Les défis de la certification des prospectus d’information révèlent des risques insoupçonnés dans le contexte tunisien. Cette étude met en lumière les responsabilités du commissaire aux comptes et propose des procédures de vérification innovantes, essentielles pour garantir la fiabilité des prévisions financières.
Les informations prévisionnelles
Les prévisions constituent peut-être les informations les plus sensibles fournies dans un prospectus puisque par définition elles portent sur des périodes futures dont les opérations ne sont pas encore produites et qui sont par nature hypothétiques.
Les informations prévisionnelles font partie des informations obligatoires qui doivent être communiquées au public dans le cadre d’une émission ou d’une admission de valeurs mobilières. Assorties des hypothèses sous-jacentes, ces informations doivent couvrir une période de 5 années26.
Ces informations sont généralement présentées dans le chapitre 7 concernant l’évolution récente et les perspectives d’avenir et portent normalement sur :
- des indications sur les perspectives de l’exercice en cours,
- les prévisions du chiffre d’affaires et du résultat sur un horizon de 5 années,
- des précisions sur les événements futurs, heureux pour l’entreprise, susceptibles de se réaliser,
- des informations sur l’évolution prévisible du marché,
- la politique et les orientations générales en matière d’exploitation, d’investissement et de financement.
A ce titre, il est important de signaler que le schéma de prospectus annexé au règlement du C.M.F. relatif à l’APE n’apporte aucune précision sur la forme de présentation recommandée de ces informations prévisionnelles. En conséquence, nous assistons actuellement à une multitude et à une divergence des formes de présentation qui risquent d’altérer la comparabilité des performances futures des entreprises faisant appel à l’épargne publique.
Par exemple, nous pouvons observer des bilans prévisionnels, des états de résultats prévisionnels ou des comptes d’exploitation prévisionnels, des états de flux de trésorerie prévisionnels ou des tableaux de financement ou des plans de trésorerie prévisionnels, des ratios de gestion prévisionnels, etc.
On ne peut toutefois négliger l’apport incontestable de la norme française CNCC 6-801 sur le contrôle des prospectus quant à la définition de l’information prévisionnelle. La norme prévoit, en effet, une classification des informations prévisionnelles contenues dans le prospectus selon leur nature. Elle distingue :
Les comptes prévisionnels
Les comptes prévisionnels comportent un compte de résultat prévisionnel, un plan de financement, un bilan prévisionnel et des notes annexes et couvrent habituellement l’exercice en cours à la date de leur établissement et le prochain exercice. Les notes annexes précisent notamment les hypothèses retenues, la mesure de la sensibilité des résultats à une variation de ces hypothèses et les principes d’établissement et de présentation retenus.
Les données prévisionnelles issues de comptes prévisionnels
Il s’agit des données extraites des comptes prévisionnels, pour être présentées soit à l’état brut soit retraitées. Elles figurent, en général, dans les chapitres 4 et 7 sous forme de commentaire et dans le chapitre 2 relatif à l’opération dans les parties relatives aux éléments d’appréciation.
Les données prévisionnelles présentées sous forme d’états portant sur une période postérieure à celle couverte par les comptes prévisionnels
Ces états sont parfois présentés sous la même forme que les comptes prévisionnels. Il s’agit généralement de données portant sur une période future postérieure à l’année en cours et à l’année suivante (des projections).
Les autres données prévisionnelles isolées, issues d’un système d’information prévisionnelle vérifiable
Elles ne sont issues ni de comptes prévisionnels, ni d’états prévisionnels tels que définis ci dessus. Ces données peuvent être relatives à une période susceptible d’être couverte par des comptes prévisionnels ou à une période postérieure. (par exemple, le nombre d’unités à produire, les approvisionnements nécessaires, le coût de revient des unités vendues).
les autres données prévisionnelles isolées, n’étant pas issues d’un système vérifiable
Ces autres données sont, en général, des objectifs fixés par les dirigeants dans le cadre de la définition de leur stratégie et de leur politique générale. Elles ne peuvent donc être issues ni de comptes ni d’états prévisionnels.
Les informations pro forma
Les informations pro forma, établies volontairement par l’entité ou à la demande d’un tiers, ont vocation à traduire l’effet sur des informations financières historiques de la réalisation d’une opération ou d’un événement donné, à une date antérieure à sa survenance réelle ou raisonnablement envisagée.
La nécessité de présenter des comptes ou une information pro forma résulte principalement de trois natures d’événement : (i) les opérations d’acquisition et de rapprochement27, (ii) les changements de dates de clôture et (iii) les changements de méthodes comptables.
L’objectif de la présentation de comptes ou d’informations pro forma dans le cadre d’une émission ou d’une admission de valeurs mobilières sur un marché réglementé est double. Elle permet d’une part de tenir compte d’un changement de périmètre, dans le cadre d’une fusion, acquisition, offre publique d’achat ou d’échange, cession…, et d’autre part de comparer ces données pro forma historiques avec les données prévisionnelles et les perspectives d’avenir de l’entité ou du Groupe tel qu’il est défini à la date de l’opération.
