Hanneken (grade dans la gendarmerie d’Haïti) et le lieutenant William K. Button reçoivent les médailles d’honneur de la part du gouvernement américain, et les médailles militaires du gouvernement haïtien, et qu’en outre Hanneken soit nommé capitaine dans le Marine Corps et que Button second lieutenant.

Je recommande que Conzé et Chérubin Blot reçoivent la récompense des dix milles gourdes… je recommande afin que le simple soldat Jean François Edmond soit promu sergent dans la gendarmerie, reçoive la médaille militaire et 100 dollars, et que chacun des gendarmes ayant accompagné Hanneken et Button reçoivent la médaille militaire et cinquante dollars»272.

Le colonel Mead approuve une recommandation du capitaine Hanneken pour que Conzé reçoive une rétribution supplémentaire de 1000 dollars, la somme totale devient 3 000 dollars. Un ajustement en faveur de Chérubin Blot aussi est de 200 dollars273. Le 16 novembre, les décorations aux américains par le président Dartiguenave. Le 19 novembre, deuxième cérémonie de décoration aux américains274.

« …cet acte n’était enfin rien d’autre qu’un

268 , Ibid, p. 320

269 Ibid, P. 321

270 Ibid, P. 322

271 Ibid, p. 323

272 Ibid, p. 324

273 Ibid, p. 325

274 Ibid, p. 326

assassina… », affirme James Welden Johnson. Le périodique condamne cette « ruse » qu’il rapprocha de celle utilisée dans les mêmes parages par Leclerc contre Toussaint, dix ans après275.

Comme première appréciation, on dit que le mouvement a manqué d’une idéologie de combat, d’une mission sociétale auquel il pourrait accéder. L’insurrection de Charlemagne ne pouvait spontanément englober les préoccupations économiques et sociales de la majorité de nos populations rurales. Dans les années 1930, le brigand d’hier et ses partisans seront largement réhabilités. Cette facette de l’engagement politique des Cacos est reconnue même par les militaires américains. C’est ce que rapporte Berthoumieux Danache, ex-chef de cabinet particulier du président Sudre Dartiguenave, alors Consul d’Haïti à Cuba en 1924. Il écrit :

« Un jour du mois de décembre 1924, un ancien Officier du Corps de Marine des États- Unis vint au Consulat d’Haïti à Santiago de Cuba pour affaires concernant l’Usine sucrière dont il était sous-directeur. Il m’apprit qu’il avait passé quatre années en Haïti, et qu’il eut à se mesurer avec les Cacos de Vallières et de Maribaroux.

M. le Consul, me dit-il, nous sommes allés chez vous sans aucun droit. Mais votre pays vous appartient, il faut bien que nous nous en retirions un jour. Le premier devoir des Haïtiens, après notre départ, je vous prie de leur dire de ma part, sera d’élever un magnifique monument à Charlemagne Péralte, c’est Péralte et ses Cacos qui, par leur héroïsme et leur mépris de la mort, nous ont porté, nous Américains, à avoir de la considération pour vos compatriotes.

Ne croyez pas, M. le Consul, que nous sommes tous les mêmes aux Etats- Unis. Ils sont nombreux parmi nous ceux quoi ont le culte de l’honneur et de la bravoure. Personnellement, je serais content, si je retournais en Haïti, de contempler un tel monument276. »

La légende, comme merveilleux épique, s’était emparé de Charlemagne le lendemain de sa mort dans la conscience populaire. « Quand on les poursuivait, ils se jetaient dans la rivière, ou buvaient simplement un verre d’eau, et ils disparaissaient aux yeux de l’ennemi. De même, ils se jetaient au plus fort de la fumée des batailles, ou allumaient une cigarette, et ils disparaissaient encore, tout en étant présent ». On trouve ce merveilleux magique, naturellement associé au merveilleux

275 Ibid, p. 328

276 Péan Leslie, http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article9701; cité par Roger Gaillard, Charlemagne Peralte le Caco), p. 329-330

vaudou et au merveilleux chrétien277. Un exemple caractéristique du premier surnaturel, plongeant ses racines dans l’obscurantisme. « A Fort-Capois, le mercredi 29 octobre, Pèdre, le devin de Charlemagne, fit une cérémonie impressionnante, entre 5h PM et 6 h PM. Il rassembla des brindilles et les posa par terre en dessinât une immense carré.

Il y fit entrer plusieurs soldats à l’intérieur, chacun tenant une chandelle allumée. Il se mit ensuite à prier en espagnol… les oraisons terminées, Pèdre demande à Charlemagne : comment as-tu lancé la révolution ? Il répond comme Noé avec le Christ en main. Pèdre dit Non, Non, Non, Noé était pur.

