Les meilleures pratiques en sémiotique révèlent comment la photographie documentaire, durant l’occupation américaine d’Haïti, transcende son rôle initial. En analysant les codes vestimentaires et les postures, cette étude met en lumière des représentations sociopolitiques essentielles, redéfinissant notre compréhension de cette période complexe.
Qu’est-ce alors que la sémiologie ? La sémiologie (ou sémiotique) tend à se construire comme une science de la signification qui vise à comprendre les processus de production du sens, dans une perspective synchronique. Celle-ci apparaît comme un métalangage qui se définit plus par sa démarche que par son objet, puisque tout fait ou phénomène est susceptible d’être envisagé en tant qu’il peut fonctionner comme configuration signifiante, donc dans une perspective sémiotique.
A son niveau le plus élevé, la sémiotique est essentiellement transdisciplinaire, dans la mesure où son champ concerne la compréhension de phénomènes relatifs à la production du sens dans ses dimensions à la fois cognitive, sociale et communicationnelle. Elle se présente alors plus comme un domaine de recherche que comme une discipline en soi possédant une méthodologie unifiée et un objet précis93.
Les différentes approches peuvent se rattacher à deux pôles d’intérêts principaux qui renvoient à son histoire: la perspective relative à la cognition où la sémiotique est envisagée comme l’étude de processus de signification (ci-dessous niveau de la sémiotique générale), elle concerne en particulier la philosophie, les sciences cognitives, les sciences du langage; et la perspective socio-culturelle où la sémiotique est envisagée comme l’étude de processus de communication (ci-dessous niveaux des sémiotiques spécifiques et de la sémiotique appliquée), envisagés dans un sens large non comme «transmission» mais comme «mise en commun» et «mise en relation». Ce second pôle a donc pour objet l’étude de la culture en tant qu’elle est communication; sont en particulier concernés: les sciences de l’information et de la communication, l’anthropologie, la sociologie, les études littéraires.
Les différents aspects de la sémiotique peuvent être envisagés selon trois grands niveaux: La sémiotique générale, a pour fin de construire et de structurer son objet théorique ainsi que de développer des modèles purement formels de portée générale. Relèvent de ce niveau, les recherches visant à proposer une théorie générale de la pensée symbolique et à définir la structure du signe, ses relations et ses effets. Ce niveau concerne la théorie de la connaissance.
Les sémiotiques spécifiques, portent sur l’étude de systèmes symboliques d’expression et de communication particuliers. A ce niveau, les systèmes langagiers sont envisagés de manière théorique à partir des points de vue: de la syntaxe (relations formelles des signes entre eux), de la sémantique (relations des signes à la référence) et de la pragmatique (relations des signes aux utilisateurs). Ce niveau concerne l’étude du langage.
Ainsi, la photographie permet de donner à voir, le plus «naturellement» du monde, des objets, des lieux, des personnages, des gestes, etc. qui sont susceptibles d’être le support d’une signification. Ce sont des signes ou, pour prendre une expression qui ne fasse pas du signe une chose, des configurations signifiantes. Tous les aspects de la culture et de la vie sociale doivent être envisagés comme des configurations signifiantes qui peuvent passer «directement» dans un message visuel fixe.
Dans la publicité comme dans les arts de la représentation, la présence d’un objet, les caractéristiques d’un lieu, le geste d’un personnage n’ont d’existence qu’en tant qu’ils sont susceptibles d’être porteurs d’une valeur94. R. Barthes a bien montré comment les objets peuvent signifier… R. Barthes appelle ces signes sémiologiques qui ont une origine utilitaire, fonctionnelle, des fonctions-signes95.
L’assemblage de ces objets «réels» (utilisés dans la vie quotidienne) ou représentés dans une image peuvent être envisagés comme constituant un syntagme porteur d’une signification, dont chacun des éléments à son tour renvoie à une classe d’éléments commutables. Si, par exemple, dans une annonce, je vois l’image d’un homme portant un chapeau sur la tête, le paradigme des «coiffures» est convoqué, soit dans le monde quotidien, tout ce qui est susceptible d’apparaître sur la tête d’une personne pour la couvrir ou l’orner.
C’est l’existence de ce paradigme qui donne sens au chapeau, car au lieu d’un chapeau, le personnage aurait pu porter un casque, une casquette, un béret, une calotte, une couronne, un fichu, une toque, un turban, un voile, etc. Le choix d’une coiffure permet d’indiquer, par opposition avec toutes les autres coiffures possibles, le ou les groupes auxquels on peut rattacher le personnage: le métier ou la fonction (casque du pompier / couronne du roi / toque du cuisinier), le pays d’origine (béret du Français / fez de l’Arabe94 / melon de l’Anglais / turban de l’Indien), le milieu social (casquette de l’ouvrier / chapeau du bourgeois), la religion (le voile «islamique», la calotte de l’Israélite).
C’est ce qu’on pourrait appeler le «langage des coiffures». Bien sûr, ce qui couvre la tête d’un personnage, pour autant que ce soit le cas, ne sera qu’un des éléments du vêtement porteur de la signification. La valeur de cet élément vestimentaire proviendra de l’écart perçu par rapport aux éléments de l’ensemble paradigmatique, mais aussi du rapport avec les autres pièces du vêtement et aussi de la manière que le personnage a de porter son couvre-chef.
C’est ainsi qu’il est rare de voir un cuisinier muni seulement d’une toque, alors qu’un personnage portant un fez et un vêtement occidental sera sans doute perçu comme appartenant à l’univers culturel arabo-islamique. La manière de porter telle ou telle coiffure et le contexte d’apparition du personnage participeront évidemment à en déterminer la signification.
