Les meilleures pratiques comptables révèlent que les nouvelles technologies transforment radicalement le rôle des experts-comptables. En adaptant leurs missions aux exigences numériques, ces professionnels peuvent non seulement répondre à la demande croissante, mais aussi renforcer leur position dans un marché en pleine évolution.
§3. Formaliser les missions et les compétences
Les mutations économiques entraînées en grande partie par la prééminence de l’information ont mis la valeur ajoutée au client au centre du processus de prestation de service et modifié en conséquence la nature des interventions des professionnels, notamment des experts-comptables. Si la grande valeur ajoutée tirée par les nouvelles missions (risk management, mise en place des systèmes d’information, etc.) séduit les clients, elle suscite aussi leur suspicion parce que les missions en question font appel à de nouvelles compétences de l’expert-comptable.
Par ailleurs, dans une logique de focalisation sur la clientèle, il paraît évident que les missions doivent être adaptées aux clients et non pas l’inverse.
1 En France, le Conseil Supérieur de l’OECF disposait en septembre 2001 de 82 collaborateurs permanents dont 9 diplômés d’expertise comptable.
Partant de là, les missions devraient être formalisées en fonction de la clientèle cible. Il importe que les professionnels définissent clairement les différentes missions qu’ils offrent, aussi bien au niveau des moyens mis en œuvre (logistiques et humains) que de la méthodologie adoptée et de la plus-value apportée aux clients.
Au niveau de la profession, l’Ordre est appelé à jouer un rôle important dans la définition des missions de l’expert-comptable d’une part et dans la segmentation du marché notamment en fonction de la taille des entreprises et de leurs secteurs d’activité d’autre part. Cette segmentation permet en effet de déterminer les attentes de chaque catégorie de clients et de là les moyens et la méthodologie à mettre en œuvre par l’expert-comptable pour répondre à ces attentes.
L’intervention de l’Ordre revêt une importance toute particulière lorsqu’il s’agit de missions nouvelles encore peu connues dans le marché et moyennement maîtrisées par les professionnels. C’est le cas par exemple de la mission WebTrust. Le rôle de l’Ordre ne saurait se limiter à souscrire au label de certification international WebTrust, mais il devrait déborder ce cadre pour développer une norme relative à l’intervention des experts-comptables tunisiens en matière de certification WebTrust.
C’est d’ailleurs ce qui est prévu par la stratégie de développement de la profession. Cependant, l’Ordre devrait appliquer prioritairement cette démarche aux missions de conseil à forte valeur ajoutée et surtout la mise en place de systèmes d’information et le risk management. Concernant les missions de certification, le service SysTrust qui porte sur tous les types de systèmes d’information nous semble plus adapté au contexte tunisien que le service WebTrust qui se limite au commerce électronique sur Internet.
Nous pensons que l’OECT devrait accorder la priorité à la certification SysTrust.
Ce qu’il faut retenir dans l’approche de l’OECT, c’est que la formalisation de ces nouvelles missions devrait logiquement passer par la standardisation des compétences auxquelles elles font appel. Il s’agit de formuler clairement et de détailler autant que possible des champs de compétence à remplir. Dans le domaine des technologies de l’information, l’Ordre devrait entamer le plus tôt possible l’implémentation de l’IEG 11 de l’IFAC, projet sur lequel l’AICPA travaille depuis 1996 avec, pour résultat, plusieurs papiers de discussion.
Il faut ici rappeler que l’objectif de l’IEG 11 est d’assister les organisations membres de l’IFAC dans la préparation des professionnels de la comptabilité à exercer dans un environnement informatisé. Dans ce cadre, les auteurs de la norme décrivent les connaissances et les compétences que les experts-comptables doivent maîtriser dans l’environnement informatisé qui est désormais le leur. La norme subdivise cet environnement en fonction du rôle que l’expert-comptable est appelé à y jouer (utilisateur, développeur, manager ou vérificateur) et propose une hiérarchisation des connaissances et compétences exigées des professionnels :
Table des compétences exigées des experts-comptables | |
---|---|
Paramètre/Critère | Description/Valeur |
Rôle | Utilisateur, développeur, manager ou vérificateur |
Connaissances | Compétences exigées dans l’environnement informatisé |
D’après l’IFAC Education Committee. International Education Guideline IEG 11.
