Les défis de l’internationalisation aéronautique révèlent des enjeux cruciaux pour l’industrie, où la mondialisation impose des choix stratégiques souvent perçus comme des contraintes géopolitiques. Cette étude met en lumière les implications de ces décisions sur la gestion des ressources et la protection du savoir-faire.
e. Contraintes en intelligence économique : la protection de la propriété industrielle et du savoir-faire.
L’aéronautique, par les enjeux mêmes que cela entend, est un secteur où la protection des informations, des processus, des procédés, et du savoir-faire en général, est capitale et décisive. Par conséquent, la décision de s’internationaliser, et d’avoir recours au sourcing/offshoring présente des risques. Car si les risques sont déjà importants dans les partage d’information avec des fournisseurs/sous-traitants locaux, ils le sont d’autant plus, et prennent même un enjeu politique, lorsque l’on externalise ou se source à l’étranger. Si le sourcing/offshoring représente les risques, la centralisation des achats s’avère être l’élément déclencheur qu’il faut manier avec minutie.
Le sourcing/offshoring, étant par essence, une voie d’échappement des connaissances, et une menace pour la sauvegarde des informations, si les compensations n’étaient pas obligatoires, les entreprises seraient plus frileuses à l’utiliser. D’où une politique d’externalisation à l’étranger des pièces/sous-ensembles les moins critiques et complexes, non seulement pour un souci de qualité, mais aussi de protection de la propriété intellectuelle, le tout devant être juridiquement parfaitement cadré, « mais il n’est évidemment pas question de toucher à la conception des avions. Tout cela se fera de manière progressive. Nous devons nous assurer que les partenaires retenus répondront à nos normes de qualité. »
56Car si de nombreux pays avancent l’atout de la protection de la propriété intellectuelle dans leur pays : Maroc 57, et par exemple aussi le Mexique, qui avance aussi l’argument d’être une porte des Amériques 58, le cas de la Chine, où, malgré un Droit sur la propriété industrielle jugé honorable 59, s’opère un phénomène de contrefaçon dans les plus rapides du monde. Par conséquent, on observe même des scénarii de relocalisation : soit dans le pays d’origine, soit dans un autre pays, mais aussi des tendances à l’innovation constante pour obtenir un effet d’obsolescence 60. Or, le fait de l’innovation, vient, et du groupe en lui-même, mais aussi de ses sous-traitants.
Par conséquent, un partage et partenariat est recommandable, alors qu’il est en même temps la menace. Toutefois, les incapacités industrielles dans les pays en développement, n’apporte à l’externalisation, que le bas coût de la main d’œuvre, mais peu d’espoir d’apport en innovation. Les centres de réflexion, mais aussi, les bureaux d’étude sont donc destinés à rester en Europe, avec un certain nombre de sous-traitants et fournisseurs européens de longue date, où la confiance est établie.
56 Charles Edelstenne, président de Dassault Aviation, pour Les Echos du 04.12.2007 : Dassault aviation annonce la relocalisation d’une partie de sa chaîne de production, article disponible sur http://www.animaweb.org/actu-detail.php?actu=2549, dernière connexion le 22.04.2010.
57 http://www.casafree.com/modules/news/article.php?storyid=23990, dernière connexion 22.04.2010, article de MAP, du 30.10.2008, pour Casafree.com.
58 http://mexique.forums-ubifrance.com/uploads/ss3iCms/docs/aeronautique.pdf, présentation pour ubifrance, dernière connexion 22.04.2010.
59 http://www.cyberpro.fr/actu_propriete_industrielle_chine_realite_mirage_vincent_louyat.html, dernière connexion le 24.04.2010, Vincent Louyat le 01.12.2005, pour cyberpro.fr.
60 Blog juridique de Jean Belotti, 08.02.2008, dernière connexion le 23.04.2010, http://www.net-iris.fr/blog-juridique/15-jean-belotti/18990/un-constructeur-aeronautique-chinois-effet-sur-le-marche-et-comportement-des-etats#locate : un constructeur aéronautique chinois : effet sur le marché et comportement des Etats.
Néanmoins, d’autres industriels, conseillent pour garder la compétitivité avec la concurrence internationale, de ne s’engager dans les pays à bas coûts, et notamment la Chine, qu’après mûre réflexion sur la criticité de son secteur, mais aussi en se liant avec des entreprises autochtones, et de les amener à considérer l’avantage d’une relation de confiance à long terme pour le transfert de technologies 61.
Il en est de même pour la centralisation des achats associée à l’offshoring/sourcing, où la sélection des fournisseurs est déterminante, et pour laquelle, l’entreprise qui externalise, se retrouve responsable des faits de ses partenaires. Or, dans l’aéronautique, les risques et la sécurité implique une certification obligatoire des fournisseurs et sous-traitants.
La certification envers les nouveaux fournisseurs est l’ISO 9001 version 2008 ou l’EN 9100, pour une démarche de qualité surtout, plus que de sécurité, en termes de caractéristiques liées à l’aéronautique et l’ISO/TS 16949 pour le secteur automobile sert d’outil pour l’évaluation et la qualification des fournisseurs. L’IAQG (International Aerospace Quality Group) a substitué à cela une norme, issue de l’ISO 9001 : l’EN/AS/JISQ9001, spécifique au secteur aéronautique, pour lequel, les dimensions politiques et de défense sont importantes. Cette certification vise aussi la sécurisation de l’approvisionnement, mais aussi comprend la conception et fabrication des équipements, des pièces de rechange, et des accessoires, avec leur réparation et leur maintenance.
