Les implications politiques de certification des prospectus d’information révèlent des enjeux cruciaux pour la transparence financière. En examinant les responsabilités des commissaires aux comptes, cette étude met en lumière des pratiques essentielles, transformant notre compréhension des normes d’audit à l’échelle internationale.
Sixieme Chapitre :
Finalisation de la Mission de Controle du Prospectus
A l’issue de ces travaux, le commissaire aux comptes doit être en mesure de faire la synthèse des observations et le cas échéant de pratiquer de nouvelles investigations afin de confirmer l’existence ou mesurer l’ampleur des irrégularités relevées et non redressées.
Le commissaire aux comptes n’est pas pour autant, à ce stade, parvenu au terme de sa mission. Pour formuler son opinion, il doit encore mettre en œuvre d’autres diligences complémentaires dans le cadre des travaux de finalisation (section 1).
Au terme de ces travaux de finalisation et avant l’émission de son avis (objet de la section 3 de ce chapitre), le commissaire aux comptes obtient des dirigeants une lettre d’affirmation portant des déclarations pouvant lui servir comme éléments probants (section 2 du même chapitre).
Section 1 : Les travaux de finalisation
Normalement, les travaux de finalisation n’impliquent pas une démarche active de vérification des informations présentées dans le prospectus de la part du commissaire aux comptes.
Toutefois, l’apparition d’éléments d’informations nouveaux au niveau du prospectus appelle à ce dernier des diligences complémentaires suivies des mêmes procédés de finalisation.
La revue globale de la cohérence des informations
Le commissaire aux comptes procède à une revue globale de cohérence des informations de nature comptable et financière contenues dans la dernière version du prospectus afin d’apprécier notamment que la présentation d’ensemble n’est pas de nature à donner lieu à une mauvaise interprétation.
Lorsque certaines de ces informations ont été examinées sous la responsabilité d’un autre auditeur, par exemple un prédécesseur ou un auditeur contractuel, le commissaire aux comptes vérifie une dernière fois la concordance de ces informations avec le rapport de cet auditeur.
La relecture finale du prospectus
Cette étape de la phase finale vise à s’assurer que la dernière version du prospectus présentée au commissaire aux comptes ne comporte ni des incohérences manifestes, entre les informations de nature comptable et financière et les autres informations présentées, ni des informations manifestement erronées.
Si c’est le cas, le commissaire aux comptes s’entretient avec la direction. A défaut d’explication satisfaisante ou, si nécessaire, de correction du prospectus, il y a lieu de faire une observation dans l’avis sur le prospectus.
Cette diligence est considérée comme essentielle notamment au regard des informations chiffrées quelles que soient leurs natures. Cette recommandation implique sans doute l’étendue de la responsabilité du commissaire aux comptes à l’ensemble du prospectus.
La vérification de la version arabe du prospectus
Le prospectus d’information est rédigé dans deux langues, l’arabe et le français, considéré en Tunisie comme la langue des affaires. Les vérifications du commissaire aux comptes portent normalement sur la version en langue française du prospectus, sauf dérogation accordée par le C.M.F.
A notre avis, le commissaire aux comptes est appelé à vérifier la conformité de la traduction à travers une lecture parallèle des deux versions. S’il constate des incohérences, des contradictions ou des oublies, le commissaire aux comptes doit en informer la direction pour qu’elle puisse apporter les corrections nécessaires.
La vérification de concordance du prospectus avec le projet sur lequel les vérifications ont porté
Le commissaire aux comptes vérifie la concordance du prospectus sur lequel il appose sa signature avec la dernière version projet sur lequel ses vérifications ont porté. Il est donc nécessaire que le commissaire aux comptes puisse relire l’épreuve de l’imprimeur avant le bon à tirer.
Les diligences complémentaires
Si le commissaire aux comptes constate que des modifications ont été apportées ou que du retard a été pris par rapport au calendrier initialement prévu, il effectue les diligences complémentaires qu’il juge nécessaires : revue des événements postérieurs, test de cohérence globale, relecture finale de la nouvelle version.
