Les meilleures pratiques en communication révèlent des mécanismes de défense insoupçonnés dans le contexte congolais. Cette étude innovante, alliant psychologie interculturelle et méthodologies mixtes, offre des perspectives cruciales pour comprendre les dynamiques de perception et mémoire sélectives au sein des interactions multiculturelles.
- Communications généralisées et contextualités situationnelles de la « perception et mémoire sélectives »
- Description de cas
- Communications généralisées et contextualités situationnelles de la « perception et mémoire sélectives »
Pour comprendre comment les acteurs sociaux congolais produisent la «perception et mémoire sélective » dans un contexte multiculturel, les sujets enquêtés ont été appelés à tour de rôle à discuter autour du thème ci-après : « Les ressortissants de certaines provinces sont facilement acceptés dans votre milieu parce que vous avez des points communs, par exemple sur le plan culturel ». En connaissez-vous le cas ».
Les données recueillies de ces échanges peuvent être résumées comme suit438 :
- Bandundu : Rarement dans notre milieu, nous avons de préférence pour des personnes selon leur origine. Tout le monde est accueilli sans exception. Mais nous nous sentons plus proches des Kasaïens vu le rapprochement géographique et la mobilité sociale qui caractérisent nos deux provinces (Bandundu et Kasaï).
- Bas-Congo : Rarement les Bakongo acceptent de cohabiter avec les ressortissants d’autres provinces parce que, selon eux, les Equatoriens, par exemple, sont des gens difficiles à supporter, les gens de l’Est (Katanga, Sud-Kivu, Nord-Kivu) et ceux de la Province Orientale sont mal perçus à partir des derniers massacres, dont la majorité des soldats commandités venaient de ces coins du pays.
Pour le Mukongo, l’étranger est un passager qui finira par renter chez lui. Cela est traduit en kikongo par « buana wa tu buana, sisa wa tu sisa » qui se traduit en français pr « vous nus avez rencontrés, vous nous laisserez un jour ».
- Equateur : Chez nous, tout le monde est bien accueilli. Jamais nous n’avons de préférence pour qui que ce soit. Mais l’unique résistance que nous avons chez nous, c’est le refus de donner notre fille en mariage aux originaires d’autres provinces, et surtout pas à ceux de l’Est et de Bandundu.
Ces derniers sont accusés d’être trop enclins dans la coutume et la sorcellerie. Tandis que les gens de l’Est sont soupçonnés d’avoir des origines douteuses et des connexions avec les Rwandais et ils empoissonnent facilement les gens.
- Kasaï Occidental : Très souvent nous faisons plus confiance aux Kasaïens de l’Oriental parce que nous nous sentons plus proches. Les gens de Bandundu sont haïs chez nous parce qu’ils collaborent avec le pouvoir en place.
- Kasaï Oriental : Il nous arrive d’accepter facilement les originaires du Kasaï Occidental et de la Province Orientale parce que nous nous fréquentons souvent. En outre, nous avons les mêmes ancêtres avec les Kasaïens de l’occidental.
- Katanga : Très souvent, tous ceux qui parlent Swahili sont facilement acceptés au Katanga, y compris les Kinois pour leur degré d’ouverture élevé. Tandis que les Kasaïens sont facilement rejetés suite à leur comportement (orgueil, mauvaise diction, accoutrement).
- Kinshasa : Très souvent le Bandundu et l’Equateur nous semblent être éloignés parce que ce sont les deux provinces sous-développées du pays. Leurs ressortissants sont perçus comme des villageois, même les Katangais à Kinshasa les qualifient ainsi.
- Maniema : Souvent nous avons des pressentiments envers les gens venant du Nord- Kivu, de la Province Orientale et du Sud-Kivu du fait que nous parlons la même langue « Swahili ».
Dans la plupart des cas, ces presentiments nous amènent à leur faire plus confiance qu’à d’autres.
- Nord-Kivu : Très souvent nous constatons que certains peuples, surtout la race nilotique, sont à la base de la misère de notre pays parce qu’ils sont en complicité avec les Rwandais. Ils nous ont amené la culture de la violence.
- Province Orientale : Rarement nous refusons de cohabiter avec des étrangers. Bien au contraire, nous les acceptons. Comme il n’y a pas assez d’intellectuels chez nous, tout étranger est toujours considéré comme une personne intelligente à écouter quand elle parle.