Cette certification concerne les entreprises dans le cas où elles vont l’imposer à leurs fournisseurs, mais aussi et surtout les fournisseurs et sous-traitants de rang 1 ou 2, pour leur évaluation et certification au niveau politique et légal. Car, bien qu’un secteur porteur, l’aéronautique est soumis à de nombreuses contraintes législatives par criticité politique et sécuritaire.
61 http://www.cyberpro.fr/actu_propriete_industrielle_chine_realite_mirage_vincent_louyat.html, dernière connexion le 24.04.2010, propos d’Abel Smati, PDG d’ ADEQUATEC-SHINRYOKU Technologies, dans l’article de Vincent Louyat, Propriété industrielle en Chine : réalité ou mirage ? du 01.12.2005.
Simultanément, la certification de l’IAQJ, permet d’être référencé dans la base de données mondiale des fournisseurs de l’industrie aéronautique et spatiale : OASIS : On line Aerospace Supplier Information System, qui n’est autre qu’un concurrent du Nat Log Exchange. Cette certification n’est pas obligatoire, mais l’ISO 9001 l’est pour le domaine de l’aéronautique dans sa version 2000 au minimum. Toutefois, les spécificités de cette certification suivent celles de la sélection des grandes entreprises de l’aéronautique type Airbus et Boeing, et Dassault.
La politique revient à grands galops dans la sélection des fournisseurs, pour au moins avoir un œil sur les fournisseurs de cette industrie. Et par conséquent, le DRIRE : Directions Régionales de l’Industrie et la Recherche, et de l’Environnement, offre des formations pour obtenir la capacité d’être promut à l’état de fournisseur ou sous-traitant de l’industrie aéronautique, via les normes DO 178 et 254 liées à la sécurisation de l’aviation civile, et la criticité du secteur aéronautique, tant dans les données que dans la qualité.
C’est une sécurisation tant dans la protection des données mais aussi dans la qualité des processus, pour une qualité garantie au consommateur final. Les normes sont données par des autorités nationales, pour une question de sécurité et d’intégrité.
Il est étonnant de remarquer que la plupart des démarches de certification, en visant la qualité et la sécurité, s’engagent aussi sur la notion de protection des données, prouvant de ce fait, la criticité de l’intelligence économique dans le secteur. Ainsi, la centralisation des achats, se révèle être en même temps un atout de gestion, mais aussi un porte-à-faux pour la protection du « know-how » de l’entreprise.
De ce fait, EADS, via son service de corporate sourcing, qui est la fonction support du sourcing au sein d’EADS, a mis en place un système IPMS : Intelligence Property Management System. Ce système sert à archiver les différents brevets déposés par EADS, ou ses divisions, mais aussi à déposer les nouvelles découvertes, ainsi qu’à assurer une veille de toute atteinte et contrefaçon au brevets déposés.
La difficulté dans le dépôt de brevets, est surtout le coût et la complexité administrative. D’autant plus qu’il est attendu que les brevets soient déposés dans chaque pays pour une validité territoriale. Par conséquent, avec l’internationalisation d’une entreprise, le coût des dépôts de brevets peut vite atteindre un montant qui se révèle peu intéressant par l’entreprise par rapport à la création d’un partenariat de confiance.
Ainsi, les risques sont évalués, et les partages de connaissances font l’objet de négociations, avant la mise en place d’une chaîne d’assemblage locale, pour EC 120 (Eurocopter) ou de l’A320 par exemple. Les risques sont mesurés dans le sens où ce sont des appareils en amortissements, et déjà presque obsolètes. Mais il ne faut pas oublier que le but premier des pays accueillant l’offshoring, et obligeant à compensations, est de rattraper le retard technologique, en promouvant l’apprentissage via des entreprises étrangères, et le dépôt de brevets in situ.
Ainsi, les entreprises étrangères remplissent leur quota d’off setting, et usent des ressources locales : matières et main-d’œuvre, en donnent en contrepartie les connaissances et l’apprentissage technologique au pays. Seule cette configuration, permet une relation durable 62, à condition que le pays d’accueil mette en place une protection des savoirs, et réprimande la contrefaçon, afin de ne pas faire fuir les entreprises, et de leur donner envie de s’engager dans l’implantation de technologies plus avancées.
Le cas de la Chine est un peu à part, du fait de la construction de sa propre force aéronautique : AVIC (Aviation Industries of China) et COMAC (COMmercial Aircraft Corporation of China, ou CACC), et du pouvoir et de la vitesse à laquelle les produits sont contrefaits. La volonté de la Chine d’en finir avec son image « d’usine du monde », et de devenir une force mondiale à part entière, vient contrecarrer les plans du duopole aéronautique : Boeing et EADS, entraînant par conséquent une certaine frilosité quant au partage des connaissances.
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2 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001. ↑
3 Auchan Les 4 Temps, La Défense. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les défis de l’internationalisation des achats dans l’industrie aéronautique ?
Les défis incluent la protection de la propriété industrielle et du savoir-faire, ainsi que les risques liés au sourcing et à l’offshoring.
Pourquoi la centralisation des achats est-elle importante dans l’aéronautique ?
La centralisation des achats est essentielle pour gérer les risques liés à l’externalisation et pour assurer la qualité des pièces et sous-ensembles.
Comment les contraintes géopolitiques influencent-elles l’internationalisation des achats aéronautiques ?
Les contraintes géopolitiques imposent des choix d’externalisation et de sourcing, rendant les entreprises plus prudentes dans leurs décisions d’internationalisation.