Les déterminants des garanties de prêts révèlent des différences surprenantes entre les banques classiques et islamiques au Sénégal. Cette étude, s’appuyant sur des théories des contrats, met en lumière des mécanismes souvent méconnus, avec des implications cruciales pour la compréhension de la finance dans un contexte multiculturel.
PARTIE 1 : CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL
Chapitre 1 : Approche conceptuelle et revue critique de la
littérature
Section 1 :
Définition des concepts
Dans cette section nous aborderons en premier des concepts du point de vue islamique. Nous verrons en premier la notion de banque commerciale islamique, du Riba et de la marge Morabaha. Ensuite nous parlerons des produits de consommation islamiques offerts aux particuliers. En fin de section nous parlerons de la perception de la garantie en finance islamique.
En second nous aborderons des concepts liés à la finance classique. Nous définirons d’abord la banque commerciale classique avant de parler des différents types de crédits à la consommation que les banques commerciales offrent aux particuliers. Ensuite la notion de garantie bancaire sera définie, ainsi que les différents types de garantie que nous rencontrons dans les contrats de crédit à la consommation classique.
– Concepts théoriques en finance islamique
La BCEAO dans son Instruction 002-003-2018 rentrée en vigueur le 21 Mars 2018 distingue deux catégories : les établissements de crédit exerçant exclusivement l’activité bancaire conforme aux principes et règles de la finance islamique et les établissements de crédit l’exerçant partiellement à travers une branche dédiée. Une banque commerciale islamique est définie comme une institution financière qui reçoit les épargnes des déposants et prête ces fonds aux projets ou aux entrepreneurs par la méthode de partage des pertes ou de gains.
Elle se distingue de son homologue classique de par ces techniques fondées sur la loi islamique. Les ressources d’une banque commerciale islamique proviennent des fonds déposés sur des comptes spéciaux dédiés à cet effet. Ces derniers sont mobilisés et régis par la banque, elle-même selon un contrat établi, afin de financer des investissements. En effet, le simple fait de déposer des fonds n’autorise pas forcément la banque à en faire un quelconque usage, ni ne procure au dépositaire un quelconque droit à rémunération.
Le principal point de divergence entre la finance classique et la finance islamique est l’interdiction du Riba. Il est définie comme tout profit obtenu à l’issu d’un capital initial, en fonction d’une durée et d’un taux préalablement défini dans le contrat de prêt.
D’après les jurisconsultes musulmans, cette interdiction se justifie par la conception que l’Islam a de l’argent. Cette conception rejoint la métaphore d’Aristote et Platon selon laquelle : « L’argent ne fait pas de petits ». L’intérêt est donc vu comme de la monnaie créée par elle-même. Par conséquent, l’argent de l’intérêt est considéré moralement comme un détournement et est illégal car il n’est pas le fruit du travail.
Contrairement au Riba, la marge Morabaha est acceptée dans les principes de la finance islamique. Elle correspond aux bénéfices que la banque réalise par le biais d’un contrat d’achat et de revente de bien. Elle est déterminée en fonction des coûts liés à l’acquisition, le risque lié à la détention du bien immobilier et le risque lié au différé de paiement, une fois le bien acquis par la banque. Cependant, cette marge ressemble tellement à l’intérêt que certains estiment qu’il ne s’agit que d’un habillage. Là où une banque classique aurait proposé un intérêt, la banque islamique obtient le même taux à travers un montage d’achat et de revente.
- – Les produits islamiques de consommation
A la BIS, les crédits à la consommation que nous rencontrons sont le prêt Khard Hassan et le contrat Morabaha.
Figure 1 : Les produits islamiques de consommation
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Source : Capture données enquête sur les déterminants des garanties (2020)
Le prêt Khard Hassan est une technique plus sociale que commerciale dans la mesure ou la banque islamique soutient des personnes physiques ou morales qui se trouvent dans une situation financière délicate. Il s’agit donc de prêts sans marge de profit (intérêts) où la banque ne gagne rien. Le montant du crédit peut varier entre 100000 et 500000 FCFA.
Quant au contrat Morabaha, il est l’instrument le plus utilisé par la Banque islamique pour prêter de l’argent aux particuliers. L’origine du concept vient du mot arabe »Ribh » qui veut dire profit. Contrairement au crédit bancaire classique, il s’agit d’un contrat de vente au prix de revient majoré d’une marge bénéficiaire connue et convenue entre la banque islamique et son client. Ce contrat est un accord tripartite car la banque en tant qu’intermédiaire, acquiert le bien auprès de son fournisseur puis, elle revend ledit bien à son client. Au Sénégal, la banque islamique offre le contrat Morabaha suivants :
- Le contrat Morabaha sans marge de profit : il s’agit de la Morabaha avance sur salaire (découvert).
- Le contrat Morabaha consommation et équipement et le contrat Morabaha financement véhicule qui sont définis dans le rapport de l’IFAAS (2012) comme étant des contrats de financement avec ordre d’achat.
Figure 2 : Le contrat Morabaha avec ordre d’achat
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Source : Capture données enquête sur les déterminants des garanties (2020)
La première étape des contrats correspond à la demande du particulier à sa banque de financer l’achat d’un actif déterminé ou d’un portefeuille d’actifs (équipement, voiture,..) en réalisant deux transferts successifs de propriété. Ensuite, la banque islamique acquiert ledit actif auprès d’un fournisseur. Enfin, elle cède l’actif à son client moyennant un prix payable à terme et comprenant le prix d’acquisition augmenté d’une marge (le prix de cession). Le prix de cession est connu des deux contractants depuis le jour de la conclusion du contrat.
