Les implications politiques de l’autogestion révèlent une dynamique surprenante dans les nouvelles formes organisationnelles. En réactualisant ce concept, cette recherche met en lumière des principes de participation et de démocratie participative, essentiels pour repenser les structures face aux défis contemporains.
La Péniche : une organisation mettant en pratique les concepts des nouvelles théories organisationnelles :
I.1. Un exemple d’organisation holographique : la dissémination des pouvoirs organisationnels et décisionnels grâce à la dissémination des moyens d’information, de communication et de formation :
Cette partie nous donnera à voir l’exemple concret de la 2° caractéristique clé d’une organisation autogérée203 à savoir la socialisation des pouvoirs décisionnels et organisationnels basée sur une socialisation des moyens d’information, de communication et de formation, ainsi que les bouleversements organisationnels qui s’en suivent, à savoir la remise en cause des organisations hiérarchiques/centralisées et de la division du travail.
Cette partie nous donnera donc à voir comment la socialisation des moyens d’information, de communication et de formation entraîne conjointement une socialisation du pouvoir décisionnel et organisationnel et donc le passage d’organisation centralisée et hiérarchisée à une organisation autogérée.
Cette socialisation des moyens d’information, de communication et de formation est en effet un des principes organisationnels clés commun à la théorie autogestionnaire et aux nouvelles théories organisationnelles (quoique celles-ci parlent plus de « distribution », de « dissémination » ou encore de « dilution » que de « socialisation »).
Cette étude de cas nous montrera donc in fine une illustration concrète de la mise en pratique des nouvelles théories organisationnelles et des bouleversements organisationnels fondamentaux qu’elles impliquent.
203 Le premier étant la socialisation des moyens matériels de production, partie que nous venons d’aborder précédemment.
La Péniche est en effet une parfaite illustration de cette socialisation/dissémination des moyens d’information, de communication et de formation et des bouleversements organisationnels que cette « socialisation/dissémination » entraîne.
Cette entreprise s’est ainsi dotée de plusieurs dispositifs organisationnels, principalement basés sur cette socialisation des moyens d’information, de communication et de formation, lui permettant de mettre en application les principes de la pensée autogestionnaire :
- s’approprier collégialement et égalitairement la prise de décision
- et amener cette prise de décision sur le lieu et le temps de travail pour réconcilier conception et exécution.
Elle est également une illustration concrète des bouleversements organisationnels qui s’en suivent :
- la fin de la division du travail
- et la remise en cause de la logique hiérarchique et centralisatrice
La socialisation du pouvoir organisationnel et décisionnel par la socialisation des moyens d’information et de communication
A. L’appropriation collective et égalitaire de la prise de décision : la réunion hebdomadaire :
La plupart des prises de décisions s’effectuent lors d’une réunion hebdomadaire à laquelle l’ensemble des membres doit assister204. Cette réunion vise à passer en revue les dossiers pour juger de leurs avancées et analyser leurs éventuels problèmes (auxquels chacun tente d’apporter des réponses).
Cette réunion traite également de l’ensemble des sujets qui, cette fois, ne concernent plus l’organisation du travail, de l’activité productive, mais l’organisation de l’entreprise : questions financières, de gestion, de formation, de salaires…
Ainsi, chacun des dossiers client et des sujets organisationnels font l’objet d’une discussion collective où chacun est informé (ce qui lui permet d’avoir une vision globale de l’activité de l’entreprise et de son fonctionnement) et à laquelle chacun est appelé à participer. Cette réunion hebdomadaire permet donc la « socialisation de la communication », consistant à « élargir les lieux de production de l’information », que nous avons présenté comme étant à la base de la socialisation du pouvoir décisionnel et organisationnel.
204 Cf. annexe 3 : La Péniche : 10. La réunion hebdomadaire (p 152) et 15. Les ordres du jour des réunions (p 162)
Lors de cette réunion, la prise de décisions s’effectue par consensus. Celui-ci ne nécessite pas de vote, chacun cherchant à trouver le meilleur compromis possible au travers de la discussion. Au quotidien, les oppositions sont peu fréquentes et laissent généralement place à la convergence des idées et des opinions. Comme l’expliquent les membres de La Péniche : « l’organisation du travail quotidien nécessite de se réunir hebdomadairement, mais ne nécessite aucun vote. Les nécessités de travail et le sens des responsabilités de chacun suffisent pour que les choses aillent presque de soi. En ce qui concerne le fonctionnement général, les principes, on peut penser qu’un vote est nécessaire.
