Les mécanismes de défense ethniques congolais révèlent des dynamiques surprenantes au sein des interactions multiculturelles. En interrogeant les perceptions de valorisation et de protection, cette recherche offre des perspectives inédites sur la communication interculturelle, essentielle pour comprendre les enjeux socioculturels contemporains.
- Communications généralisées et contextualités situationnelles de l’« identification ethnique et protection »
- Description de cas
- Communications généralisées et contextualités situationnelles de l’« identification ethnique et protection »
Pour comprendre comment les acteurs sociaux congolais produisent les « identification et protection ethniques » dans un contexte multiculturel, les sujets enquêtés ont été appelés à tour de rôle à discuter autour du thème ci-après : « Voter une personne originaire de votre province est un moyen de se valoriser et de protéger les intérêts du groupe. L’avez- vous déjà constaté dans votre milieu ? ».
Les données recueillies de ces échanges peuvent être résumées comme suit461 :
- Bandundu : Il est très souvent intéressant de porter son choix sur le ressortissant de sa province même s’il ne convient pas, car « le linge salles se lave en famille » traduit en kikongo « bilele ya mvindu ke yobisama na nzo ». Les autres ne doivent pas être élus pour occuper des postes de responsabilité, car on « ne peut pas compter sur les biens d’autrui » traduit en kikongo « dibuki ya nkani boke sumbilaka yo nkuanga ve »
- Bas-Congo : Rarement les Bakongo sont tribalistes, ils font plus confiance aux autres qu’aux leurs, car ils croient que ces derniers sont des sorciers qui vont les en vouloir.
- Equateur : Tous souvent dans notre pays, le tribalisme ou le régionalisme sont des phénomènes naturels et normaux. Chez nous, si tu n’es pas terrien, tu ne peux pas être élu par les Equatoriens.
461Données recueillies lors des entretiens avec les étudiants des premières années de graduat (A et B) de l’IFASIC, du 09 au 30 avril 2013. ↑
- Kasaï Occidental : Souvent il nous arrive avoir des sentiments profonds envers les nôtres parce que nous avons besoin de nous protéger. Lors des élections de 2011, un candidat au poste de gouverneur n’a pas été élu parce qu’il avait des origines douteuses. Le remplacement du Secrétaire Général d’un parti politique national, originaire du Kasaï, par un Kuvussien a été mal apprécié par les Kasaïens. Ce nouveau secrétaire n’était pas obéi par ces derniers.
- Kasaï Oriental : Souvent nous avons tendance à vouloir travailler avec les nôtres. Pendant les élections de 2006 et 2011, notre peuple avait plus voté pour ses ressortissants.
- Katanga : Quelquefois il nous arrive de voter pour des personnes en fonction de leur provenance. Ainsi aux élections de gouverneur de 2011, les Katangais avaient élu leur frère contre un Kasaïen bien que ce dernier fût bien apprécié par la population.
- Kinshasa : Jamais les Kinois ne votent pas des gens en fonction de leurs origines. Le vote se fait toujours en fonction des compétences du candidat. Mais les venants ont tendance à se laisser influencer par leurs origines. Ceci s’observe dans les comportements des universitaires lors du vote des membres du Comité des étudiants, comme exemple actuellement dans une université de la place un Président des étudiants s’est fait entourer de ses frères Kasaïens.
- Maniema : Très souvent il nous arrive de porter notre choix sur des personnes de notre province. Il s’agit d’une situation courante et généralisée. Dans notre pays tout le monde fait attention aux personnes de sa province.
- Nord-Kivu : Jamais nous n’avons tendance à vouloir à tout prix voter pour la personne de notre province. La preuve est que Konde Vila Ki Kanda, ressortissant du Bas-Congo s’est fait élire chez nous au détriment de Payi Payi et Mbusa Niamwisi. Ce comportement justifie que notre peuple est objectif et réfléchi.
- Province Orientale : Très souvent nous nous sentons attirés par des hommes de la même province ou village que nous. Ceci procure donc un sentiment de joie quand nous nous retrouvons avec des personnes parlant le « Swahili ». Lors de deux élections présidentielles passées (2006 et 2011), le Président Kabila a été voté en majorité par des personnes parlant cette langue.
- Sud-Kivu : Très souvent il est important de voter pour les siens. D’ailleurs chez nous, nous n’acceptons pas d’être dirigés par un étranger.
Ces données sont analysées en termes d’éléments communicationnels (généralisés et contextuels) dans le paragraphe qui suit en fonction de « tableau panoramique de dépouillement » (voir le tableau n°08) et de la « grille d’analyse » (voir tableau n°09).
- Analyse des éléments communicationnels (généralisés et contextuels)
Nous analysons ici les éléments de la communication généralisée et de la contextualité situationnelle à partir des discours (réactions) des sujets enquêtés décrits ci-haut. Le tableau panoramique n°34 résume les éléments de cette analyse.
Tableau n°34 : Tableau panoramique du mécanisme de l’identification et la protection ethniques
N° | Elément Acteur | Communication généralisée | Contextualité situationnelle | Valeur significative | |||
Norme | Enjeu | Positionnement | Qualité des relations avec les autres acteurs | ||||
1. | Bandundu |
| – Valorisation des principes, habitudes et règles de soi |
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| – |
2. | Bas-Congo |
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| + |
3. | Equateur |
| – Valorisation des principes, habitudes et règles de soi |
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| – |
4. | Kasaï Occidental |
| – Valorisation des principes, habitudes et règles de soi |
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| – |
5. | Kasaï Oriental |
| – Valorisation des principes, habitudes et règles de soi |
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| – |
6. | Katanga |
| – Valorisation des principes, habitudes et règles de soi |
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| – |
7. | Kinshasa |
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| + |
8. | Maniema |
| – Valorisation des principes, habitudes et règles de soi |
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| – |
9. | Nord-Kivu |
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| + |
10. | Province Orientale |
| – Valorisation des principes, habitudes et règles de soi |
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| – |
11. | Sud-Kivu |
| – Valorisation des principes, habitudes et règles de soi |
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| – |
Le tableau n°34 nous permet de tirer les conclusions suivantes :
- huit provinces pratiquent les « identification et protection ethniques » (soit 73 %), il s’agit de : Bandundu, Equateur, Kasaï Occidental, Kasaï Oriental, Katanga, Kinshasa, Maniema, Province Orientale et Sud-Kivu. Ces provinces développent des valeurs négatives à l’égard des autres culturels, comme le sentiment de rejet, de méfiance et la tendance égocentrique ;
- trois provinces ne pratiquent pas ce mécanisme (soit 27 %) : Bas-Congo, Kinshasa et Nord- Kivu. Les originaires de ces provinces développent des valeurs positives à l’égard des autres culturels, notamment : le sentiment d’acceptation, la confiance et l’altruisme.
Questions Fréquemment Posées
Comment les mécanismes de défense ethniques influencent-ils le vote au Congo ?
Les acteurs sociaux congolais choisissent souvent de voter pour des candidats originaires de leur province, car cela est perçu comme un moyen de se valoriser et de protéger les intérêts du groupe.
Pourquoi les Kasaïens préfèrent-ils voter pour des candidats de leur région ?
Les Kasaïens ont des sentiments profonds envers les membres de leur province et cherchent à se protéger, ce qui les pousse à voter pour des candidats ayant des origines similaires.
Quelles sont les perceptions du tribalisme dans les différentes provinces congolaises ?
Dans certaines provinces comme le Bas-Congo, les gens font plus confiance aux autres qu’à leurs propres ressortissants, tandis qu’à l’Equateur, le tribalisme est considéré comme un phénomène naturel et normal.