La mise en application des dispositions de l’IEG 11 nécessitera entre autres une stratégie de communication efficace et une alliance stratégique avec les organismes de formation académique et professionnelle.
§4. Mettre en place la formation continue et la certification des compétences spécialisées
La désintermédiation favorisée par les technologies de l’information et de la communication oblige chaque praticien à se différencier des autres en choisissant un domaine de compétence pointu au moyen duquel il sera facilement identifié par le marché. Dès lors, le développement de la certification des spécialités devient un pari stratégique pour l’expert-comptable. Il y va non seulement du développement de ses affaires, mais souvent simplement de sa réussite professionnelle.
Dans un marché où le client est de plus en plus exigeant, la qualité est un élément incontournable des stratégies d’affaires. Mais, peut-on améliorer la qualité sans recourir à la certification des spécialités ? La réponse à cette question n’a fait que se confirmer au fil des siècles et des civilisations. Les professionnels de tous les domaines d’expertise qui suivent des programmes rigoureux de spécialisation formelle ne font que perpétuer un mouvement qui relève presque des mécanismes de la nature. Les professionnels de la comptabilité ne sont pas en reste par rapport à ce mouvement.
En matière de technologies de l’information, l’AICPA et l’ICCA octroient à leurs membres respectivement les titres CITP (Certified Information Technology Professional) et CA•TI (Comptable Agréé spécialiste en Technologies de l’Information). Par ailleurs, l’ICCA a entrepris une approche qui pourrait s’avérer très intéressante dans la perspective d’une mise en place graduelle de la certification des compétences spécialisées.
L’ICCA a en effet signé avec l’ISACA (Information Systems Audit and Control Association) un accord en vertu duquel cette association est accréditée à titre de seul organisme dont le titre de CISA (Certified Information Systems Auditor) mène à l’agrément de CA spécialistes en vérification, contrôle et sécurité des systèmes d’information. Il importe ici de noter que l’ISACA, qui a été fondée en 1969, compte plus de 20 000 membres dans le monde entier ; et que son titre CISA a été décerné, depuis 1978, à 12 000 candidats.
Parmi les principaux objectifs de l’accord ICCA-ISACA1, on relève le renforcement de la relation stratégique entre l’ICCA et l’ISACA afin de favoriser d’autres activités de coopération en matière de formation, de recherche et de normes professionnelles. Ceci illustre clairement le lien étroit entre la certification des compétences spécialisées et la formation continue. En effet, la mise en place d’un processus efficace de formation continue est un préalable important à toute tentative d’octroi de titres de spécialistes. Le projet de centre de formation de l’OECT pourrait ainsi constituer la première étape vers la mise en place de la certification des compétences spécialisées2.
Ensuite, il faudra que la formation continue entre dans les mœurs, qu’elle devienne partie intégrante des activités professionnelles. Actuellement, une norme professionnelle fixe à 40 heures par an la durée minimale que chaque expert-comptable doit consacrer à sa formation. Toutefois, le respect de cette norme n’est vérifié que dans le cadre d’un contrôle de qualité ; ce qui minimise son caractère obligatoire. A notre avis, il est temps que l’obligation de formation continue soit clairement instituée et systématiquement vérifiée et sanctionnée. Dans cette perspective, une obligation de formation à 2% du volume horaire produit par le professionnel nous semble légère.
§5. Identité et perception de la profession
Malgré les scandales financiers récents, le marché s’attend toujours à ce que la profession comptable reste fidèle à ses valeurs : intégrité, objectivité, recherche de l’excellence, préservation de l’intérêt public, etc3. C’est donc naturellement par rapport à ces valeurs que notre profession devrait s’identifier.
