La gestion efficace de l’eau d’irrigation est cruciale pour l’agriculture haïtienne, qui représente 20,4 % du PIB. Cette étude révèle des lacunes surprenantes dans la distribution de l’eau à Digoterie, offrant des solutions innovantes pour renforcer les capacités des irrigants et améliorer la sécurité alimentaire.
Problématique
L’agriculture est un secteur très important dans la vie socio-économique haïtienne. Selon la Banque de la République d’Haïti (BRH), elle contribue à 20.4% dans le PIB haïtien en 2016 (BRH, 2016). De plus, ce secteur occupe plus de 50% de la main d’œuvre rurale, et les gens qui vivent dans les milieux ruraux dépendent totalement ou partiellement à environ 80% des activités agricoles (Ibid.) Malgré tout, ce pays n’arrive pas toujours à assurer la sécurité alimentaire de ses habitants.
Les nombreuses difficultés auxquelles font face ce secteur sont alarmantes ; parmi lesquelles se trouve la faiblesse du sous-secteur d’irrigation, ce à laquelle il faut des interventions comme clés de renforcement (FAO, 2016). Le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR), par sa mission de définir la politique du secteur économique du gouvernement haïtien dans les domaines de l’agriculture, a élaboré, depuis 1997, une politique en matière d’irrigation intégrant le concept de « Gestion Sociale de l’Eau (GSE) ».
Cette politique prévoit la réhabilitation et/ou la construction des périmètres irrigués et le transfert de leur gestion aux associations d’irrigants qui en assureront la prise en charge (MARNDR, 2012). Malgré l’existence de plus de 500 périmètres irrigués dans le pays, il est reconnu unanimement que l’irrigation ne constitue pas encore un facteur de multiplicateur de l’économie haïtienne (MARNDR, 2018).
Les problèmes de ce sous-secteur ne cessent de s’aggraver, les principaux sont la détérioration successive des infrastructures hydro-agricoles à la suite des passages périodiques des cyclones et au manque d’entretien, la faible capacité technique des irrigants, la mauvaise gestion imputable en grande partie à la faible implication des usagers et l’application d’un montant de redevance d’irrigation couvrant les frais courants et la dégradation des bassins versants (MARNDR, 2018). Il faut aussi ajouter l’insuffisance d’investissement dans ce secteur qui se traduit par une diminution graduelle des superficies irriguées dans le pays : 144 351 hectares en 1998 contre 140 000 en 2018 (Ibid.).
Les problèmes que rencontre ce sous-secteur ont pour conséquences une baisse de rendement des cultures et une diminution considérable de la production nationale.
Avec moins de 1 000 mm de précipitation annuelle et très mal repartie, le département du Nord-Ouest reste encore l’un des pôles du pays où l’irrigation se justifie (MARNDR, 2018). On y rencontre en général des systèmes irrigués de faible superficie, nombreux sont ceux qui connaissent de graves problèmes de pénurie d’eau (Ibid.). Les sources et les rivières alimentant ces systèmes ont des débits de l’ordre quelques litres par seconde (Rosillon, et al., 2016). Ces systèmes, dont celui de Digoterie, se trouvent confronter à de sérieux problèmes au niveau de la répartition et la gestion de l’eau ; ce qui provoque d’énormes difficultés dans la gestion de ces derniers.
En effet, le périmètre irrigué de Digoterie rencontre actuellement de nombreux problèmes relatifs à la distribution et la gestion de l’eau. D’une part, l’horaire et la durée d’arrosage ne tiennent pas compte du type de sol, du débit d’eau disponible et des besoins en eau des cultures concernées ; par conséquent, les besoins en eau des cultures sur le périmètre ne sont pas satisfaits (WHH, 2021).
Il fait un gaspillage d’eau en amont de ce périmètre et un accès difficile en aval de celui-ci (Ibid.). D’autre part, le calendrier d’arrosage est instable et provoque d’énormes conflits entre les usagers ; ce qui peut être dû à un manque de maîtrise, par les usagers, des paramètres liés à la programmation et à la gestion de l’irrigation.
Ces multiples contraintes ont exercé un impact négatif considérable sur l’efficience du périmètre et empêchent la valorisation et la gestion rationnelle de la ressource en eau disponible.