Les étrangers, qui sont facilement reçus dans notre milieu, parlent la langue « Swahili », tels les Katangais, les Kivussiens du Sud et quelques Kivussiens du Nord.
Les gens de l’Equateur sont difficilement acceptés puisqu’ils donnent plus d’importance à la langue « lingala » que le « Swahili ».
- Sud-Kivu : Dans notre culture, les étrangers ne sont jamais libres d’exercer nos activités. De leur côté, ils ont compris notre attitude vis-à-vis d’eux et ils évitent ainsi de prendre trop la tête de peur d’être mis à l’écart.
Ces données sont analysées en termes d’éléments communicationnels (généralisés et contextuels) dans le paragraphe qui suit en fonction de « tableau panoramique de dépouillement » (voir le tableau n°08) et de la « grille d’analyse » (voir tableau n°09).
- Analyse des éléments communicationnels (généralisés et contextuels)
Il s’agit de dégager les éléments de la communication généralisée et de la contextualité situationnelle à partir des discours (réactions) des sujets enquêtés décrits ci-haut. Le tableau panoramique n°20 résume les éléments de cette analyse.
Tableau n°20 :
Tableau panoramique de perception et mémoire sélective
Tableau panoramique de perception et mémoire sélective | |
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Province | Attitude envers les autres provinces |
Bandundu | Acceptation générale, proximité avec Kasaïens |
Bas-Congo | Méfiance envers Equatoriens et populations de l’Est |
Equateur | Accueil général mais réticence mariage avec autres provinces |
Kasaï Occidental | Confiance en Kasaï Oriental, rejet de Bandundu |
Kasaï Oriental | Acceptation Kasaï Occidental et Province Orientale |
Katanga | Acceptation locuteurs Swahili, rejet Kasaïens |
Kinshasa | Perception négative Bandundu et Equateur |
Maniema | Confiance envers locuteurs Swahili |
Nord-Kivu | Méfiance envers populations nilotiques |
Province Orientale | Acceptation générale, préférence locuteurs Swahili |
Sud-Kivu | Restriction activités des étrangers |
Il apparaît sur le tableau n°20 les constats ci-après :
- Dix provinces (soit 91 %) pratiquent les « perception et mémoire sélectives ». Il s’agit de : Bas-Congo, Equateur, Kasaï Oriental, Kasaï Occidental, Katanga, Kinshasa, Maniema, Nord- Kivu, Province Orientale et Sud-Kivu.
D’après les discours analysés, les sujets de ces provinces véhiculent des valeurs négatives à l’égard des autres culturels, notamment le sentiment de rejet des autres, la méfiance et la tendance égocentrique.
Certains ont même manifesté des tendances tribales envers les gens qui partagent les mêmes langues et les mêmes valeurs culturelles, notamment entre les deux Kasaï et entre le Katanga, le Maniema et la Province Orientale ;
- Une seule province (soit 9 %) ne pratique pas ce mécanisme, il s’agit du Bandundu. Les sujets de cette province ont développé des valeurs positives à l’égard des autres culturels comme le sentiment d’acceptation des autres culturels, la confiance et l’altruisme (tendance grégaire).
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438 Données recueillies lors des entretiens avec les étudiants des premières années de graduat (A et B) de l’IFASIC, du 09 au 30 avril 2013. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les perceptions des Congolais envers les ressortissants d’autres provinces?
Les perceptions varient selon les provinces. Par exemple, les Bakongo du Bas-Congo ont des réticences à cohabiter avec les ressortissants d’autres provinces, tandis que les habitants de l’Equateur accueillent tout le monde sans préférence.
Comment les Kasaïens perçoivent-ils les ressortissants d’autres régions?
Les Kasaïens de l’Oriental acceptent souvent les originaires du Kasaï Occidental et de la Province Orientale, mais ils ont des réticences envers les habitants de Bandundu, qu’ils perçoivent comme des collaborateurs du pouvoir en place.
Quels mécanismes de défense socioculturelle sont identifiés dans la communication interculturelle au Congo?
Les mécanismes de défense incluent la ‘perception et mémoire sélective’, où les Congolais expriment des préférences et des réticences basées sur des stéréotypes culturels et historiques liés à l’origine des individus.