Quelles sont les meilleures pratiques pour l’internationalisation des achats aéronautiques ?

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🏫 Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Mémoire de fin d’études - 2010
🎓 Auteur·trice·s
Cécile Izumi ASAMA
Cécile Izumi ASAMA

Les meilleures pratiques d’achats aéronautiques révèlent une réalité surprenante : la centralisation des achats est souvent dictée par des contraintes géopolitiques plutôt que par des choix stratégiques. Cette étude met en lumière les défis uniques de l’industrie, essentiels pour naviguer dans un environnement mondial complexe.


5. Conclusion.

Sous l’aspect d’une décision visant une meilleure gestion de la chaîne logistique dans son ensemble et dans sa dimension internationale, la centralisation des achats et l’engagement dans une stratégie de Sourcing/Outsourcing/Offshoring, est en fait plus une contrainte à laquelle il faut répondre. Les obligations politiques mènent à une véritable réflexion où l’optimisation des coûts est à équilibrer, en même temps qu’il est indispensable de veiller à la compétitivité.

Autant en matière de défense, les informations sont plus difficiles à trouver, et les chiffres secrètement gardés, alors que simultanément, cela demeure moins intéressant d’un point de vue commercial du fait des ententes politiques qui viennent biaiser le libre-échange, alors même que le peu de concurrence limite les possibilités d’un marché en concurrence pure et parfaite ; autant, l’aviation civile et les services associés, qui à eux deux représentent environ 75% du chiffre d’affaires d’EADS, s’inscrivant certes dans un quasi duopole, si ce n’est un duopole affirmé pour les gros porteurs, se livre à une concurrence acharnée.

Ainsi, c’est toute la théorie capitalistique qui entre en jeu, avec des effets de change, les spéculations boursières sur les matières premières, les spécialisations internationales, et l’hétérogénéité mondiale de l’état de développement.

La concurrence avec le principal concurrent américain : Boeing, engage une bataille politique sous-jacente, avec des banques centrales plus ou moins conciliantes, et des aides jugées déloyales. En dehors de ce fait, EADS reste leader mondial dans l’aéronautique civile et par conséquent en général, grâce à sa filiale : Airbus, qui génère plus de 60% du chiffre d’affaires, alors que Boeing tire 55% de son chiffre du domaine militaire.

63. Toutefois, l’inconvénient de l’industrie aéronautique reste la cyclicité de sa dynamique de marché. En effet, si EADS bénéficie aujourd’hui d’une période « faste » malgré la crise, et est actuellement dans un secteur porteur pour la croissance économique, les prévisions de ralentissement des commandes évaluent un retournement cyclique pour l’aviation civile d’ici 2011/2012.

64. Ainsi, la décision d’EADS d’accroître ses cadences de production pour pallier aux retards, et satisfaire son carnet de commandes, risque de devenir un véritable poids lors de la contraction de la demande. Pour déjouer cela, EADS compte sur l’augmentation du trafic aérien, avec l’ouverture des pays comme la Chine, l’Inde, la Russie, ou encore le Brésil, mais aussi, sur une certaine souplesse de l’externalisation, quant à l’élasticité de la demande.

63 Rapport d’information du Sénat n°351, J-F Le Grand, et R. Ries, 2007, Situation d’EADS, et ses perspectives d’évolution, p.36.

64 Rapport d’information du Sénat n°351, J-F Le Grand, et R. Ries, 2007, Situation d’EADS, et ses perspectives d’évolution, p. 35.

Figure 23 Augmentation du trafic aérien en Chine entre 1990 et 2009. 65

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En effet, EADS soutient que l’outsourcing, et surtout l’offshoring ne remplacent pas des emplois en Europe, mais viennent seulement enrichir le portefeuille de fournisseurs/sous-traitants, pour pallier à la croissance de la demande de ces dernières années. Cette affirmation est à considérer avec du recul, lorsque l’on envisage un retournement cyclique, et qu’avec les obligations de compensation, il est certain que certaines parties de la production vont rester dans le pays acheteur.