Certains préfèrent le fonctionnement au consensus : tant que quelqu’un n’est pas d’accord avec une décision, on discute ; la décision n’est prise que lorsque plus personne ne s’y oppose totalement »205. Le consensus est ainsi étroitement lié à l’activité communicationnelle et nécessite donc la socialisation de l’information et de la communication.
Seule cette socialisation peut permettre l’élaboration d’un « consensus rationnel établi à la suite d’une discussion libre et franche entre partenaires réputés égaux, libres et capables de voir au-delà de leurs intérêts privés un bien commun dans lequel chacun trouve réellement son compte »206.
La réunion se termine par la répartition des différentes tâches. Chacun se propose spontanément pour prendre en charge les dossiers qui l’intéresse le plus ou qu’il connaît le mieux. Chacun est ensuite libre de gérer son planning à sa guise, mais doit en rendre compte auprès du collectif en remplissant une fiche horaire.
205 Autogestion, mode d’emploi.
206 GUEYE, Sémou Pathé. Espace démocratique et démocratie délibérative, repenser la politique. Revue La pensée n°321, Janvier mars 2000
B. Un prise de décision sur le lieu et le temps de travail : l’organisation spatiale en « bureau ouvert » :
Cependant, la prise de décision concernant l’organisation du travail et de l’entreprise s’effectue également au jour le jour.
En effet, l’ensemble des membres de l’entreprise travaille dans le même espace, sans aucune cloison. L’absence de démarcations spatiales permet ainsi la multiplication des contacts, relations, échanges… en un mot de l’ensemble des activités communicationnelles ouvrant la possibilité d’un décloisonnement des tâches. Ainsi, à la moindre hésitation ou au moindre problème, chacun n’hésite pas à interpeller ses collègues pour bénéficier de ses idées ou de ses connaissances.
Par conséquent, l’organisation en « bureau ouvert »207 permet un ajustement permanent de l’activité et une réorganisation constante de l’entreprise.
La multiplication des interactions, loin d’être considérée comme une perte du temps, est ainsi perçue comme une activité productive clé participant au bon fonctionnement de l’entreprise, au rendement de l’activité et à la qualité du produit. L’organisation en bureau ouvert permet ainsi cette « socialisation de l’information », permettant de disséminer l’ensemble des informations pertinentes à tous les niveaux de l’organisation.
Cette pratique permet également une formation réciproque régulière : chacun apportant ses compétences au secours des autres en matière d’informatique, de mise en page, de maquette, de veille informationnelle…
Il est cependant nécessaire de noter que l’agencement en bureau ouvert n’engendre pas automatiquement un foisonnement d’interactions, il créé simplement les conditions propices à leur développement.
207 Cf. annexe 3 : La Péniche : 11. L’agencement spatial en « bureau ouvert » (p 153)
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203 Le premier étant la socialisation des moyens matériels de production, partie que nous venons d’aborder précédemment. ↑
204 Cf. annexe 3 : La Péniche : 10. La réunion hebdomadaire (p 152) et 15. Les ordres du jour des réunions (p 162) ↑
205 Autogestion, mode d’emploi. ↑
206 GUEYE, Sémou Pathé. Espace démocratique et démocratie délibérative, repenser la politique. Revue La pensée n°321, Janvier mars 2000 ↑
207 Cf. annexe 3 : La Péniche : 11. L’agencement spatial en « bureau ouvert » (p 153) ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les caractéristiques clés d’une organisation autogérée ?
Les caractéristiques clés d’une organisation autogérée incluent la socialisation des pouvoirs décisionnels et organisationnels, ainsi que la socialisation des moyens d’information, de communication et de formation.
Comment la Péniche illustre-t-elle les principes de l’autogestion ?
La Péniche illustre les principes de l’autogestion en permettant une appropriation collégiale et égalitaire de la prise de décision, ainsi qu’en amenant cette prise de décision sur le lieu et le temps de travail.
Quels bouleversements organisationnels sont associés à la socialisation des moyens d’information ?
Les bouleversements organisationnels associés à la socialisation des moyens d’information incluent la fin de la division du travail et la remise en cause de la logique hiérarchique et centralisatrice.