Pourtant, pour assurer son développement, la profession comptable s’est éloignée des missions d’expertise et de vérification. La part relative des missions classiques a décru dans tous les cabinets, notamment dans les cabinets américains sous la pression du mouvement de consolidation4. Il s’en est suivi une perte d’image et d’identité de la profession. Cette situation est soulignée par le Carnet de route du 57ème Congrès de l’OEC de France5 comme première caractéristique commune de l’évolution de la profession comptable aux Etats-Unis d’Amérique, au Canada, en Grande-Bretagne, en Allemagne et en France.
Le positionnement de la profession par rapport aux métiers de base que sont l’expertise et la vérification et par rapport aux nouveaux métiers est l’un des rôles les plus importants de l’Ordre. C’est en effet de ce positionnement que dépendent dans une large mesure la conception commune de la profession, la fierté et l’esprit d’appartenance des membres.
1 Selon le site de l’ICCA : http://www.icca.ca/index.cfm/ci_id/643/la_id/2.htm
2 La stratégie de développement de la profession parle d’Etudier la possibilité de créer en partenariat avec l’université, dans le cadre du centre de formation de l’Ordre, des diplômes ou des certificats spécialisés.
3 Selon des sondages récents réalisés après la vague de scandales financiers déclenchée par l’affaire ENRON. Par exemple, celui réalisé par The National Federation of Independent Business et Wells Fargo en août 2002.
4 Contrôle des cabinets professionnels par des entités commerciales de service qui visent en premier lieu les missions de conseil à forte valeur ajoutée.
5 Connecter les compétences – Hommes, Techniques, Langages. Montpellier. Octobre 2002.
De ce positionnement dépend également la manière dont la profession est perçue de l’extérieur. La perception de la profession dépend aussi de son accessibilité et de sa popularité auprès des étudiants et des stagiaires. Elle est également tributaire de la politique de communication de l’Ordre, seul organisme habilité à promouvoir l’image de marque de la profession. Le conseil de l’Ordre prévoit de « donner une grande visibilité à la profession à travers la participation à des dossiers de presse ou des publications par les membres sur les sujets d’actualité. »1 L’utilisation des technologies de l’information et de la communication, et notamment des sites Web et des CD Rom pourrait être d’un grand apport dans ce dessein.
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1 Selon le site de l’ICCA : http://www.icca.ca/index.cfm/ci_id/643/la_id/2.htm ↑
2 La stratégie de développement de la profession parle d’Etudier la possibilité de créer en partenariat avec l’université, dans le cadre du centre de formation de l’Ordre, des diplômes ou des certificats spécialisés. ↑
3 Selon des sondages récents réalisés après la vague de scandales financiers déclenchée par l’affaire ENRON. Par exemple, celui réalisé par The National Federation of Independent Business et Wells Fargo en août 2002. ↑
4 Contrôle des cabinets professionnels par des entités commerciales de service qui visent en premier lieu les missions de conseil à forte valeur ajoutée. ↑
5 Connecter les compétences – Hommes, Techniques, Langages. Montpellier. Octobre 2002. ↑
Questions Fréquemment Posées
Comment les nouvelles technologies transforment-elles les missions des experts-comptables ?
Les nouvelles technologies modifient la nature des interventions des experts-comptables en mettant la valeur ajoutée au client au centre du processus de prestation de service.
Pourquoi est-il important pour les experts-comptables de formaliser leurs missions ?
Il est important de formaliser les missions pour définir clairement les différentes interventions offertes, les moyens mis en œuvre et la plus-value apportée aux clients.
Quel rôle joue l’Ordre des experts-comptables dans l’adaptation aux nouvelles missions ?
L’Ordre est appelé à jouer un rôle important dans la définition des missions de l’expert-comptable et dans la segmentation du marché en fonction de la taille des entreprises et de leurs secteurs d’activité.