Section 2 : La lettre d’affirmation de la direction de l’émetteur
Cette procédure permet au commissaire aux comptes d’évaluer et de documenter les déclarations de la direction de la société comme éléments d’une grande force probante.
La date de la lettre d’affirmation
Au terme de ses travaux et avant l’émission de son avis, le commissaire aux comptes obtient des dirigeants une lettre d’affirmation, datée du même jour que son avis, actualisant les lettres d’affirmations obtenues, le cas échéant, précédemment au titre des comptes historiques, pro forma et prévisionnels.
Dans la pratique, il est souhaitable d’organiser les signatures par les dirigeants le jour même de l’émission du prospectus et de l’avis du commissaire aux comptes.
Le contenu de la lettre d’affirmation
Le commissaire aux comptes demande aux dirigeants notamment :
- de reconnaître leur responsabilité en matière d’établissement du prospectus,
- et de confirmer que tous les événements significatifs survenus postérieurement à la date de son dernier rapport ont été pris en compte dans le prospectus,
La même lettre souligne également que :
- Les états financiers prévisionnels présentés et les autres données prévisionnelles prennent en compte la situation future que les dirigeants ont estimée la plus probable à la date de leur établissement et que les actions prises ou qu’ils envisagent de prendre ne contredisent pas les hypothèses retenues.
- Les comptes pro forma présentés et les autres informations pro forma historiques ont été établis en retenant les conventions les plus appropriées pour refléter l’effet sur les informations historiques de l’opération ou de l’événement sous jacent à leur établissement.
Il est à signaler qu’en cas de refus par la direction de fournir les déclarations demandées par le commissaire aux comptes, ce dernier doit en tenir compte dans la formulation de son opinion.
Section 3 : L’avis du commissaire aux comptes sur le Prospectus
Avant de réfléchir sur la forme et le contenu de l’avis à exprimer sur le prospectus, il y a lieu de constater l’étendue de la responsabilité du commissaire aux comptes en Tunisie et de proposer des solutions pour limiter au mieux l’étendue de celle-ci.
Le constat d’une responsabilité étendue du commissaire aux comptes en Tunisie
La responsabilité du commissaire aux comptes dans le cadre d’une mission de contrôle du prospectus d’information est particulièrement étendue. Ce constat a été confirmé par les résultats de l’enquête que nous avons menée auprès des commissaires aux comptes membres de l’OECT (cf. Septième Chapitre).
Nous présentons dans ce titre quelques observations qui illustrent l’étendue de cette responsabilité à un niveau élevé.
Absence de forme distinctive des informations non vérifiées
Certes, l’avis exprimé par le commissaire aux comptes ne couvre que les informations de nature comptable et financière, néanmoins on peut se demander si les utilisateurs du prospectus sont en mesure d’identifier les différentes natures d’informations pour évaluer leur fiabilité selon qu’elles sont ou non vérifiées par le commissaire aux comptes de l’entreprise.
Ainsi, l’utilisation des astérisques ou toute autre marque distinctive des informations non vérifiées par le commissaire aux comptes, particulièrement les informations économiques, constitue à notre avis un moyen efficace permettant d’avertir le lecteur du prospectus qu’il s’agit d’informations non-vérifiées par le commissaire aux comptes.
Présentation actuelle de l’avis du commissaire aux comptes sur le prospectus
L’attestation du commissaire aux comptes figure souvent sous une rubrique appelée « Attestation des personnes qui assument la responsabilité du prospectus » (cf. annexe 8).
Cette situation risque d’induire le lecteur en erreur en laissant penser que le commissaire aux comptes a mené des procédures de vérification sur toutes les informations présentées dans le prospectus et que son attestation est un engagement de sa part sur l’ensemble des données attachées à son opinion.
En conséquence, le commissaire aux comptes appelé à contrôler un prospectus doit être plus vigilant et doit demander à ce que son avis soit présenté sous une rubrique à part intitulée « Attestation des commissaires aux comptes », tel que prévu par le fameux règlement du C.M.F. relatif à l’APE.