Cependant, si au lieu d’une coiffure le personnage porte sur la tête une cruche, un ballot, un panier ou encore une table c’est à un autre paradigme qu’il est fait appel, le paradigme des «objets portables sur la tête». Cette pratique est limitée par les possibilités physiques de porter quelque chose sur la tête et par les coutumes des habitants d’une contrée.
Ce qui est ordinaire dans les rues de telle région d’Afrique ne l’est pas forcément en Europe96.
R. Barthes a montré que toutes les configurations signifiantes rencontrées dans la vie sociale peuvent s’envisager comme des faits de langage, constituant des systèmes de signification, auxquels le modèle d’articulation selon deux axes (syntagmatique et paradigmatique) est susceptible d’être appliqué. Ainsi, les relations entre les différentes pièces d’un habillement peuvent être considérés, d’une part, comme un syntagme dans la mesure où les différents éléments entretiennent des relations de contiguïté (superposition, juxtaposition) et, d’autre part, comme un paradigme (système) dans la mesure où les pièces effectivement portées prennent leur sens par rapport à celles qui pourraient leur être substituées.
Nous pouvons envisager deux approches du vêtement dans un discours sémiologique : approche paradigmatique et une approche syntagmatique. La première fait référence à un Groupe des pièces, empiècements ou détails que l’on ne peut porter en même temps sur un même point du corps, et dont la variation correspond à un changement du sens vestimentaire: toque / bonnet / capeline, etc. tandis que la deuxième a rapport à la juxtaposition dans une même tenue d’éléments différents: jupe – blouse – veste.
On l’a dit, tous les aspects de la vie sociale peuvent être envisagés comme des signes (configuration signifiante). Les objets, mais aussi les gestes, les attitudes, les postures, les mimiques, les regards, les relations spatiales entre les personnes, etc. sont signifiantes, dans la mesure où elles accomplissent des structures culturelles, et donc susceptibles d’être interprétées.
Par exemple, l’étude des mouvements du corps dans des situations de communication est fondée sur l’hypothèse d’une sélection culturelle d’un nombre limité de positions corporelles parmi celles que peut produire le corps. Or une partie significative des comportements de l’homme en société s’échangent (souvent de manière non consciente) par le canal visuel.
Dès lors, ceux-ci peuvent être communiqués par le truchement d’une photographie ou d’un dessin.
Evidemment, dans une photographie ou un dessin, les mimiques, les regards et les gestes ne pourront pas intégrer la part de mouvement qui leur est liée et seront rendus par des conventions stéréotypées de représentation. Le stéréotype sera rendu grâce à la mise en scène de situations et de postures convenues créées et véhiculées par les arts et médias de représentation visuelle (gravure, peinture, cinéma, télévision) et consisteront dans des représentations visuelles figées dans un emploi symbolique: les images-clichés97.
En ce sens, l’approche sémiologique est indispensable dans cette recherche. Comme on a pu le constater, la portée de l’approche sémiologique de la communication audiovisuelle est grande, car elle permet d’appréhender, dans une perspective synchronique, les formes multiples de l’intelligible humain. Elle offre, en particulier, les moyens théoriques et pratiques permettant d’analyser les discours véhiculés par les mass media, aussi bien que les dispositifs eux-mêmes.
Tout d’abord, les méthodes et moyens disponibles à l’intérieur du champ de la sémiologie permettent de décrire et d’expliquer le fonctionnement des messages visuels par la mise à jour de leur organisation sous-jacente et, se faisant, de comprendre comment s’élabore la production du sens. L’analyse sémiologique donne la possibilité de mettre en évidence comment la signification globale d’un message, qui apparaît souvent au premier abord comme allant de soi, résulte d’une construction reposant sur l’interaction d’un agencement de configurations signifiantes qui sollicitent le lecteur-spectateur à différents niveaux.
Par ailleurs, l’approche analytique de la sémiologie peut aussi permettre de révéler les procédés de persuasion qu’implique toute pratique discursive.
En bref, dans le domaine des sciences de l’information et de la communication, l’apport de la sémiologie à l’appréhension des catégories fondamentales du langage visuel et à l’explicitation des processus à l’œuvre dans la production de sens est considérable. Mais la démarche sémiologique peut aussi être envisagée comme un des moyens privilégiés permettant au citoyen de prendre distance vis à vis des mass media et des discours qu’ils véhiculent et d’exercer une attitude critique98.
Les fonctions de l’image : une fonction symbolique (accès au Sacré, au Politique), une fonction épistémique ; apport d’informations (reconnaissance – remémoration, illusion, propagande, message : l’image fonctionnelle), une fonction esthétique (plaisir du regard, émotion)99.
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93 (“Approche Sémiologique – Approche_semiologique.pdf” 2015, p 8). ↑
94 (“Approche_semiologique.pdf” 2015, p 20). ↑
95 (“Approche Sémiologique – Approche_semiologique.pdf” 2015, p 21). ↑
96 Ce qui est ordinaire dans les rues de telle région d’Afrique ne l’est pas forcément en Europe. ↑
98 d’exercer une attitude critique. ↑
99 une fonction esthétique (plaisir du regard, émotion). ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que la sémiologie ?
La sémiologie (ou sémiotique) tend à se construire comme une science de la signification qui vise à comprendre les processus de production du sens, dans une perspective synchronique.
Quels sont les deux pôles d’intérêts de la sémiotique ?
Les deux pôles d’intérêts principaux de la sémiotique sont la perspective relative à la cognition et la perspective socio-culturelle.
Comment la photographie est-elle liée à la sémiotique ?
La photographie permet de donner à voir des objets, des lieux, des personnages, des gestes, etc. qui sont susceptibles d’être le support d’une signification, considérés comme des configurations signifiantes.