Les informations pro forma à caractère prévisionnel, couvrant par exemple un périmètre futur différent de celui existant à la date du prospectus, sont considérées comme des informations prévisionnelles.
les comptes pro forma
Au sens de la norme 4-102 du CNCC « Examen de comptes pro forma », les comptes pro forma complets comportent un bilan, un compte de résultat et une annexe. Dans certains cas, ces comptes s’étendent également à des situations où seul un bilan, ou un compte de résultat, est présenté. Dans tous les cas, ces documents sont commentés et complétés dans une annexe.
Dans la pratique, le choix entre la présentation d’un bilan ou d’un compte de résultat ou des deux n’est pas arbitraire. Il doit résulter, en effet, d’une analyse des impacts des opérations faisant l’objet d’un retraitement sur les différents postes du bilan et du compte de résultat.
En tant que professionnel compétent, le commissaire aux comptes doit alerter son client dans une telle situation afin d’éviter des situations de blocage ou des retards.
les informations pro forma isolées, issues de comptes pro forma
Il peut s’agir d’informations tirées des comptes sans traitement ou d’informations obtenues par calcul à partir de données issues des comptes pro forma, par exemple, pour le calcul du PER (Price Earning Ratio).
les autres informations pro forma historiques
Il peut s’agir d’informations isolées ou de regroupements qui ne constituent pas des comptes pro forma au sens propre. Ces informations sont généralement présentées dans les commentaires sur l’activité, par exemple, dans le cas où l’impact de l’opération ou de l’événement sur les postes de bilan et de résultat ne justifierait pas l’établissement de comptes pro forma proprement dits. Il peut s’agir par exemple de chiffre d’affaires pro forma, du résultat d’exploitation pro forma ou du montant des immobilisations pro forma.
Les exemples d’informations pro forma en Tunisie sont de plus en plus multiples et le C.M.F. ne cesse d’exiger, chaque fois où c’est nécessaire, l’établissement de telles informations. Les exemples les plus significatifs qui ont le mérite d’être cités sont les suivants :
- Cas de la SEPCM (Société d’engrais et de produits chimiques de Megrine): dans le cadre de l’émission et l’admission d’un emprunt obligataire au marché obligataire de la cote de la bourse en janvier 2003, les états financiers des exercices clos le 31 décembre 2001 et le 30 juin 2002 ont été retraités en pro forma afin de présenter une situation conforme au nouveau système comptable, notamment en termes de présentation, afin de redresser une erreur fondamentale au niveau des états financiers audités. La variation du résultat suite au retraitement résulte de la constatation des ajustements d’audit.
- Cas de la SOMOCER : dans le cadre de l’OPV et l’admission à la cote, l’émetteur a procédé à la demande du C.M.F. à la sommation des bilans, états de résultats et états des flux de trésorerie des sociétés SOMOCER et LA BAIGNOIRE relatifs à l’exercice précédent celui de la fusion des deux sociétés, visant la présentation d’informations comparables.
- Cas de la société PANOBOIS du Groupe Meublatex: dans le cadre de l’émission et l’admission d’un emprunt obligataire au marché obligataire de la cote de la bourse en Mai 2002, les états financiers des trois exercices comptables 1998-2000 ont été retraités en pro forma pour éliminer l’effet d’une réévaluation libre réalisée en 1998. Les modifications apportées aux rubriques immobilisations corporelles et capitaux propres totalisent 11.6 Millions de dinars.
Les états financiers Pro forma comportaient un bilan, un état de résultat, un état des flux de trésorerie et des notes aux états financiers complètes. Les principaux indicateurs de gestion et ratios présentés au niveau du prospectus étaient calculés sur la base de données financières pro forma (redressées).
- Cas de la STEQ: dans le cadre de son admission à la cote, les états financiers ont été retraités en pro forma pour éliminer l’effet d’une activité connexe (portefeuille titre) à l’activité principale de l’entreprise.
Dans la majorité des cas, les états financiers pro forma présentés au niveau du prospectus d’information n’ont pas été audités par le commissaire aux comptes de l’entreprise.
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26 Par référence à l’article 8 du règlement du C.M.F. relatif à l’APE. ↑
27 La COB a précisé dans quel cas une information pro-forma était requise. La COB précise qu’il convient d’apprécier le caractère significatif de l’impact sur les soldes de gestion et les grandes masses du Bilan – une variation de 15% ou plus devait amener à présenter les comptes pro forma. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les informations prévisionnelles dans un prospectus d’information financière?
Les informations prévisionnelles font partie des informations obligatoires qui doivent être communiquées au public et couvrent des prévisions sur le chiffre d’affaires, le résultat, et des événements futurs susceptibles de se réaliser.
Comment sont présentées les informations prévisionnelles dans un prospectus?
Les informations prévisionnelles sont généralement présentées dans le chapitre 7 concernant l’évolution récente et les perspectives d’avenir, avec des bilans prévisionnels, des états de résultats prévisionnels, et d’autres états financiers.
Quelle est la norme française concernant le contrôle des prospectus?
La norme française CNCC 6-801 prévoit une classification des informations prévisionnelles selon leur nature, distinguant notamment les comptes prévisionnels et les données prévisionnelles issues de ceux-ci.
Quels types de données prévisionnelles peuvent être incluses dans un prospectus?
Les données prévisionnelles peuvent inclure des comptes prévisionnels, des états portant sur une période future, et d’autres données isolées issues d’un système d’information prévisionnelle vérifiable.