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Comment la littérature haïtienne révèle la souffrance des restavèk ?

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🏫 Université d'Ottawa - École de Service Social
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Maîtrise - Septembre 2020
🎓 Auteur·trice·s
Taïna Frazil
Taïna Frazil

La littérature haïtienne et restavèk révèle des vérités troublantes sur l’esclavage moderne des enfants. En explorant des récits folkloriques, cette analyse met en lumière les conditions déplorables des restavèk, tout en questionnant les racines historiques de cette pratique persistante et ses implications sur la société haïtienne.


CHAPITRE 4 – EXAMINER LA LITTÉRATURE SUR LES ENFANTS RESTAVÈK

À TRAVERS UNE POSTURE CRITIQUE

Dans ce chapitre nous allons nous consacrer spécifiquement à présenter la manière dont le système restavèk est présenté dans la littérature identifiée et spécifiquement dans la littérature haïtienne. Nous présenterons ensuite deux textes du folklore haïtien ayant marqué la mémoire collective haïtienne et internationale. Nous présenterons dans ce qui suit les constats généraux sur le contenu et l’apport de ces textes.

Une littérature folklorique qui révèle un récit de souffrances et de cruauté

Haïti est un pays riche en culture et en histoire et il a maintenu son indépendance depuis le début des années 1800. Haïti a connu un flot sans fin de catastrophes naturelles. Cependant, malgré une culture riche, vibrante, conviviale et pleine de saveur, il est ancré dans une histoire d’extrême pauvreté et de travail d’enfants.

Dans la littérature haïtienne, il y a deux histoires qui racontent et expliquent la réalité de l’enfant restavèk soit Ti-Sentaniz et l’autobiographie de Jean-Robert Cadet.

Selon l’OIT (dans Sommerfeltd), Ti-Sentaniz, est un folklore haïtien qui dépeint la souffrance des restavèk. Ti-Sentaniz raconte l’histoire d’un homme qui doit s’occuper de ses sept enfants suite à la mort de sa femme (Sommerfeltd, 2002). La famille vit dans une petite maison de campagne d’une pièce et vit de son commerce de tissage de chaises et de paniers.

À contrecœur, le veuf prend la décision de donner une de ses filles à une femme de la ville à qui il vend ses produits. La femme à qui Ti-Sentaniz a été donnée, insistait pour que l’enfant soit une fille et pas trop jeune, car selon elle, elles sont plus faciles à briser.

Ti-Sentaniz, avait neuf ans lorsqu’elle a été livrée à la famille. Il est important de reconnaître que la majorité des restavèk ont entre 5 et 17 ans (Sommerfeltd, 2002). Au moment de laisser l’enfant, le veuf dit à son enfant de faire confiance à la femme et que celle-ci sera patiente à son égard puisqu’elle est aussi une mère.

L’histoire est un long dialogue dans lequel on voit la mère d’accueil échanger entre sa fille biologique et Ti-Sentaniz. Ce qui est intéressant dans ce récit, c’est le contraste dans la manière dont elle s’adresse à sa fille et l’enfant restavèk. Elle parle avec sa fille avec une voix douce, la couvre de baisers et l’habille avec les meilleurs vêtements qu’elle puisse trouver.

Avec la servante elle fait preuve de violence verbale et physique, lui reproche tout et ne lui fournit ni de souliers et de vêtements. À un certain moment, la dame mentionne « Quand vous obtenez ces petits parasites pour rester avec vous, vous pensez que vous faites de l’économie, mais à la place, vous abusez de votre santé » (Sixto, 2013).

Cette citation fait référence au fait que son investissement dans un restavèk se soit avéré néfaste pour sa santé plutôt qu’économique, cela démontre aussi que certaines familles d’accueil utilisent cette pratique comme source de travail gratuit.

La communauté haïtienne est également cruelle envers la restavèk. Les voisins louent les services de Ti-Sentaniz, et d’autres l’insultent. Cadet (1998), l’ancien restavèk dont le cas sera discuté plus loin mentionne des abus similaires de la part de la communauté. Il mentionne que les enfants du quartier lui criaient constamment restavèk et lui rappelaient qu’il n’avait pas de mère (Cadet, 1998).

En plus d’être appelé restavèk, un terme péjoratif et dégradant, Ti-Sentaniz porte le nom de sa famille d’accueil, car l’enfant restavèk n’a aucune identité et presque aucune information sur son identité et sa famille naturelle (Anderson & al, 1990). L’auteur de Ti-Sentaniz Maurice Sixto a construit cette histoire dans le but de dénoncer les problèmes sociaux qui existent dans la culture haïtienne.

À propos de Ti-Sentaniz, il écrit « Et dans cette voix, on pouvait sentir toute la douleur, toutes les gifles au visage qu’elle a reçues, tout l’esclavage qu’elle a enduré, tout le manque d’affection, toute l’humiliation » (Sixto, 2013). Ce qui est encore plus humiliant et dégradant pour les restavèk est le fait qu’ils doivent s’adresser aux enfants de la famille d’accueil en les nommant madame ou monsieur alors que ces enfants ont le même âge qu’eux (Cadet, 1998).

Un autre aspect frappant de l’histoire que Sixto fait ressortir est l’hypocrisie du père d’accueil, qui en tant qu’enseignant, est préoccupé par les injustices des autres, mais ne semble pas voir l’injustice qui se déroule dans son propre foyer. Le père semble ignorer aveuglément les mauvais traitements infligés par sa femme à cet enfant sous leur responsabilité afin d’avoir une vie meilleure.

L’histoire d’un enfant restavek

Hatloy (2005), fait part de la difficulté d’étudier les restavèk et du fait qu’il est difficile de dire si ces enfants sont victimes ou non du travail des enfants, elle justifie son argument en mentionnant le fait qu’ils sont dans ces familles, mais on ne sait pas s’ils sont un membre à part entière ou des domestiques.

Levison et Langer (2010), quant à eux, conviennent que la façon de distinguer un restavèk d’un membre régulier de la famille est déterminée par les tâches que l’enfant accomplit. Les tâches qu’accomplissent les restavèk sont excessives et dangereuses pour des jeunes personnes, surtout lorsqu’on prend en considération que plusieurs sont âgées de cinq ans.

L’OIT, mentionne que des jeunes enfants ne devraient pas être autorisés à effectuer ce genre de travail qui les prive de leur enfance (Cadet, 1998).

Un autre exemple du travail domestique des enfants restavèk estcelui de l’histoire de Jean-Robert Cadet, cet ancien restavèk dont l’histoire a permis de faire connaitre cette triste réalité à la communauté internationale.


Questions Fréquemment Posées

Qu’est-ce que le système restavèk en Haïti?

Le système restavèk en Haïti consiste à placer des enfants comme domestiques dans des familles aisées par des parents en situation de pauvreté, où ils accomplissent des tâches domestiques sans rémunération.

Comment la littérature haïtienne aborde-t-elle le sujet des restavèk?

La littérature haïtienne, à travers des récits comme Ti-Sentaniz et l’autobiographie de Jean-Robert Cadet, dépeint la souffrance des restavèk et critique les abus qu’ils subissent dans la société haïtienne.

Quels sont les impacts du système restavèk sur les enfants?

Les enfants restavèk, souvent âgés de 5 à 17 ans, subissent des abus physiques et verbaux, perdent leur identité et sont souvent traités de manière dégradante par leur famille d’accueil et la communauté.

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