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Comment l’innovation transforme la photographie documentaire en Haïti (1915-1920) ?

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🏫 Université d'Etat d'Haïti - Institut d'Etudes et de Recherches Africaines d'Haïti IERAH/ISERSS
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Licence - 2015
🎓 Auteur·trice·s
Assédius BELIZAIRE
Assédius BELIZAIRE

L’innovation en photographie documentaire révèle comment les images des forces armées et des événements politiques durant l’occupation américaine d’Haïti (1915-1920) transcendent leur fonction initiale. Cette étude met en lumière les codes vestimentaires et postures, redéfinissant notre compréhension des représentations sociopolitiques de l’époque.


LA PHOTOGRAPHIE DOCUMENTAIRE

      1. Le style documentaire

On ne peut pas parler de la photographie documentaire avant de voir la notion de « style documentaire ». Le « style documentaire » est une expression utilisée pour la première fois par Walker Evans en réaction à la définition de la « photographie documentaire » qui avait été proposée pour son travail.

Cette opposition entre une photographie proprement documentaire – qui est document – et une photographie qui emploie un « style documentaire » est le fondement pour tout développement du genre. Walker Evans assure l’indépendance et la valeur avant tout artistique de son travail : l’utilisation de certaines caractéristiques de la photographie – document est un choix stylistique, c’est-à-dire formel.

Certaines caractéristiques de ce style sont mises en évidence : « Netteté maximale, cadrage simplifié, de préférence frontal et centré, statisme, impersonnalité appuyée, répétitivité»66.

Du style documentaire à la photographie documentaire

Certainement, un rapport de proximité pour ne pas dire une transition entre le style documentaire et la photographie documentaire. Olivier Lugon a limité l’usage du terme « style documentaire » aux photographes Bérénice Abbott et August Sander. Cependant, l’approche documentaire de la photographie continuera à être utilisée de façon importante après Walker Evans.

Parmi les premiers à employer le terme de « photographie documentaire » dans l’historiographie de la photographie, nous trouvons l’historien Beaumont Newhall. A la moitié du XXème siècle, celui- ci propose une définition très large du genre documentaire. Dans son premier texte, la différence entre fonction documentaire et fonction d’information n’est pas très claire.

Plus tard, il va faire la différence entre pur document et photographie documentaire. « Le profond respect pour les faits et le désir de créer une interprétation active du monde dans lequel nous vivons distingue la meilleure photographie documentaire de plats enregistrements photographiques67.

Dès qu’on parle de « photographie documentaire » on voit le mot « documentaire » qui dérive de « document ». En photographie, lorsqu’on parle de « document » on parle d’une image qui se voit assigner un emploi, une destination. Cette image ne relève pas d’un style particulier, mais d’une catégorie toute entière, à vocation éminemment utilitaire.

Avant la première guerre mondiale, on estime que le document se situe aux antipodes de l’esthétique. Après la guerre, la prolifération des photographies nouvelles et la reproduction en similigravure conduisent à l’envisager sous un angle différent, l’en considèrent comme un genre suprêmement fécond pour les artistes modernes.

A remarquer, cette nouvelle conception du document va séduire… Il est difficile d’appréhender la notion de document d’un point de vue général ; alors que sa spécificité réside dans son caractère extensible, indéfini, flou. La meilleure définition de la photographie documentaire ou image documentaire a été donnée lors du Vème Congrès International de la Photographie (en 1910, Bruxelles) et elle évoque uniquement un éventail d’options étirable à l’infini :

« Une image documentaire doit pouvoir être utilisée pour des études de nature diverses, d’où la nécessité d’englober dans le champ embrassé le maximum de détail possible. Toute image peut, à un moment donné, servir à des recherches scientifiques. Rien n’est à dédaigner : la beauté de la photographie est ici chose secondaire, il suffit que l’image soit très nette, abondante en détail et traité avec soin pour résister le plus long possible aux injures du temps».

Un document constitue un objet d’étude ; sa beauté ne vient qu’au second rang, derrière son utilité, le document n’obéit à aucune contrainte plastique et que c’est une sorte d’espace vierge rempli de détails dans l’absolu. Par extension, il s’agit d’une image impersonnelle destinée à montrer quelque chose ; le degré zéro de l’image qui prend forme quand son emploi se précise68. Comme le photographe Albert Conde l’explique, la photographie fournit des bons documents, parce qu’elle est vraie, exacte et rigoureuse, et elle s’applique aussi bien à l’art qu’à la science, où le « document vu » complète le « document écrit ».

En fait, le document fait intervenir des relations conventionnelles non seulement entre lui et son motif, mais aussi entre lui et une réalisation ultérieure. La photographie devient ici autre chose qu’un miroir de la nature, elle ressortit à un autre niveau de communication. Tandis que le document met en place les nouveaux schémas modernes de relation entre l’image et le savoir, donc la photographie pénètre dans la sphère du langage.

Le document n’est donc pas une fin mais un début ; les parcelles de savoir qu’il renferme produisent ensuite un savoir plus élaboré, présenté la plupart du temps sous une autre forme. Et pourtant, le document n’est pas source de pouvoir, il ne présente pas un ordre supérieure, il se situe du côté du producteur, de l’ouvrier qui participerait ainsi à la production de certains domaines de connaissances bourgeoises.

Les documents alimentent un fond d’information de cette sorte, dont les relations ne sont pas spécifiées et qui ne sont pas classées dans un ordre hiérarchique mais se bousculent, empiètent les uns sur les autres comment et finissent n’importe où. En outre, ce savoir est discontinu ; le savoir ne constitue pas un corpus mais un agrégat de connaissances.

Pour exister, un document a besoin d’un spectateur et d’un emploi, car il se définit sur un mode dialectique : un spectateur déchiffre dans l’image certaines informations techniques, certains indices que l’image doit se révéler capable de fournir. Ces deux conditions sont nécessaires pour faire de l’image un document. Ce sont les multiples utilisations pratiques des images qui créent de familles distinctes de document, chacune ayant ses caractéristiques.

Pour Lewis Hine, la photographie documentaire transmet l’information avec une telle « efficacité » qu’elle puisse convaincre si facilement69

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66 La ruine de guerre dans la photographie documentaire sous la direction de M.me Françoise DENOYELLE, Professeur des Universités, Mémoire de fin d’études et de recherche

67 Ibid, page 22

68 Ibid, Même page


Questions Fréquemment Posées

Qu’est-ce que le style documentaire en photographie?

Le « style documentaire » est une expression utilisée pour la première fois par Walker Evans en réaction à la définition de la « photographie documentaire » qui avait été proposée pour son travail.

Comment la photographie documentaire a-t-elle évolué après la Première Guerre mondiale?

Après la guerre, la prolifération des photographies nouvelles et la reproduction en similigravure conduisent à envisager la photographie documentaire sous un angle différent, la considérant comme un genre suprêmement fécond pour les artistes modernes.

Quelle est la définition d’une image documentaire selon le Vème Congrès International de la Photographie?

Une image documentaire doit pouvoir être utilisée pour des études de nature diverses, d’où la nécessité d’englober dans le champ embrassé le maximum de détail possible.

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