Compte tenu des conséquences fâcheuses que peuvent engendrer ces problèmes sur le périmètre, la mise à disposition des données techniques et sociales relatives à la répartition et à la gestion de l’eau, qui peuvent faciliter la meilleure gestion du périmètre, s’avère donc indispensable. D’où le contexte du présent travail de mémoire qui se propose d’analyser les paramètres techniques et sociaux de répartition et de gestion de l’eau d’irrigation, afin de renforcer les capacités techniques et sociales de gestion de l’association d’irrigants du périmètre.
Objectifs
Le travail comprend un objectif général et cinq objectifs spécifiques.
Objectif général
Cette étude vise à analyser les paramètres techniques et sociaux de répartition et de gestion de l’eau d’irrigation au niveau du périmètre irrigué de Digoterie afin d’apporter une contribution au renforcement des capacités techniques et sociales de gestion de l’association d’irrigants.
Objectifs spécifiques
Spécifiquement, il s’agit de :
- Étudier le fonctionnement du périmètre par rapport à la distribution de l’eau ;
- Évaluer les paramètres techniques essentiels à l’irrigation du périmètre ;
- Analyser la structure de gestion actuelle du périmètre ;
- Concevoir des scenarii de programmation d’irrigation adaptés aux conditions actuelles du périmètre ;
- Élaborer des propositions pour une meilleure gestion du périmètre, sur la base des scenarii conçus.
Hypothèse
La mauvaise gestion du périmètre irrigué de Digoterie est due au manque de maîtrise des paramètres techniques et sociaux de programmation et de gestion de l’irrigation par les usagers.
Intérêts de l’étude
Les données collectées au cours de ce travail constitueront une base de données qui servira à toutes institutions qui veulent prendre des décisions contribuant à l’amélioration du périmètre de Digoterie et aussi d’avoir une meilleure vision de la réalité ; les résultats obtenus et les recommandations formulées pourront servir à une meilleure gestion du périmètre et même d’autres périmètres du pays.
Limites de l’étude
Les éléments limitant ce travail sont les suivants :
- Indisponibilité de données climatiques propre à la zone. De ce fait, ont été utilisées les données climatiques de Jean Rabel issues de la base de données ClimWat /CropWat 2.0 de la FAO.
- Par manque de données pour effectuer des analyses statistiques sur le débit circulant au niveau du réseau, nous n’arrivons pas à apprécier le débit d’étiage. De ce fait, a été utilisé dans les calculs un débit de référence obtenu à partir des mesures ponctuelles.
- Manque de ressources financières pour effectuer des analyses de sol. De ce fait, a été utilisé le résultat des analyses réalisées par le consultant Bunel EXANTUS.
- Cette étude a pris en compte la distribution de l’eau au niveau du canal primaire et des canaux secondaires tout en négligeant les canaux tertiaires et arroseurs.
- Enfin, l’étude a été réalisée dans un contexte de crise politique et socioéconomique difficile. Les déplacements étaient difficiles, le pays était bloqué, etc. En dépit de tout, nous avons consenti d’énormes sacrifices en vue de rendre possible le travail.
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les principaux problèmes de gestion de l’eau d’irrigation à Digoterie ?
Le périmètre irrigué de Digoterie rencontre des problèmes de distribution et de gestion de l’eau, notamment un calendrier d’arrosage instable, un gaspillage d’eau en amont et un accès difficile en aval.
Comment la gestion sociale de l’eau est-elle intégrée dans la politique d’irrigation en Haïti ?
La politique d’irrigation en Haïti, élaborée par le MARNDR, intègre le concept de ‘Gestion Sociale de l’Eau (GSE)’ et prévoit la réhabilitation des périmètres irrigués et le transfert de leur gestion aux associations d’irrigants.
Pourquoi l’irrigation ne contribue-t-elle pas à l’économie haïtienne malgré les efforts ?
Malgré l’existence de plus de 500 périmètres irrigués, l’irrigation ne constitue pas encore un facteur de multiplicateur de l’économie haïtienne en raison de la détérioration des infrastructures, de la faible capacité technique des irrigants et d’un manque d’investissement.