Les défis de la gestion foncière en Haïti révèlent une réalité troublante : malgré une législation en place, l’inefficacité persiste. Cette étude met en lumière les causes profondes de cette problématique, offrant des pistes de solutions pour revitaliser le système foncier et protéger les droits de propriété.
Les limites à l’application du Droit Coutumier
Le droit coutumier haïtien existe bel et bien, on le connaît surtout à travers les écrits des agronomes et autres spécialistes qui ont connu le milieu rural.
Et en ce qui concerne la gestion des terres, il est bon de rappeler quelques pratiques bien vivantes qui caractérisent la ruralité haïtienne.
Car aujourd’hui encore, les paysans haïtiens pratiquent la jachère collective des propriétés privées permettant ainsi au sol de bénéficier des déjections animales associées à la présence des chaumes laissées par les céréales déjà récoltées.
Il en est de même de l’exploitation informelle de la mangrove faisant partie du domaine privé de l’État (forêt domaniale), exploitation qui se fait de manière rotatoire par les paysans préalablement identifiés par leurs pairs, travaillant sans titre ni qualité sur le littoral encore boisé.
Toutefois, là où le droit coutumier142 est relativement vivace, c’est dans le domaine foncier que les répercussions s’intensifient, avec les différents modes de tenure de la terre, une gestion informelle très fine de l’indivision et de l’usufruit et du mode de transmission des héritages.
Des controverses très édifiantes s’élèvent pour savoir s’il faut donner la priorité au cadastre formel ou laisser faire le jeu du droit informel car plus d’un prétendent qu’il n’est pas sûr que le cadastre pourrait mettre fin au désordre foncier.
Concernant les répercussions dérivant des dispositives du Droit Agraire, dans un premier temps, l’État a distribué les meilleures terres aux militaires et dans un second temps aux cultivateurs qui ont conquis les terres marginales et l’espace occupé par les îles adjacentes.
Il en est résulté d’un côté un système de faire-valoir indirect sans
141 Https//challengesnews.com/faire-la-lumiere-sur-le-droit-foncier-en-haiti, page consultée le 10/09/22 à 12hrPM.
142 Les règles coutumières peuvent être : praeter legem quand elles comblent une lacune de la loi, secundum legem quand la loi, elle-même, renvoie à la coutume, contra legem quand elles s’opposent à la loi.
investissement de promotion et de l’autre un droit de possession fragile qui s’exprime à travers les nombreux conflits terriens, lesquels ont endeuillé la République durant plus de deux siècles.
Vu le contexte actuel, le résultat, c’est que la gestion des terres ne pouvait être durable étant donné la primauté d’un mode de tenure contreproductif, la faiblesse de l’État et la persistance régulière de l’insécurité foncière.
4.1.3.5. Les limites à l’application du Droit de l’Environnement
Bien que le droit de l’environnement soit à l’état embryonnaire dans le pays, à cause de la mise en œuvre nationale limitée des traités internationaux de l’environnement ratifiés par Haïti, de la pauvreté de la jurisprudence, de la faiblesse de la doctrine et du manque de dynamisme de la pratique, force est de constater qu’il existe une législation relativement abondante dans le domaine143.
Cette législation ne fait peur à personne et n’est point appliquée.
En effet, si l’ensemble des textes juridiques relatifs aux ressources en sol, aux ressources en eau, aux arbres et aux forêts, aux aires protégées, aux mines et carrières et au patrimoine naturel et historique était appliqué, la gestion des terres aurait expérimenté un tout autre traitement144.
La Constitution haïtienne de 1987 amendée cherche à protéger l’environnement en ses articles 253 à 258.
À l’article 258 nous lisons ce qui suit : «Nul ne peut introduire dans le pays des déchets ou résidus de provenances étrangères de quelque nature que ce soit»145.
À regarder l’importation massive de déchets de toutes sortes (Pèpè) en provenance du continent américains et autres, ainsi que l’importation incontrôlée des produits avariées et contaminées en provenance de la République Dominicaine, il est plus qu’évident de déceler la flagrance
de l’ineffectivité des dispositions du Droit de l’Environnement.
Aussi, à regarder la vulnérabilité du pays face aux catastrophes naturelles (cyclone, tremblement de terre, etc.), ces vulnérabilités pour la plupart qui ne sont que les conséquences générés par le déboisement, l’anarchie et l’ineffectivité en matière de gestion des terres.
143Https://www.ifrc.org/docs/IDRL/Haiti/Code_Environnement.pdf, page consultée le 25/02/23 à 2hr15AM.
144 Analyse du cadre légal et Institutionnel relatifs à la Gestion Durables des Terres, Op Cit, p30.
145 Art 258 de la Constitution de la République d’Haïti de 1987 amendée le 09 mai 2011.
A regarder les effets du déboisement, l’augmentation de la production du charbon de bois et l’accélération des bidonvilles, l’on peut comprendre l’ampleur de l’ineffectivité des politiques étatiques dans la gestion des forêts d’Haïti146.
Par ailleurs, l’article 3 de la loi du 3 février 1926, stipule que : nos forêts sont inaliénables.