- – La notion de garantie en finance islamique (Marhoun)
Dans les différents contextes philosophiques de l’Islam, les personnes comptent et l’homme joue un rôle central. Un système de valeurs est mis en pratique pour éviter l’incertitude (dit « gharar » en Islam). Dans ce contexte, le terme « garantie » signifie la réalisation de la certitude et de la sécurité sur la base solide de la transaction et de la bonne performance des engagements afin de minimiser le risque de rendement du capital.
Le mot « Marhoun » (signifie garantie en Islam) est généralement remplacé par le membre de phrase « sécurité suffisante ». La sécurité requise ici a beaucoup à voir avec une utilisation correcte du code de déontologie, associé à la propriété intellectuelle du demandeur qui a rarement été utilisé, voire jamais. Concrètement dans la pratique, les garanties que la BIS demande aux particuliers sont généralement : le billet à ordre (BAO), la domiciliation de revenu, le TAKAFUL, et le gage sur véhicule s’il s’agit du contrat Morabaha financement véhicule.
Le BAO est un écrit par lequel, le client s’engage à payer à la banque islamique son crédit à une échéance convenue entre les deux parties. Ainsi en cas de non remboursement de crédit, la banque islamique bénéficie des recours du droit de change et des règles juridiques. Le droit de change vient du droit cambiaire qui régit les effets de commerce2. Les relations juridiques issues de l’émission d’effet de commerce sont des obligations et recours cambiaires. L’obligation est cambiaire car elle résulte de la signature des titres.
2 Un effet de commerce est un titre négociable qui constate au profit du porteur, une créance à court terme de somme d’argent et qui sert de paiement.
Tout BAO qui ne comporterait pas les mentions suivantes prévues par l’article 228 du règlement 15-2002 de l’UEMOA ne vaut pas comme tel :
- La clause à l’ordre (dénomination du titre inséré dans le texte en français) ;
- La promesse pure et simple de payer la somme déterminée écrit en lettre ;
- Indiquer l’échéance de la promesse ;
- Le lieu où le paiement s’effectuera ;
- Le nom de celui à l’ordre duquel le paiement doit être fait ;
- La date et le lieu où le BAO est souscrit ; la signature du souscripteur ;
Le Takaful est un mot arabe signifiant la garantie par solidarité coopérative. Cette assurance islamique est structurée en se fondant sur la garantie coopérative portée à l’unanimité par les participants d’une structure Takaful. Lorsque l’un d’entre eux est touché par un sinistre (pour un risque défini), les frais seront partagés par tous les participants qui avaient cotisés à un fonds commun Takaful. Par conséquent, le risque est partagé par tous les participants au lieu de le transférer uniquement à un tiers. Elle se différencie de l’assurance classique sur les points suivants :
- Le risque : la Sharia3 reconnait le risque et encourage à le réduire (limiter). Cependant, cela doit se faire sans le transférer ou le vendre à une tierce partie comme c’est le cas dans l’assurance conventionnelle. Dans toute structure Takaful, le risque est partagé entre tous les participants Takaful sans entraîner le transfert du risque de l’assuré à l’assureur.
- L’incertitude : Le transfert des risques crée une situation d’incertitude dans le contrat d’assurance classique où l’assureur ne sait pas combien va lui coûter la réalisation du risque, d’où le déséquilibre des engagements et droits des parties au contrat. En assurance classique, le coût des sinistres ne peut être connu à l’avance, alors que la prime, quant à elle, est payée à l’avance. Cette forme d’incertitude en assurance islamique, dite « Gharar », est interdite par la loi islamique.
3 Loi islamique
- La notion de jeu : La Sharia interdit toute transaction contenant des éléments de jeu de hasard dit aussi « Mayssir ». Le paiement de la prime dans un contrat d’assurance classique est une forme de pari car l’assureur paiera beaucoup plus cher que la prime acquise dans le cas d’un sinistre et l’assuré sera totalement perdant si aucun sinistre n’a lieu. Généralement le montant de la réparation est toujours supérieur au montant de la prime payée. Les deux parties font donc des « paris » sur la survenance du risque et leurs intérêts sont contradictoires.
- Les intérêts : Les sociétés d’assurances classiques investissent les primes/cotisations acquises dans des instruments financiers basés sur des taux d’intérêts. Ces investissements et leurs résultats ne sont pas conformes à la Sharia en raison de l’interdiction de Riba (usure).
Tableau 1 : Equivalence des garanties islamiques en finance classique
Equivalence des garanties islamiques en finance classique | |
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Paramètre/Critères | Description/Valeur |
Garanties islamiques | Existent dans la littérature islamique |
Equivalence | Dans le système financier classique |
Source : Données enquête sur les déterminants des garanties (2020)
Le tableau ci-dessus présente les garanties islamiques qui existent dans la littérature islamique et leur équivalence dans le système financier classique.
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2 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001. ↑
3 Auchan Les 4 Temps, La Défense. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les déterminants des garanties de prêts à la consommation dans les banques classiques?
Dans les banques classiques, les déterminants des garanties de prêts à la consommation incluent différents types de crédits et la notion de garantie bancaire, qui est définie dans les contrats de crédit à la consommation.
Comment la finance islamique définit-elle la garantie dans les prêts à la consommation?
En finance islamique, la perception de la garantie est différente, car elle repose sur des principes spécifiques, notamment l’interdiction du Riba et l’utilisation de contrats comme le Morabaha.
Qu’est-ce que le prêt Khard Hassan dans le contexte des banques islamiques?
Le prêt Khard Hassan est une technique sociale où la banque islamique soutient des personnes en difficulté financière, offrant des prêts sans marge de profit, c’est-à-dire sans intérêts.