Ainsi, comme il n’est pas envisageable de rapatrier ces maillons en Europe dès lors que l’activité se contractera, de nombreuses suppressions de postes, ou du moins de non renouvellements de postes, sont à prévoir. Une façon de conjurer le sort, serait, à l’instar de Boeing, de développer les activités militaires et spatiales du groupe, moins soumises aux effets de cycle, et qui ont rapporté en 2006, tout de même plus de dix milliards d’euros de chiffre d’affaires au groupe EADS.

Il ne s’agirait tout de même pas, de revenir à la situation des années 80, où plus de 70% du chiffre d’affaires provenait du militaire.

66. Mais la direction semble toutefois vouloir en arriver à un équilibre, où l’aviation civile, soit la participation d’Airbus dans le chiffre d’affaires du groupe, serait de 50%. Evidemment, il ne s’agit pas de ralentir l’activité d’Airbus, mais d’aider et de concentrer un peu plus sur les autres activités du groupe, pour effacer les distorsions de pouvoir liées à la suprématie d’une division sur les autres. En tant qu’autres activités en ligne de mire de la direction, pour un déploiement plus prononcé, et une plus grosse part dans le chiffre d’affaires du groupe sont les activités militaires, la division spatiale, et aussi tous les services associés à chaque division, qui sont créateurs d’une forte valeur ajoutée.

67.

En effet, il est souvent rappelé, que le plus important frein au développement et à la bonne gestion d’EADS, sont la complexité de sa gouvernance, et le poids des actionnaires. Sont mêlés à cette occasion, Etats européens, anciennes entreprises de l’aéronautique européenne avant le consortium, et entreprises privées. La société s’est créée sous le droit néerlandais, et le pacte des actionnaires, sous une forme unique, ne donne pas de droit de responsabilités managériales et opérationnelles aux Etats, mais étonnamment, malgré 15% de participation au capital, l’Etat français ne siège pas au conseil d’administration.

Cela est pourtant volontaire, afin de gérer le groupe en tant qu’entreprise sociale, et non pas comme un outil des gouvernements. A cela, il est important de noter que l’Etat allemand ne détient pas directement de capitaux d’EADS, mais indirectement via la participation de Daimler-Chrysler.

66 Rapport d’information 367 – 1996 / 1997 – Commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, Yves Collin.

67 EADS « services » :A vision for the future, G. Perrimond et G. Bellan, 03.04.2008, pour le supplément de TTU International (bimensuel spécialisé dans la défense et la stratégie) n°207.

Ainsi on note aussi une dualité politique dans l’aspect capitalistique du consortium, qui complexifie intensément la gouvernance du groupe. De plus la gouvernance est duale à tous les niveaux, avec constamment, la prédominance d’une double nationalité franco-allemande : un co-président français du comité exécutif (CEO) : M. Louis Gallois ; un co-président allemand : M. Thomas Enders ; un co-président (Chairman) français du conseil d’administration : M. Arnaud Lagardère ; et un co-président allemand du conseil d’administration : M. Rüdiger Grube.

Les premiers lancent les directives opérationnelles principales, alors que les seconds ont le pouvoir de direction, ce qui a été noté à plusieurs reprises, comme une situation « non satisfaisante aujourd’hui68 ».

Le conseil d’administration, donc géré plutôt en faveur des actionnaires, à le pouvoir décisionnel, alors que l’exécutif n’a plus le pouvoir de direction. La schizophrénie chronique au sein de la gouvernance est un véritable frein managérial, qui ralentit la réactivité du management, et créé des tensions politiques.

De plus, la centralisation des achats, et les stratégies de sourcing/offshoring, amènent avec elles d’autres tensions politiques, mais aussi administratives, en termes d’allocation de production, mais aussi en procédures. Il s’agirait alors de faire de cette apparente contrainte administrative, un atout de management et de décision, vers une gestion optimisée, afin, aussi, de mieux servir le client final.