En citant en exemple le morne Lory (morne du Cap), une montagne se trouvant en confort de la ville du Cap- Haïtien, qui en dépit de son statut de forêt nationale réservée, par arrêté du 15 mars 1947, fait l’objet depuis plusieurs années d’urbanisation illégale147.
Or, jusqu’à date, on ne prend pas de dispositions adéquates pour réprimer cette situation qui contredis de manière flagrante les visées de cet arrêté, et qui est très dégradante et nocif pour l’environnement de la ville du Cap-Haïtien.
Avec seulement 6,25% du territoire en aires protégées, Haïti a le plus bas taux de la Caraïbe, alors que des dispositions légales ont été prises depuis la première moitié du vingtième siècle mais, il n’y a eu depuis 1987 aucun mécanisme de prise en charge effectif pour la plupart de ces sites : parc nationale Macaya, de la Visite, Citadelle, du Canapé Vert, etc148.
Ainsi, le décret portant sur la gestion de l’environnement et la régulation de la conduite des citoyens pour le développement durable en son article 53 assigne des fonctions de gestions et de coordinations de toute activité relevant de l’aire protégée ou du parc, devenu déclaré par arrêté ou décret à l’Agence National des Aires protégées 149.
Et l’ANAP n’a pu jusqu’à présent mener à bien sa mission, ainsi les actions anthropiques ne font qu’accélérer la dégradation des aires protégées.
Et aussi l’ineffectivité résulte par manque de gestion du sous-sol et de ses ressources, par manque d’application des dispositions relatives à la gestion de l’eau et des mines (qui ne devraient être susceptibles d’aucune appropriation privée) 150.
146 Https://fr.slideshare.net/EnvironnementHaiti/anap-aires-protegees-presentation-conseil-des-ministres- 12-fevrier-2014, page consultée le17 juin 2021, à 1hr15 PM.
147 Les articles 182 à 190 du Code Rural qui traitent les visées de la Loi concernant la régulation et la conservation des forêts qui protègent les bassins d’alimentation des sources ou autres points d’eau.
148 http://www.bme.gouv.ht/mines/loimin/l%C3%A9gislation.html, page consultée le 16/05/21 à 3hr15PM.
149 Le Moniteur, journal officiel de la République d ‘Haïti, Décret portant sur la Gestion de l’Environnement et Régulation de la conduite Citoyen et Citoyenne pour un Développement Durable, 161 ème Année. No.11, Jeudi 26 Janvier 2006, p 9,10.
150Le Moniteur, Journal officiel de la République d’Haïti, 17 juillet 1974, #59.
________________________
141 Https//challengesnews.com/faire-la-lumiere-sur-le-droit-foncier-en-haiti, page consultée le 10/09/22 à 12hrPM. ↑
142 Les règles coutumières peuvent être : praeter legem quand elles comblent une lacune de la loi, secundum legem quand la loi, elle-même, renvoie à la coutume, contra legem quand elles s’opposent à la loi. ↑
143Https://www.ifrc.org/docs/IDRL/Haiti/Code_Environnement.pdf, page consultée le 25/02/23 à 2hr15AM. ↑
144 Analyse du cadre légal et Institutionnel relatifs à la Gestion Durables des Terres, Op Cit, p30. ↑
145 Art 258 de la Constitution de la République d’Haïti de 1987 amendée le 09 mai 2011. ↑
146 Https://fr.slideshare.net/EnvironnementHaiti/anap-aires-protegees-presentation-conseil-des-ministres- 12-fevrier-2014, page consultée le17 juin 2021, à 1hr15 PM. ↑
147 Les articles 182 à 190 du Code Rural qui traitent les visées de la Loi concernant la régulation et la conservation des forêts qui protègent les bassins d’alimentation des sources ou autres points d’eau. ↑
148 http://www.bme.gouv.ht/mines/loimin/l%C3%A9gislation.html, page consultée le 16/05/21 à 3hr15PM. ↑
149 Le Moniteur, journal officiel de la République d ‘Haïti, Décret portant sur la Gestion de l’Environnement et Régulation de la conduite Citoyen et Citoyenne pour un Développement Durable, 161 ème Année. No.11, Jeudi 26 Janvier 2006, p 9,10. ↑
150Le Moniteur, Journal officiel de la République d’Haïti, 17 juillet 1974, #59. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les défis de la gestion foncière en Haïti ?
Les défis de la gestion foncière en Haïti incluent la faiblesse des trois pouvoirs de l’État, la décadence du système de régulation foncière, et l’insécurité foncière persistante.
Comment le droit coutumier influence-t-il la gestion des terres en Haïti ?
Le droit coutumier influence la gestion des terres en Haïti par des pratiques telles que la jachère collective et l’exploitation informelle, créant des controverses sur la priorité entre le cadastre formel et le droit informel.
Quelles solutions sont proposées pour améliorer la gestion des terres en Haïti ?
Des mesures de redressement normatives et institutionnelles sont proposées pour améliorer la gestion des terres et garantir la protection des droits de propriété.