Expression actuelle de l’avis du commissaire aux comptes sur le prospectus
Le modèle d’opinion sans réserve à exprimer par le commissaire aux comptes sur le prospectus56 est la suivant : « nous avons procédé à la vérification des informations financières et des données comptables figurant dans le présent prospectus en effectuant les diligences que nous avons estimées nécessaires selon les normes de la profession. Nous n’avons pas d’observations à formuler sur la sincérité et la régularité des informations financières et comptables présentées.«
Cette expression est à notre avis problématique57, dans la mesure où elle prévoit que les commissaires aux comptes doivent attester la sincérité et la régularité de l’ensemble des informations comptables et financières présentées dans le prospectus sans distinguer entre informations historiques, prévisionnelles et pro forma.
Cette opinion traduit ainsi une assurance positive sur les caractéristiques qualitatives de ces informations (régularité et sincérité).
En revanche, l’application des normes internationales d’audit en vigueur en Tunisie conduit normalement à l’expression d’une assurance négative concernant le caractère raisonnable des hypothèses de prévision, sans fournir aucune affirmation sur la qualité des informations prévisionnelles issues de ces hypothèses.
De même, les conclusions du commissaire aux comptes sur les autres informations comptables et financières peuvent être exprimées sous la forme d’une assurance négative, tel est le cas par exemple des comptes intermédiaires ou des comptes pro forma établis sur la base de comptes historiques ayant fait l’objet d’un examen limité.
Recommandations et axes d’orientation
La réflexion sur les possibilités de limitation de la responsabilité du commissaire aux comptes dans les opérations de placements doit commencer inévitablement par la re-formulation de l’avis sur le prospectus tel qu’exprimé aujourd’hui. Notre proposition à ce titre sera présentée dans le § 3.3. du même chapitre.
La réalisation d’actions concrètes dans ce sens doit être faite dans le cadre des axes d’orientation générale déjà retracés au niveau de la stratégie de l’Ordre des Experts Comptables de Tunisie58 :
- La profession doit sensibiliser les autorités à relancer le processus de normalisation: Un travail de comparaison entre normes internationales et normes tunisiennes doit être réalisé et le résultat de ce travail doit être communiqué à la tutelle ;
- Etablir des contacts avec le Ministre des Finances pour le sensibiliser à la nécessité de relancer le processus de normalisation ;
- Contribuer activement à la formulation des normes ;
- Mettre en place le comité de liaison OECT/CMF et élaborer un projet de prospectus type avec de nouvelles formes d’avis.
La structure de l’avis du commissaire aux comptes
A partir de l’étude que nous avons effectuée sur les prospectus publiés sur la place financière tunisienne, nous avons remarqué sur les cinq dernières années une uniformité dans la formulation de l’avis exprimé sur les prospectus.
Cette forme d’expression unique proposée par le C.M.F. et adoptée plus tard par le règlement du C.M.F. relatif à l’APE est complètement déconnectée des normes de rapport adoptées à l’échelle internationale et dans les autres pays du globe comparables avec la Tunisie.
Quelle que soit l’opinion à fournir sur le prospectus, l’avis du commissaire aux comptes doit répondre aux normes de rapport principalement sur le plan structure et respect des mentions obligatoires.
La structure de l’avis est la suivante :
- rappel du contexte dans lequel le commissaire aux comptes est intervenu,
- identification des responsables du prospectus,
- et rappel des objectifs des vérifications mises en œuvre et des diligences effectuées par nature d’information présentée dans le prospectus.
S’agissant des mentions obligatoires, la norme internationale d’audit de l’IFAC – ISA 800 intitulée « rapport de l’auditeur sur des missions d’audit spéciales » peut servir de référence.