Cette idée de client final, semble pourtant n’avoir été qu’un concept jusqu’alors, dans l’industrie aéronautique. En effet, la situation duopolistique EADS/Boeing, et la complexité des produits, font que longtemps, le client s’est retrouvé en position de faiblesse, et contraint d’accepter les retards, sans autres possibilités que d’imputer des pénalités, ou de faire exercer son droit de retrait.

Or, il s’est trouvé que même en situation de duopole, Boeing, avec une stratégie d’Outsourcing et d’Offshoring poussée à un extrême, a payé au prix fort les retards de son Dreamliner, montrant par ce biais, que la compétitivité n’est pas qu’affaire de prix.

Servir son client final, c’est aussi savoir répondre à ses exigences, qui ne sont pas forcément pécuniaires.

Ainsi, l’importante leçon à retenir est, qu’il ne s’agit pas d’externaliser et cela surtout à l’étranger en ayant pour seul objectif la baisse des coûts, mais que l’idée d’une relation de confiance, mais aussi de partenariat et commercial, et social, où l’on externalise et internationalise une partie de la production, en même temps que l’on transfert un certain niveau de connaissances, s’avère être le modèle le plus responsable, et payable à long terme.

L’idée est de se défaire de l’envie de ne prendre les pays émergents que pour les portefeuilles de demain, en les aidant à rattraper leur retard technologique, notamment dans un secteur où il y a une forte valeur ajoutée dessus, pour s’ancrer dans le marché et rester un partenaire digne de confiance.

Ainsi, la direction des entreprises du secteur, se doivent d’agir plus socialement, avec une prise de conscience des impacts de leurs actes, et non pas dans une logique simpliste Riccardienne, où l’effet de productivité n’est pas pris en compte, et que les spécialisations dans le monde sont d’ores et déjà biaisées.

Le « think global, act local », qui ici, peut s’interpréter de la manière suivante : « je pense international, mais je n’agis que localement », ne doit pas revêtir le sens de cette autre interprétation :

« Je pense pour tout le groupe, et je fais seulement faire à l’international », autrement dit par Pierre Sparaco : « On fait des composants d’avions en Tunisie, en Chine. On se retrouve dans une situation où le cerveau des opérations se situera en Europe, et les jambes ailleurs. »69, ou en quelque sorte, il y a une centralisation des pouvoirs et des décisions, et une décentralisation des actions et des opérations.

La nécessité ici, est d’ordre social, au même titre que l’on entend souvent dans les termes « développement durable » une notion d’écologie, une vision long-termiste des relations commerciales pourrait aboutir à une mondialisation non pas refreinée, mais plus équitable, et donc plus durable.

« La mondialisation n’est pas en soi une folie. » « Il y a quelques siècles, le monde était dominé par une pauvreté omniprésente et les vies humaines étaient cruelles, brutales et courtes 1», sauf dans de rares poches de prospérité. La pénurie a été surmontée en grande partie grâce à l’extension des relations économiques et à la diffusion de la technologie moderne. ».

Amartya SEN, Prix Nobel d’économie 1998.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les meilleures pratiques pour l’internationalisation des achats dans l’aéronautique ?

La centralisation des achats et l’engagement dans une stratégie de Sourcing/Outsourcing/Offshoring sont des pratiques clés pour une meilleure gestion de la chaîne logistique.

Comment la géopolitique influence-t-elle les achats dans l’industrie aéronautique ?

Les obligations politiques mènent à une réflexion où l’optimisation des coûts doit être équilibrée avec la nécessité de maintenir la compétitivité.

Pourquoi l’outsourcing et l’offshoring sont-ils importants pour EADS ?

EADS soutient que l’outsourcing et l’offshoring enrichissent le portefeuille de fournisseurs pour répondre à la croissance de la demande, sans remplacer des emplois en Europe.

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