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Comment surmonter les défis de la fiction historique ?

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🏫 Université 8 Mai 1945 Guelma - Faculté des Lettres et des Langues - Département des Lettres et de la Langue Française
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2019/2020
🎓 Auteur·trice·s
KHELAIFIA Bahe-eddine
KHELAIFIA Bahe-eddine

Les défis de la fiction historique révèlent comment Alice Zeniter, dans « L’Art de Perdre », utilise la narration pour combler les lacunes de l’histoire algérienne. Cette étude met en lumière des perspectives inédites sur l’identité et la mémoire, transformant notre compréhension des événements passés.


Les pieds-noirs :

« _Je croyais que ça arrêterait de me manquer au bout d’un moment. Mais non, tous les jours, toutes ces années, j’ai continué à penser au pays. Il n’y avait rien à faire. Ici, ils n’ont jamais compris les pieds-noirs. «Qu’ils aillent se réadapter ailleurs. » Tu parles d’un accueil. La seule chose qui leur faisait plus peur que nous, c’était vous, les Bougnoules. Pays de cons. »102 Réadapter, pieds-noirs et Bougnoules, nous n’avons qu’à penser à la question identitaire.

Bien loin d’être un travail sur l’identité et ses enjeux, notre projet restera consacré au roman historique entre fictions et réalité. Cependant, la littérature est parfaitement accueillante pour tous les domaines sociaux, c’est pourquoi les opprimés et les minorités, afin de contourner l’oubli de l’Histoire, laissent leurs voix se retracer dans des récits pérennisés.

Ainsi Alice Zeniter, profitant du fait des savoirs lacunaires sur ce sujet, reproduit un passé fragmenté des pieds-noirs à partir des ressentiments des personnages, en dévoilant l’intériorité de ceux-ci, les effets d’exil apparaissent clairement sur leurs vies et dépeignent une expérience vague d’une minorité pendue entre deux sociétés.

En effet, le personnage d’Annie qui, après des années vécues en France, éprouve la nostalgie pour un pays perdu, elle est restée hypnotisée et prisonnière lointainement d’une Algérie du souvenir : « _mais tu te souviens à quel point c’était beau. »103

Alice Zeniter transfigure les sentiments et les effets d’exils dans le récit à une réalité sociale, celle qu’il y a toujours une nostalgie et un embellissement d’un pays perdu dans le cas d’une inadaptabilité quasi certaine lié à un rapatriement brutal et brusque tel que le cas des pieds- noirs104.

L’un des traits marquant et charmeur dans l’œuvre d’Alice Zeniter, c’est la grande permutabilité entre le réel et la fiction. De ce fait, on trouve toujours que l’un consolide l’autre et tempère la monotonie du réel ou l’exagération de la fiction ; Annie nous fournit un exemple aussi clair de ce processus : « Elle s’émerveille de la révolution agraire qu’il a vu arriver chez lui dans une mince enveloppe brune et qui lui a valu sa dernière gifle. Elle s’applique à dire

Lakhdaria chaque fois que le nom de Palestro, débaptisé depuis leur départ, lui monte aux lèvres. » 105

L’auteure s’attache à lier les ambitions d’Annie, ses pensées et ses paroles au contexte historique et à une image rétrospective de l’Algérie, de telle sorte que l’historicité affleure au sein la fiction.

Contrairement à Annie, pour Claude, l’auteure n’avait pas besoin de procéder aux flash- back de l’Algérie coloniale pour doter une qualité admissible au récit ; il est toujours en actualité, il vit son présent, Claude est une fenêtre qui donne sur le monde des pieds-noirs :

« Il aime raconter qu’il a vu la métropole pour la première fois à l’occasion de l’opération Dragoon. C’est un petit mensonge, mais cela lui permet d’insister sur l’important : il se considère comme algérien.

Claude tient une épicerie à Palestro et quand il a compris qu’Ali était dans le commerce de l’olive il lui a demandé d’apporter sa production, pour gouter. »106

Alice Zeniter fait remarquer la cohabitation et la vie harmonieuse partagées par les arabes et les pieds-noirs, ainsi la bonne volonté de Claude pour l’intégration est le résultat d’un long voisinage, une chose dans la vie humaine pas moins réel que l’opération Dragoon.

Cependant, s’identifiant à la société coloniale, Claude ne parvient pas à se délester de la méfiance tenace entre les deux sociétés :

« L’affection du commerçant pour Hamid ne parvient pas à briser l’un des interdits tacites de la société coloniale : la séparation du domaine public et du domaine privé. C’est toujours dans l’épicerie que l’on accueille le petit garçon et son père, jamais dans l’appartement au-dessus, ou bien juste le temps qu’Annie monte y chercher un jouet. »107

En vue de ranimer cette vie antérieure et lui octroyer une nouvelle existence, Alice Zeniter a tâché d’opérer une identification, une singularisation et une incarnation d’un mode de vie d’une société jugée minoritaire.

Le contact entre les deux sociétés s’esquisse scrupuleusement en pointant les répercussions du colonialisme sur les relations humaines, afin d’introduire et entremêler l’histoire de cette dernière avec l’histoire reconnue officielle.

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102 Alice Zeniter, L’Art de Perdre, op.cit, p. 418.

103 Ibid, p. 421.

104 Ewa Tartakowsky, la littérature des écrivains juifs du Maghreb au prisme de l’historiographie, in OpenEdition, en ligne https://journals.openedition.org/babel/4944 (consulté le 27/04/2020 à 02:30h)

105 Alice Zeniter, L’Art de Perdre, op.cit, p. 420.

106 Ibid, p. 51.

107 Ibid, p. 64.


Questions Fréquemment Posées

Comment Alice Zeniter aborde-t-elle la question identitaire dans ‘L’Art de Perdre’?

Alice Zeniter reproduit un passé fragmenté des pieds-noirs à partir des ressentiments des personnages, en dévoilant l’intériorité de ceux-ci et les effets d’exil sur leurs vies.

Quelle est la relation entre fiction et histoire dans le roman d’Alice Zeniter?

L’auteure utilise la fiction pour combler les lacunes historiques et offrir une perspective alternative sur les événements, liant les ambitions des personnages au contexte historique.

Quels défis la fiction historique présente-t-elle selon l’article?

L’article souligne que la grande permutabilité entre le réel et la fiction est un défi, où l’un consolide l’autre et tempère la monotonie du réel ou l’exagération de la fiction.

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