Cette norme cite les éléments essentiels qu’un rapport de l’auditeur sur une mission d’audit spéciale doit présenté. Ces éléments rapportés à notre contexte particulier se présentent ainsi :
- un intitulé,
- le destinataire,
- un paragraphe de présentation ou d’introduction
- identification des informations financières auditées, contenues dans le prospectus),
- rappel des responsabilités respectives de la direction de l’émetteur et du commissaire aux comptes,
- un paragraphe sur l’étendue des travaux (décrivant la nature de l’audit)
- référence aux ISAs applicables au contexte de la mission ou aux normes nationales applicables,
- description des diligences mise en œuvre par le commissaire aux comptes,
- un paragraphe exprimant l’opinion du commissaire aux comptes sur les informations financières audités,
- la date du rapport,
- l’adresse du commissaire aux comptes,
- la signature du commissaire aux comptes.
La formulation de l’opinion du commissaire aux comptes
Nonobstant les textes actuellement en vigueur notamment le règlement du C.M.F. relatif à l’APE, il est recommandé que l’opinion du commissaire aux comptes sur l’ensemble des données comptables et financières présentées dans le prospectus renvoie dans tous les cas aux différents rapports émis sur chaque type d’information ayant fait l’objet d’un audit par le commissaire aux comptes ou par un autre auditeur.
La conclusion du commissaire aux comptes est exprimée sous la forme d’observations, ou d’absence d’observations, à formuler sur la sincérité des informations de nature comptable et financière présentées dans le prospectus.
Cette opinion est par la suite complétée par les diligences mises en œuvre par nature d’information.
Lorsque les informations économiques telles que définies dans la première partie du mémoire n’ont pas été identifiées dans le prospectus, le commissaire aux comptes apprécie, en fonction de son jugement professionnel et au regard de leur caractère significatif, s’il convient de les identifier individuellement, dans un paragraphe spécifique situé après la conclusion, et de mentionner que ces informations ne sont pas issues d’un système d’information vérifiable et, en conséquence, ne sont pas couvertes par son avis.
Rappelons que tout travail de normalisation dans ce sens devrait couvrir le maximum de cas possibles ou de situations qui peuvent se présenter.
Par exemple traiter le cas où les informations présentées dans le prospectus ont déjà fait l’objet d’un audit par un autre auditeur (prédécesseur ou auditeur contractuel) et le cas où ces rapports déjà émis contiennent des réserves ou des observations.
Des exemples d’avis du commissaire aux comptes, prévus par la norme française CNCC 6-801, sont présentés en annexes à ce mémoire (cf. annexe 5).
Ces exemples sont à adapter en fonction des circonstances propres à chaque situation, en tenant compte, dans la mesure où elles s’appliquent, des indications données par renvoi.
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56 Ce modèle d’opinion est fourni dans le schéma du prospectus annexé au règlement du C.M.F. relatif à l’APE. ↑
57 Point soulevé également dans l’exposé des motifs du projet de norme de l’OECT relative au rapport du commissaire aux comptes sur les prospectus publiés en cas d’appel public à l’épargne. ↑
58 Source : Site Internet de l’OECT ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les étapes de finalisation de la mission de contrôle du prospectus ?
Les étapes de finalisation incluent la revue globale de la cohérence des informations, la relecture finale du prospectus, la vérification de la version arabe du prospectus, et la vérification de concordance avec le projet sur lequel les vérifications ont porté.
Quel est le rôle du commissaire aux comptes lors de la relecture finale du prospectus ?
Lors de la relecture finale, le commissaire aux comptes s’assure que la dernière version du prospectus ne comporte ni incohérences manifestes ni informations manifestement erronées.
Comment le commissaire aux comptes vérifie-t-il la version arabe du prospectus ?
Le commissaire aux comptes est appelé à vérifier la conformité de la traduction en lisant les deux versions, arabe et française, et en informant la direction des incohérences ou contradictions.
Quelles diligences complémentaires le commissaire aux comptes doit-il effectuer ?
Le commissaire aux comptes effectue des diligences complémentaires si des modifications ont été apportées ou si du retard a été pris par rapport au calendrier initialement prévu.