I, ajouta ensuite : « si tu creuses la terre pour y chercher un abri, tu mourras. Si tu abandonnes le combat et te refugies en territoire « pangnol », tu mourras. Même si tu montes dans l’espace, tu mourras. Charlemagne tire son mouchoir de sa poche et pleura…»

Pour le merveilleux vaudou, Charlemagne avait une Dominicaine parmi ses maitresses… cette femme jouissait de sa confiance, parce que le loa qui le chevauchait le protégeait, lui donnant des conseils, l’avertissant des dangers qu’il pouvait courir, l’aidant à remporter des victoires. Or, lorsque Charlemagne Peralte reçu les premières avancent des Conzé, il consulta l’ « esprit » qui, ayant « monté » son cheval, lui recommanda de ne pas faire confiance au rebelle… 278 .

Le merveilleux chrétien : « lorsque le 1er novembre, à 6h AM, la nouvelle arrive à Hinche de la mort de Charlemagne Peralte, la nappe de l’autel dans l’église du bourg prit feu elle-même ». La trahison dont ont été victime les cacos aurait accru leur désir de revanche279.

En suivant de près le jugement dernier des personnes impliquées dans cet assassinat, le 9 mai 1932, Conzé est encore en vie puisque l’Intelligence service américain de Grande – Rivière le porte sur ses fiches. Edmond Jean François, « est mort à Limonade, sa ville natale. La rumeur publique affirme que des justiciers anonymes l’ont emprisonné »280. Quant à Button William, il n’eut pas le temps de recevoir sa commission de sous-lieutenant de l’armée américaine. « Miné par la fièvre paludéenne, il mourut au Cap-Haitien en 1920… les casernes du Cap-Haitien furent alors appelées casernes William R. Button. »

277 Gaillard Roger, p. 330

278 Ibid, p.331

279 Ibid, p. 332

280 Ibid, p.333

La photo de Charlemagne Péralte, la seule photo de l’époque étudiée qui est signée, a été prise par un officier américain nommé major Mead. Prise le 1er novembre 1919. L’œuvre a été diffusée au grand public à travers des milliers d’exemplaires environ une semaine après l’assassinat. C’était dans l’unique objectif de manipuler la population haïtienne de façon à ne pas se ranger aux côtés pour poursuivre le mouvement révolutionnaire. Pour ainsi dire, ces photos provoque un sentiment de peur à l’époque. Dès la fin du XXème siècle et au début du XXIème siècle, elles provoquent un sentiment de révolte.

En somme, les photos ici sont à la fois descriptives (informent sur une situation) et symboliques (jouent sur les codes gestuels, chromatiques et rhétoriques entre militaires et prisonniers). L’action photographiée semble avoir été saisie sur le vif, pas de trucages techniques, sauf la photo de Benoit Batraville qu’on essaie de la légender au-bas de l’image, et veut attester ainsi de l’authenticité de l’événement.

Le grand public est le premier destinataire visé lors des premières distributions de la photo sur le territoire haïtien dans le but d’intimider les patriotes à ne pas s’engager dans le mouvement de résistance des Cacos. Dans le cas des sites Internet qui ont publié l’image de Charlemagne Péralte particulièrement, le public au niveau national et international ainsi que les organisations de défense des droits de l’homme sont les destinataires visés.

Enfin, les images, par ses sobriétés et ses légendes, montrent sans artifices une situation de tuerie, d’assassinat, d’injustice, de violation des droits de la personne humaine, d’humiliation inacceptable en démocratie, ce qui vient confirmer le rôle émotif que jouent les images qui informent certes, mais qui cherchent aussi à faire réagir, à susciter la réflexion et éventuellement l’engagement contre les puissances impérialistes états-uniennes

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261 Gaillard Roger, Ibid, P. 338; www.hatirenouveau.com/BASINZIM.html; Revue REPÈRES, Bibliothèque Nationale d’Haïti (BNE), 2015 ; Photo d’archive : Frantz Voltaire

262 https://moycorner.wordpress.com/2013/11/22/il-sappelait-francois-borgia-charlemagne-peralte-4e-partie/

263 Gaillard Roger, Ibid, P. 315

264 Ibid, P. 316

265 Ibid, P. 317

266 Ibid, p. 318

267 Ibid, P. 319

268 Ibid, p. 320

269 Ibid, P. 321

270 Ibid, P. 322

271 Ibid, p. 323

272 Ibid, p. 324

273 Ibid, p. 325

274 Ibid, p. 326

275 Ibid, p. 328

276 Péan Leslie, http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article9701; cité par Roger Gaillard, Charlemagne Peralte le Caco), p. 329-330

277 Gaillard Roger, p. 330

278 Ibid, p.331

279 Ibid, p. 332

280 Ibid, p.333


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les deux photographies marquantes de l’article sur l’occupation américaine en Haïti?

Les deux photographies marquantes sont celle du cadavre de Charlemagne Péralte exposé dans la cour du caserne du Cap-Haitien et celle de la tête de Benoit Batraville coupée, exposée sur le dos d’un animal à Mirebalais.

Comment les photographies de Charlemagne Péralte et Benoit Batraville illustrent-elles la répression durant l’occupation?

Ces photographies illustrent la répression sanglante des Marines états-uniennes sur la paysannerie haïtienne, en montrant des actes d’assassinat qui suscitent colère et peur parmi la population haïtienne.

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